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PARTIE II De l'Obésité à la Résistance à l'Insuline

I. L’Obésité et le tissu adipeu

3) Le tissu adipeu

a) Généralités

Il existe deux types de TA chez la plupart des mammifères (176): le tissu adipeux blanc et le tissu adipeux brun. Le plus abondant chez l‟homme est le tissu adipeux blanc (TA). Le TA blanc est le « lieu » de stockage de l‟énergie par excellence mais qu‟il est depuis quelques années aussi considéré comme un organe endocrine à part entière pouvant participer à la régulation de différents processus physiologique et pathologiques (177).

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Le tissu adipeux brun (TA brun) est peu présent chez l‟homme adulte alors qu‟il est essentiel chez le rongeur. Le principal rôle de ce tissu est de maintenir une température constante chez le petit animal grâce au phénomène de thermogénèse. Jusqu'à récemment, il était admis que le TA brun humain était présent et actif uniquement chez le nouveau-né. Cependant, des études de tomodensitométrie ont permis d'identifier que ce tissu était aussi retrouvé chez certains adultes (10% de la population) au niveau cervical, supraclaviculaire, paravertébral, médiastinal, para- aortique et suprarénal. Cette nouvelle cartographie du TA brun a même permis d'envisager un rôle de ce tissu dans la régulation de la balance énergétique (178). De plus en plus d'intérêt est porté à ce tissu depuis que de nouvelles propriétés le rapprochant du tissu musculaire ont été démontrées chez l'adulte. En effet, le TA brun semble être assez proche du muscle squelettique: ces deux tissus utilisent la phosphorylation oxydative pour consommer de l'énergie, ils possèdent de nombreuses mitochondries et sont capables de faire la thermogénèse adaptative pour produire de la chaleur. Récemment, une étude faite par Seale et ses collaborateurs (179) a montré que le TA brun et le muscle possédaient une cellule progénitrice commune exprimant le facteur de transcription Myf5 que l'on ne retrouve pas dans le TAB. Dans cette étude, les auteurs montrent également que le régulateur transcriptionnel PRDM16 permet d'orienter ce progéniteur commun vers un phénotype d'adipocyte brun alors que son invalidation conduit à une augmentation de l'expression de gènes caractéristiques du phénotype musculaire. Réciproquement, la surexpression de PRDM16 dans des myoblastes en culture induit une adipogénèse (179). D'autres études sont actuellement en cours pour mieux caractériser l'importance métabolique de ce tissu et déterminer quels sont les différents acteurs impliqués dans la détermination phénotypique conduisant à l'adipocyte brun.

b) Distribution anatomique des TA

Chez l‟homme normopondéral, le TA blanc est divisé en deux types de tissus possédant des caractéristiques propres : le TA blanc sous cutané (TASC) et le tissu adipeux blanc viscéral (TAV) .

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Comme son nom l‟indique, le TASC est une couche de gras localisée entre les muscles et la peau mais aussi entre les fascias musculaires. D‟un point de vue anatomique, ce tissu représente 80% du TA de l‟organisme d‟un individu sain et il est localisé au niveau du tronc, de la zone glutéo-fémorale, de la poitrine mais aussi au niveau de la face.

Le TAV est un tissu profond qui va entourer les viscères. Ainsi, ce TA interne sera surtout retrouvé au niveau péritonéal (ommental, mésentérique), retropéritonéal (periaortique, perirénal,…) mais également intrapelvien (gonadique et urogenital). De plus, comme décrit sur la figure 1, un deuxième type de TA -profond mais non-viscéral- pourra être localisé au niveau péri- ou intra-musculaire ainsi qu‟au niveau du cœur. Ce troisième type de dépôt adipeux a été peu étudié jusqu‟à présent mais de plus en plus de travaux récents montrent aujourd‟hui l‟implication de ce TA dans la genèse de certaines pathologies associées à l‟obésité.

Le TA de l‟homme sain ou obèse possède des caractéristiques propres à sa localisation anatomique qui sont influencées par l‟age et le sexe de l‟individu. Le dimorphisme sexuel observé lors de différentes études a permis d‟introduire les termes de distribution androïde ou gynoïde de la masse grasse. Chez la femme possédant un poids normal, le TASC est surtout localisé au niveau de la zone glutéo-fémorale ainsi qu‟au niveau de la poitrine. Chez l‟homme normopondéral, les dépôts adipeux superficiels se retrouvent au niveau de la nuque, d‟une zone allant des muscles deltoïdes aux triceps ainsi qu‟au niveau de la région lombaire. En revanche, chez les deux sexes (plus marqué chez les hommes), le TAV se retrouve surtout au niveau de l‟omentum, du mésentère et de la zone rétropéritonéale.

Chez le rongeur, et plus précisément chez la souris qui est le modèle animal que j‟ai utilisé au cours de ces travaux de thèse, le tissu adipeux blanc peut être également divisé en sous-cutané et interne (ou viscéral). Le tissu adipeux sous cutané est surtout localisé au niveau inguinal entre le péritoine et la peau ainsi qu‟au niveau des pattes postérieures alors que le TA viscéral est essentiellement concentré autour des gonades (TA périgonadique) et des reins (TA périrénal). (180).

- 55 - c) Structure du TA

Le TA présente une grande hétérogénéité cellulaire. Les cellules de ce tissu peuvent être séparées en deux grandes populations: les adipocytes matures et la fraction non-adipocytaire ou fraction stroma-vasculaire (FSV).

L'adipocyte

L'adipocyte est la principale cellule qui compose le TA, elle est ronde, volumineuse (diamètre allant d'une vingtaine de micromètres à plus d'une centaine pour les plus grosses) et possède un cytoplasme réduit du fait de la présence de la vacuole lipidique. Cette vacuole, qui occupe l'essentiel de la cellule, contient les réserves énergétiques stockées sous formes de TG. Comme nous l'avons déjà vu, la lipogénèse et la lipolyse sont les deux grands mécanismes permettant à l'adipocyte de stocker ou de libérer le contenu énergétique de la vacuole.

La FSV contient des préadipocytes, des cellules endothéliales, des cellules hématopoïétiques (macrophages, lymphocytes,…), des cellules précurseurs ainsi que des cellules nerveuses. Martin Rodbell, en 1964, est le premier à proposer une méthode permettant de séparer les adipocytes matures des cellules de la FSV basée sur une digestion à la collagénase (181). Aujourd‟hui l‟approche utilisée pour définir les différentes cellules composant le TA se base sur des analyses en cytométrie en flux permettant de caractériser à l‟aide de marqueurs membranaires les populations cellulaires de la FSV fraîchement isolée. Trois marqueurs principaux sont utilisés :

-CD34 ou Mucosialine est exprimé à la surface des cellules souches hématopoïétiques, des cellules endothéliales progénitrices et des cellules endothéliales des capillaires sanguins

-CD31 ou PECAM (platelet endothelial cell adhesion molecule) est fortement exprimé à la surface des cellules endothéliales de tout type et de manière plus diffuse sur les cellules de la lignée monocytaire et les plaquettes

-CD14 ou récepteur aux lipopolysaccharides (LPS) est exprimé à la surface des cellules de la lignée monocytaire.

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L‟utilisation combinée d‟anticorps dirigés contre ces trois marqueurs couplés à des fluorochromes différents, permet, en combinaison avec les données obtenues sur la taille et la granularité des cellules, d‟identifier au sein de la FSV, des populations cellulaires distinctes. En parallèle, une approche originale d„immuno-sélection de ces populations cellulaires en utilisant des billes magnétiques couplées à des anticorps reconnaissant ces trois marqueurs de surface à été développée (182)

Ainsi on distingue :

- les cellules CD34+/CD31+ : cellules endothéliales capillaires - les cellules CD14+/ CD31+ : macrophages

- les cellules CD34+/ CD31- : cellules progénitrices.

Le préadipocyte

L‟augmentation du nombre d‟adipocytes qui peut être observée au sein du TA est due à la différenciation d‟une cellule présente dans la FSV et nommée préadipocyte .Le pré-adipocyte est un type cellulaire relativement immature qui peut se différencier en adipocyte. En 2005, Sengenes et ses collaborateurs ont mis en évidence que les cellules CD34+/CD31- présentaient la capacité de se différencier en adipocytes lorsqu‟elles sont cultivées en milieu adipogénique. Elles expriment alors des gènes adipocytaires (LPL, LHS, aP2 et FAS) et développent progressivement les activités métaboliques adipocytaires que sont la lipolyse et la lipogénèse (182). Cependant ces cellules sont bipotentes car elles peuvent aussi se différencier en cellules endothéliales lorsqu‟elles sont cultivées dans un milieu de diiférenciation approprié pour ce type cellulaire.

Les cellules endothéliales

La microcirculation- Le rôle de l‟endothélium dans le développement du TA est reconnu depuis longtemps. Cependant peu d‟études concernent cette composante du TA par le fait que ce tissu est généralement considéré comme peu vascularisé. Cette faible vascularisation apparente est en fait due à la taille élevée des adipocytes. En effet, le jeûne chez l‟animal qui s‟accompagne d‟une diminution de la taille des

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adipocytes, permet de mettre en évidence un réseau capillaire important autour de chaque adipocyte. Ainsi quand on prend en compte le « volume maigre » de l‟adipocyte et la surface capillaire, le réseau vasculaire dans le TA blanc est aussi élevé que celui du muscle squelettique.

Rôle dans la formation du TA- Au niveau du développement du TA embryonnaire, les analyses histologiques montrent une relation étroite entre le développement des vaisseaux sanguins et celui des adipocytes (183). Récemment, les études réalisées par Neels (184), utilisant l‟implantation sous-cutanée de cellules de la lignées préadipocytaire 3T3F442A chez la souris, ont clairement associé l‟apparition des marqueurs de l‟adipogénèse à ceux des marqueurs endothéliaux. Ces observations ont été complétées par les travaux de Fukumura montrant que des préadipocytes transfectés par une forme dominante négative de PPAR empêchant l‟adipogénèse, inhibe l‟angiogénèse au site d‟implantation. En parallèle, l‟inhibition de l‟angiogénèse par un anticorps neutralisant anti-VEGFR2 inhibe l‟adipogénèse (185).

En résumé, adipogénèse et angiogénèse sont deux phénomènes étroitement liés et complémentaires au sein du TA. Dans ce sens, des études réalisées sur les lignées murines de préadipocytes (3T3L1 et 3T3F442A) suggèrent que l‟hypoxie est un inhibiteur puissant de l‟adipogénèse (186-188).

Rôle dans le développement du TA- Les analyses en cytométrie en flux montrent que le pourcentage des cellules endothéliales des capillaires sanguins est proportionnel à l‟augmentation du volume du TA (189). La dépendance du TA vis à vis de son réseau vasculaire a été mise en évidence par des traitements de souris par des facteurs anti- angiogéniques (190). L‟apoptose des cellules endothéliales induite par ces traitements conduit à une prévention, mais également à une réversion, du développement du TA. L‟endothélium joue donc un rôle déterminant dans la croissance, mais également dans le maintient de la masse grasse.

Les cellules inflammatoires

La présence de cellules inflammatoires au sein de la FSV du TA humain est reconnue depuis longtemps. Cependant, des observations récentes suggèrent une

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implication de cette population dans la genèse de l‟état inflammatoire et des pathologies associées à l‟obésité.

Deux populations cellulaires sont distinguables: les lymphocytes et les macrophages.

Les lymphocytes présents dans le TA sont de la famille des Natural Killer (NK). Le rôle des lymphocytes du TA n‟est pas connu et est en cours de caractérisation.

Les macrophages sont des cellules résidentes dans la majorité des tissus de l‟organisme. L‟origine des macrophages du TA n‟est pas clairement définie. De part les similitudes d‟expression génique entre adipocyte et macrophage et l‟observation de l‟activité de phagocytose que présentent les préadipocytes, il a été suggéré que les macrophages puissent provenir de la différenciation de préadipocytes (191). Cependant, il n‟a pu être mis en évidence de formation de colonies monocytaires à partir de préadipocytes humains (182). Des expériences de transplantation de moelle osseuse chez la souris démontrent que la majorité des macrophages du TA sont originaires de cellules dérivant de la moelle osseuse et suggèrent donc que les macrophages du TA sont originaires de l‟infiltration de monocytes sanguins circulants (192). Nous verrons dans les prochains chapitres que le TA est un grand producteur de chimiokines (MCP-1 et IL8) qui pourraient participer à l‟attraction des monocytes circulants.

Les macrophages résidents dans les tissus peuvent être considérés comme les « surveillants » de l‟intégrité tissulaire. Il s‟adaptent à leur micro-environnement en acquérant des phénotypes et des fonctions spécifiques au tissu dans lequel ils résident (193). En condition normale, la fonction majeure des macrophages résidents est d‟éliminer le matériel étranger au tissu et les cellules apoptotiques, processus essentiel dans le maintien de l‟homéostasie tissulaire. Le rôle des macrophages dans le TA n‟est pas clairement établi mais des effets locaux et systémiques peuvent être envisagés. En effet, les macrophages et leurs produits modulent la fonction de sécrétion, le métabolisme lipidique et la différenciation adipocytaire (194)). Deux populations de macrophages semblent co-exister dans le TA au cours du développement de l‟obésité. Une première population appelée M1 présentant un phénotype « pro-inflammatoire » et une deuxième population M2 présentant un phénotype « anti-inflammatoire » (195). Les M1 pourraient jouer un rôle dans la mise en place de la résistance à l‟insuline associée à l‟obésité via la sécrétion de certaines cytokines inflammatoires (195, 196).

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A contrario les M2 joueraient un rôle bénéfique et permettraient, via l‟activation du récepteur nucléaire PPAR de l‟adipocyte, de maintenir la sensibilité à l‟insuline du TA (197). Le mécanisme expliquant la transition entre les populations M2 et M1 reste à déterminer. Un travail récent montre que chez la souris, la mise en régime gras pourrait favoriser l‟expansion de la population M1 (195).

Cependant, ce résultat obtenu chez la souris n‟est pas vérifié chez l‟homme puisque Bourlier et ses collaborateurs ont pu montrer que le développement du TA s‟accompagne d‟une augmentation du nombre de macrophages anti-inflammatoires. Les auteurs expliquent ces différences par le fait que chez la souris, la mise en régime gras sur une longue période entraîne le développement d‟une insulino-résistance du TA alors que dans l‟étude de Bourlier, les sujets étudiés étaient des femmes en surpoids mais ne présentant aucune défaut de sensibilité à l‟insuline. Il semblerait donc que la transition macrophagique entre les population M2 et M1, observée chez la souris en régime gras, soit plus directement causée par l‟insulino-résistance du TA et l‟impact du régime gras plutôt que par l‟expansion du TA. Même si le rôle des macrophages du TA reste encore flou, quelques pistes ont été évoquées concernant la capacité des sécrétions macrophagiques à participer au développement du TA. Ainsi, les produits relargués par le macrophage du TA participeraient à l‟angiogénèse du tissu ainsi qu‟a son expansion, via la sécrétion de protéines responsables du remodelage de la matrice extra-cellulaire (198). Cependant, même si de nombreuses études restent à mener pour comprendre notamment la dynamique entre les populations M1 et M2, le rôle le plus couramment décrit pour les macrophages du TA est celui d‟un médiateur de l‟inflammation entraînant une perte de la sensibilité à l‟insuline du TA.

Les Cellules Nerveuses

Le TA est principalement innervé par des fibres ortho- et para-sympathiques (199). Les fibres noradrénergiques sont étroitement associées au réseau vasculaire et aux adipocytes. Le neurotransmetteur impliqué dans les messages nerveux du TA est la noradrénaline, qui se lie aux différents sous-types de récepteurs adrénergiques (récepteurs 1, 2, et 2 adrénergiques) régulant, en autres, la lipolyse. Ces fibres

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nerveuses semblent aussi pouvoir moduler les processus de prolifération et de différenciation des pré-adipocytes et ainsi réguler l‟évolution de la masse grasse (199, 200).