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II) Adaptation des plantes et de leurs symbiotes à l’inondation et à la salinité

2- Tolérance des symbioses végétales à l’inondation

2.1- Tolérance des plantes à l’inondation

L’hydromorphie correspond à une inondation continue ou temporaire des sols par l’eau. En France, plus de 2 millions d’hectares de sols forestiers sont concernés par l’inondation temporaire (Deiller et al. 2003). Cet excès d’eau peut avoir plusieurs origines : la présence ou la remontée de la nappe phréatique ou stagnante, le manque d’infiltration des eaux pluviales et l’anthropisation (endiguements, tassements, irrigations). Comme pour les autres stress abiotiques, les plantes développent trois stratégies de réponses à l’inondation : stratégie d’échappement (cycle biologique développé en dehors du stress), stratégies d’adaptation (régulation des aquaporines) et stratégies d’acclimatation (développement de lenticelles hypertrophiées, de racines adventives, d’aérenchymes et de racines aériennes) (Glenz et al. 2006). L’inondation provoque dans la rhizosphère une forte diminution de l’O2 (hypoxie, anoxie) et une accumulation de CO2, d’éthanol et d’acétaldéhyde. Une des premières conséquences physiologiques de l’inondation est la chute de la conductance stomatique. Cette fermeture des stomates résulte d’un blocage du transport racinaire d’eau consécutif à une acidification cytoplasmique (Tournaire-Roux et al. 2003). Cette acidification sert de signal à la fermeture des aquaporines (canaux hydriques) situées sur la membrane des cellules. Le blocage du transport racinaire d’eau s’accompagne d’une chute de l’activité photosynthétique et donc d’une diminution de la production de biomasse. Cependant, la croissance seule n’est pas indicatrice de la capacité de la plante à survivre à l’inondation. En effet, certaines plantes ont pour stratégies de réduire leur croissance pour s’adapter à

l’engorgement, puis de reprendre une croissance normale lorsque le niveau de la nappe est bas (Glenz et al. 2006). Quoi qu’il en soit, les plantes adaptées à l’inondation ne supportent pas une situation d’anoxie prolongée. La durée de survie des plantes peut être de quelques heures chez la tomate à trois ans chez certains arbres (Taxodium distichum et Nyssa sylvatica) de forêts marécageuses (Crawford 1982).

Les plantes les plus tolérantes à l’inondation sont celles qui développent des adaptations métaboliques et morphologiques. Les plantes tolérantes à l’hypoxie présentent un métabolisme anaérobie caractérisé par le maintien de la fermentation éthanolique, la libération de composés phytotoxiques (H2S, éthanol), la production d’ATP et le maintien de la glycolyse. Le peu d’O2 disponible est rapidement consommé par la respiration racinaire et microbienne (Barrett-Lennard 2003). Le manque d’oxygène affecte notamment les microorganismes qui interviennent dans la minéralisation de l’humus et favorise ceux qui sont impliqués dans la dénitrification. En effet, ces derniers peuvent maintenir leur respiration par le transfert d’électrons de la chaîne respiratoire à un autre accepteur (NO3-) que l’O2. Le stress hypoxique induit la synthèse de protéines ANP « Anaerobically Induced Polypeptides » parmi lesquelles on trouve l’alcool déshydrogénase qui joue un rôle clé dans la synthèse d’éthanol.

En milieu hypoxique, les plantes développent des aérenchymes qui permettent de piéger de l’air dans un espace intercellulaire continu au travers duquel l’O2 peut passer de la partie émergée à la partie submergée de la plante. Le volume de l’espace intercellulaire occupe entre 20% et 60% du parenchyme racinaire chez les plantes adaptées à l’inondation, alors qu’il représente moins de 10% chez les plantes les moins adaptées (Crawford 1982). Il existe aussi des lenticelles hypertrophiées sur la surface submergée des tiges et des racines de plantes adaptées à l’inondation. Ces lenticelles sont de petites excroissances de liège où peuvent se faire des échanges gazeux (CO2, N2, O2). C’est par cette voie aussi que les plantes éliminent les produits toxiques issus de la fermentation éthanolique. Des racines adventives apparaissent sur les tiges quand le système racinaire d’origine devient incapable de fournir à la plante l’eau et les minéraux. Leur présence à l’interface entre le sol saturé en eau et l’atmosphère permet en outre une meilleure oxygénation de la plante. Pour

s’adapter à la pauvreté en O2 du milieu, les palétuviers possèdent des racines aériennes (pneumatophores) dont le rôle est important dans l’oxygénation des racines qui se développent en milieu anaérobie (Crawford 1982).

Les MA sont répandues dans des milieux très contrastés : déserts arides, sols salins, sols pollués par des métaux lourds, milieu inondable (Smith & Read 1997). La distribution et la composition en espèces de Glomales sont souvent modifiées par l’existence de gradients dans ces milieux. Dans les sols inondables, une corrélation positive est établie entre la mycorhization et le potentiel redox du sol (Khan 1993). Le taux de mycorhization est plus faible dans un milieu inondé (faible potentiel redox) que dans un milieu exondé (fort potentiel redox). Dans ce contexte, le champignon aérobie obligatoire doit pouvoir éviter la réduction dû à l’approvisionnement en oxygène en colonisant les racines les plus superficielles (Khan 1993; Miller & Bever 1999; Stevens & Peterson 1996). Il a été en effet démontré que le taux de mycorhization de plantes semi-aquatiques est plus faible dans les racines immergées que dans les racines superficielles. Le rôle des aérenchymes et des lenticelles de la plante-hôte est à cet égard important pour assurer une bonne diffusion de l’oxygène jusqu’aux racines inondables. Il apparaît également que certains CMA sont plus tolérants à l’hydromorphie que d’autres. C’est par exemple le cas des espèces de Gigaspora (G. gigantea et G. margarita) qui sporulent abondamment dans des sols submergés tandis que des espèces de Glomus (G. mosseae et G. caledonium) sporulent mieux en période d’exondation (Anderson et al. 1984; Khan 1993). La germination des spores de G. mosseae est d’ailleurs inhibée en anaérobiose, mais cet effet est réversible en présence d’oxygène (Le Tacon et al. 1986).

Figure 6. : Comparaison des voies d’infection chez les Légumineuses. À gauche (RCH), invasion par un poil absorbant (RCH Root hair curl invasion). Les bactéries (orange) sont emprisonnées au sein de la boucle formée par le poil racinaire et induisent la formation d’un cordon d’infection intracellulaire (it) au niveau du poil absorbant. Le cordon d’infection se développe jusqu’aux cellules du primordium nodulaire (np) où les cellules de la plante vont former une enveloppe autour des bactéries. À droite (LRB), Invasion au niveau de la base des racines latérales (LRB : Lateral root base invasion). Les bactéries (orange) colonisent les espaces intracellulaires entre les cellules corticales et induisent la formation de poches d’infection (ip) à partir desquels des cordons d’infection (it) intracellulaire et extracellulaire vont guider les bactéries jusqu’aux primordiums nodulaires (np).(Goormachtig et al. 2004)