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La désintégration de l’Union Soviétique et de son empire, à partir des années 1990, marquent le triomphe et l’hégémonie des États-Unis « superpuissance unique » du monde. Ce statut leur confère une image de « gendarme du monde » pouvant intervenir militairement dans toutes les crises, cependant les États-Unis contrairement à cette caricature, n’ont aucunement l’intention de remplir ce rôle. Le déploiement de leurs forces à l’étranger est sélectif et obéit à des intérêts vitaux. La guerre du Golfe en 1990 illustre ce recours à la force de la part des Américains qui se hâtent à défendre leurs intérêts dans une région très stratégique du globe. En ce qui concerne la Yougoslavie, les Américains restent prudents et n’interviennent qu’à partir de mars 1999, sans l’aval des Nations Unies.

Le conflit commence en 1990, les autorités serbes pratiquent une politique de discrimination à l’égard de la communauté albanaise. En mars 1989, Belgrade abroge le statut de l’autonomie de la province. En juin 1990, le parlement et le gouvernement du Kosovo étaient suspendus. Les Albanais se trouvent dispersés, et le Kosovo se trouvait rattaché à la Serbie. Le conflit débute en 1996 avec la création de l’Armée de libération du Kosovo ou (UCK) qui commence une campagne de lutte armée contre des dirigeants serbes ; ces derniers ont pris des contre-mesures militaires. La communauté internationale réagit à la crise en 1998 en créant un groupe de contact composé de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et de la Russie qui font des efforts en février 1999 lors de la conférence de Rambouillet.

Les délégations serbe et kosovare se sont rencontrées en février 1999 à Rambouillet, près de Paris, pour négocier un plan de paix, appelé « Accords de Rambouillet ». Celui-ci comprend une « autonomie substantielle » accordée au Kosovo au sein de la Serbie, la tenue d’élections dans les trois mois, le retrait des forces serbes de la région et le déploiement de troupes internationales d’observation. En partie acceptés par Slobodan Milosevic, ces accords ont été rejetés par l’UCK. La province du Kosovo est victime d’une politique génocidaire ; les réfugiés Albanais arrivent en masse dans les pays limitrophes, tels que la Macédoine, le Monténégro, et la Bosnie, suite à la nouvelle épuration ethnique. Face à cette situation, l’OTAN menace d’intervenir afin de forcer les

Serbes à signer l’accord de Rambouillet et de ne plus avoir recours à un usage excessif et disproportionné de la force au Kosovo. De même, le leader serbe Milosevic doit mettre un terme à toute action militaire, en retirant ses forces du Kosovo, et doit accepter une présence militaire internationale ainsi que le retour sans conditions de tous les réfugiés, et donner des preuves crédibles à la volonté d’établir un accord politique s’appuyant sur les accords de Rambouillet. Le 23 mars 1999, l’OTAN ordonne le début des frappes aériennes sur la Serbie. Pour Blair385, cette intervention militaire est basée sur des critères moraux ; dès le début, le Premier ministre présente le contexte de la crise du Kosovo en des termes purement rhétoriques. Les actions des Serbes contre les Kosovars faisaient revivre l’image d’anciennes horreurs historiques, elles représentent une « catastrophe humanitaire ». La situation est décrite par Blair comme celle de la barbarie perpétrée, contre d’innocents civils, à cause de leur identité ethnique.

L’impuissance face aux génocides perpétrés en Bosnie ou au Rwanda soulève l’opinion publique britannique. Le discours, qui était chargé d’émotion, justifie l’intervention militaire tant défendue par Blair386

qui aura pour but de faire face à la figure « machiavélique » du président serbe. Blair ne cesse maintes fois de rappeler que son action est guidée par un mélange d’intérêts réciproques et de la présence d’une détermination morale à défendre les valeurs de liberté, le règne du droit et d’une société ouverte387. Tony Blair souhaite agir avec son allié Bill Clinton pour bâtir la paix et la stabilité dans la région des Balkans. Il demeure un allié incontournable des Américains dans l’Europe. L’intervention militaire au Kosovo est autorisée par l’OTAN, plutôt que par le Conseil de sécurité de l’ONU comme l’exigeait le droit international. Bill Clinton prend en compte les réactions de l’opinion publique et de ses élus, sa stratégie sera guidée par le souci de ne pas déplaire à son électorat américain, souvent hostile à intervenir militairement dans le monde et à risquer la vie de ses soldats.

385 Déclaration de Tony Blair lors du 50éme anniversaire de l’OTAN, le 26 avril 1999. Voir le site <www.pmgov.uk>, consulté le 5 juin 2000.

386 Tony Blair, « Speech to Muslim Council », le 5 mai 1999.

Voir le site <www.number-10.gov.uk/output/page1329.asp>, consulté le 10 juin 2009.

387 Tony Blair, « Doctrine of the international Community ». Communication au Chicago Economic Club, 23 avril 1999, <www.pm.gov.uk>, consulté le 12 mars 2010.

En fait, ce sont les Britanniques388 qui ont convaincu le président des États-Unis de l’importance et de la nécessité d’entreprendre une intervention militaire. Tony Blair n’épargne aucun effort afin d’influencer son ami Bill Clinton de « la dimension éthique » du domaine de l’action internationale. La crise du Kosovo nous montre un Premier ministre britannique qui se range dans le camp des « faucons », en poussant le président américain à envoyer des troupes terrestres. Blair déclare au Parlement que « c’est notre tâche collective de faire maintenant de cette victoire, celle de la justice contre le mal, une réalité pour le peuple du Kosovo qui a souffert depuis si longtemps »389. Le Premier ministre évoque les valeurs britanniques qui doivent s’incarner dans la « doctrine de la communauté internationale »390, il met l’accent sur la légitimité morale d’intervenir bien que le Conseil de sécurité de l’ONU ne l’ait pas autorisé.

388 Dan O’Meara et Valeisha Sobhee, « Grande-Bretagne. La (re)construction d’une relation privilégiée », in Études internationales, vol. 35, n° 1, 2004, 97-124.

‹http://www.erudit.org/documentation/eruditPolitiqueUtilisation.pdf›, consulté le 14 avril 2009.

Dans cet article Dan O’Meara et Valeisha Sobhee apportent une réponse partielle à la question de savoir comment un gouvernement engagé par sa rhétorique dans un programme privilégiant la solution pacifique des conflits internationaux, le multilatéralisme, l’ordre, la justice et le respect du droit international, a pu recourir à la guerre trois fois au cours d’une période de quatre ans, avec une fréquence et un empressement dépassant ceux de tous les gouvernements britanniques depuis 1945.

389Tony Blair, « Speech to Muslim Council », op. cit.