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III. Luminescence persistante

III.2) Thermoluminescence

III.2.1) Instruments et principe

La thermoluminescence (TL) est l’une des expériences les plus utiles pour la caractérisation des matériaux à luminescence persistante. En effet elle peut permettre d’obtenir des indications sur la position des pièges lors de la charge et donc d’évaluer le potentiel d’un matériau. L’estimation de la position énergétique des pièges sur une série de matériaux dont la composition est légèrement changée peut permettre d’améliorer la compréhension des effets structuraux sur la position des pièges et sur les propriétés. Ces résultats pourront alors servir à l’amélioration des propriétés de luminescence persistante. Au cours de ce type d’expérience, il est nécessaire de refroidir l’échantillon (jusqu’à 10 K dans notre étude), impliquant la présence d’un cryostat sous vide secondaire (Figure 2.2 (a)). L’échantillon peut alors être excité depuis l’extérieur (fenêtres transparentes dans l’UV/visible) à différentes températures. Dans le cas classique de notre étude, l’échantillon est excité à basse température, typiquement autour de 12 K. Après excitation, la température de l’échantillon est alors augmentée, d’où la présence d’un porte échantillon en cuivre et d’une résistance chauffante comme l’illustre la figure 2.2 (b). La présence du thermocouple sert à contrôler la température, notamment au cours de la montée en température où une vitesse de chauffe constante est imposée. Au cours de nos études, la vitesse de chauffe utilisée était fixée à 10 K.min-1. Cette vitesse, plutôt lente comparée aux

vitesses de chauffe fréquemment utilisées (autour de 5 K.s-1), va permettre de s’affranchir de gradients

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Figure 2.2 : (a) Photographie de l’extérieur du cryostat. (b) Photographie de la partie intérieure.

La figure 2.3 illustre le principe de la thermoluminescence ainsi que les résultats qu’elle peut fournir. Lors de l’excitation à froid, des charges (électrons et/ou trous) vont pouvoir être excités et piégés. Lorsque l’on monte la température de l’échantillon, au départ aucun signal n’est observable ①. Puis, dès que l’énergie thermique apportée par le chauffage devient suffisante pour dépeupler le piège le moins profond, du signal apparaît, conduisant au premier pic de thermoluminescence ②. Dans le cas de la figure 2.3, à peine le premier piège est dépeuplé, un second se vide menant au deuxième pic de thermoluminescence ③. Les deux premiers pièges ayant des positions énergétiques très proches, leur émission sera peu séparée temporellement. Après le second pic, l’énergie thermique apportée n’est pas encore suffisante pour vider le piège suivant conduisant à une zone de plat ④. Ensuite, quand la température est suffisante, le troisième et dernier piège se vide conduisant au troisième pic noté ⑤

suivi d’une zone sans émission (ou de l’émission du corps noir, particulièrement aux plus grandes longueurs d’onde si la température est importante) ⑥. Il est alors important de remarquer que nous avons présenté des pics asymétriques d’ordre 1, ce qui est un « cas d’école » sur un monocristal de grande qualité. Dans ce cas la position énergétique des pièges peut être déterminée assez facilement (cf. ci-après). Dans les cas observés lors de nos mesures sur des objets de qualités cristallines moindre, nous observons des pics de formes différentes et souvent plus délicats à interpréter. De plus, dans le cas de la figure 2.3 les pièges ne se chevauchent pas, tandis que dans de nombreux cas expérimentaux nous observons des pics déformés suite à des pièges multiples de positions énergétiques relativement proches. Enfin, il est important de noter la position des pics de thermoluminescence par rapport à la température de travail (la température ambiante dans notre cas). Typiquement, pour des pics

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d’intensité de thermoluminescence équivalente, les pics se situant légèrement en dessous de Ttravail

donneront un déclin de luminescence persistante rapide avec une intensité initiale plutôt élevée. Cependant, si la position du maximum du pic est éloignée (inférieure) de la température de travail les pièges sont proches du centre de recombinaison (la bande de conduction sur notre schéma), ils sont appelés pièges superficiels et seront vidés presque instantanément à température ambiante, ne jouant alors pas un rôle prédominant dans l’émission de luminescence persistante. C’est le cas des pics ② et ③ dans l’exemple de la figure 2.3. Par ailleurs des pics dont le maximum se situe à une température supérieure à la température de travail auront une intensité initiale plutôt faible mais un déclin bien moins rapide. Dans le cas des pièges ne pouvant pas être intégralement vidés à température ambiante car trop profonds en énergie, la stimulation optique pourra être utilisée (cf. section III.3 de ce chapitre).

Figure 2.3 : Profil de thermoluminescence à 3 types de pièges avec une représentation schématique de la position énergétique des pièges considérant un piégeage électronique avec recombinaison par la bande de conduction.

III.2.2) Analyse des profils de thermoluminescence

Lorsque la composition d’un matériau est modifiée, comme le long d’une solution solide ou dans le cas d’un changement d’ion dopant, la profondeur des pièges impliqués est une information importante. Il est possible de procéder de deux façons distinctes afin d’obtenir les valeurs des profondeurs des pièges. Une première s’appuie sur la seule mesure du maximum du pic (Tm) sur le

profil de thermoluminescence alors que la seconde propose une estimation de la profondeur de piège par l’étude de la variation de Tm avec la vitesse de chauffe. Cette dernière, bien que plus laborieuse à

mettre en œuvre, est plus précise car prend également en compte les variations de Tm avec le facteur

de fréquence s. La première, que nous considèrerons dans la suite du travail, donne une proportionnalité entre la profondeur de piège et la température du maximum du pic. Randall et Wilkins supposent qu’au maximum du pic :13,14

42 𝑠. exp (− 𝐸

𝑘. 𝑇𝑚 ) = 1

soit 𝐸 = 𝑘. 𝑇𝑚. 𝑙𝑛(𝑠)

En supposant que s ne varie pas en fonction des pièges, on aboutit à une relation peu précise de proportionnalité directe entre Tm et E. Une relation similaire avait été préalablement proposée par

Urbach.15

𝐸 = 𝑇𝑚

500= 23. 𝑘. 𝑇𝑚

Dans le cadre de notre étude, la mesure approximative de la profondeur des pièges avec cette formule sera utilisée et nous nous attacherons à observer les variations relatives.

Des comparaisons de profils de thermoluminescence sur un même échantillon en variant la dose d’irradiation ont été réalisées afin de comprendre les cinétiques de dé-piégeages mises en jeu. Dans ce cas, la variation de dose consiste en fait en une variation des conditions d’excitation (puissance et temps d’excitation). Lors des variations de la dose d’excitation, la température au maximum d’intensité sur le profil de thermoluminescence peut être comparée. Lorsque le maximum du pic est à une position constante quelle que soit la dose utilisée, la cinétique est d’ordre 1. Dans le cas d’un décalage du maximum vers les hautes températures lorsque la dose est diminuée, un piège du second ordre ou une distribution de piège peuvent alors être impliqués.

Une autre méthode, la méthode Tmax-Tstop (ou « thermal cleaning ») peut être utilisée afin de

déterminer le nombre et l’ordre des pièges responsables d’un signal de thermoluminescence à priori difficile à interpréter. Cette méthode consiste tout d’abord à réaliser une mesure de thermoluminescence classique à basse température puis à répéter la mesure en montant au préalable la température à une certaine température Tstop puis redescendre à basse température et lancer

l’acquisition. Cette méthode peut permettre de remonter efficacement à des profondeurs de pièges dans des distributions de pièges complexes.16 Dans notre cas, des comparaisons de profils de

thermoluminescence avec des étapes à différentes températures permettront de différencier certains pics dans des zones difficiles à analyser suite à la superposition de plusieurs signaux.