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1.3 Métabolisme des tissus splanchniques et mammaire

1.3.1 Tissus drainés par la veine porte

Les TDVP représentent les tissus drainés par la veine mésentérique (duodénum, iléon et tissu adipeux mésentérique) plus le rumen, le réseau, l’omassum, le gros intestin, le pancréas, la rate et les tissus adipeux associés (Seal et Reynolds, 1993). À eux seuls, les TDVP contribuent à plus de 24 % du métabolisme énergétique corporel total (Johnson et al., 1990), bien que les TDVP et le foie constituent ensemble entre 6 et 13 % de la masse corporelle (Huntington et McBride, 1988). En plus du rôle joué au niveau de l’absorption des nutriments, comme les TDVP drainent le pancréas, ces organes sont aussi les sites de libération de l’insuline et du glucagon exocrine, hormones ayant des rôles indispensables dans l’anabolisme des protéines et le catabolisme des AA (Blouin et al., 2002), et toutes deux extraites par le foie. Leur extraction affecte l'oxydation hépatique des AA, la synthèse de l’urée et les signaux anaboliques aux tissus périphériques (Blouin et al., 2002).

1.3.1.1 Disparition intestinale et apparition portale des acides aminés

Une fois arrivés dans l'intestin, les métabolites azotés issus de la fermentation ruminale (ammoniac) ou de la digestion enzymatique intestinale (AA libres et peptides) sont absorbés à travers la paroi intestinale vers la circulation sanguine dans la veine mésentérique principale, et se dirigent vers la veine porte. Cependant, la majeure partie de l’absorption de l’ammoniac se fait directement à travers la paroi ruminale et rejoint la circulation sanguine par la veine ruminale, puis la veine gastrosplénique, jusqu’à la veine porte. Les principaux métabolites azotés absorbés dans la veine porte sont les AA et l’ammoniac (Lobley et al., 2001). De premières études ont été effectuées chez le mouton (Katz et Bergman, 1969), le bovin de boucherie (Sniffen et Jacobson, 1975) et la vache laitière (Baird et al., 1975) pour mesurer l'apparition portale nette (NPA) des nutriments, à partir de cathéters sanguins posés à des endroits stratégiques à l'intérieur de

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l'animal. La NPA des AA et de l’ammoniac est d’abord linéairement reliée à l’azote ingéré selon une récente méta-analyse de Martineau et al. (2011). Cependant, Martineau et al. (2011, 2014) ont démontré qu’il y a d’autres covariables qui peuvent avoir un impact important sur la NPA des nutriments azotés. Même si la NPA des AA et de l’ammoniac augmente et que la NPA de l’azote uréique diminue linéairement avec l’azote ingéré, des facteurs comme l’approvisionnement énergétique de la ration, soit l’ingestion de NDF et la concentration totale de nutriments digestibles (TDN), influencent aussi la NPA des nutriments azotés.

Disparition intestinale des acides aminés

Les nutritionnistes spécialisés chez les ruminants ne peuvent se fier seulement à l'apport en protéines et AA de la ration pour déterminer le flux digestif des AA, étant donné la complexité du métabolisme ruminal des nutriments azotés (Lapierre et al., 2009). Les protéines arrivant au petit intestin proviennent majoritairement de trois sources : 1) protéines microbiennes, 2) PND, tel que décrit dans la section précédente, et 3) endogènes. Les protéines endogènes sont issues de sécrétions du tube digestif et composées majoritairement d’AA « recyclés », i.e. précédemment absorbés dans l'intestin, tandis que les protéines microbiennes et la PND entrent dans la catégorie de protéine métabolisable (PM) représentant la portion nouvelle réellement disponible à l’animal. Le flux protéique au petit intestin comprend une proportion en protéines microbiennes supérieure à 50 % (Clark et al. 1992), et plus de 15 % du flot duodénal est d’origine endogène (Ouellet et al. 2002), la partie restante étant de la PND. Ces proportions varient en fonction de la composition de la ration (PND) et de la réponse microbiologique à l’intérieur du rumen selon la ration.

Les AA utilisés pas le système digestif, incluant l’intestin, proviennent du lumen et de l’apport artériel. Ces sources d’approvisionnement ont pu être déterminées par l’entremise d’études effectuées utilisant des perfusions entériques et artérielles d’AA marqués par des isotopes stables (MacRae et al., 1997). Dans cette étude, de 50 à 85 % des AAE utilisés par les tissus digestifs sont d’origine artérielle. La provenance des AA utilisés en milieu intestinal doit être prise en compte pour comprendre le fonctionnement du tractus digestif et la biodisponibilité de ces nutriments (Hanigan, 2005). Pour déterminer la digestibilité intestinale apparente des AA, il faut soustraire le débit iléal du débit duodénal, ce qui donne la quantité apparente qui est « sortie » du système digestif. La digestibilité apparente n'est toutefois pas la méthode idéale pour mesurer ce qui est réellement disponible à l'animal, puisqu'elle ne prend pas en compte les sécrétions

27 endogènes, ni au duodénum ni à l’iléon. La digestibilité réelle prend en compte les sécrétions endogènes dans son calcul, soit en soustrayant les AA endogènes arrivant au duodénum et les AA endogènes retrouvés dans l'iléon (provenant des sécrétions intestinales et pancréatiques n'ayant pas encore été digérées). Les sécrétions endogènes au duodénum sont importantes à considérer, puisque comme il a été mentionné ci-haut, l'azote endogène représente jusqu'à plus de 20 % de flux de l'azote duodénal (Ouellet et al., 2002). Il y a cependant très peu d’études où ces mesures ont été effectuées, dû à la grande difficulté d’installer des canules iléales chez la vache en lactation.

Apparition portale des acides aminés

Pour estimer l’apport en AAE, on peut mesurer la NPA, qui consiste à calculer la différence entre le flux efférent et le flux afférent au TDVP (Katz et Bergman, 1967). La différence entre la digestibilité réelle des AAE de l’intestin grêle et l’apparition nette des AAE en veine porte correspondrait ainsi à l'utilisation des AAE par le système digestif, soit oxydés ou utilisés pour la synthèse de sécrétions endogènes non digérées et excrétées dans les fèces. Tel que mentionné précédemment, de telles mesures n’existent pas chez le ruminant, mais on peut comparer la digestibilité intestinale apparente et l’apparition portale des AAE, qui sont présentées ci-dessous chez la vache laitière (Berthiaume et al., 2001) et chez des agneaux (MacRae et al., 1997; Figure 1.5.). Tagari et Bergman (1978) suggèrent que la faible disponibilité des AA aux tissus périphériques s’explique par l’utilisation sélective des AA par les tissus gastro-intestinaux lors de l’absorption. Cependant, les résultats de l’étude de MacRae et al. (1997) effectuée sur des agneaux présentent des similarités avec à ceux observés chez la vache laitière, tandis que les résultats de Tagari et Bergman (1978) chez la brebis sont plus ou moins réalistes. L’étude de MacRae et al. (1997) compare la disparition des AA du petit intestin (expérience 1 : duodénal – jéjunum et expérience 2 : jéjunum – iléon) avec leur apparition dans les tissus drainés par la veine mésentérique et les TDVP.

En utilisant cette fois des estimations des flux de AA digérés, et en les comparant avec les NPA, Pacheco et al. (2006) ont classé les AAE selon un niveau d’utilisation croissant par les TDVP : His, Met, Phe < Lys < Ile, Leu, Val < Thr. Plus directement, Lobley et al. (2003) ont mesuré l’oxydation des certains AA par les TDVP : ils ont observé qu’il y avait oxydation de Leu et Met, mais pas de Lys et Phe. Les auteurs dans l’étude de MacRae et al. (1997) concluent qu’en

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considérant la similarité entre taux de disparition intestinale des AAE et de leur apparition dans la veine mésentérique, la différence entre les bilans de la veine mésentérique et de la veine porte peut être causée par l’utilisation de ces AAE par le complexe ruminal et le reste du tractus digestif.

Figure 1.5. Disparition intestinale et apparition portale des AAE chez la vache laitière.

Adapté de Berthiaume et al., 2001.

1.3.1.2 Apparition portale de l’ammoniac

L’ammoniac retrouvé dans le rumen et évacué en partie vers l’intestin est issue de deux types de processus, soit : 1) la dégradation de la PDR, des AA libres et peptides en ammoniac suite au passage dans le rumen et 2) de l’hydrolyse microbienne de l’urée recyclée provenant de la circulation sanguine et des fluides intestinaux (Parker et al., 1995). Comme il a été mentionné dans la section 1.1.1. de cette revue de littérature, lorsque les concentrations en ammoniac dépassent la capacité maximale d’assimilation des microbes, celles-ci entrainent une diffusion accrue au niveau ruminal et portal, ce qui fait augmenter considérablement la production d’urée par le tissu hépatique. Le flux net d’azote ammoniacal (NH3-N) à travers les TDVP est hautement corrélé avec N ingéré (Figure 1.6.; Seal et Reynolds, 1993). Seal et Reynolds (1993) ont combiné les résultats de beaucoup d'études, montrant que le flux portal en ammoniac est environ 65 % de N ingéré. Cependant, tel que discuté par Martineau et al. (2011), des variables viennent influencer de façon importante cette relation, surtout en rapport avec la disponibilité de l’énergie au rumen.

29 Figure 1.6. Relation entre le flux net d’azote ammoniacal (NH3-N) à travers les tissus drainés par la veine porte (TDVP) (g/j) et l’azote ingéré (g/j). Chaque point représente une moyenne d’expérimentation individuelle.

Tiré de Seal et Reynolds, 1993

Les métabolites azotés absorbés dans l’intestin se dirigent vers la veine porte, principalement sous forme d’AA libres ou d’ammoniac. Chacun représente 58 et 57 % de l’azote digéré, respectivement (Lapierre et al., 2005).

1.3.1.3 Retour de l’urée vers le tractus digestif

La somme des absorptions nettes portales d’AA et d’ammoniac dépasse la quantité d’azote digéré : il y a en effet une autre entrée d’N dans le système digestif, l’urée (Lapierre et al., 2005). L’urée recyclée dans le rumen peut devenir une source azotée importante lorsque la PDR est limitée dans l’alimentation (Lapierre et Lobley, 2001). De fait, le retour d’urée dans le système digestif est l’équivalent de 34 % de l’N digéré (Lapierre et al., 2005). L'urée recyclée peut entrer dans le rumen via la salive ou la circulation sanguine à travers la paroi ruminale (Doranalli, 2010). Selon les observations de Lapierre et Lobley (2001), entre 35 et 50 % de l'urée recyclée peut être utilisée pour former des produits anaboliques (AA), et contribuer aux besoins en PM de l'animal en supportant la synthèse de la PMic. Une fois à l'intérieur du rumen, l’urée est

hydrolysée par les bactéries libérant de l’uréase, rendant l'azote disponible aux microorganismes sous forme d’ammoniac (Faverdin et al., 2003), étant éventuellement utilisé pour la synthèse de la PMic (Huntington, 1989).

La quantité d'urée recyclée dans le système digestif dépend de plusieurs facteurs : la concentration en ammoniac ruminal, la fermentation de la matière organique, et la teneur en

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glucides de la ration (Huntington, 1989). Il a été proposé dans la littérature que l’activité de l’uréase bactérienne est négativement corrélée avec la concentration en ammoniac dans le rumen (Egan et al., 1986; Cheng et Wallace, 1979). Ceci étant dit, si la concentration en ammoniac diminue, l’activité de l’uréase augmente pour faciliter le transfert de l’urée recyclée à travers la paroi épithéliale.

Comme il a été mentionné auparavant, le taux de passage de l’urée recyclée des capillaires sanguins vers le rumen diminue lorsque l’ammoniac est produit en grande quantité dans le rumen (Muscher et al., 2010), ce qui pourrait s’expliquer par une variation de la perméabilité de la paroi suite aux changements d’ammoniac dans le milieu ruminal (Gozho et al., 2008). Le retour de l'urée vers le rumen dépend également de la teneur en glucides de la ration. Une ration riche en glucides facilement fermentescibles distribuée à des bouvillons a permis de retourner 95 % de l'urée recyclée du TDVP vers le rumen, tandis que ce pourcentage pour des bouvillons nourris exclusivement de fourrages est de 62,5 %, car une partie importante du recyclage se faisait alors par la salive (Huntington, 1989).

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