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La TA assistée par ordinateur est une technique d’imagerie médicale utilisée depuis maintenant plus de 40 ans afin d’étudier une très grande diversité de pathologies et de conditions138. Le présent chapitre aura comme objectif de présenter cette technologie utilisée

dans les présents travaux de recherche, afin d’exposer son fonctionnement, son utilisation dans l’évaluation des lipides intramusculaires et les risques reliés à l’exposition aux radiations ionisantes.

4.1 Fonctionnement

Lors d’un examen, l’appareil projette des rayons X à travers le sujet et des capteurs mesurent les radiations résiduelles à la sortie du corps, permettant de mesurer le niveau d’absorption des rayons X par les différents tissus. L’absorption diffère selon la nature des tissus qu’ils pénètrent, les plus denses absorbant davantage de rayons X. Les données ainsi obtenues permettent de reconstruire l’image de la coupe anatomique étudiée139. Les voxels, qui sont des

pixels possédant des données sur le volume, possèdent chacun une valeur numérique en unité Hounsfield (UH) qui représente la moyenne de l’atténuation des rayons X sur l’épaisseur de la coupe mesurée. Chaque nombre sur l’échelle de UH correspond à une teinte de gris, la valeur 0 correspondant à la densité de l’eau et -1000 à la densité de l’air (tableau 2)140. L’image

obtenue par la reconstruction des données obtenues par TA peut ensuite être segmentée à l’aide de logiciels spécialisés pour en tirer davantage d’informations, par exemple distinguer les différents tissus et mesurer leur atténuation. Dans le cadre de ce mémoire, le logiciel sliceOmatic (Tomovision, Montréal, Québec, Canada) a été utilisé afin d’analyser les images. Ce logiciel a été utilisé dans un grand nombre de publications et la reproductibilité intra- et inter-observateur des mesures effectuées à l’aide de celui-ci a été validée141.

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Tableau 2 Échelle d'unités Hounsfield

4.2 Évaluation de la qualité musculaire

L’atténuation mesurée permet d’identifier la nature des tissus observés selon l’intervalle dans laquelle se situe le voxel et révèle des informations sur sa composition143. Dans le muscle

squelettique, Goodpaster et coll. ont démontré en comparant la TA à des biopsies musculaires que plus l’atténuation musculaire était basse, plus le muscle renfermait des lipides69.

Deux indices différents sont utilisés pour quantifier l’infiltration de lipides dans le muscle par TA, soit l’atténuation moyenne, qui est affectée par la présence globale de lipides sur une surface donnée d’un muscle144,145, et l’aire de MFA, qui représente la surface du muscle qui est

anormalement infiltrée de lipides et dont les valeurs ont été établies à 2 écarts-types sous la moyenne d’atténuation de la mi-cuisse de sujets minces et en santé144.

Bien qu’il n’existe pas encore de consensus sur les échelles d’atténuation143, dans le cadre de

cette étude nous avons utilisé le barème présenté au tableau 3 pour identifier les différentes qualités (densité) du muscle142 :

Tableau 3 Échelle d'atténuation musculaire

UH Matière -1000 Air -190 à -30 Gras -29 à 100 Muscle 0 Eau 101 et + Os

Adapté de Lusic140 et Kelley142

UH Catégorie de muscle

35 à 100 Normal

0 à 34 Faible atténuation -29 à -1 Résiduel

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4.3 Tomographie axiale versus spectroscopie par résonance magnétique dans l’évaluation des lipides intramusculaires

Outre la TA, la SRM représente une autre option de choix pour l’évaluation non invasive des lipides intramusculaires. Bien que la SRM soit toujours plus dispendieuse que la TA, dans les dernières années les coûts ont diminué et l’utilisation de la technologie a fortement progressé. Parmi les techniques de SRM, la SRM-1H présente le meilleur rapport signal-bruit146. Un

avantage de la SRM par rapport à la TA est qu’elle n’expose pas le patient à des radiations ionisantes. De plus, la SRM permet de séparer les lipides intramyocellulaires des lipides extramyocellulaires74. Cependant, la SRM présente un désavantage : à cause de la structure

fortement organisée du muscle squelettique, le signal est dépendant de l’orientation des fibres musculaire et il est donc nécessaire de positionner soigneusement le muscle pour obtenir des résultats valides147. De plus, lors de l’analyse des données, des régions d’intérêt doivent être

méticuleusement sélectionnées pour éviter la contamination par les forts signaux des cellules adipeuses avoisinantes. La SRM ne permet donc pas une quantification absolue des lipides musculaires. Une étude comparant la SRM-1H à la TA supporte l’utilisation des deux techniques, qui présentaient toutes deux une bonne fiabilité test-retest; cependant, la TA présentait la plus petite variabilité148.

En résumé, les deux techniques présentent des avantages et des désavantages. La SRM permet de mesurer spécifiquement les lipides à l’intérieur du myocyte dans des sections d’intérêt des muscles soléaire et tibial antérieur sans induire de radiations pour les participants. Les avantages de la TA se situent au niveau d’une meilleure quantification absolue de l’infiltration lipidique musculaire, une meilleure reproductibilité, un coût plus bas et une plus grande polyvalence quant au muscle étudié.

4.4 Risque de carcinogenèse relié aux radiations ionisantes

Le principal inconvénient de la TA réside dans l’exposition des patients aux rayons X qui sont des radiations ionisantes. Bien que les conséquences portant sur l’exposition aux radiations ionisantes par l’imagerie médicale ne soient pas encore bien comprises, il est reconnu qu’une trop forte irradiation est néfaste pour l'organisme et est liée à la carcinogenèse149,150. Un

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le patient, mais beaucoup plus qu’une radiographie conventionnelle, car elle utilise davantage de rayons X151. À titre comparatif, une radiographie du torse implique une exposition d’environ

0,1 millisievert (mSv), alors qu’une tomodensitométrie du torse induit en moyenne 7,0 mSv, soit environ 70 fois la dose de la radiographie 152. En comparaison, l’exposition aux radiations

naturelles est d’environ 2,4 mSv en moyenne par année selon le United Nations Scientific

Committee on the Effects of Atomic Radiation153. Le niveau d’irradiation induit par un examen de TA est cependant hautement variable pour un même site d’analyse et à l’intérieur d’une même institution dépendamment de l’objectif de l’examen, du gabarit du patient, du modèle et des réglages de l’appareil, etc.152.

Des travaux portant sur les survivants des bombes atomiques au Japon149 ainsi que sur les

travailleurs du domaine nucléaire154 ont permis de mieux documenter l’impact des radiations

sur la santé et les risques de cancer. Ces données constituent l’essentiel des données existantes sur le sujet et il est important de préciser qu’elles pourraient ne pas être représentatives des dangers reliés à l’imagerie médicale. Les risques reliés aux radiations sont considérés comme étant stochastiques, c’est-à-dire que le développement d’un cancer peut se produire à tous les niveaux d’irradiation, mais que les risques augmentent avec la dose152. Les

études les plus alarmantes affirment que les radiations induites par les examens de tomodensitométrie pourraient maintenant être responsables d’approximativement 2 % des cas totaux de cancers aux États-Unis155,156. Considérant que près de 1 700 000 nouveaux cas de

cancers ont été diagnostiqués seulement aux États-Unis pour l’année 2016157, on parle donc

d’un potentiel de plus de 30 000 cas par année de cancers qui pourraient être dus à l’imagerie médicale seulement aux États-Unis. Ces estimations se basent cependant sur des modèles d’extrapolation et sont débattues dans la communauté scientifique158,159.

Les risques reliés à la radiation sont également plus importants chez les individus plus jeunes, qui auront plus de temps pour développer un cancer à la suite d’une irradiation156,160. Une étude

épidémiologique menée sur 680 000 jeunes Australiens (enfants et adolescents) rapportait un risque relatif d’incidence de cancers de 1,24 (24 % plus à risque) chez les individus ayant subi au moins un examen de TA, chaque examen supplémentaire faisant augmenter le risque relatif de 16 %160. En absolu, cela correspond à 608 cancers en excès sur les 3150 recensés par

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rapport aux individus non exposés à la radiation, ou encore un cancer excédentaire par tranche de 1800 examens160. Il est à noter que l’étude avait un suivi moyen de 9,5 années et ne reflète

donc pas les risques à vie de développer un cancer à la suite d’un examen.

Les risques reliés à la TA demeurent donc encore un sujet controversé, mais les risques absolus reliés sont généralement très faibles en comparaison aux bénéfices potentiels (la TA permet notamment le diagnostic précoce de plusieurs maladies). Cependant, la nécessité de limiter le plus possible l’exposition des patients aux radiations en effectuant seulement les tests nécessaires fait l’unanimité dans le domaine de la radiologie. Nos travaux s’inscrivent également dans l’optique de minimiser les risques et de maximiser les bénéfices pour les participants.

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