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2. Dysendocrinies thyroïdiennes auto-immunes

2.4. Diagnostic et traitement des dysendocrinies thyroïdiennes auto-immunes

2.4.1. Diagnostic et traitement d’une thyroïdite chronique auto-immune

2.4.1.3. Traitement des thyroïdites chroniques auto-immunes

L’attitude thérapeutique dépend avant tout de la présence ou non d’une hypothyroïdie. En l’absence d’hypothyroïdie, une simple surveillance est habituellement suffisante. Lorsque la TSH s’élève de façon nette et a fortiori si la T4 libre est abaissée, l’introduction d’un traitement substitutif (à base de thyroxine synthétique (lévothyroxine sodique) en première intention) est nécessaire. Ce traitement est généralement à vie bien que des rémissions soient possibles.

• Supplémentation en hormones thyroïdiennes

Dans les formes d’hypothyroïdie infra-clinique, où la TSH est élevée de façon modeste et la T4 libre habituellement encore normale, l’introduction d’un traitement substitutif est débattue, la présence d’anticorps “anti-thyroïdiens” incite cependant beaucoup de médecins à le mettre en place. Par anticipation sur une aggravation ultérieure, on peut cependant assez facilement admettre que la persistance dans le temps de ce type de profil biologique d’hypothyroïdie infra-clinique peut justifier la mise en place d’un traitement substitutif et cela d’autant plus qu’il est associé à une hypercholestérolémie ou à des symptômes peu spécifiques (prise de poids, dépression…).

Chez une femme jeune en période d’activité génitale, un désir de grossesse incite à mettre en place un traitement substitutif, même en cas d’anomalie minime, afin de prévenir le risque d’hypothyroïdie pendant la grossesse et ses conséquences sur le développement neurophysiologique du fœtus (266). Chez le chien, on peut également envisager de mettre en place un traitement substitutif en hormone thyroïdienne chez l’animal souffrant d’hypothyroïdie non encore déclarée cliniquement cependant cette situation se rencontre rarement étant donné que la thyroïdite lymphocytaire est souvent diagnostiquée au stade d’hypothyroïdie clinique. Au sein des lignées félines développant spontanément une hypothyroïdie comparable à la maladie de Hashimoto (cliniquement et histologiquement), un traitement substitutif en hormones thyroïdiennes, mis en place de manière prophylactique

(avant l’apparition des signes cliniques), a montré son efficacité en réduisant significativement l’incidence et l’activité des thyroïdites auto-immunes chez ces chats (268).

Il existe plusieurs formulations pharmaceutiques de lévothyroxine sodique disponibles : des spécialités humaines comme le LEVOTHYROX® (comprimés de 25 à 200 µg) et la L-THYROXINE ROCHE® (comprimés de 100 µg, solution buvable à 5 µ g/goutte, solution injectable à 200 µg/ml) dont les dosages sont peu adaptés en médecine vétérinaire (cf. infra) et des spécialités vétérinaires comme le FORTHYRON® (comprimés de 200 ou 400 µg) et le LEVENTA® (solution buvable à 1 mg/ml). Quand le traitement substitutif à base de L-thyroxine est inefficace, on peut envisager d’utiliser la liothyronine sodique (L- triiodothyronine de synthèse) : CYNOMEL® (comprimés de 25 µg). Enfin, en troisième intention on peut utiliser des formulations contenant à la fois la lévothyroxine sodique et la liothyronine sodique : EUTHYRAL® (comprimés à 100 µg de T4 et 20 µg de T3). Les traitements contenant de la liothyronine sodique peuvent cependant provoquer une thyrotoxicose.

Chez le carnivore domestique, l’absorption intestinale de la T4 n’est seulement que de 20% à jeun (et 10% après le repas) contre près de 70% chez l’homme. Par conséquent, la dose quotidienne d’hormone thyroïdienne lors d’hypothyroïdie chez un chien de 10 kg est équivalente à celle d’un homme adulte (293).

La posologie initiale en lévothyroxine sodique est de 20 µ g/kg/j chez le chien, à administrer en une ou deux fois, et cela 30 minutes avant le(s) repas (sinon il convient de majorer la dose de 50%) ; chez le chat, la dose initiale en lévothyroxine sodique est comprise entre 50 et 100 µg par animal, à administrer en une fois (le matin de préférence) (81). Chez le chien, la posologie initiale de la liothyronine est de 0,4 à 0,6 µg/kg/j en trois prises quotidiennes et celle de l’association T4 et T3 est de 20 µg/kg/j pour la T4.

Tableau X : Ajustement de la posologie en lévothyroxine sodique chez le chien hypothyroïdien (183)

Posologie initiale en lévothyroxine sodique : 20µg/kg/j Contrôle clinique et

biologique au bout de 6 à 8 semaines

Amélioration clinique Peu ou pas d’amélioration

clinique

Thyroxinémie dans les valeurs usuelles

- Poursuivre le traitement avec la même posologie

- Contrôler tous les 6 mois

- Contrôler 1 mois plus tard - Reconsidérer le diagnostic

Thyroxinémie inférieure aux valeurs usuelles

- Augmenter la dose de 50% - Contrôler 1 mois plus tard - Changer de molécule (T3 ou

association T4-T3) si toujours aucune amélioration

Thyroxinémie supérieure aux valeurs usuelles

- Diminuer la dose de 50% - Rechercher des signes de

thyrotoxicose

(- Dosage des anticorps anti-HT)

La surveillance de l’efficacité du traitement se fait cliniquement d’une part (amélioration des signes généraux en 2-4 semaines et des signes cutanés à partir de la 8ème semaine) et par dosage de la thyroxinémie (ou de fT4) (ou de TT3 lors de traitement à base de liothyronine) 6 à 8 semaines après la mise en place de la supplémentation hormonale (juste avant l’administration du traitement, TO, et 4 ou 6 heures après, T4h ou T6h). L’ajustement du

traitement est corrélé avec l’état clinique de l’animal et, lorsque la posologie est correcte, il convient de faire un ou deux bilans thyroïdiens par an (Tableau X). Les valeurs attendues sont dans les valeurs usuelles basses à TO et dans les valeurs usuelles hautes à T4h ou T6h (183).

Chez l’homme, le traitement doit être débuté à faibles doses (12,5 ou 25 µg/j) et augmenté de façon progressive chez les patients ayant une cardiopathie. La surveillance se fait par dosage de la TSH qui doit être normalisée. Les doses habituelles doivent être augmentées de 20 à 30% dès le début de la grossesse, de façon à maintenir non seulement une TSH mais aussi une T4 libre normale.

Les effets secondaires, consécutifs à un surdosage d’hormones thyroïdiennes, sont ceux de la thyrotoxicose. On peut ainsi remarquer des troubles du comportement (anxiété, agitation, agressivité), polypnée, polyuro-polydipsie, hyperthermie, amaigrissement rapide malgré une polyphagie, diarrhées, tachycardie, etc… (270). Ces signes sont malgré tout rares en raison de l’élimination rapide des hormones thyroïdiennes chez le chien. Néanmoins, un surdosage à long terme peut provoquer des cardiopathies, un diabète sucré et des troubles du comportement.

• Immunothérapie

La corticothérapie n’a pas d’indication dans ces formes de thyroïdites chroniques d’origine auto-immune. La recherche d’immunothérapies spécifiques au traitement des thyroïdites auto-immunes sont prometteuses. Plusieurs stratégies sont exploitées : des agents bloquant ou activant certains récepteurs des cellules T tels que des anticorps monoclonaux pourraient cibler spécifiquement les processus auto-immuns sans pour autant altérer la réponse immunitaire vis-à-vis des antigènes exogènes (potentiellement pathogènes). Une équipe coréenne (50) a ainsi testé l’effet d’un anticorps monoclonal anti-CTLA-4 canin sur une thyroïdite lymphocytaire induite expérimentalement par immunisation de chiens euthyroïdiens avec la thyroglobuline bovine. Les résultats in vitro montrent que cette immunothérapie induit une suppression des cytokines Th1 (de la réponse à médiation

cellulaire) qui se traduit in vivo par une diminution des titres en auto-anticorps “anti- thyroïdiens” (Ac anti-Tg, anti-T3 et anti-T4) étant donné la réduction de la prolifération des cellules T auto-réactives.

Une meilleure connaissance des mécanismes apoptotiques intervenant dans les thyroïdites auto-immunes pourrait permettre l’utilisation d’approches thérapeutiques modulant l’apoptose thyroïdienne. Dans le cas de la thyroïdite de Hashimoto et de la thyroïdite lymphocytaire canine, une thérapeutique anti-apoptotique pourrait être bénéfique.

D’un autre côté, les efforts faits ces dernières années pour caractériser finement la région immuno-dominante de la thyroperoxydase devraient permettre, à terme, de dessiner des peptides à visée thérapeutique capables, en conjonction avec une immunothérapie ciblée visant à générer des cellules T régulatrices, de moduler ou bloquer la réponse auto-immune anti-thyroïdienne chez l’homme. Aussi, il serait particulièrement intéressant d’explorer in vivo en utilisant des modèles animaux, si l’utilisation de tels peptides peut modifier le déroulement de la pathologie (rapidité, sévérité, etc…) en bloquant ou modulant la présentation de la thyroperoxydase par les lymphocytes B aux cellules T (248).

2.4.2. Diagnostic et traitement de l’hyperthyroïdie auto-immune