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CHAPITRE III. Les tissus adipeux : implication dans le métabolisme énergétique métabolisme énergétique

2 Le tissu adipeux brun

2.1 Localisation anatomique, composition et différenciation - Localisation

Le tissu adipeux brun est un tissu présent chez les mammifères et les nouveau-nés, bien qu’il ait été montré plus récemment comme persistant chez l’adulte. Il se localise à différents endroits selon l’espèce et l’âge (Figure 23). On le retrouve par exemple en position interscapulaire, péri-rénale et au niveau de la nuque chez le nouveau-né alors que les dépôts majoritaires chez l’Homme adulte se retrouvent en supra-claviculaire. Chez les rongeurs, les zones de tissu adipeux brun sont plus étendues puisqu’ils exposent des dépôts interscapulaires, péri-rénaux, cervicaux et axillaires (Harms et Seale, 2013).

Figure 23 : Localisations du tissu adipeux brun chez l’Homme et chez la souris (adapté d’Ikeda et al., 2018)

75 - Composition

A l’image du tissu adipeux blanc, le tissu adipeux brun est composé d’adipocytes bruns et d’une fraction stomale-vasculaire. Les adipocytes bruns sont des cellules dites multiloculaires de par la présence de leurs nombreuses gouttelettes lipidiques et sont caractérisés par un noyau localisé en position centrale de la cellule (Figure 24). La fonction la mieux décrite des adipocytes bruns est d’être responsables du phénomène de thermogenèse mitochondriale (cf. Chapitre II, 3.2).

Figure 24 : Composition de l’adipocyte brun

- Différenciation

Les adipocytes bruns sont dérivés d’une population de progéniteurs mésodermiques embryonnaires étant également à l’origine des cellules musculaires squelettiques. Ces progéniteurs sont caractérisés par l’expression transitoire des marqueurs Myf5 et Pax7. Puis, lorsque le précurseur adipogénique brun émerge de la détermination, EBF2 et PPARγ coopèrent pour induire l’expression de Prdm16 et ainsi conduire à un devenir adipocytaire brun (Harms et Seale, 2013). A l’issue de ce programme de différenciation adipogénique brune, les adipocytes bruns expriment un panel de gènes similaires aux adipocytes blancs matures (aP2, adiponectine ou PPARγ) mais aussi, des gènes permettant de supporter le découplage mitochondrial ainsi que les hauts niveaux d’oxydation des substrats glucidiques

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et lipidiques. Des études transcriptomiques montrent effectivement une signature spécifique des adipocytes bruns qui est notamment constituée d’une protéine découplante capitale (UCP1), d’un regulateur majeur du métabolisme des acides gras (PPARα), d’un agent remodelant des gouttelettes lipidiques (Cidea), d’une hormone du métabolisme de la thyroïde (Dio2), d’une élongase des acides gras (Elovl3), d’un inducteur de la biogenèse mitochondriale (PGC1α), d’un acteur du transport des acides gras (Cpt1b) ainsi que des gènes codant des éléments de la chaîne respiratoire mitochondriale (Shapira et Seale, 2019) (Figure 25).

Figure 25 : Cascade de différenciation adipocytaire brune

2.2 Fonction thermogénique

Contrairement au tissu adipeux blanc qui a un rôle majeur de stockage énergétique, le tissu adipeux brun utilise principalement sa source lipidique pour effectuer un processus de thermogenèse. Il est décrit comme étant un avantage lié à l’évolution des espèces, notamment pour permettre la survie et l’activité durant les périodes nocturnes ou froides ainsi qu’au changement thermique subit lors de la naissance (Cannon et Nedergaard, 2004).

Pour ce faire, les adipocytes bruns possèdent un grand nombre de mitochondries qui sont à l’origine de la production de chaleur, notamment grâce à la protéine découplante UCP1 (cf.

Chapitre II, 3.2), et qui affichent une forte concentration en cytochromes, responsables de la couleur brune du tissu.

77 2.3 Activation du tissu adipeux brun

En 1976, Ricquier et Kader observent une augmentation réversible de la masse mitochondriale provenant d’adipocytes bruns de rats exposés au froid, corrélée à une biosynthèse protéique, notamment au niveau de la membrane interne mitochondriale (Riquier et Kader, 1976).

Dans les adipocytes bruns, la thermogenèse est stimulée entre autres par le système nerveux sympathique et en particulier, par la noradrénaline. Une fois que la noradrénaline est libérée par les afférences sympathiques, elle interagit avec différents types de récepteurs adrénergiques. On peut noter que l’activation du récepteur β3-adrénergique est la plus significative. S’en suit alors l’activation d’une voie de signalisation intracellulaire en aval du récepteur β3-adrénergique couplé à la protéine Gs avec activation de l’adénylate cyclase et augmentation des concentrations d’AMPc. L’AMPc peut ensuite activer la libération d’acides gras par la lipolyse, notamment utilisés par UCP1, mais l’AMPc active également la PKA, elle-même responsable de la phosphorylation de la P38-MAPK, aboutissant à la transcription nucléaire de facteurs impliqués in fine dans la synthèse de protéines thermogéniques telles qu’UCP1 ((Cannon et Nedergaad, 2004) ; (Cao et al., 2004) ; (Harms et Seale, 2013)) (Figure 26). Cependant, il a été montré qu’une délétion spécifique de l’enzyme lipolytique ATGL dans le tissu adipeux brun altérait la lipolyse sans compromettre l’activation de la thermogenèse non frissonnante en réponse au froid ou à une stimulation β3-adrénergique. Ceci suggère une utilisation d’acides gras provenant de voies alternatives (acides gras circulants issus de l’alimentation ou de l’activité lipolytique du tissu adipeux blanc par exemple) (Schreiber et al., 2017).

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Figure 26 : Régulation adrénergique du tissu adipeux brun (adapté de Cao et al., 2004)

La régulation de la protéine thermogénique UCP1 consiste en une interaction compétitive entre les acides gras et les purines (ATP, ADP, GTP, GDP). Cette interaction suffit à empêcher le passage des protons à travers UCP1. De façon intéressante, la concentration totale en purines est moindre dans les adipocytes bruns que dans les adipocytes blancs. Néanmoins, lorsque les acides gras à longue chaîne sont élevés dans le milieu, la compétition avec les purines est abolie et UCP1 est alors régulée positivement. Il a d’ailleurs été montré que sous stimulation adrénergique, les taux de purines présents dans les adipocytes thermogéniques diminuaient et que cette modulation favorisait l’activité d’UCP1 ((Fromme et al., 2018) ; (Chouchani et Kajimura, 2019)). Par ailleurs et au niveau du tissu adipeux brun, les espèces réactives de l’oxygène mitochondriales modifient le résidu cystéine 253 sur UCP1, ce qui change alors sa structure en défaveur de l’action inhibitrice des purines et favorisant ainsi l’activité thermogénique d’UCP1 (Chouchani et al., 2016). De plus, l’accumulation d’un intermédiaire du cycle de KREBS, le succinate, induit une production accrue de ROS via son

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oxydation au niveau de la succinate déhydrogénase. Cette augmentation de succinate est alors responsable d’une thermogenèse dépendante d’UCP1 (Mills et al., 2018).