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PARTIE II : THERAPIE CELLULAIRE & MALADIE DE CROHN

2. Classification

Les thérapies cellulaires regroupent une grande variété d’approches développées pour des indications multiples. Elles peuvent être classées selon trois critères : 1 l’effet recherché, 2 l’origine et la nature des cellules utilisées et enfin 3 le statut réglementaire.

1 En fonction de l’effet recherché.

Les « cellules-médicaments » sont des cellules fonctionnelles (différenciées) qui produisent une substance déficitaire chez un patient. Dans le traitement du diabète de type 1, par exemple, des cellules d’îlots de Langerhans (les cellules ß productrices d’insuline) obtenues à partir du pancréas d’un donneur, sont greffées au patient (par injection dans la veine porte) afin de libérer de l’insuline dans le sang.

L’Immunothérapie agit directement sur le système immunitaire. Elle peut être à visée anti-tumorale pour renforcer la réponse immunitaire contre les cellules tumorales ou à visée immunomodulatrice dans les maladies auto-immunes ou inflammatoires.

La médecine régénérative a pour but de remplacer les cellules déficientes ou de reconstituer des organes endommagés. Elle peut être appliquée aux maladies dégénératives (ex. maladie de Parkinson) et aux pathologies impliquant une destruction des cellules, tissu ou organe (ex. reconstruction épidermique). Ce type de thérapie cellulaire implique l’utilisation de cellules souches ou progénitrices capables de régénération à long terme.

2 En fonction de l’origine et de la nature des cellules.

Le prélèvement des cellules utilisées en TC peut être réalisé sur le patient lui-même. Il est alors dit autologue. Ce type de TC présente l’avantage d’une plus grande sécurité pour le patient car elle diminue les risques infectieux et permet une parfaite tolérance sur le plan immunologique. En revanche, cette option présente l’inconvénient d’allonger les délais de traitement par rapport à l’utilisation de cellules thérapeutiques prêtes à l’emploi issues de banques.

Lorsque les cellules thérapeutiques sont prélevées chez une autre personne que le patient, elles sont dites allogèniques. Leur utilisation peut poser des problèmes de tolérance immunitaire : les cellules du donneur peuvent être reconnues comme étrangères par le système immunitaire du receveur comme des éléments étrangers et être rejetées. Une telle réaction

allogénique peut être prévenue par le recours à un traitement immunosuppresseur, mais expose le patient à des effets indésirables.

Comme on l’a vu ci-dessus, il est possible d’utiliser des cellules différenciées mais le plus souvent la TC repose sur l’utilisation des cellules souches (CS).

Plusieurs sortes de cellules souches sont utilisées pour obtenir des cellules différenciées et fonctionnelles adaptées à la TC. Ces différents types de cellules partagent toutefois deux propriétés : celle de s’auto-renouveler indéfiniment, offrant un stock illimité de matériel, et celle de pouvoir donner naissance à plusieurs types cellulaires.

Les CS embryonnaires sont issues de la masse cellulaire interne du blastocyste et sont à l’origine des 3 tissus primaires de l’embryon (endoderme, mésoderme et ectoderme). Elles sont caractérisées par un potentiel de prolifération très élevé et une capacité de différenciation en TOUS les types de cellules d’un organisme à l’exception des tissus extra-embryonnaires (pluripotence). L’utilisation de ce type de cellules suscite de grands espoirs en médecine régénérative mais elles présentent deux limites : la nécessité d’être administrées après un protocole de différenciation maitrisé pour éviter le risque tumoral, ainsi que leur caractère obligatoirement allogénique.

Les CS pluripotentes induites ou iPS (induced pluripotent stem cells) ont été découvertes en 2006 par l’équipe Yamanaka (Universite de Kyoto, Japon) (54). Ce sont des cellules adultes modifiées génétiquement (reprogrammées) qui possèdent les mêmes propriétés que les cellules souches embryonnaires. Elles peuvent potentiellement être différenciées en tous les types cellulaires en fonction des conditions de culture (facteurs de croissance, matrices…). Quatre gènes sont nécessaires pour induire cette reprogrammation : Klf4, C-Myc, Oct3/4 et Sox2. L’intérêt de ces cellules réside également dans leur caractère autologue. La découverte des iPS a valu à l’équipe de Yamanaka le prix Nobel de médecine en 2012.

Figure 24 : Génération des iPS

Les CS adultes sont des cellules souches présentes dans les tissus adultes dont elles assurent le renouvellement ou le maintien de l’homéostasie tissulaire. Elles peuvent être unipotentes ou multipotentes et se différencier en un nombre limité de types cellulaires. Parmi elles, on retrouve notamment les cellules souches hématopoïétiques (CSH) et les cellules souches mésenchymateuses (CSM).

Les CS hématopoïétiques (CSH) sont à l’origine de toutes les cellules du sang. Elles sont présentes en très faible quantité dans la moelle osseuse (<0.5% des cellules médullaires). Il existe 2 sources possible de CSH à visée thérapeutique chez l’homme : soit un prélèvement directement au niveau de la moelle osseuse sous anesthésie générale, soit un prélèvement de sang périphérique après mobilisation des cellules par du GCSF (Granulocyte-Colony- Stimulating-Factor). En fonction de l’indication, la greffe de CSH peut être réalisée dans un contexte autologue ou allogénique. La principale indication d’une greffe autologue de CSH est de permettre au patient de supporter de fortes doses de chimiothérapies et / ou radiothérapies. La ré-injection des CSH du patient conduit à une reconstitution hématopoïétique et immune permettant au patient de sortir plus rapidement d’aplasie et de limiter les complications infectieuses. Elle est également communément utilisée chez les patients présentant des maladies avec une composante immunitaire, telle que la sclérose multiple et systémique, mais aussi la MC.

Quant aux allogreffes de CSH, elles sont indiquées principalement dans les maladies hématologiques aiguës telles que les leucémies aiguës myéloblastiques et l’effet recherché est alors un effet antitumoral (GVL, Graft Versus Leukemia) médié principalement par les lymphocytes du donneur. Le conditionnement pré greffe du patient (receveur) a un double objectif : la suppression des cellules tumorales résiduelles et l’immunosuppression pour pallier au risque de rejet. Cette procédure pose le problème de compatibilité (HLA) entre receveur et donneur. Il est à noter que dans ce contexte une troisième source de CSH peut être utilisée : les CSH du sang de cordon qui ont l’avantage de présenter une faible alloréactivité mais qui sont principalement utilisées en pédiatrie du fait de la faible quantité de cellules disponibles.

Les CS mésenchymateuses (CSM) sont des cellules multipotentes présentes dans tout l’organisme. Elles sont notamment isolées depuis la moelle osseuse, le tissu adipeux et les tissus de soutien des organes, et sont actuellement les plus utilisées en thérapie cellulaire. Elles sont définies selon l’International Society for Cellular Therapy (ISCT, 2006) par 3 critères (55) (56) :

- - l’adhérence cellulaire au plastique dans des conditions de culture standards,

- - un phénotype membranaire défini par cytométrie en flux en utilisant un panel d’antigènes de surface dont l’expression est positive et un panel d’antigènes dont l’expression est négative,

- - un potentiel de différenciation multipotent in vitro dans des conditions standards vers les trois voies mésenchymateuses : ostéoblastes, chondroblastes et adipocytes.

Figure 25 : Définition des cellules souches mésenchymateuses selon l’International

Society for Cellular Therapy (ISCT, 2006)

(Source : Le Blanc K, Mougiakakos D. Multipotent mesenchymal stromal cells and the innate immune system. Nat Rev Immunol. 2012;12(5):383–96)

Elles agissent principalement par un effet paracrine via la sécrétion de cytokines et facteurs de croissance favorables aux cellules environnantes par un effet trophique et angiogénique et sont parfois utilisées exclusivement pour cette propriété. Elles produisent également des facteurs immunomodulateurs et anti-inflammatoires qui entrainent une immunosuppression locale et favorisent la fonction de cellules régulatrices de l’immunité. Ces propriétés limitent l’inflammation locale et protègent, a priori, contre le rejet de greffe. En outre, elles expriment faiblement les marqueurs HLA limitant, voire supprimant, le recours à des traitements immunosuppresseurs lors de leur utilisation (cf. §II.2.a).

D’autres CS adultes unipotentes peuvent être utilisées en TC, comme les CS cutanées. Ces dernières sont utilisées depuis les années 80 pour reconstituer les différentes couches de l’épiderme et greffer les grands brûlés. Les CS de l'œil, provenant du limbe (en périphérie de la cornée), permettent, quant à elles, de réparer des lésions de la cornée.

2 En fonction du statut réglementaire

de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) avec un statut qui distinguait les produits de thérapie cellulaire des spécialités pharmaceutiques lorsque ceux-ci n’étaient pas fabriqués par l’industrie.

La publication du règlement européen CE 1394/2007 a apporté une nouvelle définition spécifique aux médicaments de thérapie innovante (MTI ou Advanced Therapy Medicinal Product, ATMP) et instauré une nouvelle classification des MTI couvrant les médicaments de thérapie génique (MTG), les médicaments de thérapie cellulaire (MTC), les produits issus de l’ingénierie tissulaire (PIIT) et les médicaments combinés de thérapie innovante (MTI combinés). Ce règlement autorise une exemption spécifique appelée « hospital exemption » (HE) qui sera traduite en France par « médicament de thérapie innovante préparé ponctuellement » (MTIPP) introduit par la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011. Ces MTIPP sont soumis au même niveau de sécurité que les MTI. Ce statut a été prévu pour permettre aux petites structures et notamment aux hôpitaux d’accéder à l’innovation. Les MTI et MTI-PP entrent par ailleurs dans le champ de la pharmacovigilance.

Dans les autres cas, les produits cellulaires à finalité thérapeutique sont considérés comme des préparations de thérapie cellulaire (PTC). Les préparations cellulaires ou tissulaires sont identifiées à l’article L. 1243-1 du code de la santé publique et entrent dans le domaine d'application de la directive tissus et cellules 2004/23/CE. Elles sont soumises, quant à elles, à la biovigilance.

Ainsi, aujourd’hui, il faut donc différencier 3 types de thérapies : les MTI, les MTIPP et les PTC. Le produit de thérapie cellulaire est considéré comme un MTI ou un MTIPP :

1) si des modifications « substantielles » sont réalisées au cours de la production des cellules. Le règlement européen CE 1394/2007 liste les manipulations qui ne sont pas considérées comme substantielles (annexe 1) : découpage, broyage, façonnage, centrifugation, etc. Une modification est considérée comme substantielle si elle entraine « une modification des propriétés biologiques initiales des cellules ou tissus ».

2) si les cellules ou les tissus ne sont pas destinés à être utilisés pour la (les) même(s) fonction(s) essentielle(s) chez le receveur et chez le donneur.

Un MTI-PP est simplement un MTI qui, via ses caractéristiques et sa destination, est préparé de façon ponctuelle à l’intention d’un malade déterminé. Il est régulé au niveau national et ne peut être utilisé que dans l’état membre où il est fabriqué et autorisé.

Un produit dont le procédé de fabrication ne fait pas appel à des modifications substantielles ET dont la destination est la même chez le receveur et chez le donneur est donc une préparation cellulaire/tissulaire (PTC).

Aujourd’hui, le développement des TC favorisé par la découverte des CS adultes connait un essor considérable dans de multiples domaines : cardiovasculaire, oncologie, pathologies ostéoarticulaires, cicatrisation etc. Cependant, seul un nombre restreint (8) de MTI ont obtenu une AMM à l’échelle européenne et 4 sont à ce jour commercialisés dans le domaine de l’ophtalmologie (réparation cornéenne), des déficits immunitaires combinés sévères (thérapie génique), ou de l’immunothérapie anti-tumorale. Cet état des lieux indique que malgré une harmonisation européenne, des mesures incitatives et des procédures accélérées, le développement industriel des MTI fait face à des enjeux spécifiques complexes, biologiques, éthiques et économiques. De même, la difficulté pour les structures hospitalières de s’adapter, malgré leur antériorité et leur dynamisme dans le domaine de l’innovation en TC, explique que peu de procédés MTI-PP aient pu franchir à ce jour le stade de médicament expérimental (2 MTI-PP autorisés en 2017 : lymphocytes T anti-viraux, cellules mésenchymateuses autologues dans les irradiations sévères).