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Mécanismes possibles

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PARTIE 5 : Corpulence au cours de la vie et dépression

4.1 Mécanismes possibles

Une forte corpulence au cours de l’enfance et de l’adolescence pourrait être un facteur de risque de dépression à long terme. Les mécanismes en jeu dans cette association sont cependant mal connus.

D’une part, les enfants ou adolescents souffrant de surpoids et d’obésité auraient plus de chances d’être victimes de moqueries, d’être insatisfaits de leur corps et d’avoir une piètre estime d’eux mêmes, ne remplissant pas les standards de minceur véhiculés dans la majeure partie des pays développés. Chez les jeunes filles en particulier, le culte de la minceur et l’insatisfaction corporelle qui en résulte pourrait expliquer à hauteur de 60 % le lien observé entre la corpulence et la dépression (341). De plus, l’obésité à un âge précoce pourrait être

associé, à certaines caractéristiques à l’âge adulte, favorisant le risque de dépression et de sa récurrence, tels qu’un niveau d’étude et un statut socio-économique plus faible, des relations maritales plus instables (261, 342).

Des facteurs de risques communs pourraient, d’autre part, expliquer l’association entre la corpulence à un âge précoce et les troubles dépressifs. Des facteurs environnementaux tels qu’un faible niveau d’activité physique ou un régime alimentaire de mauvaise qualité pourraient être associés, à la fois à une forte corpulence au cours de la vie, mais aussi à la dépression (329, 343). Certains gènes candidats de l’obésité ont d’ailleurs été associés aux préférences alimentaires, notamment pour des aliments sucrés et gras dont la consommation pourrait elle-même favoriser le risque de dépression (328, 329). L’influence des facteurs génétiques sur la prise de poids apparaissait justement plus importante au cours de l’enfance, jusqu’à l’âge de 11 ans (344), notamment chez les enfants ayant un régime alimentaire riche en graisses (345). Cette influence semblait ensuite diminuer avec l’avancée dans l’âge (344). Concernant les mécanismes biologiques, il a été montré qu’une augmentation de la corpulence au cours de l’adolescence était associée à l’insulino-résistance (346), elle-même facteur de risque de dépression (347). Enfin, l’exposition au stress ou à des apports nutritionnels inadéquat au cours des premières années de vie pourrait affecter le métabolisme du cortisol, impliqué dans la dépression et dans la corpulence de l’enfant (348).

4.2 Forces et limites de l’étude

Les forces de notre étude sont identiques à celles énoncées précédemment et incluent un large échantillon d’étude, l’utilisation d’une échelle validée pour le recueil de la symptomatologie dépressive et la possibilité de dissocier les cas de SDS selon la présence ou non d’antécédents de troubles psychologiques.

L’une des principales limites réside cependant en ce que nous aurions aimé pouvoir ajuster nos analyses sur les conditions socio-économiques des parents, les antécédents familiaux de dépression, ou les évènements stressants dans l’enfance, l’ensemble de ces facteurs étant fortement associé au risque de dépression et de surpoids.

Une étude de validation dans la cohorte E3N (273) a permis de montrer que les femmes ayant un IMC faible avaient plus tendance à surestimer leur corpulence sur l’échelle des silhouettes de Sørensen, tandis que les femmes ayant un IMC normal et les femmes en surpoids ou obèses avaient plus de chances de sous-estimer leur corpulence. De telles erreurs de classification auraient cependant eu pour conséquence de faire tendre nos associations vers le non significativité (OR=1).

Nous ne pouvons exclure dans notre étude l’existence d’un biais de mémoire différentiel. Etant donné que les silhouettes étaient auto-déclarées, elles traduisent en grande partie la perception que les femmes avaient de leur corps aux différents âges. Ainsi les femmes dépressives, ou ayant déjà connu un épisode dépressif au moment du remplissage du premier questionnaire avaient sans doute plus de chance de déclarer une silhouette désavantageuse. Comme l’ensemble des résultats obtenus dans le cadre de cette thèse, les résultats de notre étude doivent être interprétés avec prudence et ne peuvent être généralisés à l’ensemble de la population. Dans le cadre de la présente étude en particulier, la majeure partie des femmes incluses étaient adolescentes dans les années 1940-1950 et ont connu des conditions économiques et sanitaires différentes des générations actuelles. Les enfants nés au cours des dernières années ont sans doute bénéficié de meilleurs soins prénataux et post-nataux et ont été exposés à une offre alimentaire beaucoup plus riche ce qui pourrait modifier les associations que nous avons mises en évidence entre la corpulence aux âges précoces et le risque de SDS.

Notre étude a permis de distinguer l’association de la corpulence à différents âges avec le SDS isolés ou récurrents. Pour la première fois, l’association entre les SDS et la trajectoire de corpulence a été étudiée. Nos résultats suggèrent que la corpulence à la naissance, dans l’enfance ou l’adolescence pourrait avoir des effets à long terme sur la santé mentale.

Si ces observations sont retrouvées dans de futures études prospectives, cela pourrait appuyer la nécessité d’une meilleure prévention de l’obésité, notamment chez l’enfant et l’adolescent afin de prévenir la survenue ou la récurrence des symptômes dépressifs chez l’adulte.

CONCLUSION GENERALE

L’objectif de cette thèse était de rechercher les associations entre les facteurs hormonaux (endogènes et des THM), les facteurs anthropométriques, et le risque de symptômes dépressifs sévères chez la femme en post-ménopause. Facteurs hormonaux et anthropométriques sont en effet intimement liés puisque les facteurs reproductifs, la ménopause et la prise de THM ont une influence sur les facteurs anthropométriques et à l’inverse les facteurs anthropométriques peuvent influencer les concentrations hormonales, notamment parce que l’estrogène peut être produit dans le tissu adipeux.

L’étude E3N nous a permis d’étudier l’ensemble de ces relations avec une puissance statistique satisfaisante, étant donné le nombre élevé de participantes. La diversité des données recueillies (concernant la vie hormonale, l’utilisation des THM, le mode de vie ou encore l’état de santé) ainsi que la mise à jour régulière de ces informations nous a donné l’opportunité d’explorer le rôle de différentes caractéristiques hormonales et anthropométriques, en tenant compte de nombreux facteurs de confusion potentiels (sociodémographiques, cliniques ou médicaux). La prévalence d’utilisation des THM était élevée au sein de notre population d’étude et les détails recueillis sur leur utilisation tout au long du suivi de la cohorte nous ont permis de décrire avec précision l’association entre l’utilisation des THM et le risque de symptômes dépressifs sévères (SDS). Le recueil de caractéristiques anthropométrique dans l’enfance et dans les premières années de l’âge adulte, rarement disponible dans d’autres études, nous a d’autre part permis d’explorer l’association encore peu décrite entre la corpulence à un âge précoce et le risque de SDS à long terme. D’autre part, les différentes informations concernant la santé mentale des participantes nous ont permis de détailler ces associations de manière particulièrement originale, selon que les femmes avaient déjà déclaré ou non des troubles dépressifs.

Nos résultats doivent cependant être interprétés avec précaution, notamment lorsqu’il s’agit de les comparer à ceux d’autres études. Comme nous l’avons précédemment souligné, notre population est constituée de femmes post-ménopausées dont les caractéristiques sont particulières : en effet, les femmes participantes à l’étude E3N, comparées aux femmes de même âge en population générale et a fortiori les femmes incluses dans nos analyses, comparées aux femmes exclues, ont un niveau d’éducation supérieur, apparaissent avoir un mode de vie plus sain et avoir moins d’antécédents médicaux. Elles sont ainsi sans doute moins susceptibles de présenter des SDS au huitième questionnaire. Les associations

observées dans notre étude peuvent ainsi être différentes dans des populations plus jeunes, moins éduquées et moins bien suivies médicalement.

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