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Timing des r´ eponses c´ er´ ebrales et feedback

1.3 Reconnaˆıtre les objets

1.3.6 Timing des r´ eponses c´ er´ ebrales et feedback

L’aspect temporel est une donn´ee importante pour la compr´ehension des m´eca- nismes de perception visuelle. R´ecemment, une ´etude a d´ecod´e l’activit´e de IT chez le singe en fonction du temps (Hung et al., 2005). Ils montrent de cette fa¸con que la cat´egorie de l’objet ainsi que son identit´e peuvent ˆetre lues `a partir de l’activit´e des seuls neurones d’IT de fa¸con fiable. Plus pr´ecis´ement, il ressort que la cat´egorie de l’objet peut ˆetre lue dans IT seulement 100 ms apr`es la pr´esentation de l’image en ne prenant en compte que l’activit´e sur une fenˆetre temporelle de 12,5 ms. Chez l’homme, une ´etude du mˆeme type a aussi pu ˆetre men´ee chez des patients ´epileptiques. Chez des patients implant´es avec des ´electrodes proches du cortex inf´erotemporal, les auteurs ont analys´e la r´eponse des neurones de cette aire lors de la pr´esentation de diff´erentes cat´egories d’images. Ils ont aussi pu montrer que mˆeme chez l’homme, l’activit´e des neurones de IT contenait de l’information sur la cat´egorie d’objet d`es 100 ms (Liu et al., 2009). Il est cependant important de rappeler que ce n’est pas parce que l’on peut d´ecoder une information dans l’activit´e d’une aire que cette information est d´ej`a exploit´ee par le syst`eme. En effet, les enregistrements de potentiels locaux sont lar- gement influenc´es par les variations ´electriques au niveau synaptique. L’information n’est donc pas encore transmise par les neurones mais encore en train d’ˆetre int´egr´ee. Il faut attendre les premiers potentiels d’action pour vraiment consid´erer l’information comme disponible pour les aires suivantes. Il faut donc prendre des pr´ecautions avec ces r´esultats, car il est probable que l’on puisse ”d´ecoder” une information bien avant qu’elle soit effectivement disponible pour les aires suivantes (une diff´erence qui pourrait ˆ

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Figure 1.8: Les latences d’activation des diff´erentes aires du syst`eme visuel chez le singe. Extrait deBullier (2004).

L’aspect temporel peut aussi servir `a mieux comprendre les relations de causalit´e entre les diff´erentes aires du syst`eme visuel. Si la hi´erarchie que nous avons pr´esent´ee jusqu’ici est correcte, alors la r´etine va s’activer en premier, puis le LGN, V1, V4 et enfin IT avant d’avoir des r´eponses dans le lobe m´edian temporal. Si l’information est transmise de fa¸con s´equentielle d’aire en aire, alors ceci doit ˆetre traduit par un ordre d’activation coh´erent. Il est cependant tr`es complexe au niveau exp´erimental de tester dans une mˆeme ´etude les latences des neurones de ces diff´erentes aires lors d’une mˆeme stimulation. Cependant plusieurs m´eta-´etudes ont ´et´e men´ees afin de synth´etiser les temps de r´eponses moyens, ainsi que les toutes premi`eres activations des diff´erentes aires de la voie visuelle (Bullier, 2004;Lamme et Roelfsema,2000). Comme on peut le voir dans la figure 1.8, l’ordre d’activation respecte globalement la hi´erarchie des aires abord´ees auparavant. Cependant, on peut aussi noter que certaines aires s’activent beaucoup plus pr´ecocement que ce que leur place dans la hi´erarchie laisserait penser, notamment MT (aire sensorielle associ´ee `a la perception du mouvement) ainsi que FEF et LIP. Il semble donc que ces aires puissent recevoir de l’information tr`es pr´ecocement (certainement via des aff´erences sous-corticales), mais plus important, elle peuvent donc tr`es tˆot envoyer de l’information en retour vers les aires inf´erieures. Il se peut donc qu’un activit´e feedback arrive tr`es tˆot et puisse mˆeme venir moduler la premi`ere vague d’activation de la voie ventrale. L’´equipe de Jean Bullier a largement ´etudi´e le rˆole possible de ce feedback pr´ecoce. Selon leur th´eorie, l’information r´etro-inject´ee en feedback pourrait avoir plusieurs formes :

(V1, V2, V3)

– Les diff´erentes voies n’ayant pas toute la mˆeme vitesse de conduction (magnocel- lulaire plus rapide que parvocellulaire, lui-mˆeme plus rapide que koniocellulaire), l’information contenue dans les voies les plus rapides servirait `a moduler l’activit´e des suivantes.

– En allant encore plus loin, diff´erents types d’indices bas-niveau seraient trait´es `a diff´erentes vitesses (le mouvement avant la forme, la couleur encore plus tard). Si la tˆache peut-ˆetre bas´ee sur plusieurs de ces indices (reconnaˆıtre une boule rouge sur un fond vert). L’information de l’un pourrait servir de ”guide” aux autres en fonction de leur date d’arriv´ee.

L’hypoth`ese d’un rˆole fondamental des connexions feedback a notamment ´et´e mise en avant `a partir de mod`eles computationels du traitement c´er´ebral, autant pour les connexions thalamo-corticales (Mumford, 1991) que cortico-corticales (Mumford, 1992). Il a aussi ´et´e sugg´er´e que l’aire V1 pourrait ˆetre bien plus qu’une porte d’en- tr´ee de l’information dans le cortex. L’activit´e des neurones de V1 pourrait ainsi ˆetre modul´ee plutˆot pr´ecocement par la s´egr´egation figure/fond (Hup´e et al., 1998; Roelf- sema et al., 2007) ou pour la perception de la forme par l’ombre (Lee et al.,2002). Les boucles r´ecurrentes entre V1 et les aires sup´erieures serviraient ainsi `a int´egrer les a priori contextuels descendants `a l’information ascendante (Lee et Mumford,2003).

Concernant la reconnaissance d’objets, le groupe de Nancy Kanwisher s’est int´eress´e r´ecemment `a ces ph´enom`enes. Ils ont d’abord montr´e en IRMf (il semble que ce soit `a la base une d´ecouverte fortuite) que l’information sur un objet pr´esent´e en p´eriph´erie pou- vait ˆetre retrouv´ee dans l’activit´e des aires visuelles r´etinotopiques fov´eales (Williams et al., 2008). Une autre ´etude r´ecente a ´etudi´e la perception des images de ”Mooney” en IRM fonctionnelle (Hsieh et al.,2010). Ces images compos´ees uniquement de pixels noirs ou blancs (et pas en niveau de gris) ne permettent souvent pas de reconnaˆıtre l’objet `a premi`ere vue. Cependant, une fois que l’on a vu l’image originale, on reconnait tr`es bien l’image de ”Mooney”. Les auteurs ont ainsi montr´e que l’activit´e dans V1 pour le ”Mooney” reconnu ´etait plus semblable `a l’activit´e pour l’image originale que pour le mˆeme ”Mooney” non reconnu. Ceci est une preuve ´evidente que l’activit´e de V1 n’est pas une repr´esentation du champ visuel uniquement conduite par les traits physiques de l’image, mais est influenc´ee par de nombreux processus descendants.