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I) Les symbioses végétales : acteurs, origines, spécificité et reconnaissance

5- Établissement de la symbiose rhizobium-Légumineuses

5.1-La spécificité de la symbiose

Pour qu’une relation spécifique s’établisse entre un rhizobium et une Légumineuse, une compatibilité entre l’hôte et la bactérie est nécessaire. Les légumineuses, tout comme leurs bactéries associées ne sont capables de réaliser des symbioses qu’avec un faible nombre de partenaires symbiotiques. On parlera alors de spectre d’hôtes, pouvant être de très spécifique à large. La bactérie Azorhizobium caulinodans ne s’associe qu’avec Sesbania rostrata (Dreyfus et al. 1988), alors que la souche Ensifer sp. NGR234 est capable de noduler 120 genres (Pueppke & Broughton 1999). Cependant la plupart des rhizobiums sont capables de s’associer avec différents partenaires végétaux (Zahran 2001). Le pois afghan nécessite des souches bactériennes très spécifiques pour l’établissement de la symbiose (Ovtsyna et al. 1998), alors que des espèces telles que Macroptilium atropurpureum sont connues et exploitées pour leur très large spectre d’hôtes.

5.2-L’établissement de la symbiose

5.2.1-L’intérêt des protagonistes à l’établissement de la symbiose

L’intérêt de la symbiose rhizobium Légumineuses semble relativement clair pour la Légumineuse afin de répondre à ses besoins métaboliques en dérivés azotés (McKey 1994). Du côté des bactéries, le bénéfice se situe à l’intérieur du nodule et/ou au niveau de sa survie, une fois libéré dans la rhizosphère. En procurant l’azote nécessaire à la plante, les bactéries améliorent la photosynthèse de cette dernière, facilitant ainsi leur accès aux photosynthétats. Cette source carbonée permet la production de molécules de stockage riches en énergie, telles que les

polydroxybutyrates, leur donnant ainsi un avantage certain une fois relâchées, et remises en compétition avec les autres bactéries du sol (Denison & Kiers 2004).

Généralement un nodule contient près de 15X109 bactéroïdes/gr/poid sec dont environ 60% viables La sénescence du nodule se caractérise par une augmentation de l’activité protéolytique. Les bactéroïdes ne semblent pas détruits au cours de la sénescence et restent en mesure de se redifférencier. Ainsi près de 50% des bactéroïdes contenus dans le nodule, pourraient potentiellement être relargués dans le milieu extérieur, leur conférant ainsi un avantage sélectif par rapport aux bactéries du milieu extèrieur (Müller et al. 2001a; Müller et al. 2001b).

Figure 4. : Arbre simplifié de la famille des Légumineuses (modifié à partir de Doyle and Luckow, 2003). Les trois sous familles (Caesalpinioideae, Mimosoideae, and Papilionoideae) et les sous embranchements majeurs identifiés par des études phylogéniques récentes sont en gras (Kajita et al., 2001; Wojciechowski et al., 2004), les positions indiquées par un cercle noir présentent une estimation du nombre de taxons d’après Lewis et al., 2005, et l’âge en million d’années d’après Lavin et al., 2005. Arbre issu de (Gepts et al. 2005)

5.2.2-La reconnaissance plante-bactérie

L’établissement de la symbiose suppose une étape de reconnaissance qui implique un échange de signaux entre les deux partenaires (Denarie & Cullimore 1993; Kistner & Parniske 2002). Ce dialogue moléculaire entre les deux protagonistes, peut être plus ou moins spécifique selon les espèces. Ce processus de reconnaissance est une étape primordiale à l’établissement de la symbiose :

- Signaux émis par la plante

Les exsudats racinaires de Légumineuses renferment une diversité de composés (acides aminés, sucres, flavonoïdes, bétaïnes) qui attirent les rhizobiums par chimiotactisme. Des substances inductrices provenant des racines (flavonoïdes, bétaïnes) peuvent induire l’expression de gènes de nodulation chez certains rhizobiums de la rhizosphère. La sécrétion de flavonoïdes n’est pas l’apanage des Légumineuses ; de nombreuses plantes vasculaires sont à même de produire ce type d’exsudat reconnu par les rhizobiums. Il est donc primordial que les rhizobiums soient à leur tour reconnus par la plante-hôte

- Signaux émis par la bactérie

Chaque plante-hôte synthétise un spectre différent de flavonoïdes, reconnu spécifiquement par un certain nombre de bactéries via l’activation de gènes nodD. Ce mécanisme compose le premier niveau de spécificité plante hôte-bactérie reposant sur la sélectivité des protéines régulatrices de la bactérie pour les flavonoïdes. Ce rôle de sélection est assuré par les protéines NodD, des régulateurs transcriptionnels à motifs LysR. Le changement de conformation des protéines NodD, lors de l’interaction avec les flavonoïdes, leur permet de se lier aux parties promotrices conservées que sont les loci nod (nodbox) des gènes nod, indépendamment de la présence de flavonoïdes. Ces gènes nod codent pour la synthèse de facteurs Nod nécessaires à la formation des nodosités. Le nombre de copies, ainsi que l’affinité des protéines NodD pour les flavonoïdes varient en fonction des souches bactériennes. Ainsi Sinorhizobium melioti, possède 3 copies de nodD dont les produits protéiques ne reconnaissent que peu de flavonoïdes, lui

conférant par là même un spectre d’hôte restreint. Parallèlement, la souche Sinorhizobium sp. NGR234 qui exhibe deux copies nodD dont les protéines dérivées sont aptes à reconnaître un grand nombre de flavonoïdes, présente un large spectre d’hôte (Broughton & Perret 1999). On note aussi la présence d’inhibiteurs chez les rhizobiums, capables de se fixer, et de réprimer l’expression des gènes nod. Certains facteurs environnementaux, tel le pH, la concentration en calcium, ou en azote combiné vont influencer l’expression des gènes nod.

Il existe un grand nombre de gène nod, codant pour un grand nombre de facteur Nod. On peut distinguer deux grands groupes de gènes nod. Le premier contenant les gènes nod dit commun (structure et fonction commune), à savoir nodA, nodB, et nodC, présents en copie unique, responsable de la biosynthèse d’un facteur Nod « minimal », communs à toutes les souches de rhizobiums, alors que le gène nodD code pour une protéine à domaine LysR intervenant dans la transcription et la régulation des autres gènes de nodulation en réponse aux flavonoïdes excrétés par la plante. Dans le second groupe, on trouvera des gènes nod, nol ou noe impliqués dans la spécificité d’hôte, intervenant principalement au niveau de la synthèse (type de substitution ajouté) ou de la sécrétion des facteurs de nodulation (Moulin 2002)

La réponse de la plante aux facteurs Nod

Les facteurs Nod constituent un deuxième niveau de reconnaissance de la symbiose. En effet, les Légumineuses se distinguent des autres plantes par leur réactivité en présence de faible concentration de facteurs Nod sécrétés par leurs symbiotes bactériens. Ces facteurs Nod vont induire spécifiquement l’initiation du méristème nodulaire, la courbure du poil abordant, la formation du cordon d’infection et la néosynthèse de flavonoïdes. Le primordium nodulaire en formation au niveau du cortex, sera atteint par un cordon d’infection permettant aux bactéries d’être acheminées dans les cellules végétales par un processus d’endocytose. Le primordium nodulaire se développe en nodule, pendant que les bactéries vont se différencier en bactéroïdes, isolées du cytoplasme végétal par une membrane péribactéroïde (Perret et al. 2000) (Figure 5).

Même si la combinaison flavonoïdes/ protéines NodD/facteurs Nod permet d’expliquer la spécificité d’hôte, la mise en place de la symbiose dans son intégralité, nécessite l’intervention d’autres constituants aussi bien chez la plante, que chez la bactérie. Il est par exemple nécessaire pour la bactérie de neutraliser le système de défense de l’hôte. De même, l’initiation et l’élongation du cordon d’infection réclament des constituants spécifiques de la membrane cellulaire bactérienne (Broughton & Perret 1999).

Figure 5. : Invasion des poils racinaires et infection par un rhizobium. (Perret et al. 2000)

A : Les rhizobiums (rh) colonisent la rhizosphère et s’attachent aux poils racinaires (r). B : Les facteurs Nod induisent la courbure du poil racinaire et permettent ainsi la pénétration des bactéries au niveau du centre d’infection (ci). Le noyau de la cellule végétale (n) précède l’avancée du cordon d’infection (it). C : Toujours accompagné du noyau (n), un cordon d’infection (it) atteint la base de la cellule du poil racinaire. D : Le cordon d’infection se ramifie (rit) à proximité du primordium nodulaire formé par les cellules corticales en division. E : Les bactéroïdes (b) sont relargués depuis le cordon d’infection et forment des symbiosomes (s) dans les cellules du nodule. Des granules de poly-ß-hydroxybutarate (phb) s’accumulent dans les bactéroïdes entourés de la membrane péribactéroïdienne (pb). Autres abréviations c : cortex ; d : vacuole digestive ; ep : épiderme ; ed : endoderme.