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CHAPITRE I INTRODUCTION

1.2 Fibres amyloïdes

1.2.4 Toxicité des assemblages

Tel que présenté à la figure 1.5, le processus de formation des fibres amyloïdes implique plusieurs conformations et la toxicité associée à ces différents assemblages demeure incomprise. Cependant, plusieurs mécanismes moléculaires toxiques dus aux assemblages (pré)amyloïdes ont été rapportés, notamment le dysfonctionnement mitochondrial (Winklhofer et Haass, 2010), la production d'espèces réactives d’oxygène (ROS) (Cheignon et al., 2018; Han et al., 2015 ; Uttara et al., 2009), l'autophagie (Alvarez-Arellano et al., 2018; Chiti et Dobson, 2017) et la perturbation de la membrane plasmique (Bauerlein et al., 2017; De et al., 2019 ; Ewald et al., 2019; Goodchild et al., 2014 ; Olzscha et al., 2011 ).

Historiquement, les fibres amyloïdes ont été identifiées comme étant à l’origine de la mort cellulaire et de la dégénérescence des tissus atteints puisque celles-ci sont présentes uniquement chez les personnes malades (Glenner et Wong, 1984; Hardy et Allsop, 1991 ; Opie, 1901). Toutefois, de plus en plus d’évidences expérimentales et cliniques suggèrent que les espèces toxiques sont les intermédiaires oligomériques. Par exemple, la gravité du déclin cognitif chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer n'est pas en corrélation avec la présence de plaques amyloïdes (Nelson et al., 2012), ce qui suggère que les agrégats pré-amyloïdes, voire oligomériques, sont la cause de la dégénérescence cellulaire. Conformément à ce point de vue, de nombreuses expériences in vitro ont montré la cytotoxicité des espèces oligomériques, y compris leur capacité intrinsèque à perturber la membrane plasmique. En effet, les oligomères du peptide amyloïde-β forment des pores affichant une structure en baril-β suite à leur insertion dans la membrane plasmique (Serra-Batiste et al., 2016). De plus, une corrélation existe entre la présence d’oligomères de l’amyloïde-β liés à la membrane et l'afflux de Ca2+ à travers les membranes neuronales (Evangelisti et al., 2016). Selon un

de pores perforant la bicouche lipidique (Fusco et al., 2017; Tsigelny et al., 2012). Cependant, les oligomères sont des assemblages protéiques transitoires, hautement hétérogènes en termes de poids moléculaire, de niveau de polymérisation et de structure, et quelques études ont rapporté une absence de toxicité. En outre, le processus de fibrillation de l’Aβ peut conduire à la formation de dimères et trimères stables qui ne sont pas toxiques pour les cellules neuronales (Chen et Glabe, 2006). Malheureusement, de par leur nature dynamique et hétérogène, les espèces oligomériques pré-fibrillaires représentent un énorme défi de caractérisation structurale et biologique. Des expériences récentes ont relancé le débat sur la question à savoir si les fibres amyloïdes contribuent à la maladie ou non (Tipping et al., 2015). Notamment, des observations en cryo-TEM ont montré la présence d’inclusions intracellulaires formées à partir d’assemblage fibrillaire de poly-Q perturbant la fonction et la dynamique du réticulum endoplasmique (Bauerlein et al., 2017). D’autres études employant des cellules en culture ont montré des assemblages extracellulaires de fibres du peptide Aβ interagissant avec les membranes, séquestrant les lipides et formant des inclusions tubulaires à la surface cellulaire (Han et al., 2017). De plus, les études de Charidimou et al. ont rapporté que les fibres d’amyloïde-β induisent la mort des cellules neuronales (Charidimou et al., 2017). Les effets nocifs des fibres amyloïdes sur les cellules peuvent être associés au fait que les fibres serviraient de réservoir à la libération d’oligomères (Cremades et al., 2012; Lesne et al., 2006 ; Martins et al., 2008). En outre, les fibres matures pourraient agir comme puissants catalyseurs pour la génération des oligomères toxiques par nucléation secondaire (Arosio et al., 2015 ; Cohen et al., 2013 ; Gaspar et al., 2017; Knowles et al., 2009; Meisl et al., 2014 ).

Malgré de nombreuses études élégantes, il demeure difficile d'identifier les espèces, parmi l'ensemble des assemblages protéiques, qui contribuent à la dégénérescence cellulaire et aux maladies associées à un gain de fonction toxique. L'élucidation progressive des propriétés conformationnelles et structurales des espèces cytotoxiques a commencé à révéler les déterminants moléculaires de ces espèces qui provoquent un

dysfonctionnement cellulaire. L'exposition de domaines hydrophobes à la surface des oligomères semble être un déterminant majeur de la toxicité induite par les oligomères. En effet, des espèces oligomères de tailles et de morphologies similaires, mais affichant des toxicités divergentes, ont été isolées et se sont révélées être différentes par leur hydrophobicité de surface, par exemple, le HypF-N (Campioni et al., 2010), l’Aβ42 (Ladiwala et al., 2012), l’α-syn (Cremades et al., 2012) et le Sup35p (Krishnan et al., 2012). De plus, des corrélations significatives ont été observées entre la toxicité de différentes formes oligomériques et l’exposition des domaines hydrophobes aux solvants, révélées grâce à l’interaction avec l'acide 8-anilino-1-naphtalènesulfonique (ANS) (Bolognesi et al., 2010). De façon similaire, des protéines amyloïdogéniques exprimées dans les cellules humaines ont également induit une toxicité directement corrélée avec l'exposition des régions hydrophobes à la surface des agrégats (Olzscha et al., 2011). Un autre déterminant important de la toxicité des oligomères semble être leur petite taille. Les résultats rapportés sur les assemblages de Aβ(1-40) et/ou Aβ(1-42)

représentent une source importante d'informations. Notamment, différentes études ont indiqué (i) que les monomères, dimères et trimères de Aβ (4–14 kDa) présentent une faible toxicité (Chimon et al., 2007; O'Nuallain et al., 2010 ; Yang et al., 2017) ; (ii) qu’une toxicité maximale est retrouvée avec les oligomères de petite taille (oligomères pré-fibrillaires (18–90 kDa) (Kayed et al., 2007; Kayed et al., 2009 ) ; (iii) que la toxicité diminue ensuite avec les oligomères de tailles élevées (oligomères fibrillaires (68-104 kDa)) (Stroud et al., 2012), protofilaments annulaires (250–400 kDa) (Lasagna-Reeves et al., 2011) et agrégats sphériques (670 kDa) (Hoshi et al., 2003)) ; et (iv) que les structures fibrillaires affichent une faible toxicité (Ahmed et al., 2010; Chimon et al., 2007). Conformément aux caractéristiques des espèces oligomériques, une série d’oligomères d’HypF-N a été générée et étudiée. Notamment, la toxicité des oligomères corrèle de façon inversement proportionnelle à leur taille. À l’opposée, la toxicité est directement proportionnelle à leur hydrophobicité de surface (Campioni et al., 2010). Une explication plausible de l'importance de la petite taille dans la toxicité des oligomères est leur coefficient de diffusion élevé, qui leur permet de diffuser plus

rapidement et d’interagir plus facilement avec les membranes cellulaires. Les espèces ayant une exposition importante de leurs régions hydrophobes afficheraient une forte capacité à altérer et s’insérer dans le milieu lipophile des membranes plasmiques (Chiti et Dobson, 2017; Fusco et al., 2017).

Néanmoins, la grande variété d'espèces intermédiaires générées lors du processus d’amyloïdogenèse augmente la complexité de la caractérisation des structures cytotoxiques. En effet, des études récentes ont montré que les plus petits oligomères d’Aβ(1-42) sont ceux qui sont les plus puissants pour induire une perméabilité des

membranes. En revanche, les oligomères de plus grande taille, mais solubles, sont ceux qui provoquent le plus efficacement une réponse inflammatoire dans les cellules gliales. Ces résultats suggéreraient qu’il pourrait exister différents mécanismes de cytotoxicité induits par différentes espèces oligomériques solubles du peptide Aβ(De et al., 2019). Par ailleurs, l’équipe de recherche de Chiti a comparé six exemples d’oligomères préformés de protéines amyloïdogéniques (α-syn, Aβ, HypF-N) affichant une toxicité différente et ayant différentes compositions en feuillets-β. Les résultats ont montré l'absence de toute corrélation mesurable entre la nature de leur structure secondaire et leur toxicité cellulaire (Vivoli Vega et al., 2019). En outre, il devient de plus en plus évident que la propagation des fibres ayant des caractères prion-like génère un certain nombre de dépôts fibrillaires qui amplifient la diversité et la complexité des dépôts amyloïdes (Aguzzi et Lakkaraju, 2016; Brettschneider et al., 2015 ; Prusiner, 2013 ).

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