Monochimiothérapie
Les agents alkylants tels que le chlorambucil et le cyclophosphamide agissent en
établissant des liaisons covalentes avec l’ADN. Ceci aboutit, par la formation de ponts entre
les chaînes d’ADN qui ne peuvent donc plus être séparées, à l’inhibition de la réplication et de
la transcription des régions d’ADN concernées et par conséquent à la mort cellulaire par
apoptose.
Le chlorambucil est l’agent alkylant le plus largement utilisé en monothérapie, en
traitement de première ligne. Le taux de réponse varie de 60 à 70% mais les rémissions
complètes sont rares (Flinn, 1996), la rémission complète étant définie par la disparition des
signes cliniques et en particulier des signes généraux et la normalisation de l’hémogramme.
Les corticoïdes comme la prednisone sont fréquemment utilisés en association à la
chimiothérapie mais leur activité anti-tumorale n’a jamais été démontrée dans la LLC-B et un
traitement combinant chlorambucil et prednisone ne semble pas améliorer la survie par
rapport à un traitement avec du chlorambucil seul (Flinn, 1996).
Le cyclophosphamide est également utilisé mais essentiellement en association avec les
analogues des purines tels que la fludarabine.
Les analogues de purines
Les analogues de purines font partie d’une grande classe de médicaments anticancéreux
appelés métabolites qui, contrairement aux agents alkylants, agissent de manière spécifique
sur les cellules qui prolifèrent. Les analogues de purines interfèrent avec la synthèse des
acides nucléiques pendant la phase S du cycle cellulaire.
seconde ligne. Il s’agit d’un analogue de l’adénine qui inhibe l’adénosine désaminase.
L’apport des analogues des purines a modifié la prise en charge de la LLC-B.
Initialement indiqué comme traitement de seconde ligne ou en cas de résistance aux alkylants
(Johnson, 1996 ; Rai, 2000 ; Leporrier, 2001), la fludarabine est désormais, en association
avec le cyclophosphamide, le traitement de référence en première ligne.
Toutefois, dans certains cas, la fludarabine induit un déficit immunitaire T prolongé
avec une lymphopénie CD4 exposant ainsi les malades à des infections opportunistes ainsi
que des anémies hémolytiques auto-immunes.
Polychimiothérapie
Plusieurs associations de chimiothérapies de type "lymphome" constituées d'alkylants,
de corticoides et d'anthracyclines ont été évaluées dans la LLC-B lors d’essais thérapeutiques.
Plusieurs molécules peuvent être associées au cyclophosphamide :
- la vincristine qui est un poison du fuseau cellulaire : il s’agit d’un anti-mitotique capable
de bloquer ainsi la dynamique du fuseau mitotique le long duquel migrent les
chromosomes et d’arrêter les cellules en métaphase.
- la doxorubicine et l’adriamycine qui sont des anthracyclines : il s’agit de molécules
s’intercalant dans la double hélice d’ADN entre 2 bases adjacentes au niveau du complexe
formé entre l’ADN et la topoisomérase II, une enzyme provoquant des cassures doubles
brins provisoires au niveau de l’ADN. Ceci aboutit à la stabilisation des coupures
double-brins, au blocage des fonctions de l’enzyme et à la mort cellulaire.
- le cisplatine est un autre agent alkylant : c’est une molécule plane capable de se glisser
entre deux paires de bases d’ADN. La double hélice d’ADN est alors déformée, la
transcription et la réplication bloquées.
On parle alors de polychimiothérapie de type CVP (Cyclophosphamide / Vincristine /
Prednisone) ou CHOP (Cyclophosphamide / Adriamycine
(doxorubicine/hydroxydoxorubicine) / Vincristine (Oncovin) / Prednisone), qui est un
traitement de première ligne de référence, ou CAP (Cyclophosphamide / Adriamycine /
Prednisone). Toutefois, aucune de ces polychimiothérapies n’a montré sa supériorité au
chlorambucil (French Cooperative Group on Chronic Lymphocytic Leukemia, 1990 ; CLL
Trialists’ Collaborative Group, 1999).
cyclophosphamide par rapport à la fludarabine utilisée seule en terme de réponse complète et
globale.
Les anticorps monoclonaux
Anticorps anti-CD20
La molécule CD20 est une phosphoprotéine non-glycosylée qui fonctionne en tant que
canal calcique en formant des homo-oligomères et qui pourrait également être mise en jeu
dans la formation d’autres canaux ioniques (Lees, 1998). La molécule CD20 est un marqueur
spécifique des lymphocytes B. Elle est en effet exprimée du stade pré-B jusqu’au stade de
lymphocyte B mature et activé. Elle n’est cependant pas exprimée à la surface des cellules
souches hématopoïétiques, des cellules pro-B ni des plasmocytes. De plus, CD20 est présente
sur les cellules de la plupart des lymphomes B non-hodgkiniens (Kalil, 1999). Ce marqueur
constitue une cible thérapeutique idéale dans les lymphomes de type B car la reconstitution du
répertoire B n’est pas perturbée si on injecte l’anticorps anti-CD20.
L’anticorps monoclonal anti-CD20 humanisé (rituximab, Mabthera®) est un anticorps
monoclonal chimérique spécifique du CD20 humain. Cet anticorps est formé des régions
variables d’un anticorps murin anti-CD20 fusionné avec des fragments constants d’une chaîne
lourde humaine IgG-1 associés à une chaîne légère κ. La portion Fc de l’IgG humaine a été
sélectionnée pour sa capacité à fixer le complément et entraîner une cytotoxicité de type CDC
(Complement Dependent Cytotoxicity) en sus de sa reconnaissance par les récepteurs
Fc-gamma dans le cadre de l’ADCC (Antibody Dependent Cell Mediated Cytotoxicity).
Cet anticorps est très efficace dans le traitement des lymphomes folliculaires, mais
semble moins efficace dans le traitement des LLC-B. En effet, lorsqu’il est utilisé en
monothérapie, cet anticorps monoclonal ne permet d’obtenir que des taux de réponse modérés
avec des rémissions de courte durée chez des patients en rechute (Nguyen, 1999) ce qui
pourrait être expliqué par une expression moins importante de CD20 sur les LLC-B par
rapport aux lymphomes folliculaires non-hodgkiniens (Kalil, 1999). L’utilisation du rituximab
a toutefois permis d’obtenir des taux de réponse plus importants pour les patients non traités
par rapport aux patients ayant rechuté, bien que le taux de réponses complètes reste faible
(Liu, 2004). Par ailleurs, il a été mis en évidence que son utilisation à des doses plus fortes
augmente le taux de réponse avec toutefois un coût financier important (Keating, 2002). Il
faut également noter que d'autres anticorps monolonaux dirigés contre CD20 font
actuellement l'objet d'un développement industriel majeur.
Anticorps anti-CD52
La molécule CD52 est une très petite protéine constituée de 12 acides aminés, accrochée
à la surface cellulaire par une liaison GPI (glycosylphosphatidylinositol), et assez fortement
glycosylée. Les anticorps anti-CD52 sont extrêmement efficaces pour induire une lyse
cellulaire médiée par le complément. Ce marqueur est présent à la surface de nombreuses
cellules hématopoïétiques, notamment les lymphocytes B et T périphériques, normaux et
malins (Salisbury, 1994) ainsi qu’à la surface des cellules NK, des monocytes, des
macrophages et des éosinophiles (Lundin, 2004). Cependant, ses effets toxiques sur le
développement des progéniteurs médullaires in vitro sont inexistants (Gilleece, 1993). Cet
anticorps constitue donc une arme idéale pour le traitement des LLC-B puisque les
lymphocytes provenant de sujets atteints de LLC-B expriment constamment et fortement
CD52.
L’alemtuzumab (Mabcampath®) est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre
l’antigène CD52. Il s'agit d'un anticorps chimérique généré par la fusion des régions variables
d’un anticorps monoclonal de rat d'isotype IgG2a avec une immunoglobuline humaine de type
IgG1κ (Hale, 2001). Il a été suggéré que l’alemtuzumab provoque une lyse des lymphocytes
par ADCC, CDC et par activation du complément (Xia, 1993 ; Wing, 1996). Il a une
efficacité majeure sur la composante hyperlymphocytaire périphérique, modérée au niveau de
la moelle osseuse et de la rate, plus aléatoire sur les adénopathies (Bowen, 1997, Österborg,
1997).
Son usage est pour l’instant réservé aux patients réfractaires à la fludarabine et ayant
reçu des alkylants (Moreton, 2003). Des taux de rémission moléculaire complète de l’ordre de
38% ont été obtenus avec l’alemtuzumab chez des patients réfractaires à la fludarabine
(O’Brien, 2003 ; Lozanski, 2004).
En raison de la présence de CD52 au niveau des lymphocytes normaux, des
lymphocytopénies durables concernant surtout les lymphocytes T CD4 sont observées chez
tous les patients traités avec l’alemtuzumab ce qui augmente par conséquent les risques
d’infection (Keating, 2002 ; Lundin, 2004).
Immunochimiothérapie
Des essais thérapeutiques de phase III actuellement en cours, notamment en Europe,
visent à évaluer l’association de ces anticorps monoclonaux à la Fludarabine et au
Cyclophosphamide (FC) comme traitement de première ligne. Ainsi, l’association
Fludarabine / Cyclophosphamide et Rituximab (FCR) a déjà été rapportée par l’équipe du MD
Anderson (Keating, 2005) comme la plus efficace en phase II.
Dans le document
Expression et fonctionnalité des Toll-Like récepteurs par les cellules de leucémie lymphoïde chronique B
(Page 50-54)