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PARTIE III Le système Apeline/APJ I Le récepteur APJ

IV. Rôle de l'apeline dans le système cardio-vasculaire

1) Le tonus vasculaire

C'est en 2000 que Lee et ses collaborateurs (Lee et al., 2000) décrivent pour la première fois un effet de l'apeline sur le système vasculaire. L'injection de deux doses différentes (3,3 et 6,6 µg/kg poids corporel) d'apeline 13 par voie intraveineuse (iv) à des rats anesthésiés entraîne une diminution significative et immédiate des pressions

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systoliques et diastoliques. Cet effet dure 3 à 4 minutes et il s'accompagne d'une légère augmentation de la fréquence cardiaque.

Ce résultat est reproduit par deux équipes différentes en 2001 et 2004. En effet, au cours d'une étude menée aussi sur le rat Wistar anesthésié, Tatemoto et ses collaborateurs ont pu confirmer que l'injection iv d'apeline entraînait une diminution de la pression artérielle moyenne (PAM) (480). Cette même étude montre également qu'il existe une différence d'efficacité entre les formes d'apeline: l'apeline 12 ou 13 possédant une meilleure capacité à diminuer la PAM que la forme de 36 acides amines (diminution de la PAM de 26, 11 et 5 mmHg respectivement). En 2004, l'équipe dirigée par C. Llorens-Cortes montre que l'apeline 17, comparée au fragment de 13 acides aminés, possède une capacité plus élevée à induire une baisse de la PAM (-12.8 mmHg et -6 mmHg respectivement) (454).

Afin d'expliquer le mécanisme d'action de l'apeline, plusieurs équipes se sont tournées vers le monoxyde d'azote (NO) puisqu'au niveau des cellules endothéliales, l'apeline est capable de phosphoryler (sur le résidu serine 1176) et d'activer la Synthase d'Oxyde Nitrique endothéliale (eNOS) entraînant une synthèse de NO quantitativement importante. En effet, deux minutes après l'injection i.v d'apeline 13 (7,5 µg/kg), on observe une augmentation des taux plasmatiques de nitrites oxydés (480, 481). Le NO est un gaz synthétisé par la eNOS à partir de la L-arginine. Il va activer la guanylate cyclase et ainsi provoquer la transformation de guanosine triphosphate (GTP) et guanosine monophosphate cyclique (GMPc) dont l'augmentation est responsable de la modulation de l'activité de certaines protéines kinases. Ces enzymes, en favorisant la sortie de potassium et de calcium hors de la cellule, provoquent une hyperpolarisation avec pour conséquence une relaxation des fibres musculaires lisses des vaisseaux. A l'échelle d'un vaisseau, le NO produit par les cellules endothéliales va diffuser jusqu'aux cellules musculaires lisses composant la paroi vasculaire et provoquer leur relaxation. L'ensemble de ces mécanismes conduira in fine à des phénomènes de vasodilatations et de diminution de la pression artérielle.

Il apparaît cependant que le rôle de l'apeline sur les vaisseaux n'est pas seulement dû aux récepteur APJ présents sur les cellules endothéliales. En effet, comme nous l'avons déjà vu plus haut, APJ est aussi présent au niveau des cellules musculaires lisses des certains vaisseaux. Des expériences faites sur des artères humaines dénuées de cellules endothéliales montrent que l'apeline 13 possède un effet

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direct sur les cellules musculaire lisses provoquant leur contraction et par conséquent pouvant potentiellement médier une vasoconstriction (482). Dans un contexte physiopathologique de dysfonction endothéliale, on peut aisément imaginer que l'apeline puisse avoir un rôle de vasoconstricteur et participe indirectement à l'installation de pathologies vasculaires. Plus récemment, des études réalisées sur des cellules musculaires lisses de la paroi des vaisseaux montrent que l'apeline est aussi responsable de la phosphorylation (en Thr 18 et Ser 19) des chaînes lourdes de myosine, acteurs essentiels de la contraction des cellules musculaires lisses. Cette activation est perdue lorsque les cellules musculaires lisses sont issues de souris invalidées pour le récepteur APJ (483).

Même si la plupart des études ont montré un effet vasodilatateur de l'apeline, certains travaux ont rapporté une augmentation de la PAM. En effet, Kagiyama et ses collaborateurs ont mis en évidence qu'à très forte concentration (environ 200 µg/kg), l'apeline 13 injectée en iv pouvait induire une constriction des vaisseaux responsable d'une augmentation de la PAM. De plus, au cours de cette étude, les auteurs ont pu observer une augmentation de la fréquence cardiaque (484). Enfin, une étude pratiquée chez le mouton a révélé que l'apeline (20 µg/kg) pouvait avoir des effets biphasiques sur la pression artérielle entraînant une diminution (-12 mmHg) suivie d'une augmentation (+12 mmHg) de celle ci quelques minutes après l'injection (485). Même si ce type de régulation semble être dû à une adaptation rapide de l'organisme, il apparaît que l'apeline agit de façon différente sur le tonus vasculaire en fonction de la dose injectée et de l'espèce étudiée.

Chez l'homme, les études relatives à l'apeline et à la physiologie vasculaire ont essentiellement concerné les propriétés (localisation et liaison) du couple apeline/APJ. En effet, en 2001, des études de binding pratiquées ex vivo ont mis en évidence que l'apeline 13 se liait rapidement au niveau des artères coronaires, de l'aorte et de la veine saphène (482). La présence du complexe apeline/APJ (détecté par immunohistochimie) est très prononcée dans la plupart des vaisseaux qui entourent le cœur, le rein et les poumons. Il est aussi retrouvé au niveau des cellules endothéliales des gros vaisseaux (462) et colocalisé avec PECAM (CD31 ou platelet-endothelial cell adhesion molecule), une protéine très présente dans les cellules endothéliales (486). En ce qui concerne les

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effets physiologiques de l'apeline sur le système vasculaire humain, seules trois études ont été jusque là publiées. Deux d'entre elles présentent des travaux réalisés sur des artères ou des veines ex vivo (482, 487). Katugampola et ses collaborateurs ont montré que l'apeline augmentait la constriction de la veine saphène dénuée de cellules endothéliales alors que Salcedo à mis en évidence que l'apeline provoquait une vasodilatation des artères hépatiques et mésentériques. De façon intéressante, cette dernière étude montre que l'effet de l'apeline, au niveau des artères hépatiques, uniquement, n'est pas totalement réprimé lors du blocage pharmacologique de la eNOS. Ce résultat signifie que dans certains tissus, la vasodilatation médiée par l'apeline n'est pas exclusivement transduite par la eNOS (487). On pourrait émettre l'hypothèse que l'apeline puisse devenir une cible potentielle dans le traitement de pathologies vasculaires spécifiques de certains tissus. L'étude de cette voie parallèle devra donc être approfondie.

Dernièrement, des travaux ont pu mettre en évidence que l'effet vasodilatateur de l'apeline était conservé chez l'homme. En effet, bien que l'injection d'apeline 13 ou 36 chez l'homme sain ne semble pas modifier le tonus veineux, les auteurs observent, suite à l'injection, une vasodilatation artérielle dépendante du NO (488).

Fig. 18 Voies de signalisation de l’apeline dans les cellules les cellules endothéliales permettant la vasodilatation. Au niveau des cellules endothéliales,l ‟apeline se fixe sur son récepteur APJ qui va induire une cascade de signalisation impliquant la protéine kinase C (aPKC), la

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phosphoinositol-3-phosphate kinase (PI3K) et Akt. Il s‟en suivra une phosphorylation activatrice de la synthse d‟oxide nitrique endothéliale (eNOS) qui va permettre la libération de NO. Ce NO va pouvoir agir sur les cellules musculaire lisses entourant les vaisseaux et permettre leur relaxation. Ce phénomène induiration une dilatation à l‟échelle du vaisseaux.