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1. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

1.3. MYCOTOXINES ET OCHRATOXINE A

1.3.3. Ochratoxine A (OTA)

1.3.3.2. Toxicologie de l’OTA

L'ochratoxine A est connue pour sa néphrotoxicité. Elle s’avère également immunotoxique, tératogène et neurotoxique. Son pouvoir cancérogène est établi chez l'animal, mais les preuves sont encore insuffisantes chez l'homme. Toutefois, l’OTA est classée dans le groupe 2B par l’IARC (International Agency for Research on Cancer) (1993) comme étant un cancérogène possible chez l’homme.

Le site principal d’absorption de l’OTA se situe au niveau du jéjunum. Elle est ensuite distribuée aux différents organes via le foie. Chez l’homme, l’OTA possède la plus longue demi-vie dans le plasma qui est estimée à un mois (Studer-Rohr et al., 2000). La distribution tissulaire de l’OTA, chez le porc, le poulet ou la chèvre, suit en général l’ordre suivant : reins > foie et muscle > graisses. L’OTA est éliminée par toutes les voies d’excrétion (urinaire, fécale et biliaire). Dans l’organisme l’OTA est métabolisée en 4-R-hydroxyochratoxine A (4R-OHOA) ; 4-S-hydroxyochratoxine A (4SOHOA) ; 10 OH-OTA, OTB (forme déchlorée de l’OTA) ; OP-OTA (forme ouverte de l’OTA) ; OTHQ (forme quinone) pouvant être retrouvés dans le sang ou les urines sous ces

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formes là ou conjugués au glutathion (Pfohl-Leszkowicz, 1999 ; Mally et al., 2004 ; Faucet-Marquis, 2005 ; Pfohl-Leszkowicz & Manderville, 2007).

Toxicité aiguë

La toxicité aigüe de l’OTA varie en fonction de l’espèce, du sexe et de la voie d’administration. La DL50 est de 30,3 mg/kg p.c. chez les rats mâles alors qu’elle est de 21.4 mg/kg p.c. pour les rats femelles. Le chien et le porc sont les espèces les plus sensibles, la souris et le rat sont les moins sensibles. Chez les rats, la DL50 par voie intraveineuse est de 12,7 mg/kg p.c., de 12,6 mg/kg p.c. par voie intrapéritonéale et de 21,4 à 30,3 mg/kg p.c. par voie orale. Le rein est l’organe cible de l’OTA (Pfohl-Leszkowicz et Castagnero, 1999).

Néphrotoxicité

Cette toxine touche surtout les reins et peut provoquer des lésions aiguës et chroniques. L’OTA est associée à l’apparition d’un nombre important de tumeurs dans les voies urinaires supérieures qui sont souvent rencontrées, mais pas exclusivement, dans plusieurs vallées des Balkans et elle serait l’un des facteurs potentiels à l’origine de troubles rénaux chez l’homme connus sous le nom de Néphropathie Endémique des Balkans (NEB). Cette corrélation a été établie par plusieurs études scientifiques (Bordas et al., 1973 ; Chernozemsky et al., 1977; Markovic, 1985 ; Castagnero et al., 2006 ; Pfohl-Leszkowicz, 2009) Les signes cliniques sont ceux d’une insuffisance rénale progressive précédée par une anémie très marquée (Tatu et al., 1998). L’OTA serait également responsable de désordres rénaux en Egypte et Tunisie (Creppy, 1999 ; Hassen et al., 2004).

Tératogénicité

L’OTA peut traverser le placenta et provoquer des anomalies morphologiques variées chez les embryons de rat, souris, hamster, porc et poulet (El Khoury et Atoui, 2010). Les mécanismes de la tératogénicité induite par l’OTA ne sont pas encore clairement définis. Elle semble être liée à une action indirecte de l’OTA sur la mère, et à un effet direct sur le développement embryonnaire (Pfohl-Leszkowicz et Castagnero, 1999).

62 Immunotoxicité

Le système immunitaire semble être plus touché par l’OTA que les autres organes qui lui sont sensibles. L’OTA agit sur l’immunité humorale en induisant la régression des immuno-globulines IgG, IgA et IgM. Elle est également responsable de l’inhibition de la réponse immunitaire transmise par les lymphocytes B et T (immunité cellulaire). Des troubles au niveau de la moelle osseuse ont également été observés chez les animaux à qui l’OTA a été administrée. Au niveau immunitaire l’un des effets les plus notables de l’OTA est la diminution de la taille des organes lymphoïdes (Bondy et Pestka, 2000 ; Al-Anati et Petzinger, 2006). L’OTA agit également sur les cellules de la moelle osseuse chez la souris et chez l’homme (Boorman et al., 1984 ; Froquet et al., 2003). Chez le porc en croissance, l’OTA augmente le nombre de cellules sanguines totales mais diminue le pourcentage de lymphocytes (Müller et al., 1999). En plus de modifier le nombre de cellules immunitaires présentes dans des tissus, l’OTA altère la fonction de ces cellules. (Chang et Hamilton, 1980 (Harvey et al., 1994 ; Müller et al., 1999 ; Müller et al., 2003). Chez plusieurs espèces, l’exposition à l’OTA entraîne une diminution des anticorps spécifiques vis-à-vis de différents antigènes Une réduction d'IgG, d’IgA, et d’IgM a ainsi été observée dans les tissus lymphoïdes et les sérums de poulet (Dwivedi et Burns, 1984). Chez les poulets infectés expérimentalement avec une bactérie (E. coli O78) ou un parasite (Eimeria tenella) et nourris avec un aliment contaminé par l’OTA, les altérations histologiques observées sur les organes immunitaires sont plus sévères que chez les animaux non exposés à la toxine (Kumar et al., 2004 ; Stoev et al., 2002). L’exposition des souris à l’OTA réduit également leur taux de survie après infection expérimentale par Pasteurella multocida (Müller et al., 1995). Enfin, chez le porc, l'ingestion d'aliment contaminé par l'ochratoxine A, entraine l’apparition d’infection par Salmonella Cholerae suis,

Brachyspira hyodysenteriae et Campylobacter coli (Stoev et al., 2000).

Génotoxicité

L’OTA induit des cassures mono-brin de l’ADN dans différents tissus ou cellules de souris in vivo et in vitro (Creppy et al., 1985). Le traitement de souris et de rats par l’OTA induit la formation d’adduits à l’ADN dans la rate, le foie et le rein (Pfohl-Leszkowicz, 1991 ; Obrecht-Pflumio et al., 1996 ; Petkova-Bocharova et al., 1998). Les adduits à l’ADN ont aussi été observés dans plusieurs types de cultures

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cellulaires traitées avec l’OTA : cellules rénales de singe (Grosse et al., 1995), cellules épithéliales bronchiques humaines (Grosse et al.,1995) et cellules épithéliales porcines vésicales (Dorrenhaus et Follmann, 1997). D’autres études ont conclu que l’OTA n’est pas mutagène dans le test d’Ames (Follmann et Lucas, 2003) et n’induit pas la formation d’adduits à l’ADN chez des rats traités avec 2 mg/kg p.c. pendant 2 semaines (Mally et al., 2004). L’étude menée par Turesky (2005) chez des rats mâles n’a pas montré la formation d’adduits à l‘ADN. Compte-tenu de ces études, il est actuellement admis que les effets de l’OTA mesurés au cours d’études in vivo et in vitro tels que toxicité rénale régio-spécifique, lésions de l’ADN ou effets génotoxiques, seraient attribuables à un stress oxydatif cellulaire (ANSES, 2009).

Pouvoir cancérogène

L’OTA est cancérogène chez la souris avec une dose TD50 (tumorigenic dose rate 50) de 4500 µg/kg p.c./j, et chez le rat avec une TD50 de 74 µg/kg p.c./j, montrant que le rat est beaucoup plus sensible aux effets cancérogènes de l’OTA (Kuiper-Goodman et Scott, 1989). Chez l’homme, une corrélation positive entre l’exposition à l’OTA et la NEB ainsi qu’entre la distribution géographique de la NEB et l’incidence élevée des cancers de l'épithélium urothélial a été montrée (Nikolov et al., 1996). Les concentrations sériques d’OTA mesurées sont plus élevées chez les patients atteints de la NEB et/ou du cancer de l’épithélium urothélial que chez les sujets non malades. L’OTA est classée dans le groupe 2B par l’IARC (International Agency for Research on Cancer) (1993) comme étant un cancérogène possible chez l’homme.