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I] L’adénocarcinome canalaire pancréatique céphalique

3. Traitement de l’adénocarcinome canalaire pancréatique

Au terme du bilan et comme dans tous cancers, le traitement et ses résultats ne peuvent s’interpréter qu’en fonction du stade de la maladie. A ce titre, la situation de l’adénocarcinome canalaire pancréatique céphalique est loin d’être claire. Si la situation des patients métastatiques ne pose pas trop question, les autres situations sont plus problématiques. Ainsi la définition des patients résécables d’emblée, « borderline » ou localement avancées est sujet à controverse entre les équipes et au sein même d’une équipe, du fait d’une appréciation en imagerie pas toujours univoque. Ceci a bien évidemment un impact majeur pour juger des résultats d’une stratégie thérapeutique. En outre, la plupart des essais ayant évalué la chimiothérapie systémique mélangent souvent les patients métastatiques et localement avancés.

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Figure 15 : Consensus de la société de radiologie Américaine et de l’American Pancreatic

Association. (*ITV : interface tumeur-vaisseau ;**reconstructible: veine ou artère normale en

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Résécabilité Artère Veine

Résécable

Aucun contact tumeur et :

- TC - AMS - AHC

Aucun contact ou contact < 180° sans irrégularité de la paroi, entre la tumeur et :

- VMS - VP

Borderline

- Contact avec l’AHC sans extension au TC ni à la bifurcation des branches de l’AHC - Variation anatomique

artérielle (droite issue de l’AMS)

- Contact entre la tumeur et VMS ou VP >180° ou contact <180° avec irrégularité des parois, ou thrombose courte avec intégrité des vaisseaux d’amont et d’aval permettant une reconstruction veineuse

- Contact entre la tumeur et la VCI

Figure 16 : Critère de résécabilité du National Comprehensive Cancer Network (NCCN) 2015

et de l’European Society of Medical Oncology (ESMO). (TC : Tronc cœliaque ; AMS : artère mésentérique supérieure ; AHC : Artère hépatique commune ;VMS : Veine mésentérique

supérieure ; VP : Veine porte).

La question de l’envahissement veineux est à ce titre symptomatique. La définition de la résécabilité se heurte à la problématique de ce qui est techniquement faisable comparée à ce qui est oncologiquement satisfaisant. Ainsi, dans la série de l’AFC, la survie des patients avec résection veineuse était significativement moins bonne que celle des patients sans résection veineuse y compris dans le sous-groupe des patients R0N0 (42). Se pose alors la question de redéfinir comme « borderline » toute lésion présentant un contact veineux. Cette question ne doit pas être considérée comme purement sémantique dès lors que se discute l’intérêt des traitements néoadjuvants.

43 a. Chimiothérapie

1. Formes métastatiques et localement avancées

Le traitement standard des formes métastatiques fait actuellement appel aux associations de Folfirinox ou de Gemcitabine-Nab-paclitaxel chez les patients de moins de 75 ans, en bon état général et présentant une bilirubinémie normale. La chimiothérapie par Gemcitabine est longtemps restée, depuis la fin des années 90, le traitement de référence du cancer du pancréas localement avancé. A l’heure actuelle, on ne dispose pas d’essai de phase III dans cette population. Les données d’essais de phase II ou de séries rétrospectives pour le Folfirinox sont néanmoins encourageantes. Dans une méta-analyse de 14 essais prospectifs de phase II regroupant 536 patients il a été retrouvé une médiane de survie de 23 mois avec un tiers des patients éligibles à une résection secondaire (43). Néanmoins, dans les essais inclus, on note la présence de patients présentant à la fois des tumeurs borderline et localement avancées. Les résultats sont similaires dans la méta-analyse plus récente de Suker et al. (44) regroupant 689 patients avec une médiane de survie de 24 mois et près de 26% des malades éligibles à une résection secondaire. Les résultats de l’essai de phase III PRODIGE 29-NEOPAN comparant l’administration du Folfirinox à la Gemcitabine sont attendus. L’utilisation d’une radio-chimiothérapie n’a pas fait la preuve de sa supériorité. L’essai de phase III LAP-07 montrait l’absence de différence sur la survie globale chez les patients randomisés entre chimiothérapie et radio-chimiothérapie après 4 mois d’un traitement d’induction par chimiothérapie. Néanmoins, la chimiothérapie d’induction utilisée dans cet essai était la Gemcitabine +/- Erlotinib.

44 2. Traitement adjuvant

Les recommandations disponibles dans le Thésaurus de Cancérologie Digestive n’ont pas été réactualisées depuis 2011 et sont actuellement en cours de réécriture. En situation adjuvante, la chimiothérapie est un standard après résection d’un adénocarcinome canalaire pancréatique, indépendamment du stade, suite aux essais, ESPAC-1 (2004) et CONKO-001 (2007), validant respectivement, 6 mois de chimiothérapie adjuvante par 5-FU et Gemcitabine. Du fait de l’essai ESPAC- 3, publié en 2010 et comparant 5-FU et Gemcitabine, montrant une survie médiane identique (Gemcitabine 23.6 mois vs 5-FU 23 mois) mais un profil de toxicité meilleur avec la Gemcitabine, cette dernière à la faveur des oncologues en France. En 2017, l’essai ESPAC-4 a logiquement comparé la Gemcitabine seule à l’association Gemcitabine/Capécitabine (prodrogue orale du 5-FU) avec une supériorité de l’association. Dans cet essai de 732 malades, les survies médianes étaient de 28 vs 25.5 mois (p=0.032) avec une survie globale à 5 ans de 28,8% vs 16.3% et une survie sans récidive à 5 ans de 18.6% vs 11.9%. Dans la population R0, la survie médiane atteignait 39.5 mois dans le groupe Gemcitabine/Capécitabine vs 27.9 mois de le groupe Gemcitabine seule. La toxicité ne différait que par une plus grande fréquence de syndrome main-pied dans le groupe Gemcitabine/Capécitabine. Malgré des critiques sur le fait que les résultats (augmentation de la survie à 5 ans) ne correspondaient pas à l’objectif principal (augmentation de la survie de 10% à 2 ans) ils ont conduit, en août 2017, la société Américaine de Cancérologie à faire de cette association le standard en adjuvant. Actuellement ce sont surtout les résultats des essais Français terminés, PRODIGE 24 (Gemcitabine vs Folfirinox) et APACT (Gemcitabine vs Gemcitabine-nab-paclitaxel) qui sont particulièrement attendus. Il est toutefois important de noter que seuls 47 à 60% des patients éligibles à un traitement adjuvant sont en mesure de le recevoir en post-opératoire (45-47).

45 3. Traitement néoadjuvant

L’administration d’un traitement néoadjuvant dans les formes borderline ne fait actuellement pas encore l’objet d’un consensus. Le rationnel est le même qui a poussé à l’évaluer dans d’autres situations comme les métastases hépatiques de cancers colorectaux notamment : sélectionner les malades n’ayant pas une maladie évolutive rapidement. De nombreuses études ont été publiées suggérant une augmentation du taux de résection R0 après traitement néoadjuvant avec des survies médianes de 27 à 34 mois. (48, 49). Une étude prospective multicentrique sur l’intérêt du Folfirinox en néoadjuvant a mis en évidence des taux de chirurgie R0 de 75% avec un taux de réponse histologique complète de 10% (50). Par ailleurs, il a été montré qu’après traitement néoadjuvant, les taux d’envahissements vasculaire et périnerveux étaient inférieurs à ceux des patients opérés d’emblée (51). Des résultats comparables ont été mis en évidence concernant l’envahissement ganglionnaire (48, 52). La principale limite de ces études réside dans le type de patients inclus car elles mêlent des patients borderline et localement avancés. Nous ne disposons actuellement pas de résultats d’essai randomisé pour les patients présentant uniquement une tumeur jugée borderline.

Chez les patients d’emblée résécables, l’intérêt d’une chimiothérapie néoadjuvante est au centre de toutes les attentions. L’essai Français PANACHE-01, comparant chirurgie d’emblée ou après chimiothérapie par Folfox ou Folfirinox devrait permettre de répondre à la question. L’essai ESPAC-5 compare quant à lui, la chirurgie d’emblée vs Gemcitabine-Capécitabine ou Folfirinox ou radiochimiothérapie. Or essai, la réalisation d’une chimiothérapie néoadjuvante chez les patients d’emblée résécables n’est pas encore un standard.

L’intérêt d’une radiothérapie complémentaire, après chimiothérapie néoadjuvante, n’est, elle non plus, pas encore démontrée. Elle a néanmoins montré son intérêt, dans deux

46 études, avec des taux de réponse histologique complet de 7 à 15% chez les malades opérés et un taux de résection R0 de 97% dans l’étude de Chuong et al. (53, 54). L’essai NEOPA comparant une radiochimiothérapie avec Gemcitabine vs chirurgie d’emblée et prévoyant d’inclure 410 patients est actuellement en cours.

b. Chirurgie

1. Généralités

C’est en 1934, qu’Allen O. Whipple, Professeur de chirurgie à l’Université de Columbia, décrit la première duodénopancréatectomie céphalique. Dans sa description princeps, l’intervention était en deux temps, mettant en place les voies de dérivations avant l’exérèse secondairement. Son nom est toujours utilisé aujourd’hui pour décrire la résection du bloc duodénopancréatique et des structures bilio-digestives (55).

L’exérèse commence par un temps d’exploration à la recherche de contre-indications (métastases hépatiques, carcinose péritonéale, envahissement du pédicule hépatique ou rétraction tumorale de la racine du mésentère). L’évaluation de la résécabilité se poursuit, nécessitant une dissection chirurgicale. Sont ainsi réalisés différents temps :

La section du ligament gastrocolique ou un décollement coloépiploïque, avec

l’abaissement de l’angle colique droit en prenant garde de ne pas léser le tronc gastro-colique de Henlé lors des manœuvres de traction.

Une manœuvre de Kocher, décollement duodénopancréatique permettant la préhension du bloc duodénopancréatique. Elle est menée jusqu’au flanc droit de l’aorte et permet d’évaluer un éventuel envahissement de l’axe mésentérico-porte et de l’AMS par la tumeur.

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Le passage rétro-isthmique, entre la face antérieure de l’axe mésentéricoporte et la face

postérieure de l’isthme pancréatique. En cas d’envahissement vasculaire, ce temps n’est pas réalisé lors de l’exploration et peut nécessiter d’être décalé vers la droite en passant entre le tronc splénomésaraïque et le corps du pancréas.

Cette exploration, permet, d’une part d’évaluer la résécabilité de la lésion et d’autre part renseigne sur la nécessité d’une reconstruction veineuse associée.

Figure 17 : Manœuvre de Kocher (1 duodénum, 2 tumeur, 3 vaisseaux mésentériques, 4 veine

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Figure 18 : Passage rétro-isthmique

On réalise ensuite l’exérèse:

Le temps pédiculaire hépatique, qui consiste en une section de la voie biliaire principale

sous le confluent biliaire supérieur et de l’artère gastroduodénale issue de l’artère hépatique commune. Un clampage préalable de cette dernière vérifie la conservation d’un bon flux dans l’artère hépatique. La dissection doit squelettiser l’artère hépatique et la veine porte pour réaliser le curage ganglionnaire.

La section gastrique, emportant classiquement le tiers distal de l’estomac en respectant

la patte d’oie pour diminuer l’incidence de la gastroplégie.

La section jéjunale, emportant la première anse qui est libérée par section de ses attaches vasculaires mésentériques.

La section pancréatique, qui est réalisée sur l’isthme, avec examen extemporané de la

tranche. Les arcades vasculaires pancréatiques supérieure et inférieure peuvent être liées préventivement. Sur la tranche de pancréas distal, l’hémostase est réalisée en liant électivement chacun des vaisseaux. L’orifice du canal de Wirsung est repéré pour ne pas être occlus lors de ces manœuvres.

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L’exérèse de la lame rétroporte au contact de l’AMS, qui comporte une mobilisation

circonférentielle de l’axe veineux mésentéricoportal et une mise à nue de l’hémi-circonférence droite de l’AMS. Lors de ce temps, la traction expose aux plaies de l’AMS, déjetée alors vers la droite.

Une lymphadénectomie régionale N1, qui emporte les ganglions péripancréatiques

antérieur et postérieur, hépatiques propres et communs, pédiculaires hépatiques et ceux situés au bord droit du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supérieur.

Figure 19 : Exérèse du bloc duodénopancréatique

On effectue ensuite la reconstruction digestive. Dans le montage selon Child décrit en 1943, le jéjunum draine successivement le pancréas, la voie biliaire puis l’estomac. On considère actuellement qu’il ne faut pas recroiser l’anse mais la passer en transmésocolique à droite de la colica media en raison des risques de récidive locale.

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L’anastomose pancréatique est considérée comme la plus pourvoyeuse de

complications. Des alternatives à l’anastomose pancréaticojéjunale (APJ) ont été décrites pour diminuer l’incidence des complications dont l’anastomose pancréaticogastrique (APG) qui unit le pancréas à la face postérieure de l’estomac. Un drainage interne ou externe du canal de Wirsung peut être associé.

L’anastomose hépaticojéjunale est confectionnée 20 à 30 cm en aval de la précédente,

en cas d’APJ, pour éviter qu’une fistule sur l’anastomose pancréatique ne se transforme en fistule mixte, pancréatique et biliaire. Le canal hépatique commun est implanté sur le bord antimésentérique de l’anse digestive en termino-latérale.

L’anastomose gastrojéjunale, est réalisée à au moins 40 cm en aval de l’anastomose

biliaire. Elle peut être confectionnée en situation précolique ou transmésocolique, en passant à gauche de la colica media, pour isoler cette anastomose des 2 précédentes.

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A C

B

D

Figure 21 : Variantes de l’anastomose pancréaticojéjunale (A. anastomose pancréaticojéjunale terminolatérale avec drainage externe du wirsung, B. anastomose

Wirsungojéjunale terminolatérale, C. anastomose pancréaticojéjunale terminoterminale, D.

anastomose pancréaticojéjunale terminoterminale par intussusception)

2. Points techniques particuliers

Lors de la résection d’un adénocarcinome canalaire pancréatique céphalique, une lymphadénectomie régionale est recommandée. Elle emporte les ganglions péripancréatiques antérieurs et postérieurs, hépatiques propres et communs, pédiculaires hépatiques et ceux situés au bord droit du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supérieur. Ces relais sont définis comme relais N1. L’extension au-delà de la lympadénectomie N1, ou lymphadénectomie

52 étendue N2, qui emporte les relais aorticocaves, l’hémicirconférence gauche de l’AMS et les relais cœliaques n’a pas montré d’amélioration sur la survie mais une augmentation de la morbi-mortalité dans plusieurs essais randomisés (56, 57).

L’antrectomie et, à l’inverse, la conservation pylorique, proposée par Traverso et Longmire en 1978, ont fait l’objet de plusieurs essais qui n’ont pas montré de différence sur la survie ni la morbi-mortalité (58-59). L’antrectomie reste recommandée en cas de lésion de la partie haute de la tête. La conservation pylorique est recommandée chez les patients opérés d’une TIPMP céphalique dégénérée chez qui une totalisation peut être nécessaire à distance.

Les résections viscérales complémentaires sont justifiées au colon droit en raison de l’envahissement du mésocolon transverse droit. Elle nécessite une dissection poussée de la veine mésentérique supérieure.

La présence d’une artère hépatique droite majore le risque de résection R1. Sauf en cas d’artère hépatique droite foie total, on peut recourir à une embolisation préopératoire avant résection en bloc (60).

Le contrôle premier de l’artère mésentérique supérieur est recommandé a) en cas de doute sur l’envahissement de la lame rétroporte pour éviter de constater le caractère palliatif de l’exérèse en fin de procédure, b) en cas de suspicion d’envahissement veineux nécessitant une reconstruction car il facilite la résection monobloc et c) chez les patients opérés après traitement néoadjuvant chez qui des biopsies avec examen histologique extemporané sont recommandées. Il permet de réduire le taux de résection R1 (61, 62).

Les résections veineuses, nécessitées par la localisation des tumeurs céphaliques, sont fréquentes. Jusqu’à 5 voire 10 cm de veine porte peuvent être réséqués sans recourir à l’interposition d’un greffon veineux. La mobilisation complète du foie et du mésentère facilite la reconstruction. La résection doit être monobloc et le recours à un abord premier de l’artère mésentérique supérieur permet d’éviter un clampage prolongé. Les résections latérales sont à

53 proscrire, en raison des sténoses engendrées et il faut préférer les résections tronculaires avec confection d’un growth-factor lors de l’anastomose. La réimplantation de la veine splénique peut être évitée si la confluence entre veine mésentérique inférieure et veine splénique ou si la veine gastrique gauche ont été préservées (63). Même si les 3 premiers types de la classification d’Ishikawa ne sont classiquement pas des contre-indications à une exérèse d’emblée, il faut se souvenir que dans la série de l’AFC, la survie des patients avec résection veineuse était significativement moins bonne que celle des patients sans résection veineuse y compris dans le sous-groupe des patients R0N0 avec, de plus, une survie diminuée par 2 en cas de résection supérieure à 2cm (42). Des études récentes ont montré une augmentation de la morbimortalité en cas de résection veineuse et une survie significativement diminuée (64, 65).

Les résections artérielles ne sont, actuellement, pas recommandées. Les séries de la littérature comportent de très faibles effectifs et les résultats sont difficiles à apprécier. A ce jour, l’envahissement artériel nécessitant une résection est une contre-indication en raison de la morbi-mortalité élevée et du pronostic médiocre de ces patients (66).

La pièce opératoire doit maintenant être orientée et encrée en salle par le chirurgien. Cette attitude, tout comme l’utilisation d’un compte rendu anatomopathologique standardisé publié par l’HAS en 2010, est devenue la référence, permettant d’une part d’évaluer réellement la qualité de l’exérèse et d’autre part de permettre la réalisation d’essais contrôlés (67, 68).

3. Résultats

La chirurgie de l’adénocarcinome canalaire céphalique pancréatique est, pour l’instant, toujours considérée comme le seul traitement potentiellement curatif chez les 10 à 20% de patients à qui elle peut être proposée. Les résultats en termes de survie restent modestes, avec des taux de survie à 5 ans de 25 à 30% du fait d’une diffusion à distance dans 63 à 83% des cas

54 et d’une progression locale dans 17 à 37% des cas (3, 4, 69). Parallèlement à ces résultats oncologiques modestes, elle reste une intervention grevée d’une lourde morbi-mortalité. Dans la série multicentrique Française de l’AFC, la mortalité était de 3.8% et la morbidité post-opératoire de 54%. En 2010, une étude portant sur 5715 patients a proposé un score prédictif de mortalité après chirurgie pancréatique en fonction de 5 critères (âge, sexe, score de Charlson, type de pancréatectomie et nombres de pancréatectomies réalisées dans le centre) permettant de stratifier le risque de décès en trois groupes avec des taux de mortalité postopératoire respectifs de 2, 6.2 et 13.9% (70).

Parmi les facteurs permettant de limiter les complications postopératoires, deux sont particulièrement à prendre en compte :

L’impact de la dénutrition est majeur en chirurgie pancréatique du fait du catabolisme protéique accru, des conséquences nutritionnelles des diarrhées et de l’insuffisance pancréatique exocrine secondaires à l’intervention. Cette dénutrition impactera les suites opératoires mais également la survie du fait de l’impossibilité d’avoir une chimiothérapie postopératoire. Le recours à une nutrition (standard ou immunonutrition) pré et postopératoire fait l’objet de recommandation de grade A en fonction du degré de dénutrition.

La question de l’intérêt du drainage biliaire préopératoire, chez ces patients majoritairement ictériques, a longtemps été débattue jusqu’à l’étude randomisée multicentrique de van der Gaag et al (71) comparant chirurgie immédiate dans la semaine au drainage premier avec chirurgie 4 à 6 semaines plus tard. Si la morbidité, la mortalité et le taux de réintervention étaient similaires, le taux de complications sévères était supérieur dans le groupe drainage. Il est à noter que le critère d’inclusion était une bilirubine entre 40 et 250 µmol/l. Les indications actuellement retenues du

55 drainage sont a) bilirubine > 250 µmol/l, b) angiocholite, c) insuffisance rénale, d) dénutrition et e) traitement néoadjuvant. Celle-ci doit se faire au moyen d’une prothèse métallique courte et impose un délai de 4 semaines minimum avant la chirurgie.

Malgré cela, la chirurgie de l’adénocarcinome canalaire pancréatique céphalique est pourvoyeuse de nombreuses complications. La plus fréquente est la gastroparésie, la plus mortelle l’hémorragie. La fistule pancréatique fera l’objet d’un chapitre à part.

Les troubles de la vidange gastrique, ou gastroparésie, compliquent 19 à 57%

des pancréatectomies céphaliques (72, 73). L’hétérogénéité de la fréquence entre les études, s’explique par l’absence de définition consensuelle jusqu’en 2007, proposée par l’International Study Group of Pancreatic Surgery (ISGPS). Elle a été définie par le maintien d’une sonde d’aspiration plus de trois jours après l’intervention ou la nécessité de repose après J3 et l’impossibilité pour le patient d’avoir une alimentation solide après J7 (74). Trois grades ont été retenus selon le délai de réalimentation :

Grade A: Patient capable d'avoir une alimentation solide entre J7 et J14.

Grade B: Maintien ou pose de la SNG entre J8 et J14 mais patient capable d'avoir une alimentation solide avant J21.

Grade C: Maintien ou pose de SNG après J14 et patient incapable d'avoir une alimentation solide après J21.

Seuls les grades B et C ont une influence sur la durée d’hospitalisation et requièrent un apport nutritionnel entéral ou parentéral et l’utilisation de prokinétiques.

56 Sa physiopathologie se résume à des hypothèses : a) une diminution de la motiline secondaire à la duodénectomie, b) l’influence du curage pédiculaire interrompant l’innervation vague et sympathique et c) l’existence d’une pancréatite postopératoire.

Les chirurgiens ont cherché à diminuer la fréquence de la gastroparésie par des artifices

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