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CHAPITRE I INTRODUCTION

1.3 Islet Amyloid Polypeptide (IAPP)

1.3.4 Phylogénie de l’IAPP

L'IAPP appartient à la famille des peptides apparentés à la calcitonine qui comprend l'adrénomédulline, les peptides associés aux gènes de la calcitonine (CGRP), l'intermédine et la calcitonine (Tableau 1.6) (Akter et al., 2016). Ces peptides partagent des modifications post-traductionnelles clés : ils ont une extrémité C-terminale amidée et contiennent un pont disulfure intramoléculaire près de l'extrémité N-terminale. L’IAPP humain et les CGRPs partagent une haute similitude de séquence (43 % à 49 % de similitude) (Tableau 1.6). Cependant, l’IAPP humain est agressivement amyloïdogène in vitro, tandis que les CGRPs ne forment pas d'amyloïde (Akter et al., 2016). La séquence primaire de l’IAPP a été déterminée chez plusieurs espèces de mammifères (Tableau 1.7). Les régions N-terminale et C-terminale, soient respectivement le segment 8-20 et 30-37, sont hautement conservées chez différentes espèces de mammifères et similaires à celles des CGRPs (Tableau 1.6 et Tableau 1.7). Cela suggère que ces régions sont importantes pour l’activité biologique de cette hormone. Au contraire, la région 20-29 présente beaucoup de variations (Tableau 1.6 et Tableau 1.7). Cette région variable est connue comme étant très amyloïdogénique et est importante dans l’auto-assemblage et l’agrégation de l’IAPP humaine (hIAPP). Notamment, cette région est hautement hydrophobe. De plus, le segment 20-29 de hIAPP isolé est suffisant pour induire la formation de structures fibrillaires stables (Glenner et al., 1988 ; Griffiths et al., 1995; Westermark et al., 1990 ). Chez les primates, les félins et les chiens, la région 20-29 présente 1 à 2 substitutions par rapport à l’humain, dont une substitution d’une phénylalanine par une leucine. Cette

substitution n’affecte pas la capacité à former des amyloïdes d’IAPP puisque l’hydrophobicité est conservée (O'Brien et al., 1990; Wong et al., 2016). Ainsi, l’aspect hydrophobe dans une séquence peptidique est un des déterminants supportant la prédiction de la capacité d’agrégation d’un peptide (Família et al., 2015). Tous les mammifères ne présentent pas de dépôts amyloïdes pancréatiques, notamment les souris et les rats (Betsholtz et al., 1989; Westermark et al., 1990 ). La comparaison de la séquence de l’IAPP du rat/souris (rIAPP) avec la séquence de l’IAPP humain ainsi que les premières expériences in vitro semblent confirmer l'hypothèse selon laquelle la capacité à former des amyloïdes est contrôlée par l'identité du segment 20-29 (Ashburn et Lansbury, 1993). En fait, le rIAPP contient six substitutions par rapport à la séquence retrouvée chez l’humain, dont cinq se trouvent dans le segment 20-29. Notamment, les résidus Ala25, Ser28 et Ser29 sont substitués par une proline (Betsholtz et al., 1989). À l’opposé de l’IAPP humain, le rIAPP ne forme pas de fibres amyloïdes, bien qu’il ait été montré que l’IAPP de rat puisse s’auto-assembler et former des oligomères faiblement cytotoxiques (Abedini et al., 2016) (Westermark et al., 2011). Ainsi, le comportement différent de l'IAPP humain et du rat pourrait être dû aux différences dans la région 20-29 et/ou aux multiples résidus de proline, résidu connu pour être un perturbateur de feuillets-β et ainsi déstabiliser la structure fibrillaire (Moriarty et Raleigh, 1999; Westermark et al., 1990 ). Deux facteurs font que les prolines défavorisent les structures secondaires : l'une est l'absence d'hydrogène sur l’amide, qui empêche la formation de pont hydrogène ; et l’autre est la restriction stérique imposée par la proline aux résidus voisins par le cycle pyrrolidine. Les angles phi (φ) et psi (ψ) stériquement accessibles par la proline (-75 o et 150 o respectivement) (Morgan et

Rubenstein, 2013) sont incompatibles avec ceux des feuillets-β (parallèle : φ = -119 o

et ψ = 113 o et anti-parallèle : φ = -139 o et ψ = 135 o) (McAllister et Floudas, 2009) et

déforment ainsi considérablement les brins-β (Li et al., 1996). Ainsi, la présence de trois prolines dans le rIAPP diminuent la stabilité des feuillets-β, qui est la structure secondaire majeure des fibres amyloïdes.

Ces premières études ont initialement conduit à penser que l’amyloïdogénèse de l'IAPP est strictement déterminée par la séquence primaire dans la région 20-29 (Abedini et al., 2007; Westermark et al., 1990 ). Cependant, la situation est plus complexe. D'autres fragments, en plus du segment 20-29 de l’IAPP, se sont ensuite révélés être suffisants pour former des fibres amyloïdes, soulignant que la région 20-29 n'est pas le seul segment amyloïdogène du polypeptide. Ceux-ci comprennent des peptides composés des résidus 30–37 (TNVGSNTY) (Nilsson et Raleigh, 1999), 8–20 (ATQRLANFLVHSS) (Jaikaran et al., 2001) et 10–19, ainsi que des courts fragments de la région 10–19 (FLVHS et NFLVH) (Mazor et al., 2002). De plus, afin d’identifier les résidus jouant un rôle clé dans la conversion structurale de l’IAPP, des études sur d’autres espèces animales ont été effectuées (Fortin et Benoit-Biancamano, 2015). Les analyses in silico et in vitro ont montré que la formation d’amyloïdes d’IAPP est inhibée lorsque le motif NFLVH (région 8-20) est remplacé par le motif DFLGR (tamarin-lion doré) ou le KFLIR (grand dauphin). L’amyloïdogénicité de l’IAPP est variable parmi les espèces. Parfois, chez certaines espèces, aucune cohérence n’existe dans les résultats in vitro et in vivo, ce qui rend la compréhension des mécanismes impliqués dans le processus d’amyloïdogénèse d’IAPP complexe. Par exemple, l'IAPP du furet peut former des fibres amyloïdes in vitro et cette formation réduit la viabilité des cellules-β. Toutefois, aucun dépôt d'amyloïde n’est détecté dans les îlots pancréatiques chez les furets sains ou chez les furets diabétiques (Paulsson et al., 2011). L’étude de la variabilité de l’amyloïdogénicité d’IAPP chez différentes espèces informe sur les résidus et/ou des positions jouant un rôle clé dans la formation de fibres amyloïdes ainsi que la pathogénicité de l’IAPP.

Tableau 1.6 Séquence primaire d’IAPP de différentes espèces.

Espèce Séquence primaire

% similitude avec hIAPP

Humain KCNTATCAT QRLANFLVHS SNNFGAILSS TNVGSNTY -- Rat KCNTATCAT QRLANFLVRS SNNLGPVLPP TNVGSNTY 84% Singe KCNTATCAT QRLANFLVRS SNNFGTILSS TNVGSDTY 92% Chien KCNTATCAT QRLANFLVRT SNNLGAILSP TNVGSNTY 89% Chat KCNTATCAT QRLANFLIRS SNNLGAILSP TNVGSNTY 89% Hamster KCNTATCAT QRLANFLVHS NNNLGPVLSP TNVGSNTY 86% Porc KCNMATCAT QHLANFLDRS RNNLGTIFSP TKVGSNTY 73% Furet KCNTATCVT QRLANFLVRS SNNLGAILLP TDVGSNTY 84 % Panda rouge KCNTATCVT QRLANFLVRT SNNLGAILSP TNVGSNTY 89% Raton-laveur KCNTATCVT QRLANFLLRS SNNLGAILSP TNVGSNTY 86% Tamarin-lion doré KCNTATCSM HRLADFLGRS SNNFGAILSP TNVGSNTY 81 % Éléphant africain KCNTATCVR QHLANFYIIP ATVLNPSSLP TNVGSNTY 57 % Grand dauphin KCNTATCAT QRLAKFLIRS SNNLGAILSP TNVGSNTY 86% Ours KCNTATCAT QRLANFLVRS GNNLGAILSP TNVGSNTY 89% Les résidus différents de l’IAPP sont présentés en rouge. Séquences tirées de (Fortin et Benoit-Biancamano, 2015).

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