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Les traitements hormonaux de la ménopause (THM) et la dépression

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4 Rôle des hormones dans la dépression chez la femme

4.5 Les traitements hormonaux de la ménopause (THM) et la dépression

4.5.1 Les traitements de la ménopause

Lors du passage à la ménopause, les fluctuations puis la forte diminution des taux d’estrogènes circulants favorise l’apparition de troubles climatériques (bouffées de chaleur le plus fréquemment, sécheresse et atrophie vaginale, troubles urinaires, etc.) et le développement de l’ostéoporose. Le THM vise à compenser la baisse des taux d’hormones circulants par l’administration d’hormones exogènes, notamment l’estrogène. Leur efficacité a été démontrée principalement concernant les effets secondaires de la ménopause (189). Les premiers THM voient le jour au début des années 1940 et sont alors des estrogènes dérivés de l’urine de jument gravides (les estrogènes conjugués équins). A partir de 1975 a été mise en évidence une augmentation du risque du cancer de l’endomètre chez les femmes utilisant des estrogènes seuls (190, 191) par rapport aux non-utilisatrices. Ce risque était cependant moins important lorsque les estrogènes étaient combinés à une dose adéquate de progestatif (192). Le traitement combiné représente ainsi le traitement de référence chez les femmes non-hystérectomisées.

En revanche, comparées aux estrogènes seuls, les associations estro-progestatives ont été associées à une augmentation plus marquée de risque de cancer du sein (193, 194). Ainsi, chez les femmes hystérectomisées qui ne sont plus sujettes au cancer de l’endomètre, les traitements à base d’estrogènes seuls sont de préférence prescrits.

Molécules et voie d’administration des THM

Il existe une grande diversité de THM selon le type de molécules utilisées, leur dose et la voie d’administration des estrogènes. Estrogène(s) et progestatifs sont administrés soit séparément, soit sous forme d’une préparation qui les combine directement (« préparation fixe »). Les

estrogènes conjugués équins, l’estradiol, les estrogènes conjugués équins, l’estriol sont les estrogènes les plus utilisés dans les préparations.

Ils peuvent être administrés par voie orale, vaginale, intramusculaire, nasale mais aussi par voie cutanée, ce qui entraine une diffusion lente des estrogènes et une plus grande stabilité des concentrations sanguines, comparé à ceux obtenus par voie orale. De plus, lorsque l’estradiol est administré par voie orale, le ratio des taux d’estrone et d’estradiol circulant sont de l’ordre de 5 à 7, quelle que soit la dose d’estradiol administrée (195). Or, l’administration par voie cutanée entraine un ralentissement de la conversion en estrone de sorte que le rapport des estrone/estradiol soit proche de 1, ce qui correspond au ratio physiologique observé en pré- ménopause (196).

Outre la progestérone naturelle, de nombreux progestatifs de synthèse ont été dérivés de la progestérone et de la testostérone. La dydrogestérone est l’isomère de la progestérone et est proche de sa structure chimique. Les dérivés de la progestérone sont les dérivés prégnanes et norprégnanes, ceux de la testostérone sont les estranes et les gonanes. La configuration stéréochimique de ces différents progestatifs de synthèse explique leur affinité relative pour le récepteur d’autres stéroïdes ; ils peuvent ainsi induire ou inhiber leur fonction. La tibolone constitue un THM à part, dans la mesure où il s’agit d’un progestatif qui a également une activité estrogénique et androgénique. Il n’est donc pas nécessaire de lui adjoindre un estrogène.

Prise des THM en France et dans le Monde

De manière générale, la prévalence d’utilisation des THM a fortement augmenté jusqu’aux années 2000-2002. En France, au cours de cette période, entre 20 et 25 % des femmes âgées de 40 à 65 ans prenaient un THM (197).

Les résultats de l’essai américain Women’s Health Initiative (WHI) en juillet 2002, puis ceux de l’étude observationnelle britannique la Million Women Study (MWS) en août 2003, ont permis de préciser les risques et les bénéfices des THM.

L’essai WHI estro-progestatif versus placebo a été mené sur 16608 femmes âgée de 50 à 79 ans, ménopausées et non hystérectomisées. Il avait pour objectif d’évaluer les effets de l’association continue d’estrogènes conjugués équins et d’acétate de médroxyprogestérone, traitement alors majoritairement utilisé aux Etats-Unis, sur la prévention des maladies cardio- vasculaires et des fractures du col du fémur, mais aussi sur le risque de cancer du sein et du côlon (193, 198). Au bout de 5,2 années de suivi, l’essai fut prématurément arrêté du fait

d’une augmentation du risque de cancer du sein, de pathologie coronarienne, d’accident vasculaire cérébral et de thrombose veineuse profonde.

L’enquête de cohorte prospective MWS a inclus plus d’un million de femmes âgées de 50 à 64 ans (194). Après 2,6 ans de suivi moyen, les résultats confirmaient une augmentation du risque de cancer du sein associé à la prise de THM d’autant plus élevé que la durée de prise était longue. Cette augmentation de risque était par ailleurs limité à la période d’utilisation des THM et était plus élevée chez les utilisatrices de traitements estro-progestatifs que chez celles utilisant des préparations à base d’estrogènes seuls.

Du fait de la médiatisation de ces résultats, après 2002, la mise sous THM de femmes nouvellement ménopausées a diminué d’environ 70 %. D’après les résultats obtenus par deux études prospectives (E3N et Gazel), avant 2002, environ 57 % des femmes nouvellement ménopausées étaient mises sous THM, tandis elles n’étaient plus que 19 % après 2002 (199).

4.5.2 Effet des traitements hormonaux de la ménopause (THM) vis-à-vis de la dépression

En 1997, une méta-analyse rassemblant 26 études (essais contrôlés randomisés ou études de cohorte prospectives) a montré qu’environ 76 % des femmes utilisant des THM présentaient des scores de dépression plus faibles que les non-utilisatrices, correspondant à une taille d’effet (TE) d’environ 0,7 (200). L’utilisation de traitements à base de progestatifs seuls ou d’estrogènes combinés à un progestatif était associée à une réduction plus modeste de ces scores (TE = 0,39 et 0,45 respectivement), comparée à l’utilisation d’estrogènes seuls (TE = 0,78) ou d’estrogènes combinés à un androgène (TE = 1,37). D’autre part, l’effet des THM apparaissait plus important lors de la transition ménopausique qu’en post-ménopause (TE de 1,81 vs. 0,90) et chez les femmes ayant connu une ménopause naturelle, que chez celles ayant connu une ménopause artificielle (TE de 1,52 vs. 0,77). Enfin, la taille d’effet liée à l’utilisation des THM était supérieure pour des durées de traitement supérieures à 8 mois. Cependant, la majorité des études incluses dans cette méta-analyse, ne renseignait pas le score de dépression ou les antécédents de dépression en début de suivi, et sont donc difficilement comparables.

Par la suite, moins que les traitements estro-progestatifs, c’est l’efficacité des traitements à base d’estrogènes seuls qui a été retrouvée, notamment chez des femmes dépressives et en péri-ménopause (201, 202). Chez des femmes dépressives, après administration de 50 µg de

17β-estradiol par voie transdermique pendant 3 semaines, Schmidt et al. ont décrit une amélioration de l’humeur chez 80 % des femmes, contre 22 % de celles recevant un placebo (201). Des résultats similaires ont été retrouvés par Soares et al. après administration de 100 µg de 17β-estradiol par voie transdermique pendant 12 semaines, avec une rémission de 68 % des femmes dépressives sous traitement contre 20 % des femmes prenant un placebo (202). Une autre étude ne retrouvait cependant pas l’effet d’un tel traitement chez les femmes indemnes de dépression en début de suivi (203).

En post-ménopause, les résultats des études demeurent cependant discordants. Si Whooley et al. retrouvaient une association transversale inverse entre l’utilisation en cours de traitement à base d’estrogène seul et les symptômes dépressifs (204), auprès de 57 femmes, âgées de 50 à 90 ans, et ménopausées depuis au moins 1 an, l’administration de 100 µg d’estradiol par voie transdermique n’était pas significativement associée à une diminution des symptômes dépressifs après 8 semaines de suivi (205). Au contraire, une récente étude a même mis en évidence une dégradation de la réponse au stress chez des femmes post-ménopausées âgées de 52 à 83 ans après l’administration d’estradiol de 1 mg/j pendant 1 mois, puis de 2mg/j pendant 2 mois (206). L’efficacité de ces traitements pourrait en outre dépendre de la voie d’administration de l’estrogène. Ainsi, chez des femmes ménopausées chirurgicalement, l’effet des estrogènes seuls administrés par voie orale pendant un an était supérieur à celui des estrogènes administrés par voie transdermique (207).

Concernant les effets des traitements estro-progestatifs, trois essais se sont particulièrement intéressés à l’administration d’estrogènes conjugués équins et d’acétate de médroxyprogestérone sur la qualité de vie. L’essai HERS (Heart and Estrogen/Progestin

Replacement Study) et l’essai WHI ont tous deux évalués la santé mentale à l’aide du score au

MHI-5 (5-items Mental Health Inventory) et la symptomatologie dépressive grâce l’échelle de Burnam (208) après 3 années de suivi.

Auprès de 2763 femmes ayant un antécédent de maladie coronarienne, l’essai HERS a montré que la prise de THM était associée à une réduction significative des symptômes dépressifs et une amélioration de la santé mentale, mais ce, uniquement chez les femmes ayant des bouffées de chaleur au cours de la semaine précédant l’entrée dans l’étude (209). Sur un plus large échantillon de 16608 femmes, l’essai WHI n’a cependant pas retrouvé de tels effets, y compris sur la sous-population des femmes souffrant de symptômes de la ménopause au début de l’étude (210). Les indicateurs utilisés dans ces études peuvent cependant être critiqués : la sensibilité de l’échelle de Burnam pour détecter les sujets dépressifs a été estimée à 74 % et sa

valeur prédictive positive (probabilité d’être dépressif alors que les symptômes sont significatifs sur l’échelle) est de 20% seulement (211).

Plus récemment, un essai mené chez 3721 femmes âgées de 50 à 69 ans, toutes post- ménopausées, montrait une amélioration de la qualité du sommeil et une réduction des symptômes de la ménopause après l’administration d’un traitement combiné à base d’estrogènes conjugués équins (0,625 mg) et d’acétate de médroxyprogestérone (2,5/5,0 mg). Cependant, ce traitement n’avait pas d’effet sur les symptômes dépressifs, mesurés grâce à l’échelle CES-D (212).

De récentes données longitudinales en post-ménopause suggèrent d’autre part que, comparées aux femmes n’ayant jamais utilisé de THM, les femmes ayant utilisé des traitements à base d’estrogènes combinés à un progestatif de synthèse par voie transdermique était associée à une augmentation du risque de dépression incidente (213).

Comme nous l’avons précisé précédemment au sein des cohortes françaises E3N et Gazel, l’initiation d’un THM a diminué d’environ 70 % après la publication des résultats de l’essai WHI en 2002 (199). Cependant, peu d’études ont permis d’évaluer l’effet de l’arrêt de ces traitements sur le risque de dépression. De manière intéressante, une étude a mis en évidence que cette baisse des prescriptions des THM était conjointe à l’augmentation de prescriptions d’antidépresseurs chez les femmes âgées de 40 ans et plus (214), suggérant ainsi un effet néfaste de l’arrêt des THM sur les troubles de l’humeur. Corroborant cette hypothèse, dans une étude prospective, Scali et al. ont d’autre part montré une augmentation du risque de nouveaux symptômes dépressifs chez les femmes ayant arrêté leur traitement précocement au cours du suivi (213).

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