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7. Discussion

7.3. Trajectoires de service

De façon générale, l’analyse des trajectoires de services dans le réseau de traumatologie québécois confirme que les transferts sont faits vers les centres de plus haut niveau, comme prévu, avec 19 % de la clientèle réorientée à partir du centre d’origine. Bien que la portée des données présentées soit partielle pour les jeunes traités hors du réseau de traumatologie, 1 116 jeunes traumatisés

provenant d’installations non désignées ont été transférés dans les installations désignées en traumatologie. Les délais de transfert documentés entre les installations du réseau de traumatologie sont, dans l’ensemble, comparables à

ceux observés chez les adultes (4 heures), ce qui témoigne de la diligence avec laquelle les équipes de soins évaluent les blessures et déterminent les

interventions nécessaires, y compris, au besoin, la réorientation du jeune traumatisé. Les délais occasionnés par le transport aérien font l'objet de préoccupations chez les experts consultés et ils devraient être examinés plus attentivement.

La provenance et le volume de la clientèle traitée dans les trois centres tertiaires reflètent les régions desservies et les corridors de services établis par les ententes et directives ministérielles. Pour les 5 années de référence, le CHU SJ a admis 2 722 jeunes dont 49 % (n = 1 342) proviennent d'un transfert en provenance d’installations de partout à travers le Québec. Il appert que ce centre a été désigné pour recevoir certaines clientèles (victimes de brûlures graves [VBG], TCCMG, BM et les cas de traumatismes complexes chez les moins de 14 ans) de plusieurs régions de l’Est-du-Québec en plus d’être associé aux régions desservies par le Réseau universitaire intégré de santé de l’Université de Montréal. L’HME a admis pour sa part 1 558 jeunes dont 36 % (n = 567) lui ont été transférés,

majoritairement en provenance de la Montérégie, des régions du Grand Nord et de Montréal. L’HEJ, pour sa part, a admis 273 jeunes dont 44 % (n = 121) lui ont été transférés, principalement par des installations de la région de la

Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches. Rappelons que l’HEJ a l’obligation de stabiliser la clientèle avant de l’orienter vers le Centre mère-enfant Soleil ou le CHU SJ. L’application de l’addenda ministériel a entraîné, pour les installations de l’Est-du-Québec, une augmentation du nombre de transferts en provenance de ces régions vers le CHU SJ, qui sont passés de 21 à 33 cas pendant la période visée. Des délais de transfert au-delà de neuf heures ont été recensés pour la clientèle traumatisée majeure de ces régions ainsi que quelques transferts

multiples avant l’arrivée au CHU SJ. Les données indiquent que certaines régions de l’Est-du-Québec respectent de façon variable les corridors établis selon

l’addenda ministériel. Des installations contournent en effet la consigne de transfert à l’HEJ pour fin d’évaluation et orientent les traumatisés directement au CHU SJ ou, pour d’autres, les dirigent vers l’HEJ au lieu de les transférer

directement au CHU SJ comme prévu. Les diagnostics de brûlure représentent le type de blessure dont l’orientation respecte le moins les corridors établis. Pour certaines régions du Québec, des corridors n’ont pas été définis clairement pour la clientèle gravement blessée. L’HEJ et le Centre mère-enfant Soleil ont procédé au transfert de 23 jeunes vers les centres tertiaires pédiatriques de Montréal.

La durée du séjour dans les trois centres tertiaires est très courte (médiane = 2 jours), tout comme la durée du séjour aux soins intensifs (médiane = 1,8 jour), lorsque requis. Plus des trois quarts des jeunes admis dans les centres tertiaires pédiatriques montréalais sont, après leur hospitalisation, dirigés vers leur clinique ambulatoire. Le suivi de certains traumatismes majeurs semble également être assuré sur une base externe. Seuls les traumatismes majeurs nécessitant des services spécialisés de réadaptation sont orientés vers les installations de

deuxièmeligne pour une réadaptation en interne (moins de 5 %). Le mandat de réadaptation limité à la phase précoce dans les centres tertiaires adultes semblent être élargi à la réintégration sociale pour les installations desservant les

traumatisés pédiatriques, ce qui constitue une divergence par rapport à la

hiérarchisation des services initialement prévue par le Continuum de services en traumatologie.

Consultés pour commenter les trajectoires de services, les centres tertiaires pédiatriques montréalais et l’HEJ précisent que les mécanismes et les ententes établis facilitent le transfert de l’information et assurent la continuité des services entre les installations du réseau de traumatologie. Une grande collaboration et une communication efficace entre les acteurs (médecins et personnel infirmier) sont constatées dans la majorité des cas de transfert. Le CHU SJ note cependant le transfert tardif de patients présentant des traumatismes majeurs vers les trois centres tertiaires. À cet égard, il est bon de rappeler que la prise en charge de la clientèle pédiatrique diffère de celle de la clientèle adulte et que la littérature démontre un taux plus élevé de splénectomie et d’angio-embolisation en centres adultes qu’en centres pédiatriques [AAP, 2016; Polites et al., 2015; Stylianos et al., 2006; Stylianos, 2000]. L’usage ou le dosage de la médication, le contrôle de la douleur et le dépistage de la maltraitance sont d’autres exemples pour lesquels une approche particulière doit être utilisée [AAP, 2016]. Rappelons que,

particulièrement chez la clientèle pédiatrique, un traumatisme majeur peut entraîner des séquelles qui subsistent à long terme et compromettre ainsi le processus normal de développement [CDC, 2015; Anderson et al., 2012; Gerrard-Morris et al., 2010; Taylor et al., 2008; Anderson et al., 2006]. La collaboration active des membres de la famille aux soins prodigués à l'enfant, un environnement et des activités adaptées à son profil d’âge, y inclus la poursuite de la scolarité pour les matières de base, sont quelques exemples de pratiques exemplaires qui justifient le recours à des installations et des équipes spécialisées en pédiatrie [AAP, 2016; ACSCOT, 2014; Cole et al., 2009].