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L'apeline et la régulation de l'équilibre hydrique

PARTIE III Le système Apeline/APJ I Le récepteur APJ

IV. Rôle de l'apeline dans le système cardio-vasculaire

2) L'apeline et la régulation de l'équilibre hydrique

Chez l'homme, plus de 60% du poids corporel est constitué par de l'eau stockée dans les compartiments intra et extracellulaires. La perte d'eau entraîne l'activation de signaux sensoriels (endocrines et neuronaux) qui vont renseigner le cerveau sur le statut hydrominéral de l'organisme et ainsi permettre une réponse adaptée au maintient de l'homéostasie hydrique (513).

Des études expérimentales ont mis en évidence que certaines structures du cerveau étaient impliquées dans la régulation de la balance hydrique (noyau du tractus

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solitaire, la medula ventrolatérale rostrale et caudale, le noyau parbrachial, la partie anteroventrale du 3ème ventricule, l'hypothalamus, etc...). L'ensemble de ses structures nerveuses va converger essentiellement vers deux centres hypothalamiques que sont le noyau paraventriculaire (NPV) et le noyau supra-optique (NSO), essentiels, comme nous l'avons déjà évoqué plus haut, dans le contrôle et la régulation de la balance hydrominérale. Ainsi, lors d'une diminution de la volémie ou d'une perturbation de l'osmolarité, l'information est transmise à l'hypothalamus qui va augmenter la production de vasopressine ou medier la sensation de soif. La vasopressine ou hormone antidiurétique (AVP pour arginine-vasopressine ou ADH pour antidiuretic hormone) est une hormone synthétisée par le NPV et le NSO de l'hypothalamus et libérée par l'hypophyse postérieure. Cette hormone va agir au niveau rénal où elle se lie sur ses récepteurs V2 situés sur les cellules du tube collecteur. La liaison de l'AVP sur ses récepteurs va induire une augmentation de la concentration intracellulaire d'AMPc qui va entraîner une translocation d'aquaporine (canaux hydriques) initialement présents dans des vésicules cytoplasmiques. Ceci aura pour conséquence une réabsorption de l'eau vers l'interstitium rénal.

Compte tenu des résultats évoqués plus haut concernant la localisation de l'apeline et d'APJ au niveau de l'axe hypothalamo-hypophysaire, plusieurs équipes se sont intéressées au rôle que pouvait jouer le complexe apeline/APJ sur l'équilibre hydrique. Des études de double marquage associant des techniques d'immunohistochimie et d'hybridation in situ ont été menées et ont démontré que les récepteurs de la vassopressine (V1a et V1b) étaient présents au niveau des cellules qui expriment aussi APJ (509). La colocalisation vassopressine/apeline au niveau des neurones magnocellulaires et l'association des deux récepteurs au niveau des mêmes cellules a conduit l'équipe de C. Llorens-Cortès a étudier le rôle de l'apeline sur la libération de vasopressine (509). Pour cela, les auteurs ont procédé à des injections icv d'apeline 13 pyroglutaminée à différentes doses (100 ng, 300 ng et 1 g) et ont pu observer que seule l'injection d'1 g d'apeline provoquait une diminution (47%) des taux plasmatiques de vasopressine chez la souris privée d'eau pendant 24 heures. De la même manière, alors que la privation d'eau pendant 48 heures induit une augmentation dramatique des

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concentrations d'AVP plasmatiques chez la souris (x4), l'injection icv d'apeline 17 (1 g) permet de limiter cette augmentation.

Pour tenter de mieux appréhender les mécanismes permettant à l'apeline de réguler la sécrétion d'AVP, De Mota et ses collaborateurs ont utilisé le modèle de la ratte en lactation dans lequel on retrouve une hyperactivité de neurones magnocellulaires vasopressinergiques destinée à conserver au mieux l'équilibre hydrique de l'organisme afin d'obtenir une production optimale de lait. Chez ces animaux, l'injection icv d'apeline 17 diminue l'activité électrique phasique des neurones vasopressinergiques une heure après l'administration de 2 pmol du peptide (508). Cette diminution s'accompagne d'une réduction de la sécrétion de vasopressine dans la circulation sanguine qui a pour conséquence une diurèse aqueuse plus importante (508). Plus récemment, Tobin et ses collaborateurs ont pu montrer que l'apeline 13 provoquait une augmentation des taux intracellulaires de Ca++ de neurones vasopressinergiques et ocytocinergiques (514). Ces travaux ont également montré que l'apeline 13 était responsable d'une augmentation de l'activité électrique des corps neuronaux. Il semblerait que l'apeline entraîne une régulation différentielle entre les corps cellulaires et les extrémités somato-dendritiques. En effet, la plupart des mécanismes de sécrétions observés au niveau neuronal montrent qu'une augmentation de l'activité électrique est synonyme d'une sécrétion plus importante. Cependant, dans quelques situations, un phénomène de régulation différentielle peut donner lieu à une augmentation de l'activité électrique dans le soma et à une diminution de l'activité sécrétoire au niveau dendritique (515)comme observé par Tobin pour l'apeline.

On peut ainsi conclure de ces résultats que l'apeline pourrait être libérée au niveau somatodendritique et exercer un effet inhibiteur direct sur l'activité phasique des neurones vasopressinergiques et la libération systémique d'AVP.

Un autre argument en faveur d'une étroite interaction entre apeline et l'AVP dans le contrôle de la balance hydrominérale est apporté par des expériences de privation hydrique associée à des marquages immunohistochimiques d'AVP et de l'apeline (511). Les résultats obtenus au cours de ces travaux confirment une présence de l'AVP et de l'apeline au sein des mêmes cellules (certaines cellules sont AVP+ et apeline+ mais toutes les apeline+ sont AVP+) mais montrent également qu'à l'intérieur de la cellule,

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ces deux peptides ne sont pas colocalisés. En effet, l'apeline est localisée en clusters autour du noyau alors que l'AVP est distribuée dans tout le cytoplasme. De plus, cette étude nous apprend aussi que lorsque les animaux sont privés d'eau pendant 48h, une nette augmentation du marquage de l'apeline (de 9 à 55 fois selon les territoires étudiés) se produit au niveau du NSO. Selon les auteurs, cette augmentation, concomitante avec une diminution des taux plasmatiques d'apeline est la résultante d'une diminution de la sécrétion d'apeline par les neurones apelinergiques. Ainsi, le stress hydrique provoqué au cours de ces expériences est responsable de la diminution de la sécrétion d'apeline par les neurones magnocellulaires. Pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans cette régulation, les auteurs ont traité ces animaux avec un antagoniste des récepteurs à l'AVP. Les résultats émanant des ces travaux montrent que ce traitement diminue partiellement (50% environ) l'immunoréactivite de l'apeline dans le NPV. De même, l'injection icv d'AVP augmente le marquage dirigé contre l'apeline dans ces territoires (511). Enfin, dans une autre étude, la même équipe a pu constater une augmentation de la diurèse en accord avec les modifications des taux plasmatiques d'AVP observées lorsque l'apeline est administrée aux animaux (508).

Chez l'homme, des travaux consistant à augmenter l'osmolarité plasmatique et à observer les variations de concentrations plasmatiques d'apeline et d'AVP ont mis en avant qu'il existait une corrélation négative entre l'osmolarité plasmatique et l'apelinémie alors que les taux d'AVP plasmatiques augmentaient (516).

L'ensemble de ces travaux met en évidence que lors d'un stress hydrique, la privation d'eau entraîne une augmentation de la sécrétion d'AVP qui, par effet autocrine ou paracrine, va provoquer une inhibition de la sécrétion d'apeline. L'apeline, par son effet antagoniste à celui de l'AVP, semble être un nouveau peptide diurétique impliqué dans la balance hydrominérale.

Chez l'homme, les résultats obtenus confirment ceux obtenus chez l'animal et permettent d'envisager l'apeline comme cible pharmacologique dans le traitement de patients présentant des troubles hydriques. En outre le ratio AVP/apeline semble être un bon marqueur de l'état hydrominéral chez l'homme et pourrait être utilisé en investigation clinique.

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En 2001, Reaux et ses collaborateurs montrent, chez le rat privé d'eau pendant 24 heures, qu'une injection icv d'apeline 13 pyroglutaminée entraîne une nette diminution de la prise hydrique (de 7.6 à 4.9 ml) (509). Cet effet est comparable aux effets déjà observés pour des molécules impliquées dans le contrôle de la prise hydrique comme les peptides natriurétiques (517). Pour appuyer ce résultat, des études imunohistochimiques ont permis de caractériser des fibres et des terminaisons apelinergiques au niveau des centres de la soif (Organe Vasculaire de la Lame Terminale (OVLT) et Organe Subfornical (SFO)) (510). Cependant, d'autres études n'ont pas retrouvé les mêmes résultats. En effet, les équipes dirigées par O'Dowd et par Bloom (456, 518)) montrent que l'apeline provoque une augmentation de la prise hydrique dépendante de la dose. D'autres travaux ne retrouvent aucun effet de l'apeline lorsqu'elle est administrée au niveau central (Mitra et al., 2006). Les auteurs expliquent ces désaccords par des différences dans le choix des animaux, dans leur statut hydrique ou encore dans la précision de la zone du cerveau où l'injection d'apeline est pratiquée.

Les résultats concernant la régulation de la sécrétion de vasopressine par l'apeline sont reproduits par plusieurs équipes et vont dans le sens d'une diminution de la prise hydrique et d'une augmentation de la diurèse. Cependant, il semble nécessaire d'explorer l'effet de l'apeline sur la prise hydrique de plusieurs espèces animales différentes ainsi que d'observer l'action du peptide en fonction de l'état d'hydratation de l'animal.

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Fig. 20 Régulation de l’équilibre hydrique par l’apeline 17. (D’après Llorens-Cortes et al., 2005). L‟apeline et l‟AVP sont colocalisées au niveau de nombreux neurones. 1) L‟injection icv d‟apeline va inhiber l‟activité éléctrique phasique des neurones AVP qui aura pour conséquence 2) une inhibition de la sécrétion systémique d‟AVP. Cette diminution d‟AVP plasmatqiue va entraîner une augmentation de la diurèse aqueuse.