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II. Les traitements de la maladie de Crohn

4. Le traitement des fistules

L’incidence des fistules dans la MC est estimée selon les études entre 17 et 43% (26), soit en moyenne 1 patient sur 3. La prise en charge des fistules est basée sur la dichotomie fistule simple / fistule complexe (28) et comprend des traitements médicamenteux associés, le cas échéant, à des interventions chirurgicales.

Fistules simples

Actuellement, l’attitude thérapeutique prônée par ECCO (European Crohn’s and Colitis Organisation) (46) consiste, pour les fistules simples, à proposer un traitement seulement si elles sont symptomatiques avec dans ce cas un drainage par séton (Figure 18) ou une

fistulotomie (Figure 19). La fistulotomie est le traitement de référence d’une fistule anale, elle

consiste à ouvrir ses trajets infectés. Lorsque tous les récessus ont été ainsi ouverts, la guérison peut avoisiner les 100% dans les meilleures mains. Le principal risque est alors l’incontinence anale.

Les antibiotiques : metronidazole (750-1500 mg /j) et/ou ciprofloxacine (1000mg/j) doivent également être ajoutés. Ces deux antibiotiques ont fait l’objet de plusieurs essais ouverts non contrôlés qui ont établi un taux de fermeture des fistules à environ 50% des cas, cependant avec un effet seulement suspensif (80 % de récidive à l’arrêt) nécessitant un maintien prolongé incompatible avec l’apparition fréquentes d’effets secondaires à long terme.

Figure 18 : Drainage d’une

fistule par mise en place d’un séton

Fistules complexes

Une prise en charge médico-chirurgicale est recommandée avec un drainage par séton.

Versant médical

Le consensus ECCO propose en première intention comme traitement médical associé à la chirurgie, l’utilisation des anti-TNFα (infliximab, adalimumab) une fois le problème septique réglé. Il est en effet clairement admis de débuter rapidement un traitement par anti-TNFα.

L’association anti-TNFα/antibiotique (métronidazole ou ciprofloxacine) a montré de meilleurs résultats en termes d’efficacité sur le court terme qu’un traitement par anti-TNFα seul.

Il est également de plus en plus proposé dans ce contexte une combothérapie : association d’un anti-TNFα avec un immunosuppresseur (azathioprine ou méthotrexate). En effet, la présence de fistules ano-périnéales en cas de MC fait considérer la maladie comme sévère et justifie un traitement d’emblée optimal. Il faut noter que seul l’infliximab a fait l’objet d’une étude contrôlée randomisée étudiant spécifiquement l’impact de ce traitement sur les lésions ano-périnéales crohniennes. Cette étude retrouve une fermeture complète des fistules dans 55% des cas contre 13% pour le placebo sur des critères cliniques uniquement. En revanche l’efficacité de l’adalimumab n’a été évaluée dans les fistules ano-périnéales qu’en tant que critère secondaire et estimée à environ 30% de réponse. Malheureusement, il est à noter que dans les grands essais prospectifs évaluant l’efficacité dans la MC des anti-TNFα (que ce soit l’infliximab, l’adalimumab), 60 à 70 % des patients avaient une persistance de leurs lésions fistuleuses actives en fin d’étude.

Les autres biothérapies qui ont l’AMM dans la MC (vedolizumab et ustekinumab) n’ont pas non plus été spécifiquement évaluées pour la cicatrisation des fistules. Il a été retrouvé pour le vedolizumab dans l’essai GEMINI II un taux de cicatrisation des fistules ano-périnéales à 14 semaines d’environ 30% dans le groupe recevant du vedolizumab (toutes les 4 ou 8 semaines) contre 11% pour le placebo. Un essai contrôlé comparant dans cette indication le vedolizumab à un placebo est actuellement en cours.

Par ailleurs, on retrouve dans la littérature des essais non contrôlés sur l’efficacité de la thalidomide et du mycophénolate de mofetil avec des résultats encourageants mais ces traitements ne sont utilisés qu’exceptionnellement en raison d’effets secondaires invalidants.

Versant chirurgical

Les traitements chirurgicaux ont pour but de contrôler le sepsis en drainant les abcès et en plaçant un ou plusieurs sétons assurant le drainage de la fistule et permettant ainsi d’éviter la récidive des abcès. Les fistulotomies et fistulectomies ne sont plus indiquées en cas de fistules complexes en raison de taux élevés d’incontinence fécale post interventionnelle. En cas de rectum sain, les lambeaux d’avancement transanaux (47) et la technique de LIFT (Ligation of the Intersphincteric Fistula Tract) publiée par Rojanasakul en 2009 (48) peuvent parfois être intéressants. Ces techniques d’épargne sphinctérienne présentent un intérêt majeur dans la prévention du risque d’incontinence.

Lambeau d’avancement rectal (47)

Le lambeau d’avancement rectal est une technique chirurgicale endo-anale permettant de traiter les fistules recto- ou ano-vaginales en oblitérant/sectionnant l’orifice primaire ano-rectal. Cette technique consiste à réaliser un décollement de la muqueuse, sur 3 à 4 cm de la ligne pectinée (Figure 20), créant ainsi un lambeau muqueux dont on se sert pour couvrir l’orifice primaire et qui est fixé par quelques points de suture à la ligne pectinée (Figure 21).

Une fois que le lambeau muqueux est décollé, un curetage du trajet fistuleux est indispensable. Cette technique est associée à une faible morbidité et les suites post-opératoires sont simples.

Figure 20 : Schéma du tracé d’incision du

lambeau d’avancement rectal

Figure 21 : Schéma de l’aspect après

LIFT (48) : technique de ligature intersphinctérienne des fistules anales. Le geste consiste

en une dissection de l’espace inter-sphinctérien jusqu’au niveau du trajet trans-sphinctérien qui est ligaturé et sectionné avec curetage du trajet externe pendant que l’incision cutanée, point de départ de la dissection inter-sphinctérienne, est refermée par un point de fil résorbable.

Des traitements locaux ont également été proposés, mais malheureusement les essais contrôlés visant à évaluer ces techniques ont été décevants. En effet, les colles biologiques ont été évaluées dans un essai contrôlé randomisé mené par le GETAID (49) qui a montré une rémission complète chez 38% des patients dans le groupe traité par colle versus 16% pour le groupe contrôle mais ces bons résultats étaient surtout retrouvés pour les fistules simples. Cette colle est constituée de l’assemblage extemporané de facteurs de la coagulation dérivés du sang humain (notamment thrombine et fibrinogène) qui coagulent quasi instantanément lorsqu’ils sont mis en contact. Ce coagulum va obturer le trajet fistuleux et servir de support à la cicatrisation en favorisant l’angiogenèse et la colonisation par les fibroblastes.

Par ailleurs le PLUG a également fait l’objet d’une publication récente du GETAID qui a permis de montrer dans un essai contrôlé randomisé l’absence de différence significative entre les patients traités par PLUG après retrait du séton et les patients avec retrait seul du séton (50). Cette technique consiste à placer dans le trajet fistuleux un bouchon prothétique de collagène ou plus récemment un cône de sous-muqueuse de porc, qui sera secondairement colonisé par les fibroblastes du patient pour aboutir à une fibrose du trajet fistuleux.

Parfois, en cas de maladie périnéale incontrôlée avec présence de lésions sévères, résistantes aux traitements conventionnels, il est proposé une dérivation fécale (colostomie ou

iléostomie) pour améliorer l’état local inflammatoire et favoriser la cicatrisation après

chirurgie. La proctectomie voire l’amputation abdominopérinéale sont des gestes mutilants de résignation qui ne permettent pas de garantir l’absence de récidive des lésions crohniennes.

L’atteinte périnéale dans la MC est donc fréquente et associée à une morbidité élevée avec un impact extrêmement négatif sur la qualité de vie des patients. Par ailleurs, malgré les traitements actuels validés qui reposent sur une prise en charge médico chirurgicale, et malgré l’avènement des anti-TNFα qui ont révolutionné la prise en charge de cette maladie, il existe un déficit certain dans l’arsenal thérapeutique des lésions ano-périnéales avec risque élevé de récurrence mais aussi d’incontinence fécale.