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III.1.

Structure chimique, famille de composé

Le thymol (5-méthyl-2-(propan-2-yl)-phénol) ou CAS 89-83-8 dont la formule brute est C10H14O a une masse moléculaire de 150,22 g/mol. Le thymol est une molécule lipophile avec un pKa

de 10,59. Le thymol est vendu sous forme de cristaux incolores avec une odeur caractéristique. C’est un terpène qui fait partie de la famille des monoterpènes. Les monoterpènes ont un rôle protecteur pour les plantes contre différentes pressions comme celles exercées par les herbivores et les bactéries (Huang et al., 2010).

Le thymol est naturellement synthétisé dans les plantes avec deux unités d’isopréniques qui elles-mêmes sont obtenues par la voie de l’acide mévalonique à partir du coenzyme A (Gershenzon, 1990). Il peut aussi être synthétisé de manière chimique par une alkylation du m-crésol avec de l’isopropanol et du propylène (Amandi et al., 2005). Il existe différents dérivés du thymol en fonction des espèces de plantes. Il a un rôle protecteur pour la plante avec une activité antibactérienne (Lucchini et al., 1990 ; Fuselli et al., 2006). Il existe aussi des molécules semblables dans le monde animal, par exemple certains neurotransmetteurs (Figure 13).

LE THYMOL

Carvacrol Thymol Tyramine GABA Propofol

Figure 13 : Les différentes molécules présentant une structure proche du thymol.

III.2.

Mode d’action

Les caractères physicochimiques du thymol lui permettent de se fixer sur différents récepteurs. Le site de fixation du thymol chez l’abeille n’est pas connu. Mais il a été montré que chez la drosophile le thymol se fixe à la fois sur le récepteur de l'Acide γ-AminoButyrique (GABA), sur le récepteur de la tyramine et sur le TransientReceptorPotential (TRP). Ces récepteurs sont impliqués dans des fonctions biologiques importantes comme l’odorat, la mémoire et la mobilité (Priestley et al. 2003 ; Enan, 2005 ; Parnas et al. 2009). Le thymol est une molécule non sélective qui agit sur de nombreux organismes. L’avantage est, à ma connaissance, qu’aucune résistance de Varroa au thymol n’a été observée jusqu’à maintenant.

Les récepteurs de l'Acide γ-AminoButyrique (GABA). Chez les insectes, trois types de récepteurs sont capables d’inhiber la transmission du signal nerveux : le récepteur au GABA, le récepteur au glutamate, et le récepteur histamine gated (Nässel, 1999 ; Buckingham et al., 2005). Le récepteur GABA est exprimé durant le stade de nymphe et de l’adulte (Barbarar et al., 2005). Il est présent dans le système nerveux et dans les cellules musculaires (Lummis, 1990). Il joue un rôle important dans la locomotion des insectes (Alford & Grillner, 1991). Le récepteur GABA est déjà la cible de nombreux pesticides comme le fipronil.

Le récepteur de la tyramine. Le récepteur de la tyramine est exprimé durant le stade de larve nymphe et le stade adulte (Mustard et al., 2005 ; Selcho et al., 2012), dans le cerveau de l’abeille. La tyramine est impliquée dans des fonctions biologiques importantes telles que l’olfaction, la mémoire, la fécondité et la mobilité chez la larve (Selcho et al., 2012). Le thymol en se fixant au récepteur de la tyramine se comporte comme un analogue et peut modifier l’équilibre de synthèse de différents neurotransmetteurs qui sont produits à partir de la tyrosine (Monastirioti et al., 1996) (Figure 14). De plus, différentes études ont montré qu’un taux élevé de tyramine est toxique pour les larves de drosophile car il diminue leur viabilité, leur mobilité et produit un retard de l’ecdysis (Torfs et al., 2000 ; Saraswati et al., 2004 ; Mustard et al., 2005).

Une autre étude a montré qu’un pathogène du couvain (Melissococcus pluton) produit de la tyramine qui est mortelle pour les larves d’abeilles à une dose de 0,3 mg/larve (Kanbar et al., 2004).

Des familles d’insecticides ciblent le récepteur de la tyramine comme les Organophosphates et carbamates.

Figure 14 : Équilibre formé pour la synthèse de différents neurotransmetteurs à partir de la tyrosine (Barron, 2010).

Le récepteur TransientReceptorPotential (TRP). Il est essentiel au canal pour les senseurs biologiques. Il détecte tous les changements de l’environnement et permet une réaction de l’individu. Chez le C.elegans, le carvacrol, thymol et eugénol sont connus pour avoir un effet inhibiteur sur cette famille de récepteurs (Lei et al., 2010). Le plus connu est le menthol qui procure une sensation de froid chez la souris (Xiao et al., 2008). Leur présence dans les larves de drosophile n’est pas prouvée (Rosenzweig et al., 2008).

III.3.

Métabolisme et toxicologie

Le thymol affecte le système nerveux de différents organismes en se fixant sur différents récepteurs. Mais il provoque d’autres effets qui ne s’expliquent pas par cette action de fixation.

III.3.1

Aux niveaux cellulaires

Plusieurs études ont démontré que le thymol est toxique pour les cellules eucaryote et procaryote. Pour les cellules procaryotes, le thymol semble agir au niveau de la perméabilité des membranes cellulaires (Lambert et al., 2001 ; Xu et al., 2008) et de la synthèse d’ATP (Ahmad et al., 2010). Le thymol est toxique pour certaines cellules impliquées dans l’immunité chez différents organismes en déclenchent notamment l’apoptose dans les cellules dendritiques de la souris (Xuan et al., 2010) ; il induit également des aberrations chromosomiques dans les lymphocytes humains et sur

LE THYMOL

la moelle osseuse du rat (Azirak & Rencuzogullari, 2008 ; Buyukleyla & Rencuzogullari, 2009). Il peut aussi avoir des effets sur l’immunité cellulaire. De plus, à forte concentration, le thymol peut provoquer des problèmes de digestion chez le cochon par un déséquilibre de la flore intestinale (Michiels et al., 2010).

III.3.2

Les acariens et les insectes

Le thymol est toxique pour Varroa à tous les stades de son développement : les œufs, les larves les nymphes et les adultes (Daemon et al., 2009 ; De Oliveira Monteiro et al., 2009 ; De Oliveira Monteiro et al., 2010). Cette toxicité tout au long du développement a aussi été observée chez l’anophèle : que ce soit au stade œuf, larve ou adulte (Pandey et al., 2009). Le thymol induit des effets sublétaux chez Phaenicia sericata adulte, chez qui la fréquence des battements d’ailes est diminuée par l’action du thymol sur la contraction musculaire (Waliwitiya et al., 2010). Les effets du thymol sur les abeilles ont été étudiés après traitement des ruches et en laboratoire. Après le traitement des ruches, une mortalité des jeunes larves est observée avec dans le même temps un changement de comportement des adultes (Imdorf et al., 1995 ; Mattila et al., 2000). En 2008, l’équipe de Loucif- Ayad a démontré que le thymol induisait un stress oxidatif caractérisé par une augmentation de l’activité de la glutathione S-transférase chez les abeilles adultes. En revanche, ils n’ont pas observé de changement d’activité de l’acetylcholinesterase, cette enzyme étant un marqueur des effets neurotoxiques. L’intoxication expérimentale d’abeilles adultes en laboratoire a montré une diminution de leur survie (Damiani et al., 2009). Des effets secondaires après une intoxication des adultes au thymol sont mis en avant par le travail de l’équipe de Bergougnoux avec la diminution de la phototaxie des abeilles. D’autres effets secondaires après une intoxication des adultes au thymol sont observés par l’équipe de Boncristiani, Ils ont montré des variations d’expression du gène de la vitellogénine impliqué dans le développement, une variation d’expression de certains P450 qui sont impliqués dans le système de détoxification de phase I et des variations d’expression d’un facteur de transcription impliqué dans l’immunité cellulaire. Le thymol a montré un intérêt dans lutte préventive de différents pathogènes de l’abeille comme Ascosphaera apis (Collin et al., 1989) et Nosema ceranae (Maistrello et al., 2008). Lorsque les abeilles adultes consomment une alimentation contaminée par Nosema ceranae et du thymol, elles vivent plus longtemps que celles qui consomment une alimentation contaminée seulement avec Nosema ceranae (Costa et al., 2009).

III.3.3

Les mollusques

Comme chez les arthropodes, des effets neurotoxiques ont été observés chez les mollusques. Plus particulièrement chez Lymnaeaacuminata. Le thymol induit chez cette espèce une diminution de

DésHydrogénase (LDH) et agit sur la quantité des neurotransmetteurs comme le 5- HydroxyTryptamine (5-HT) et la DopAmine (DA) (Singh et al., 1999).

III.3.4

Les mammifères

Comme chez les insectes, Le thymol active le système de détoxification chez la souris en augmentant l’activité de la 7-EthoxyCoumarin O-Deethylase (ECOD), du Glutathion S-Transférase (GST) et de la Quinone Réductase (QR) (Sasaki et al., 2005). Des métabolites secondaires du thymol sont retrouvés dans l’urine de personnes volontaires ayant consommé 1,08 mg de thymol. Ces métabolites sont du thymol sulfate et du thymol glucuronide (Kohlert et al., 2002).