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Th´ eor` emes de structure

Dans le document Polynômes de Ore en une variable (Page 38-44)

Bien que la d´efinition des alg`ebres simples centrales paraissea priorirelativement souple et

semble laisser la porte ouverte `a des nombreux exemples vari´es, il se trouve qu’il n’en est rien et,

qu’au contraire, la th´eorie qui en r´esulte est tr`es rigide, comme nous allons le voir tout au long

de cette partie.

3.2.1 Le th´eor`eme d’Artin–Wedderburn

UneK-alg`ebre `a divisionsest uneK-alg`ebre (non n´ecessairement commutative) dans laquelle

tout ´el´ement non nul est inversible. Il est clair que toute alg`ebre `a divisions est simple puisqu’un

id´eal contenant un ´el´ement inversible est n´ecessairement trivial.

Th´eor`eme 3.2.1 (Artin–Wedderburn). TouteK-alg`ebre simple centraleAest isomorphe `aM

n

(D)

pour une certaineK-alg`ebre `a divisions centraleD.

D´emonstration. SoitAune alg`ebre simple centrale surk. On consid`ere unA-module irr´eductible

S. On d´efinitD

0

=End

A

(S)comme l’ensemble des endomorphismesA-lin´eaires deS. Clairement

Dest uneK-alg`ebre. Soitf ∈D

0

,f 6= 0. Le noyau def est un sous-A-module strict deS. Par

simplicit´e, on en d´eduit qu’il est nul, c’est-`a-dire quef est injective. De mˆeme, l’image def est

un sous-A-module non nul deSet est donc ´egale `aS tout entier. Ainsif est surjective. Il s’ensuit

quef est bijective. En r´esum´e, nous venons de d´emontrer que tout ´el´ement non nul deD

0

est

inversible, d’o`u on d´eduit queD

0

est une alg`ebre `a divisions.

On munitSd’une structure deD

0

-espace vectoriel `a gaucheviala loi de multiplication externe

f·s=f(s)pourf ∈Dets∈S. Il se trouve que la th´eorie des espaces vectoriels sur les alg`ebres

`

a divisions est similaire `a la th´eorie classique sur les corps (cf appendiceA.2pour plus de d´etails).

En particulier,S admet une base sur D

0

et le choix d’une telle base identifie End

D0

(S)`a une

alg`ebre de matrices sur l’alg`ebre `a divisions oppos´eeD= (D

0

)

op

. Par ailleurs, pour touta∈A,

l’applicationm

a

:S →S, s7→asest dans End

D0

(S). On obtient de cette mani`ere un morphisme

d’anneauxϕ:A→End

D0

(S). Son noyau est un id´eal bilat`ere deA. Par simplicit´e, on en d´eduit

queϕest injective. Nous allons montrer que c’est en fait un isomorphisme.

Soit f ∈ End

D0

(S). On veut montrer que f est la multiplication par un certain ´el´ement

a ∈ A. Pour cela, on fixe une base (v

1

, . . . , v

n

) deS surk. On note End

A

(S

n

) l’ensemble des

endomorphismesA-lin´eaires deS

n

. Concr`etement, sachant que End

A

(S) =D

0

, on d´eduit que

tout morphisme dans End

A

(S

n

)est de la forme :

(s

1

, . . . , s

n

)7→ P

n

i=1

d

i,1

(s

i

), . . . ,P

n

i=1

d

i,n

(s

i

)

pour desd

i,j

∈D

0

. Autrement dit End

A

(S

n

)s’identifie canoniquement `aM

n

(D

0

). On consid`ere

l’application f

V

: S

n

→ S

n

, (s

1

, . . . , s

n

) 7→ (f(s

1

), . . . , f(s

n

)). On d´eduit de la description

pr´ec´edente que f

V

commute `a tout morphisme de End

A

(S

n

) puisque, par d´efinition, f est

D

0

-lin´eaire et donc commute `a tous lesd

i,j

.

Posonsv = (v

1

, . . . , v

n

) ∈ S

n

et notonsAv le sous-A-module deS

n

engendr´e parv. ´Etant

donn´e un sous-ensembleI de{1, . . . , n}, notonsS

I

le sous-ensemble deS

n

form´e desn-uplets

(s

1

, . . . , s

n

) pour lesquelss

i

= 0 d`es quei ∈ I. SoitI un sous-ensemble de cardinal maximal

de{1, . . . , n}tel que Av∩S

I

= 0. Montrons queAv+S

I

=S

n

. Pour cela, il suffit de v´erifier

queS

i

⊂Av+S

I

pour touti. Or par simplicit´e deS

i

, l’intersectionS

i

∩(Av+S

I

)est soit ´egale

`

a S

i

, soit ´egale `a 0. Dans le premier cas, l’inclusion annonc´ee est prouv´ee tandis que, dans le

second cas, on d´eduitAv∩S

I∪{i}

= 0, ce qui contredit la maximalit´e deI. En conclusion, on

obtientAv⊕S

I

=S

n

, la somme ´etant directe puisqueS

I

est choisi de fac¸on `a ce queAv∩S

I

= 0.

Soulignons queAv etS

I

sont tous les deux desA-modules et que la d´ecomposition ci-dessus est

compatible `a la structure deA-module.

Soitπ : S

n

→ S

n

la projection sur Av correspondant `a la d´ecomposition S

n

= Av⊕S

I

que l’on vient d’´etablir. Du fait queπ ∈End

A

(S

n

), on d´eduit queπ commute `a f

V

et donc, en

particulier, quef

V

(v

1

, . . . , v

n

) =π◦f

V

(v

1

, . . . , v

n

)∈Av. Autrement dit, il existea∈Atel que

f(v

i

) =av

i

pour touti. Comme la famille(v

1

, . . . , v

n

)engendreS surk, on en d´eduit quef est

la multiplication para. Autrement dit,f =ϕ(a)et on a ainsi trouv´e un ant´ec´edent `af parϕ.

Il r´esulte de ce qui pr´ec`ede queA ' M

n

(D). Il ne reste donc plus qu’`a d´emontrer que le

centre deD estK. Soit doncd∈D un ´el´ement central. Du fait quedcommute avec tous les

´

el´ements deD, on d´eduit plus g´en´eralement qu’il commute avec tous les matrices deM

n

(D),

c’est-`a-dire avec tous les ´el´ements deA. ´Etant donn´e queAest centrale par hypoth`ese, on obtient

finalementd∈K.

Il est en g´en´eral possible d’avoir, `a peu de frais, des renseignements suppl´ementaires sur

l’alg`ebre `a divisionsDpromise par le th´eor`eme d’Artin–Wedderburn. Tout d’abord, il se trouve

qu’elle est enti`erement d´etermin´ee (`a isomorphisme pr`es) par A. C’est une cons´equence de

l’´equivalence de Morita que nous exposerons au§3.2.3(voir proposition3.2.9).

Par ailleurs, siK est un corps fini, on a n´ecessairementD=K; c’est une cons´equence directe

du th´eor`eme de Wedderburn qui affirme que toute alg`ebre `a divisions finie est commutative

[4, Th´eor`eme III.5]. Lorsque K = R, on peut montrer queD = Rou D = H (l’alg`ebre des

quaternions introduites pr´ec´edemment). Dans le cas g´en´eral, les alg`ebres `a divisions de centre

K sont classifi´ees par ce que l’on appelle legroupe de Brauerde K. Il existe des outils puissants

(de nature cohomologique) pour ´etudier ce groupe. On renvoie le lecteur `a [10,24] pour de

nombreux compl´ements `a ce sujet.

3.2.2 Extension des scalaires

SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. SiLest une extension deK, il est possible de former

le produit tensorielL⊗

K

A, qui est uneL-alg`ebre. Concr`etement, si(λ

i

)

i∈I

est une base deLsur

K, tout ´el´ement deL⊗

K

As’´ecrit de mani`ere unique sous la formex=P

i∈I

λ

i

⊗a

i

pour une

famille(a

i

)

i∈I

d’´el´ements deApresque tous nuls. Le produit, quant `a lui, se calcule

coordonn´ee

par coordonn´ee

par la formule :

(λ⊗a)·(µ⊗b) = (λµ)⊗(ab)

pourλ, µ∈Leta, b∈A.

Proposition 3.2.2. Soit A uneK-alg`ebre simple centrale. AlorsL⊗

K

A est une alg`ebre simple

centrale surL.

D´emonstration. Le fait que L⊗

K

A soit centrale r´esulte ais´ement de la description explicite

que nous avons donn´ee ci-dessus. Montrons `a pr´esent queL⊗

K

Aest simple. SoitI un id´eal

bilat`ere non nul deL⊗

K

A. Consid´erons un ´el´ementx∈ I,x6= 0que l’on ´ecrit sous la forme

x=P

i∈I

λ

i

⊗x

i

pour une famille(x

i

)

i∈I

d’´el´ements deApresque tous nuls. Choisissonsxde

sorte que le nombre dex

i

non nuls soit minimal. Fixons un indicei

0

pour lequelx

i0

6= 0. L’id´eal

bilat`ere deAengendr´e parx

i0

est ´egal `aApar simplicit´e. Ainsi il existea

1

, . . . , a

m

, a

01

, . . . , a

0m

∈A

tels queP

m

j=1

a

j

x

i0

a

0j

= 1. L’´el´ementP

m

j=1

(1⊗a

j

)·x·(1⊗a

0j

)appartient encore `aI et a une

composante eni

0

qui est ´egale `a1. Quitte `a remplacerxpar ce nouvel ´el´ement, on peut supposer

quex

i0

= 1. Poura∈A, examinons l’´el´ement deI suivant :

(1⊗a)·x−x·(1⊗a) =X

i∈I

λ

i

⊗(ax

i

−x

i

a).

Sa composante eni

0

s’annule puisqu’on a suppos´ex

i0

= 1. Par minimalit´e, les autres composantes

doivent donc s’annuler aussi,i.ex

i

a=ax

i

pour touti∈I. Comme ceci vaut pour touta∈A, on

d´eduit que lesx

i

sont tous centraux. ´Etant donn´e queAest uneK-alg`ebre centrale, cela signifie

quex

i

∈K pour touti∈I. Il r´esulte de cela quex=P

i∈I

λ

i

⊗x

i

est dansL. AinsiL⊗

K

Aest,

elle aussi, centrale.

Th´eor`eme 3.2.3. Soit AuneK-alg`ebre simple centrale. Il existe une extension finie L/K et un

entierntels queL⊗

K

A'M

n

(L)(commeK-alg`ebres).

D´emonstration. Consid´erons une clˆoture alg´ebrique K¯ de K et formons le produit tensoriel

¯

A = ¯K ⊗

K

A. D’apr`es la proposition 3.2.2, A¯ est une K¯-alg`ebre simple centrale et, par le

th´eor`eme d’Artin–Wedderburn, est donc de la formeM

n

(D)pour uneK¯-alg`ebre `a divisionsD

centrale.

Consid´eronsx ∈ Det notons K¯[x]la sous-alg`ebre deDengendr´e parx. ClairementK¯[x]

est commutative et de dimension finie sur K¯. De plus, elle est int`egre car Dest une alg`ebre

`

a divisions. Ainsi K¯[x] est une extension de K¯ et, comme K¯ est alg´ebriquement clos, on a

n´ecessairementK¯[x] = ¯K,i.e.x ∈ K¯. En conclusion, on a d´emontr´e queD= ¯K et donc que

¯

A'M

n

( ¯K).

Fixons un isomorphismeϕ¯: ¯A'M

n

( ¯K)et notonsM sa matrice ´ecrite dans desK-bases de

Aet deM

n

(K)respectivement. SiLd´esigne l’extension finie deK engendr´ee par les coefficients

deM, l’isomorphismeϕ¯provient d’un isomorphisme ϕ

L

:L⊗

K

A →M

n

(L). Le th´eor`eme est

d´emontr´e.

Corollaire 3.2.4. SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. La dimension deAsurKest un carr´e.

D´emonstration. SoitA¯= ¯K⊗

K

A. Clairementdim

K

A= dim

K¯

A¯. Or, d’apr`es le th´eor`eme3.2.3,

¯

A est isomorphe `a une alg`ebre de matrices sur K¯, d’o`u on d´eduit que sa dimension est un

carr´e.

Afin de pouvoir utiliser toute la puissance de la th´eorie de Galois, il est important d’avoir une

version plus pr´ecise du th´eor`eme3.2.3permettant de choisir l’extensionLgaloisienne surK. Ce

raffinement est l’objet du th´eor`eme de Wedderburn–Koethe, ´enonc´e ci-dessous.

Th´eor`eme 3.2.5 (Wedderburn–Koethe). SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. Il existe une

exten-sion finies´eparableL/K et un entierntels queL⊗

K

A'M

n

(L)(commeK-alg`ebres).

D´emonstration. Si K est de caract´eristique nulle, le th´eor`eme a d´ej`a ´et´e d´emontr´e puisque

toute extension finie deKest automatiquement s´eparable. Nous supposons donc queKest de

caract´eristiquepavecp >0.

De mˆeme que dans la d´emonstration du th´eor`eme3.2.3, il suffit de d´emontrer que siK est

s´eparablement clos, il n’existe pas deK-alg`ebre `a divisions non triviale. Soient doncK un corps

s´eparablement clos etDuneK-alg`ebre `a divisions centrale que l’on suppose non triviale. Soit

x∈D,x6∈K. SoitK[x]le sous-anneau deDengendr´e parx. Il s’agit d’une extension finie de

K. Comme, par hypoth`ese,K est s´eparablement clos, l’extension K[x]/K est n´ecessairement

purement ins´eparable. Autrement dit, il existe un entiermtel quex

pm

∈K.

Soitσ:D→D, d7→xdx

1

l’application de conjugaison parx. D’apr`es ce qui pr´ec`ede, on a

σ

pm

= 1, soit encore(σ−1)

pm

. Soitrl’indice de nilpotence de(σ−1); c’est un entier strictement

sup´erieur `a 1puisquex 6∈ K. Soita ∈K tel que(σ−1)

r−1

(a) 6= 0. Posonsu = (σ−1)

r−1

(a)

etv = (σ−1)

r−2

(a)de sorte que l’on ait σ(u) =u etσ(v) =u+v. En posantt =u

1

v ∈D,

on trouveσ(t) =t+ 1. Ainsi l’endomorphisme deK-alg`ebresσ:D→Dstabilise le sous-corps

commutatifK[t]et agit non trivialement sur celui-ci. Ceci est une contradiction carK est suppos´e

s´eparablement clos.

3.2.3 La th´eorie de Morita

L’´equivalence de Morita est un ´enonc´e alg´ebrique tr`es g´en´eral qui, ´etant donn´e un anneauR

quelconque, non n´ecessairement commutatif, ´etablit un lien ´etroit entre les modules surM

n

(R)

et ceux surR.

Avant d’´enoncer le r´esultat de Morita de mani`ere pr´ecise, on a besoin d’introduire quelques

objets. Dans tout ce num´ero, on fixe un anneauR(non n´ecessairement commutatif) ainsi qu’un

entier nstrictement positif. On introduit leR-moduleP =R

n

que l’on identifie `a l’espace des

vecteurs colonne de taillen`a coefficients dansR. On voitP `a la fois comme un module `a droite

sur R et un module `a gauche sur M

n

(R) via l’action naturelle M ·x = M x (multiplication

matricielle). On note P

?

le dual alg´ebrique de P. Par d´efinition, P

?

= Hom

R

(P, R); c’est

l’ensemble des applications R-lin´eaires de P dans R. Les ´el´ements de P

?

peuvent ˆetre ´ecrits

comme des vecteurs ligne, le vecteur ligneL´etant en correspondance avec l’application lin´eaire

`:R

n

→R, X 7→LX (X´etant vu ici comme un vecteur colonne). On muniP

?

d’une structure

de module `a gauche surRet de module `a droite surM

n

(R).

On rappelle par ailleurs qu’´etant donn´e un anneauA, un module `a droite M surAet un

module `a gauche N sur A, le produit tensoriel M ⊗

A

N peut ˆetre d´efini : c’est l’ensemble

des sommes formelles de tenseurs purs x⊗y (avec x ∈ M et y ∈ N) modulo les relations

xa⊗y =x⊗aypoura∈A,x∈M ety ∈N ainsi que les relations usuelles d’additivit´e. Si de

plusM (resp.N) est muni d’une structure suppl´ementaire de module `a gauche (resp. `a droite)

sur un anneau auxiliaireB qui commute avec l’action deA, alors le produit tensorielM⊗

A

N

h´erite d’une structure deB-module `a gauche (resp. `a droite).

Lemme 3.2.6. 1. L’application :

α: P⊗

R

P

?

−→ M

n

(R)

C⊗L 7→ CL

est un isomorphisme de modules `a gauche et `a droite surM

n

(R).

2. L’application :

β : P

?

Mn(R)

P −→ R

L⊗C 7→ LC

est un isomorphisme de modules `a gauche et `a droite surR.

D´emonstration. Il est imm´ediat de v´erifier la lin´earit´e annonc´ee des applicationsαetβ.

Soient(E

1

, . . . , E

n

)la base canonique deP et(E

1?

, . . . , E

n?

)sa base duale. La famille (E

i

E

j?

)

1≤i,j≤n

est une base deP⊗

R

P

?

. Par ailleurs, un calcul direct montre queE

i

⊗E

j?

s’envoie

parαsur la matriceE

ij

dont tous les coefficients sont nuls `a l’exception de celui en position(i, j)

qui vaut1. Le fait queαsoit un isomorphisme en r´esulte sachant que la famille(E

ij

)

1≤i,j≤n

est

une base deM

n

(R).

NotonsL

0

= (1 0 0 · · · 0)∈P

?

etC

0

=L

T0

∈P, le vecteur colonne transpos´e deL

0

. Il est

clair que β(L

0

⊗C

0

) = 1; ainsiβ est surjectif. Soit `a pr´esentX ∈P

?

Mn(R)

P que l’on ´ecrit

comme une somme formelleX=L

1

⊗C

1

+L

2

⊗C

2

+· · ·+L

m

⊗C

m

(pourm∈N,L

i

∈P

?

et

matriceM

i

dont la premi`ere ligne estL

i

et les autres lignes sont nulles. Un calcul direct aboutit `a

L

0

M

i

=L

i

etM

i

C

i

=C

0

u

i

, d’o`u on d´eduit :

L

i

⊗C

i

= (L

0

M

i

)⊗C

i

=L

0

⊗(M

i

C

i

) =L

0

⊗(C

0

u

i

) = L

0

⊗C

0

)·u

i

.

En sommant suri, on obtient finalementX= (L

0

⊗C

0

)·(u

1

+· · ·+u

m

) = (L

0

⊗C

0

)·β(X) = 0.

On en d´eduit l’injectivit´e deβ et le lemme est d´emontr´e.

Corollaire 3.2.7(´Equivalence de Morita). SoientMod

gR

(resp.Mod

gM

n(R)

) la cat´egorie des modules

`

a gauche surR(resp. surM

n

(R)). Les foncteurs :

Mod

gR

−→ Mod

gM n(R)

X 7→ P ⊗

R

X

!

et Mod

gM n(R)

−→ Mod

gR

Y 7→ P

?

Mn(R)

Y

!

r´ealisent des ´equivalences de cat´egories inverses l’une de l’autre entre les cat´egories Mod

gR

et

Mod

gM n(R)

.

D´emonstration. Le lemme3.2.6permet de v´erifier directement que la compos´ee des foncteurs

dans les deux sens est isomorphe `a l’identit´e.

Le cas particulier o`uRest un corps est particuli`erement int´eressant. En effet, dans ce cas, il

est bien connu que deuxK-espaces vectoriels sont isomorphes si et seulement s’ils ont le mˆeme

dimension. On en d´eduit que deuxM

n

(K)-modules `a gauche sont isomorphes si et seulement s’ils

ont la mˆeme dimension en tant queK-espace vectoriel (noter quedim

K

(P⊗

K

X) =n·dim

K

X).

Ce r´esultat vaut encore si K est remplac´e par une alg`ebre `a divisionsD, d’apr`es les r´esultats

de l’appendiceA.2. Du th´eor`eme d’Artin–Wedderburn (cf th´eor`eme3.2.1), on d´eduit le r´esultat

encore plus g´en´eral suivant :

Proposition 3.2.8. SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. DeuxA-modules `a gauche sont isomorphes

si et seulement s’ils ont la mˆeme dimension en tant queK-espaces vectoriels.

Comme autre corollaire, l’´equivalence de Morita implique l’unicit´e de l’´ecriture du th´eor`eme

d’Artin–Wedderburn. Pr´ecis´ement :

Proposition 3.2.9. SoientD, D

0

deux alg`ebres `a divisions etn, n

0

deux entiers tels queM

n

(D)'

M

n0

(D

0

). AlorsD'D

0

etn=n

0

.

D´emonstration. Posons A = M

n

(D). D’apr`es la d´emonstration du th´eor`eme 3.2.1, il suffit de

d´emontrer que tous lesA-modules simples `a gauche sont isomorphes. D’apr`es le corollaire3.2.7,

ceci revient `a d´emontrer que tous lesD-espaces vectoriels de dimension1sont isomorphes, ce

qui est bien le cas.

Remarque 3.2.10. Bien entendu, l’´equivalence de Morita est encore valable si l’on remplace

partout

gauche

par

droite

: il existe une ´equivalence de cat´egories entre la cat´egorie

desM

n

(R)-modules `a droite et celle desR-modules `a droite. Il est possible ´egalement d’obtenir

une version mixte qui stipule que la cat´egorie desM

n

(R)-bimodules

1

est ´equivalente `a celle des

R-bimodules. Les foncteurs r´ealisant cette ´equivalence sont :

biMod

R

−→ biMod

Mn(R)

X 7→ P⊗

R

X⊗

R

P

?

!

et biMod

Mn(R)

−→ biMod

R

Y 7→ P

?

Mn(R)

Y ⊗

Mn(R)

P

!

.

En particulier, on retrouve comme ceci que, siK est un corps,M

n

(K)ne poss`ede pas d’id´eaux

bilat`eres non triviaux.

1. SiAest un anneau, unA-bimodule est un groupe additif muni d’une multiplication externe `a gauche et d’une multiplication externe `a droite par les ´el´ements deA, de mani`ere `a ce que les multiplications `a gauche commutent avec celles `a droite.

3.2.4 Le th´eor`eme de Noether–Skolem

Le th´eor`eme de Noether–Skolem est un r´esultat de rigidit´e sur les endomorphismes d’une

alg`ebre simple centrale. Il nous sera utile `a plusieurs reprises dans la suite pour montrer que les

constructions que nous allons ´elaborer ne d´ependent d’aucun choix.

Th´eor`eme 3.2.11(Noether–Skolem). SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. Tout endomorphisme

deK-alg`ebres deAest de la formex7→gxg

1

pour un certain ´el´ement inversiblegdeA.

Le th´eor`eme de Noether–Skolem poss`ede une reformulation dans le langage de la th´eorie des

modules qui en donne un nouvel ´eclairage et qui nous sera utile dans la d´emonstration. Cette

reformulation s’´enonce comme suit.

Corollaire 3.2.12. SoitDune alg´ebre `a divisions centrale surK.

SoitV un bimodule sur D. On suppose que tout pour λ ∈ K, les multiplications `a gauche et `a

droite parλco¨ıncident. SiV est de dimension finie surK, alorsV 'D

n

commeD-bimodule avec

n=

dimKV

dimKD

.

Commenc¸ons par d´emontrer que le th´eor`eme3.2.11pourA=M

n

(D)implique le corollaire

3.2.12pour l’alg`ebre `a divisionsDet l’entiern. Consid´erons donc unD-bimoduleV v´erifiant les

hypoth`eses de corollaire. On suppose quedim

K

V =n·dim

K

D. Du fait queDest une alg`ebre `a

divisions, on d´eduit queV 'D

n

en tant queD-espace vectoriel `a gauche. Soit(e

1

, . . . , e

n

)une

base deV surD. Pour toute matriceM = (m

ij

)

1≤i,j≤n

∈M

n

(D), l’applicationd

M

:V →V de

multiplication `a droite parM :

n

X

i=1

d

i

e

i

7→

n

X

i=1 n

X

j=1

d

i

e

j

m

ij

est D-lin´eaire `a gauche. Notonsσ(M) sa matrice dans la base (e

1

, . . . , e

n

). Il est ´evident que

l’applicationσ :M

n

(D) →M

n

(D)ainsi d´efinie est un morphisme d’anneaux. Par le th´eor`eme

3.2.11, il existe une matrice inversible G∈M

n

(D)telle queσ(M) =GM G

1

pour toutM ∈

M

n

(D). Autrement dit, l’applicationd

M

s’identifie `a la multiplication `agaucheparM dans une

certaine base (g

1

, . . . , g

n

). Ainsi l’applicationD-lin´eaire `a gaucheD

n

→ V qui envoie la base

canonique sur la base de(g

i

)est un morphisme de bimodules et le corollaire est d´emontr´e.

Venons-en maintenant `a la d´emonstration du th´eor`eme de Noether–Skolem. D’apr`es le

th´eor`eme d’Artin–Wedderburn,Aest isomorphe `aM

n

(D)pour un certain entiernet une certaine

alg`ebre `a divisionsD. On peut donc supposer queAest de cette forme.

Montrons tout d’abord que, si le th´eor`eme de Noether–Skolem est vrai pourD, alors il l’est

aussi pourM

n

(D)pour tout entiern. Pour ce faire, consid´erons un endomorphisme deK-alg`ebres

σ :M

n

(D)→M

n

(D). PosonsP =D

n

et munissons-le de deux structures deM

n

(D)-modules :

– d’une part, de sa structure naturelle en faisant agir la matriceM ∈M

n

(D)agit surP par

multiplication `a gauche et

– d’autre part, de la structure naturelle twist´ee parσ obtenue en faisant agirM ∈M

n

(D)

agit par multiplication parσ(M).

Pour distinguer ces deux modules, notons-les respectivementP

1

etP

2

. Munissons ´egalementP

1

etP

2

de leur structure naturelle deD-module `a droite. SoientV

1

etV

2

lesD-espaces vectoriels `a

gauche associ´es respectivement `aP

1

etP

2

par l’´equivalence de Morita (cf corollaire3.2.7). Ils

h´eritent en outre d’une structure deD-espace vectoriel `a droite, faisant d’eux des bimodules sur

D. Par ailleurs, ils sont de dimension 1surD. Par le corollaire3.2.12 appliqu´e avecn = 1, il

existe un isomorphisme de bimodulesf :V

1

→V

2

.Vial’´equivalence de Morita,f correspond `a

un automorphismeD-lin´eaire `a droiteϕ:P →P v´erifiant :

CommeϕestD-lin´eaire `a droite, il est donn´e par la multiplication `a gauche par une matrice

G∈M

n

(D); de plus,Gest inversible puisqueϕest un automorphisme. Ainsi la relation (24)

s’´ecrit encoreGM x=σ(M)Gx. Comme ceci est vrai pour toutx, on trouveGM =σ(M)G, soit

encoreσ(M) =GM G

1

.

Il reste `a d´emontrer le th´eor`eme de Noether–Skolem lorsqueAest une alg`ebre `a divisionsD.

Soitσ:D→Dun morphisme deK-alg`ebres. D’apr`es le th´eor`eme3.2.3, il existe une extension

finie L/K telle que D

L

= L⊗

K

Dsoit isomorphe `a une alg`ebre de matricesM

n

(L). De plus

σ

L

=id⊗σ d´efinit un endomorphisme deL-alg`ebres deD

L

. D’apr`es ce que nous avons d´ej`a

d´emontr´e, il existe un ´el´ement G

L

∈ D

L

tel que σ

L

(X) = G

L

XG

L1

pour toutX ∈ D

L

. En

particulier, pourX∈D, on a la relationσ(X)G

L

=G

L

X. Fixons(λ

1

, . . . , λ

s

)une base deLsur

Ket ´ecrivonsG

L

sous la formeG

L

1

G

1

+· · ·+λ

s

G

s

avecG

i

∈D. La relationσ(X)G

L

=G

L

X

entraˆıne queσ(X)G

i

=G

i

X pour touti∈ {1, . . . , s} et toutX ∈D. Or, il existe au moins un

indiceipour lequelG

i

est non nul. CommeDest une alg`ebre `a divisions, ceG

i

est inversible et

le th´eor`eme de Noether–Skolem est d´emontr´e.

Dans le document Polynômes de Ore en une variable (Page 38-44)