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S’y ajoutent une hyperactivité plaquettaire

1. Thrombose de prothèses valvulaires :

a. Fréquence :

Toutes les publications rapportées au cours des 20 dernières années [118, 124] font état d’accidents thromboemboliques (ATE) dont les plus graves sont les thromboses de prothèses.

Tableau n 16 : Thrombose de prothèse et grossesse

Grossesse Thromboses Décès Larrea, 1983 47 3 (6,8%) 1 (2,1%) Iturbe, 1986 72 3 (4,2%) 2 (2,7%) Vitali, 1986 98 9 (9%) 2 (%) Born, 1992 35 3 (8,6%) 2 (5,7%) Oakley, 1994 151 13 (8,6% 4 (2,6%) Hanania, 1995 108 10 (9,2%) 3 (2,8%) Vitale, 1999 58 2 (3,5%) 0 total 569 43 (7,6%) 14 (2,4%)

Le pourcentage de thromboses de prothèses varie de 3,5 à 9,2 %. Dans une méta analyse rapportée par Hanania, de 7 séries réunissant 569 grossesses chez des porteuses de prothèses mécaniques surviennent 43 thromboses de prothèses (7,6 %) responsables de la mort de quatorze jeunes femmes au cours de leur grossesse (2,4 %).

Ces ATE ne sont pas tous responsables de thromboses de prothèses hémodynamiquement significatives. Leur gravité peut être liée aux séquelles neurologiques qu’ils entraînent en cas d’accident vasculaire cérébral constitué.

Dans notre série, quatre femmes ont développé une thrombose de valve au cours de leur grossesse, soit une fréquence de 44,4 %, qui est nettement élevée en comparaison avec d’autres études comme celle de Hanania.

b. Facteurs de risque :

Leur fréquence dépend du site d’implantation de la prothèse, de son type et de l’existence ou pas d’une fibrillation auriculaire.

Dans la série coopérative française [120], les thromboses mitrales étaient quatre fois plus fréquentes que les aortiques (21 % versus 5 %, p < 0,05), trois à quatre fois plus fréquentes avec une prothèse à disque qu’avec une prothèse à ailettes (26 % versus 7 %, p < 0,05) et en cas de fibrillation auriculaire qu’en rythme sinusal (25 % versus 7 %, p < 0,01).

Dans notre série, les quatre femmes présentant une thrombose de prothèse avaient toutes une prothèse mitrale, 3 d’entre elles se présentaient en ACFA, constatation qui rejoint celle de la série française.

Il est tout aussi important de considérer le type de traitement anticoagulant. Ces accidents surviennent beaucoup plus souvent quand la patiente est sous héparine (nos quatre femmes étaient toutes sous héparine au

européenne [122], il ya 15 ATE sous héparine contre cinq sous AVK (p < 0,05). Dans la série française [120], le taux d’ATE annualisé est très élevé quel que soit le traitement en cours mais quatre fois supérieur sous héparine (46 % années-patients) (AVK 10 % années-patients).

Plus récemment, dans une série de 39 grossesses avec prothèses mécaniques mitrales [125], Sadler rapporte quatre ATE parmi les douze patientes sous héparine avec une réopération urgente et un décès, alors que parmi les vingt-sept patientes sous AVK, il y en a aucun.

c. Diagnostic :

La présentation clinique peut varier d'une symptômatologie fruste à l'insuffisance cardiaque potentiellement mortelle ou une embolie périphérique. Le diagnostic est basé sur la variation de sons d'ouverture et de fermeture de la valve ou surtout l’apparition ou le renforcement d'un souffle systolique pour une prothèse aortique ou d'un roulement diastolique pour une prothèse mitrale [126, 127]. Toute aggravation des symptômes chez une patiente porteuse de valve prothétique doit inciter à une enquête approfondie pour exclure une thrombose de prothèse même non obstructive [126].

Dans notre série, nos quatre parturientes se sont présentées au stade IV de la NYHA, toutes en état de choc cardiogénique.

Le bilan para-clinique sera orienté principalement vers l’échographie trans-oesophagienne (ETO), examen performant et non invasif, qui présente comme avantages par rapport à la classique échographie trans-thoracique dans l’aide au diagnostic de thrombose de valve mécanique : une meilleure visualisation des différentes structures de la prothèse mécanique, en particulier en position mitrale, une analyse cinétique des éléments mobiles de la prothèse et la sensibilité de détection d’une thrombose en position mitrale est estimée à 89 %, contre 15 % pour l’échographie trans-thoracique [128]. La spécificité est estimée à 93 %.

Dans notre série, toutes nos parturientes ont bénéficié d’un examen échocardiographique transthoracique et transoesophagien pour établir le diagnostic de thrombose de prothèse.

d. Traitement au cours de la grossesse :

Une fois le diagnostic de thrombose établi, un traitement rapide doit être mis en route. La perfusion d’héparine peut être suffisante si la thrombose est non obstructive ou de petite taille [127, 129]. Sinon, la thrombose valvulaire massive impose un traitement urgent, faisant appel à la chirurgie ou aux agents fibrinolytiques.

 La thrombolyse intraveineuse :

Le risque de mortalité maternelle d’une intervention durant la grossesse est identique à celui en dehors de celle-ci, et se situe autour de 2,2 %, alors que le risque fœtal est de 9,5 % *130, 131]. De nombreuses études ont montré la faisabilité et l’efficacité des agents fibrinolytiques en cas de thrombose de prothèse valvulaire. Plusieurs groupes ont décrit leur utilisation durant la grossesse ou en post-partum sans incident grave. Les diverses indications étaient une phlébite [132], une embolie pulmonaire [133, 134], une thrombose d’une artère sylvienne *135]. Lors du traitement pergravidique par fibrinolytiques, le risque hémorragique est estimé autour de 1,5 %, avec en premier lieu le risque de décollement prématuré du placenta [136, 137]. Quelques observations ont rapporté leur usage avec succès en cas de thrombose de prothèse valvulaire cardiaque durant la grossesse [138, 139].

Plusieurs agents fibrinolytiques ont été administrés; un bolus de 250.000 unités de stréptokinase suivie par un régime de 100.000 U/h, ce régime thrombolytique doit être poursuivie pendant 72 heures ou jusqu’à normalisation de la fonction valvulaire [140, 141]. Une autre option est un bolus de l’activateur tissulaire du plasminogène recombinant (rt-PA) dosé selon le poids, caractérisé par sa demi-vie courte, sa rapidité de lyse du caillot et l’absence de caractère allergisant.

Les complications des fibrinolytiques incluent le décollement placentaire et l’accouchement prématuré. De ce fait, ils sont en général contre-indiqués durant les 10 premières semaines de la grossesse [143]. Cependant, les complications hémorragiques ont été observées avec les agents fibrinolytiques de longue durée d’action *144, 146], une longue perfusion de rt-PA [147, 148], et chez les patientes prédisposées.

Dans notre série, une des quatre patientes présentant une thrombose de prothèse avait bénéficié d’une thrombolyse par métalyse (0,5 mg/kg) en 10 secondes avec poursuite de l’héparinothérapie à dose hypocoagulante. La patiente a été proposée pour cure chirurgicale mais récusée en raison de l’état hémodynamique très instable. Après 45 mn de l’administration du thrombolytique, l’évolution a été marquée par une amélioration de l’état clinique, reprise d’un pouls normal, ralentissement de la fréquence cardiaque et amélioration de la SaO2.

 Le traitement chirurgical :

Le traitement chirurgical de la thrombose de valve mécanique consiste classiquement en l’ablation de la prothèse puis mise en place d’une nouvelle prothèse. Pour diminuer le temps d’intervention, on peut être amené à pratiquer un décaillotage seul. Ce geste présente toutefois plusieurs inconvénients : il s’agit d’une intervention « aveugle » où la face ventriculaire de la prothèse est non vue quand on pratique un abord auriculaire. Le risque est de laisser des fragments de caillots du côté ventriculaire. D’autre part, les ailettes de certaines prothèses sont fabriquées de matériau fragile, et le contact d’un instrument ou même d’un gant peut détériorer ces ailettes, créant

Dans notre série, l’indication chirurgicale a été posée chez 3 de nos parturientes, qui avaient toutes des thromboses obstructives et qui étaient toutes au stade IV de la NYHA et opérées toutes en urgence. Elles avaient bénéficié toutes d’une thrombectomie.

Après thrombectomie, la mortalité opératoire était de 15 % pour MARTINELL [150], et de 13 % pour DEVIRI [151].

Dans notre série, la mortalité globale était de 11,1 % (une patiente traitée par thrombectomie). La cause du décès dans notre série était la défaillance polyviscérale avec anurie.

L’évolution à long terme chez les 2 patientes survivantes était favorable, sans décès ni rethrombose. A noter la survenue d’un AIT (hémiparésie gauche) chez un patient 2 an après la réintervention avec à l’ETO un bon fonctionnement de la prothèse.

e. Prévention de la thrombose valvulaire :

La prévention de la thrombose, chez les patientes porteuses de valves mécaniques est donc un problème spécifique, et ne peut être assimilé à la prophylaxie habituelle du risque thrombo-embolique chez la femme enceinte. La clé de cette prévention est une anticoagulation bien conduite, qui permet de réduire au maximum les complications thrombotiques, sans être délétère pour la mère et le fœtus.

Conclusion :

La thrombose d’une prothèse valvulaire représente une urgence thérapeutique. Les agents fibrinolytiques ont démonté leur utilité en dehors de la grossesse. Leur emploi chez des patientes enceintes ayant une prothèse valvulaire n’est pas codifié à ce jour, alors que le risque maternel lors d’une chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle est équivalent à celui en dehors de la grossesse. En l’absence de facteur hémorragique surajouté, l’emploi des fibrinolytiques est possible. Cependant, cette thérapeutique comporte un risque de complications hémorragiques foetoplacentaires engageant le pronostic maternel. Le traitement chirurgical avec remplacement prothétique reste actuellement le traitement de référence d’une thrombose valvulaire en dehors ou pendant la grossesse.