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3.2 Le d´etecteur ATLAS

3.2.1 Le trajectographe

Le trajectographe permet la reconstitution non intrusive des trajectoires des particules charg´ees, ainsi que la reconstruction des vertex d’interactions. Il est plac´e `a l’int´erieur d’un sol´eno¨ıde fournissant un champ magn´etique de 2 T induisant une courbure des trajectoires dans le plan transverse afin de mesurer l’impulsion des particules visibles. Il est compos´e de trois sous-syst`emes, adoptant tous la forme de tonneaux imbriqu´es dans la r´egion centrale, compl´et´es par des disques `a l’avant pour compl´eter la couverture de l’angle solide jusqu’`a |η| = 2.5. L’en-semble constitue un cylindre de 6.2 m de longueur et 1.2 m de rayon. La figure 3.4 pr´esente la disposition g´en´erale des diff´erentes couches de d´etecteurs.

D´etecteur `a pixels

Ce d´etecteur est positionn´e au plus pr`es des faisceaux, `a un distance radiale comprise entre 5 et 15 cm. Cette proximit´e, associ´ee `a une excellente r´esolution spatiale, est n´ecessaire pour assu-rer une reconstruction pr´ecise des vertex dans les conditions nominales de collisions (plusieurs dizaines d’interactions proton-proton simultan´ees). En particulier, la reconstruction des vertex d´eplac´es est un ingr´edient fondamental de l’identification des jets initi´es par des quarks b. Il est compos´e de 3 couches de semi-conducteurs (diodes de silicium polaris´ees en inverse) sous forme de pixels individuels de taille 50 × 400 µm, et d’´epaisseur 250 µm, ayant n´ecessit´e un d´eveloppement pouss´e pour pouvoir r´esister `a l’irradiation intense. Les jonctions sont de type n+np (figure 3.5), afin de conserver un pixel fonctionnel apr`es la transition n → p sous l’effet des radiations, la d´egradation ´etant compens´ee par une augmentation de la tension de biais (150 V initialement, puis rehauss´e jusqu’`a 600 V). Cette configuration requiert une lithographie sur les deux faces de la plaque de silicium. Par ailleurs, l’utilisation de silicium oxyd´e permet ´egalement de r´eduire l’impact des radiations (abaissement de la tension de biais). Malgr´e cette technologie avanc´ee, la dur´ee de vie du d´etecteur `a pixels n’est que de quelques ann´ees. Les pixels sont

Figure3.5 – Sch´emas des capteurs `a semi-conducteur utilis´es dans le d´etecteur `a pixels (gauche) et le SCT (droite). La structure plus complexe des pixels permet une r´esistance accrue aux radiations, l’op´eration restant possible lorsque la matrice dop´ee n se convertit progressivement en dopage p.

regroup´es avec leur alimentation et l’´electronique de lecture (composants CMOS de standard industriel) en 1744 modules comportant chacun 46080 canaux. Afin d’assurer une couverture compl`ete, les modules se recouvrent partiellement, ´etant mont´es avec un angle d’inclinaison de 20˚par rapport `a la normale au rayon ; cette valeur est ´egalement li´ee `a l’angle de d´erive des porteurs dans le silicium en pr´esence du champ magn´etique. Le d´etecteur comprend un total de 80.4 millions de pixels, ce qui repr´esente la majorit´e des canaux de lecture d’ATLAS. Apr`es installation, seuls 0.3% des pixels ´etaient d´efectueux. Ce nombre est pass´e `a pr`es de 5% [120] au bout de trois ann´ees d’exploitation, les principales raisons de perte des modules ´etant la d´efaillance des transmetteurs optiques, la rupture de l’alimentation en haute tension ainsi que la perte du signal d’horloge. L’efficacit´e d’acquisition des donn´ees du d´etecteur `a pixels est de 99.9% pour l’ann´ee 2012 [121].

D´etecteur `a pistes (SCT)

Il compl`ete le d´etecteur `a pixels et a pour but principal la mesure pr´ecise de l’impulsion des traces. Il est constitu´e de quatre doubles couches cylindriques de semi-conducteurs, compl´et´ees par neuf disques de part et d’autres. L’ensemble occupe une portion du d´etecteur comprise entre des rayons de 30 et 56 cm. Chaque couche est divis´ee en fines bandes de 80 µm de largeur, pour une longueur de 6 cm et une ´epaisseur de 285 µm. Les deux composantes de la double couche sont orient´ees avec un angle diff´erentiel de 40mrad, de mani`ere `a former artificiellement des pixels d’une hauteur d’environ 2 mm. Cette architecture permet de disposer d’une pr´ecision similaire au d´etecteur `a pixels, mais avec un nombre de canaux bien plus r´eduit : le SCT couvrant une surface active de pr`es de 63 m2, ceci repr´esenterait plusieurs centaines de millions de pixels. La disposition en bande limite ce nombre `a 6.3 millions de canaux, r´epartis en 4088 modules de 2 × 768 pistes. La conception des capteurs (figure 3.5) est d’ailleurs plus simple (jonctions pn, lithographie mono-face) que pour le d´etecteur `a pixels, qui doit subir un flux de radiation bien plus important mais couvre une surface plus r´eduite. Les modules sont mont´es avec une inclinaison de 11˚, pour les mˆemes raisons que le d´etecteur `a pixels. Les deux d´etecteurs sont plong´es dans une atmosph`ere neutre d’azote, et sont maintenus `a une temp´erature d’environ −7˚C, assur´ee par la circulation de fluides r´efrig´erants (C3F8). La puissance de refroidissement totale du trajectographe est de 85 kW.

Le nombre de canaux d´efectueux `a la mise en service du SCT ´etait de 0.2%, et inf´erieur `

a 1% sur l’ensemble de la p´eriode de prise de donn´ees [120] (perte et remplacement de trans-metteurs optiques). L’efficacit´e de l’acquisition des donn´ees en 2012 s’´elevait `a 99.1% [121], la fraction perdue ´etant principalement due [122] `a la saturation de l’´electronique de lecture en cas d’´ev´enements r´ep´et´es avec une p´eriode trop courte (le taux d’occupation du d´etecteur ´etant plus important qu’attendu), ainsi que d’un courant de fuite apparaissant dans certains modules.

D´etecteur `a rayonnement de transition (TRT)

Il s’agit de la partie externe du trajectographe et celle occupant le plus grand volume, entre des rayons de 55 cm et 1.1 m. Son rˆole est de fournir un grand nombre de points de mesure d’une trajectoire afin d’aider `a les identifier, ainsi que de reconstruire les traces de particules produites avec un certain retard et ayant donc laiss´e peu ou pas de signaux dans les couches de pr´ecision, par exemple un ´electron issu de la conversion d’un photon. Il est constitu´e d’un grand nombre de chambres `a d´erive dispos´ees longitudinalement dans la r´egion centrale (segment´ee en deux parties `a η = 0), et radialement dans les bouchons (|η| > 1.0). Les chambres se pr´esentent sous forme de pailles de polyimide de 4 mm de diam`etre, et d’une longueur respective de 144 ou 37 cm dans la r´egion centrale ou les bouchons. La r´esolution polaire est donc tr`es mauvaise. Elles sont dispos´ees dans une structure de support en fibres de carbone constitu´ee dans la r´egion centrale de trois anneaux concentriques divis´es en 32 modules triangulaires, et de 20 roues de part et d’autre. Cet arrangement comporte 73 couches de pailles dans la r´egion centrale, et 160 couches dans les bouchons, correspondant `a un nombre total de pailles de respectivement 52544 et 122880. Comme il existe un d´ecalage angulaire entre les couches, le nombre de pailles effectivement travers´ees par une particule est moindre. Toutefois, il est toujours au moins ´egal `a 36, `a part dans la r´egion de transition 0.8 < |η| < 1.0 o`u il est r´eduit `a 22. Les chambres sont op´er´ees sous une tension de d´erive de 1530 V, appliqu´ee entre une cathode d’aluminium incorpor´ee dans la paroi du tube (film de 0.2 µm d’´epaisseur) et une anode form´ee d’un fil de tungst`ene dor´e de 31 µm de diam`etre. Elles sont remplies d’un m´elange de x´enon (70%), de dioxyde de carbone (27%) et d’oxyg`ene (3%). Cette combinaison permet une amplification des charges d’ionisation par un facteur 25000. Des fibres de polypropyl`ene de 19 µm de diam`etre (remplac´ees par des feuilles dans les bouchons) sont intercal´ees entre les pailles afin d’ajouter une capacit´e d’identification des particules au TRT : le changement de constante di´electrique entre les diff´erents milieux travers´es par une particule charg´ee provoque sporadiquement l’´emission d’un rayonnement dur (photon X) absorb´e par le x´enon et r´esultant en un signal plus important. L’´electronique de lecture des tubes est capable de discerner les deux types de signaux. Comme la probabilit´e d’´emission d’un tel rayonnement d´ecroˆıt fortement avec la masse de la particule, la fraction du nombre de points de la trace d´etect´es avec le seuil haut permet ainsi de discriminer les ´electrons d’autres particules plus lourdes (voir au chapitre suivant, des d´etails sur l’identification des ´electrons). Les pailles sont plong´ees dans une atmosph`ere de dioxyde de carbone, qui a pour triple rˆole d’´eviter les d´echarges ´electriques, de transmettre la chaleur `a la structure de support dans laquelle circule un fluide r´efrig´erant (le TRT est maintenu `a temp´erature ambiante), et d’´eviter l’accumulation de x´enon hors des pailles (suite `a des fuites) qui absorberait les rayonnements de transition en-dehors des pailles et neutraliserait ainsi les capacit´es d’identification.

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A l’issue de l’assemblage, le nombre de canaux non op´erationnels du TRT s’´elevait `a pr`es de 2% dans le tonneau, et 1.6% dans les bouchons. Apr`es la p´eriode d’exploitation 2010-2012, ce nombre est pass´e `a 2.5% [120] (dont 1% avec un probl`eme m´ecanique, 1.5% ´electronique). L’efficacit´e d’acquisition des donn´ees est ´egalement tr`es ´elev´ee, atteignant 99.8% [121]. Un des probl`emes principaux rencontr´es dans la mise en œuvre du TRT est la pr´esence de fuites de gaz plus importantes que pr´evues. S’il s’av`ere impossible d’y rem´edier durant l’arrˆet technique 2013-2015, le x´enon entrant dans la composition du m´elange devra pour des raisons de coˆut ˆetre remplac´e par de l’argon, Ceci serait sans cons´equence sur la qualit´e de la trajectographie, mais r´esulterait en une perte totale des capacit´es de d´etection des rayonnements de transition.

Performances

Une trace de qualit´e optimale est associ´ee, dans la r´egion centrale, `a 3 points de mesure dans le d´etecteur `a pixels, 4 points dans le SCT, et une trentaine de points dans le TRT. La pr´ecision azimutale et longitudinale sur le point d’impact d’une trace sur une couche est de 10 × 115 µm dans les pixels, 17 × 580 µm dans le SCT, et 130 µm dans le TRT (pour une paille isol´ee). La

Figure 3.6 – R´esolution sur la position du vertex primaire pour les coordonn´ees azimutales (gauche) et longitudinale (droite), mesur´ee dans des collisions proton-proton `a √

s = 7 TeV. Source [123].

Figure 3.7 – R´esolution du trajectographe sur la mesure de l’impulsion de traces de muons, d´etermin´ee `a l’aide d’´ev´enements Z → µµ `a s = 7 TeV, dans la r´egion |η| < 1.05 (gauche) et 1.7 < |η| < 2.0 (droite). La r´esolution se d´egrade rapidement `a haute impulsion (5 `a 15% pour pT = 100 GeV). Source [124].

reconstruction de traces est initi´ee par la cr´eation d’amas (groupes de pixels adjacents activ´es) dans les couches de silicium. Des prototypes de traces sont constitu´es par les amas du d´etecteur `a pixels et de la premi`ere couche du SCT, puis ´etendus `a l’ensemble du SCT et ajust´es avec la forme analytique d’une trajectoire relativiste. Ces prototypes pixels+SCT sont filtr´es par des crit`eres de qualit´e (limites sur le nombre de trous, d’amas partag´es avec d’autres traces), puis ´etendus au TRT. L’ajustement de l’ensemble des points du trajectographe associ´es `a la trace est alors compar´e au prototype pixels+SCT. Si la qualit´e est moindre, les points responsables sont retir´es de l’ajustement (mais conserv´es dans la liste de points associ´es `a la trace). Apr`es l’application de cette proc´edure, les segments de points dans le TRT n’ayant pas ´et´e utilis´es servent de base `a la constitution de traces suppl´ementaires, contenant ´eventuellement quelques points des couches internes. Une fois l’ensemble des traces constitu´e, les algorithmes d’identification des vertex primaires sont appliqu´es. Ils sont suivis par la localisation des vertex secondaires (vertex

Figure3.8 – Gauche : disposition des diff´erents sous-syst`emes de calorim´etrie d’ATLAS. Droite : quantit´e de mati`ere dans le d´etecteur, en termes de longueur d’interaction de pions, en amont des calorim`etres et dans les diff´erents sous-syst`emes.

d´eplac´es de hadrons de saveur lourde, conversions de photons, d´esint´egrations de leptons τ ). L’efficacit´e de reconstruction d’un vertex primaire est de l’ordre de 99% dans des ´ev´enements Z → ℓ+, et ∼ 100% dans des ´ev´enements t¯t impliquant plus d’objets dans l’´etat final. La figure 3.7 pr´esente la r´esolution atteinte sur la position des vertex, param`etre crucial pour l’identification des jets de saveur b, ou pour l’emploi du param`etre d’impact des traces comme variable discriminante. Elle est de l’ordre de quelques dizaines de microm`etres dans le plan transverse. La figure 3.7 montre un autre param`etre important, la r´esolution de l’impulsion des traces mesur´ee dans le trajectographe `a l’aide de muons dans des ´ev´enements Z → µ+µ. Elle est param´etr´ee grossi`erement par :

σ(pT) pT = pT  a pT ⊕ b  (3.1) avec un terme constant b dominant au-del`a de 40 GeV, et compris entre 0.05 et 0.15%. Ceci correspond par exemple `a une incertitude de l’ordre de 10% pour des particules avec pT = 100 GeV. A titre de comparaison, le terme constant du trajectographe de CMS est pr`es de trois fois plus faible, grˆace `a un d´etecteur enti`erement constitu´e de pixels et pistes, et un champ magn´etique d’intensit´e double.