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Chapitre II Blair et l’Europe à travers The Economist

4) The Economist et l’Union européenne

The Economist adopte une attitude pro-européenne depuis la fin des années

soixante-dix, il considère que l’Angleterre est en face de cinq problèmes majeurs273 explicités ci-dessous. La lecture du magazine nous permet de dégager deux images pendant cette période, celle des travaillistes qui étaient peu favorables274 au projet européen et celle des conservateurs qui attendaient à voir un développement rapide de la question européenne. Le journal, qui avait fait le pari que Thatcher était animée de convictions européennes, nuance ses positions concernant l’Europe, il écrit : « Elle a habilement mis en valeur les qualités de sa politique pro-européenne»275.

The Economist compare l’attitude européenne des travaillistes et celle des

conservateurs. À cause du scepticisme et du doute qui imprègnent cette image, le lecteur n’est pas convaincu ni persuadé de la bonne volonté de Thatcher de participer à un rôle britannique plus important dans l’union européenne276

. Cette analyse de la part de The

Economist, quant à la bonne volonté de la politique européenne de Thatcher, change

totalement lorsque l’hebdomadaire admet que la dame de fer n’est pas aussi européenne qu’on le pense. The Economist admet que la politique européenne comporte avant tout d’âpres négociations à long terme277

, et tout en se démarquant de sa position neutre, il défend les intérêts de la Grande-Bretagne en Europe en considérant que la question européenne devient un des meilleurs vecteurs de promotion des intérêts du pays278.

273 The Economist, 12 mai 1979, 59.

L’hebdomadaire se pose les questions suivantes relatives à l’Union européenne et à la place du Royaume-Uni au sein de l’Royaume-Union, et fixe cinq priorités à savoir : le système monétaire européen, le contrôle des changes, la réduction de la facture britannique à payer au sein de l’Europe, la question agricole et finalement le problème des produits alimentaires. The Economist déclare : « The immediate EEC issues the

government will have to address itself to are : Should Britain join the EMS (european monetary system) ? Will Britain abolish exchange control ? How many can Britain cut its EEC bill ? How can Britain reform the common agricultural policy ? Should Britain accept a deal on food ? ».

274 Voir annexe 2 qui traite la relation entre le Labour et la question européenne.

275

The Economist, 16 juin 1979, 13.

« She has skilfully and rightly enhanced her once dubious pro-european credentials ».

276 Ibid., « When Mrs Thatcher won the British election two months ago, cynical Eurocrats predicted that the

European policy would be little different from Mr Callaghan’s eurosceptic style. To date, they have been

proved wrong. Even France’s stern Le Monde, which has criticised Britain’s EEC policy, last week conceded that the general view is that Mrs Thatcher has made a successful start in Europe […]. More generally, Britain

is now adopting a communicative approach on a whole range of issues which had previously been stalled by Labour vetoes ».

277 The Economist, 12 décembre, 1978, 25.

Le magazine évoque la nécessité de renégocier la contribution du Royaume-Uni au budget communautaire, puisque sa participation lui coûte plus qu’elle ne lui rapporte ce qui est injuste. Selon The Economist, les autres membres estiment que les questions ont été réglées lors des négociations du traité d’adhésion et que les termes de l’accord ne peuvent pas être sans cesse remis en cause. Dans ce sens, The Economist adopte une position nationaliste :

Bien sûr, la Grande-Bretagne tire profit d’être un membre de la CEE mais ces avantages politiques sont partagés par la plupart des pays de l’union, alors pourquoi le Royaume-Uni devrait-il payer plus que les autres pays ensemble ? C’est une injustice monstrueuse, et le fait que Madame Thatcher exige plus d’équilibre entre ses dépenses et ses recettes est complètement juste279.

Le journal oppose l’injustice du monde au bon droit du Royaume-Uni, c’est une stratégie propre aux journaux populaires280 britanniques. La mentalité insulaire prend le dessus sur les questions européennes surtout pendant les années quatre-vingt. The Economist justifie son nationalisme en critiquant les excès de la bureaucratie des négociations communautaires281. Sur la question monétaire, The Economist prend soin de présenter une stratégie pragmatique, favorable au principe d’une adhésion partielle du Royaume-Uni au système monétaire européen, si cela ne nuit pas aux intérêts du pays282. L’adhésion au mécanisme du taux de change est beaucoup plus problématique ; le journal est contre les interventions sur le taux de change puisque cela n’est pas conforme aux règles du libre- échange :

La politique du taux de change est habituellement laissée aux forces du marché. L’appui du magazine concernant la fluctuation monétaire ne nécessite pas d’être répété283.

279

The Economist, 24 novembre, 1979, 15. « […] of course Britain derives some political advantage for EEC

membership. But these political advantages are shared by all EEC countries, so why should Britain have to pay more for them in net terms than all the other eight combined ? It is a monstrous injustice, and Mrs Thatcher’s demand for a broad balance between Britain’s payment and receipts from EEC is entirely fair ».

280 Voir Rosette Glaser, La société britannique à travers la presse populaire, Paris : Ellipses, 1998, 77-82.

281

The Economist, 15 mai 1982, 72.

282 Ibid.

283 The Economist, 7 juillet 1979, 83. « Official exchange rate policy is customarily explained as leaving it

to market forces. That policy is right, this newspaper’s support for floating currencies needs no repeating

The Economist semble défendre le SME (système monétaire européen), non parce

qu’il constitue un système organisé, mais simplement parce qu’il propose les meilleures possibilités de favoriser l’économie britannique284

. Les diverses positions de l’hebdomadaire quant à la question européenne, indiquent une incohérence dans les affirmations du journal et indiscutablement témoignent du fait que The Economist est peut-être moins internationaliste qu’il ne le prétend. Nous pouvons percevoir cette attitude du magazine quand il défend la cause nationale quand les intérêts du Royaume-Uni sont en jeu. Le soutien de l’Europe reste pour le magazine plus un mariage de raison que de cœur. Les unions économiques présentent certains avantages, elles ne peuvent être au mieux qu’une transition dans la mise en place du libre-échange.

The Economist appréhende la tendance de l’Europe à se refermer sur elle-même ;

cette attitude est contraire aux lois de la libre concurrence si la CEE n’ouvre pas ses portes au reste du monde. Nous remarquons que The Economist pose les questions importantes qui s’inscrivent dans le long terme, en fait il nourrit le débat. À la fin des années 1980, et surtout après la démission de Margaret Thatcher et l’arrivée de John Major, la question européenne occupe une place de plus en plus importante dans de nombreux articles consacrés à l’Europe. The Economist estime que la politique économique du gouvernement est liée à l’Europe. Cependant après avoir défendu la cause du SME, il devient plus prudent dès que l’adhésion britannique lui apparaît inéluctable. Nous allons voir dans ce qui suit si le journal va analyser la politique européenne de Blair d’une façon neutre et objective, ou bien selon un parti-pris ? Tout d’abord, nous proposons de mettre en exergue la politique européenne de Tony Blair.

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