Bien que la d´efinition des alg`ebres simples centrales paraissea priorirelativement souple et
semble laisser la porte ouverte `a des nombreux exemples vari´es, il se trouve qu’il n’en est rien et,
qu’au contraire, la th´eorie qui en r´esulte est tr`es rigide, comme nous allons le voir tout au long
de cette partie.
3.2.1 Le th´eor`eme d’Artin–Wedderburn
UneK-alg`ebre `a divisionsest uneK-alg`ebre (non n´ecessairement commutative) dans laquelle
tout ´el´ement non nul est inversible. Il est clair que toute alg`ebre `a divisions est simple puisqu’un
id´eal contenant un ´el´ement inversible est n´ecessairement trivial.
Th´eor`eme 3.2.1 (Artin–Wedderburn). TouteK-alg`ebre simple centraleAest isomorphe `aM
n(D)
pour une certaineK-alg`ebre `a divisions centraleD.
D´emonstration. SoitAune alg`ebre simple centrale surk. On consid`ere unA-module irr´eductible
S. On d´efinitD
0=End
A(S)comme l’ensemble des endomorphismesA-lin´eaires deS. Clairement
Dest uneK-alg`ebre. Soitf ∈D
0,f 6= 0. Le noyau def est un sous-A-module strict deS. Par
simplicit´e, on en d´eduit qu’il est nul, c’est-`a-dire quef est injective. De mˆeme, l’image def est
un sous-A-module non nul deSet est donc ´egale `aS tout entier. Ainsif est surjective. Il s’ensuit
quef est bijective. En r´esum´e, nous venons de d´emontrer que tout ´el´ement non nul deD
0est
inversible, d’o`u on d´eduit queD
0est une alg`ebre `a divisions.
On munitSd’une structure deD
0-espace vectoriel `a gaucheviala loi de multiplication externe
f·s=f(s)pourf ∈Dets∈S. Il se trouve que la th´eorie des espaces vectoriels sur les alg`ebres
`
a divisions est similaire `a la th´eorie classique sur les corps (cf appendiceA.2pour plus de d´etails).
En particulier,S admet une base sur D
0et le choix d’une telle base identifie End
D0(S)`a une
alg`ebre de matrices sur l’alg`ebre `a divisions oppos´eeD= (D
0)
op. Par ailleurs, pour touta∈A,
l’applicationm
a:S →S, s7→asest dans End
D0(S). On obtient de cette mani`ere un morphisme
d’anneauxϕ:A→End
D0(S). Son noyau est un id´eal bilat`ere deA. Par simplicit´e, on en d´eduit
queϕest injective. Nous allons montrer que c’est en fait un isomorphisme.
Soit f ∈ End
D0(S). On veut montrer que f est la multiplication par un certain ´el´ement
a ∈ A. Pour cela, on fixe une base (v
1, . . . , v
n) deS surk. On note End
A(S
n) l’ensemble des
endomorphismesA-lin´eaires deS
n. Concr`etement, sachant que End
A(S) =D
0, on d´eduit que
tout morphisme dans End
A(S
n)est de la forme :
(s
1, . . . , s
n)7→ P
ni=1
d
i,1(s
i), . . . ,P
ni=1
d
i,n(s
i)
pour desd
i,j∈D
0. Autrement dit End
A(S
n)s’identifie canoniquement `aM
n(D
0). On consid`ere
l’application f
V: S
n→ S
n, (s
1, . . . , s
n) 7→ (f(s
1), . . . , f(s
n)). On d´eduit de la description
pr´ec´edente que f
Vcommute `a tout morphisme de End
A(S
n) puisque, par d´efinition, f est
D
0-lin´eaire et donc commute `a tous lesd
i,j.
Posonsv = (v
1, . . . , v
n) ∈ S
net notonsAv le sous-A-module deS
nengendr´e parv. ´Etant
donn´e un sous-ensembleI de{1, . . . , n}, notonsS
Ile sous-ensemble deS
nform´e desn-uplets
(s
1, . . . , s
n) pour lesquelss
i= 0 d`es quei ∈ I. SoitI un sous-ensemble de cardinal maximal
de{1, . . . , n}tel que Av∩S
I= 0. Montrons queAv+S
I=S
n. Pour cela, il suffit de v´erifier
queS
i⊂Av+S
Ipour touti. Or par simplicit´e deS
i, l’intersectionS
i∩(Av+S
I)est soit ´egale
`
a S
i, soit ´egale `a 0. Dans le premier cas, l’inclusion annonc´ee est prouv´ee tandis que, dans le
second cas, on d´eduitAv∩S
I∪{i}= 0, ce qui contredit la maximalit´e deI. En conclusion, on
obtientAv⊕S
I=S
n, la somme ´etant directe puisqueS
Iest choisi de fac¸on `a ce queAv∩S
I= 0.
Soulignons queAv etS
Isont tous les deux desA-modules et que la d´ecomposition ci-dessus est
compatible `a la structure deA-module.
Soitπ : S
n→ S
nla projection sur Av correspondant `a la d´ecomposition S
n= Av⊕S
Ique l’on vient d’´etablir. Du fait queπ ∈End
A(S
n), on d´eduit queπ commute `a f
Vet donc, en
particulier, quef
V(v
1, . . . , v
n) =π◦f
V(v
1, . . . , v
n)∈Av. Autrement dit, il existea∈Atel que
f(v
i) =av
ipour touti. Comme la famille(v
1, . . . , v
n)engendreS surk, on en d´eduit quef est
la multiplication para. Autrement dit,f =ϕ(a)et on a ainsi trouv´e un ant´ec´edent `af parϕ.
Il r´esulte de ce qui pr´ec`ede queA ' M
n(D). Il ne reste donc plus qu’`a d´emontrer que le
centre deD estK. Soit doncd∈D un ´el´ement central. Du fait quedcommute avec tous les
´
el´ements deD, on d´eduit plus g´en´eralement qu’il commute avec tous les matrices deM
n(D),
c’est-`a-dire avec tous les ´el´ements deA. ´Etant donn´e queAest centrale par hypoth`ese, on obtient
finalementd∈K.
Il est en g´en´eral possible d’avoir, `a peu de frais, des renseignements suppl´ementaires sur
l’alg`ebre `a divisionsDpromise par le th´eor`eme d’Artin–Wedderburn. Tout d’abord, il se trouve
qu’elle est enti`erement d´etermin´ee (`a isomorphisme pr`es) par A. C’est une cons´equence de
l’´equivalence de Morita que nous exposerons au§3.2.3(voir proposition3.2.9).
Par ailleurs, siK est un corps fini, on a n´ecessairementD=K; c’est une cons´equence directe
du th´eor`eme de Wedderburn qui affirme que toute alg`ebre `a divisions finie est commutative
[4, Th´eor`eme III.5]. Lorsque K = R, on peut montrer queD = Rou D = H (l’alg`ebre des
quaternions introduites pr´ec´edemment). Dans le cas g´en´eral, les alg`ebres `a divisions de centre
K sont classifi´ees par ce que l’on appelle legroupe de Brauerde K. Il existe des outils puissants
(de nature cohomologique) pour ´etudier ce groupe. On renvoie le lecteur `a [10,24] pour de
nombreux compl´ements `a ce sujet.
3.2.2 Extension des scalaires
SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. SiLest une extension deK, il est possible de former
le produit tensorielL⊗
KA, qui est uneL-alg`ebre. Concr`etement, si(λ
i)
i∈Iest une base deLsur
K, tout ´el´ement deL⊗
KAs’´ecrit de mani`ere unique sous la formex=P
i∈I
λ
i⊗a
ipour une
famille(a
i)
i∈Id’´el´ements deApresque tous nuls. Le produit, quant `a lui, se calcule
coordonn´ee
par coordonn´ee
par la formule :
(λ⊗a)·(µ⊗b) = (λµ)⊗(ab)
pourλ, µ∈Leta, b∈A.
Proposition 3.2.2. Soit A uneK-alg`ebre simple centrale. AlorsL⊗
KA est une alg`ebre simple
centrale surL.
D´emonstration. Le fait que L⊗
KA soit centrale r´esulte ais´ement de la description explicite
que nous avons donn´ee ci-dessus. Montrons `a pr´esent queL⊗
KAest simple. SoitI un id´eal
bilat`ere non nul deL⊗
KA. Consid´erons un ´el´ementx∈ I,x6= 0que l’on ´ecrit sous la forme
x=P
i∈I
λ
i⊗x
ipour une famille(x
i)
i∈Id’´el´ements deApresque tous nuls. Choisissonsxde
sorte que le nombre dex
inon nuls soit minimal. Fixons un indicei
0pour lequelx
i06= 0. L’id´eal
bilat`ere deAengendr´e parx
i0est ´egal `aApar simplicit´e. Ainsi il existea
1, . . . , a
m, a
01, . . . , a
0m∈A
tels queP
mj=1
a
jx
i0a
0j= 1. L’´el´ementP
mj=1
(1⊗a
j)·x·(1⊗a
0j)appartient encore `aI et a une
composante eni
0qui est ´egale `a1. Quitte `a remplacerxpar ce nouvel ´el´ement, on peut supposer
quex
i0= 1. Poura∈A, examinons l’´el´ement deI suivant :
(1⊗a)·x−x·(1⊗a) =X
i∈I
λ
i⊗(ax
i−x
ia).
Sa composante eni
0s’annule puisqu’on a suppos´ex
i0= 1. Par minimalit´e, les autres composantes
doivent donc s’annuler aussi,i.ex
ia=ax
ipour touti∈I. Comme ceci vaut pour touta∈A, on
d´eduit que lesx
isont tous centraux. ´Etant donn´e queAest uneK-alg`ebre centrale, cela signifie
quex
i∈K pour touti∈I. Il r´esulte de cela quex=P
i∈I
λ
i⊗x
iest dansL. AinsiL⊗
KAest,
elle aussi, centrale.
Th´eor`eme 3.2.3. Soit AuneK-alg`ebre simple centrale. Il existe une extension finie L/K et un
entierntels queL⊗
KA'M
n(L)(commeK-alg`ebres).
D´emonstration. Consid´erons une clˆoture alg´ebrique K¯ de K et formons le produit tensoriel
¯
A = ¯K ⊗
KA. D’apr`es la proposition 3.2.2, A¯ est une K¯-alg`ebre simple centrale et, par le
th´eor`eme d’Artin–Wedderburn, est donc de la formeM
n(D)pour uneK¯-alg`ebre `a divisionsD
centrale.
Consid´eronsx ∈ Det notons K¯[x]la sous-alg`ebre deDengendr´e parx. ClairementK¯[x]
est commutative et de dimension finie sur K¯. De plus, elle est int`egre car Dest une alg`ebre
`
a divisions. Ainsi K¯[x] est une extension de K¯ et, comme K¯ est alg´ebriquement clos, on a
n´ecessairementK¯[x] = ¯K,i.e.x ∈ K¯. En conclusion, on a d´emontr´e queD= ¯K et donc que
¯
A'M
n( ¯K).
Fixons un isomorphismeϕ¯: ¯A'M
n( ¯K)et notonsM sa matrice ´ecrite dans desK-bases de
Aet deM
n(K)respectivement. SiLd´esigne l’extension finie deK engendr´ee par les coefficients
deM, l’isomorphismeϕ¯provient d’un isomorphisme ϕ
L:L⊗
KA →M
n(L). Le th´eor`eme est
d´emontr´e.
Corollaire 3.2.4. SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. La dimension deAsurKest un carr´e.
D´emonstration. SoitA¯= ¯K⊗
KA. Clairementdim
KA= dim
K¯A¯. Or, d’apr`es le th´eor`eme3.2.3,
¯
A est isomorphe `a une alg`ebre de matrices sur K¯, d’o`u on d´eduit que sa dimension est un
carr´e.
Afin de pouvoir utiliser toute la puissance de la th´eorie de Galois, il est important d’avoir une
version plus pr´ecise du th´eor`eme3.2.3permettant de choisir l’extensionLgaloisienne surK. Ce
raffinement est l’objet du th´eor`eme de Wedderburn–Koethe, ´enonc´e ci-dessous.
Th´eor`eme 3.2.5 (Wedderburn–Koethe). SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. Il existe une
exten-sion finies´eparableL/K et un entierntels queL⊗
KA'M
n(L)(commeK-alg`ebres).
D´emonstration. Si K est de caract´eristique nulle, le th´eor`eme a d´ej`a ´et´e d´emontr´e puisque
toute extension finie deKest automatiquement s´eparable. Nous supposons donc queKest de
caract´eristiquepavecp >0.
De mˆeme que dans la d´emonstration du th´eor`eme3.2.3, il suffit de d´emontrer que siK est
s´eparablement clos, il n’existe pas deK-alg`ebre `a divisions non triviale. Soient doncK un corps
s´eparablement clos etDuneK-alg`ebre `a divisions centrale que l’on suppose non triviale. Soit
x∈D,x6∈K. SoitK[x]le sous-anneau deDengendr´e parx. Il s’agit d’une extension finie de
K. Comme, par hypoth`ese,K est s´eparablement clos, l’extension K[x]/K est n´ecessairement
purement ins´eparable. Autrement dit, il existe un entiermtel quex
pm∈K.
Soitσ:D→D, d7→xdx
−1l’application de conjugaison parx. D’apr`es ce qui pr´ec`ede, on a
σ
pm= 1, soit encore(σ−1)
pm. Soitrl’indice de nilpotence de(σ−1); c’est un entier strictement
sup´erieur `a 1puisquex 6∈ K. Soita ∈K tel que(σ−1)
r−1(a) 6= 0. Posonsu = (σ−1)
r−1(a)
etv = (σ−1)
r−2(a)de sorte que l’on ait σ(u) =u etσ(v) =u+v. En posantt =u
−1v ∈D,
on trouveσ(t) =t+ 1. Ainsi l’endomorphisme deK-alg`ebresσ:D→Dstabilise le sous-corps
commutatifK[t]et agit non trivialement sur celui-ci. Ceci est une contradiction carK est suppos´e
s´eparablement clos.
3.2.3 La th´eorie de Morita
L’´equivalence de Morita est un ´enonc´e alg´ebrique tr`es g´en´eral qui, ´etant donn´e un anneauR
quelconque, non n´ecessairement commutatif, ´etablit un lien ´etroit entre les modules surM
n(R)
et ceux surR.
Avant d’´enoncer le r´esultat de Morita de mani`ere pr´ecise, on a besoin d’introduire quelques
objets. Dans tout ce num´ero, on fixe un anneauR(non n´ecessairement commutatif) ainsi qu’un
entier nstrictement positif. On introduit leR-moduleP =R
nque l’on identifie `a l’espace des
vecteurs colonne de taillen`a coefficients dansR. On voitP `a la fois comme un module `a droite
sur R et un module `a gauche sur M
n(R) via l’action naturelle M ·x = M x (multiplication
matricielle). On note P
?le dual alg´ebrique de P. Par d´efinition, P
?= Hom
R(P, R); c’est
l’ensemble des applications R-lin´eaires de P dans R. Les ´el´ements de P
?peuvent ˆetre ´ecrits
comme des vecteurs ligne, le vecteur ligneL´etant en correspondance avec l’application lin´eaire
`:R
n→R, X 7→LX (X´etant vu ici comme un vecteur colonne). On muniP
?d’une structure
de module `a gauche surRet de module `a droite surM
n(R).
On rappelle par ailleurs qu’´etant donn´e un anneauA, un module `a droite M surAet un
module `a gauche N sur A, le produit tensoriel M ⊗
AN peut ˆetre d´efini : c’est l’ensemble
des sommes formelles de tenseurs purs x⊗y (avec x ∈ M et y ∈ N) modulo les relations
xa⊗y =x⊗aypoura∈A,x∈M ety ∈N ainsi que les relations usuelles d’additivit´e. Si de
plusM (resp.N) est muni d’une structure suppl´ementaire de module `a gauche (resp. `a droite)
sur un anneau auxiliaireB qui commute avec l’action deA, alors le produit tensorielM⊗
AN
h´erite d’une structure deB-module `a gauche (resp. `a droite).
Lemme 3.2.6. 1. L’application :
α: P⊗
RP
?−→ M
n(R)
C⊗L 7→ CL
est un isomorphisme de modules `a gauche et `a droite surM
n(R).
2. L’application :
β : P
?⊗
Mn(R)P −→ R
L⊗C 7→ LC
est un isomorphisme de modules `a gauche et `a droite surR.
D´emonstration. Il est imm´ediat de v´erifier la lin´earit´e annonc´ee des applicationsαetβ.
Soient(E
1, . . . , E
n)la base canonique deP et(E
1?, . . . , E
n?)sa base duale. La famille (E
i⊗
E
j?)
1≤i,j≤nest une base deP⊗
RP
?. Par ailleurs, un calcul direct montre queE
i⊗E
j?s’envoie
parαsur la matriceE
ijdont tous les coefficients sont nuls `a l’exception de celui en position(i, j)
qui vaut1. Le fait queαsoit un isomorphisme en r´esulte sachant que la famille(E
ij)
1≤i,j≤nest
une base deM
n(R).
NotonsL
0= (1 0 0 · · · 0)∈P
?etC
0=L
T0∈P, le vecteur colonne transpos´e deL
0. Il est
clair que β(L
0⊗C
0) = 1; ainsiβ est surjectif. Soit `a pr´esentX ∈P
?⊗
Mn(R)P que l’on ´ecrit
comme une somme formelleX=L
1⊗C
1+L
2⊗C
2+· · ·+L
m⊗C
m(pourm∈N,L
i∈P
?et
matriceM
idont la premi`ere ligne estL
iet les autres lignes sont nulles. Un calcul direct aboutit `a
L
0M
i=L
ietM
iC
i=C
0u
i, d’o`u on d´eduit :
L
i⊗C
i= (L
0M
i)⊗C
i=L
0⊗(M
iC
i) =L
0⊗(C
0u
i) = L
0⊗C
0)·u
i.
En sommant suri, on obtient finalementX= (L
0⊗C
0)·(u
1+· · ·+u
m) = (L
0⊗C
0)·β(X) = 0.
On en d´eduit l’injectivit´e deβ et le lemme est d´emontr´e.
Corollaire 3.2.7(´Equivalence de Morita). SoientMod
gR(resp.Mod
gMn(R)
) la cat´egorie des modules
`
a gauche surR(resp. surM
n(R)). Les foncteurs :
Mod
gR−→ Mod
gM n(R)X 7→ P ⊗
RX
!
et Mod
gM n(R)−→ Mod
gRY 7→ P
?⊗
Mn(R)Y
!
r´ealisent des ´equivalences de cat´egories inverses l’une de l’autre entre les cat´egories Mod
gRet
Mod
gM n(R).
D´emonstration. Le lemme3.2.6permet de v´erifier directement que la compos´ee des foncteurs
dans les deux sens est isomorphe `a l’identit´e.
Le cas particulier o`uRest un corps est particuli`erement int´eressant. En effet, dans ce cas, il
est bien connu que deuxK-espaces vectoriels sont isomorphes si et seulement s’ils ont le mˆeme
dimension. On en d´eduit que deuxM
n(K)-modules `a gauche sont isomorphes si et seulement s’ils
ont la mˆeme dimension en tant queK-espace vectoriel (noter quedim
K(P⊗
KX) =n·dim
KX).
Ce r´esultat vaut encore si K est remplac´e par une alg`ebre `a divisionsD, d’apr`es les r´esultats
de l’appendiceA.2. Du th´eor`eme d’Artin–Wedderburn (cf th´eor`eme3.2.1), on d´eduit le r´esultat
encore plus g´en´eral suivant :
Proposition 3.2.8. SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. DeuxA-modules `a gauche sont isomorphes
si et seulement s’ils ont la mˆeme dimension en tant queK-espaces vectoriels.
Comme autre corollaire, l’´equivalence de Morita implique l’unicit´e de l’´ecriture du th´eor`eme
d’Artin–Wedderburn. Pr´ecis´ement :
Proposition 3.2.9. SoientD, D
0deux alg`ebres `a divisions etn, n
0deux entiers tels queM
n(D)'
M
n0(D
0). AlorsD'D
0etn=n
0.
D´emonstration. Posons A = M
n(D). D’apr`es la d´emonstration du th´eor`eme 3.2.1, il suffit de
d´emontrer que tous lesA-modules simples `a gauche sont isomorphes. D’apr`es le corollaire3.2.7,
ceci revient `a d´emontrer que tous lesD-espaces vectoriels de dimension1sont isomorphes, ce
qui est bien le cas.
Remarque 3.2.10. Bien entendu, l’´equivalence de Morita est encore valable si l’on remplace
partout
gauche
par
droite
: il existe une ´equivalence de cat´egories entre la cat´egorie
desM
n(R)-modules `a droite et celle desR-modules `a droite. Il est possible ´egalement d’obtenir
une version mixte qui stipule que la cat´egorie desM
n(R)-bimodules
1est ´equivalente `a celle des
R-bimodules. Les foncteurs r´ealisant cette ´equivalence sont :
biMod
R−→ biMod
Mn(R)X 7→ P⊗
RX⊗
RP
?!
et biMod
Mn(R)−→ biMod
RY 7→ P
?⊗
Mn(R)Y ⊗
Mn(R)P
!
.
En particulier, on retrouve comme ceci que, siK est un corps,M
n(K)ne poss`ede pas d’id´eaux
bilat`eres non triviaux.
1. SiAest un anneau, unA-bimodule est un groupe additif muni d’une multiplication externe `a gauche et d’une multiplication externe `a droite par les ´el´ements deA, de mani`ere `a ce que les multiplications `a gauche commutent avec celles `a droite.
3.2.4 Le th´eor`eme de Noether–Skolem
Le th´eor`eme de Noether–Skolem est un r´esultat de rigidit´e sur les endomorphismes d’une
alg`ebre simple centrale. Il nous sera utile `a plusieurs reprises dans la suite pour montrer que les
constructions que nous allons ´elaborer ne d´ependent d’aucun choix.
Th´eor`eme 3.2.11(Noether–Skolem). SoitAuneK-alg`ebre simple centrale. Tout endomorphisme
deK-alg`ebres deAest de la formex7→gxg
−1pour un certain ´el´ement inversiblegdeA.
Le th´eor`eme de Noether–Skolem poss`ede une reformulation dans le langage de la th´eorie des
modules qui en donne un nouvel ´eclairage et qui nous sera utile dans la d´emonstration. Cette
reformulation s’´enonce comme suit.
Corollaire 3.2.12. SoitDune alg´ebre `a divisions centrale surK.
SoitV un bimodule sur D. On suppose que tout pour λ ∈ K, les multiplications `a gauche et `a
droite parλco¨ıncident. SiV est de dimension finie surK, alorsV 'D
ncommeD-bimodule avec
n=
dimKVdimKD
.
Commenc¸ons par d´emontrer que le th´eor`eme3.2.11pourA=M
n(D)implique le corollaire
3.2.12pour l’alg`ebre `a divisionsDet l’entiern. Consid´erons donc unD-bimoduleV v´erifiant les
hypoth`eses de corollaire. On suppose quedim
KV =n·dim
KD. Du fait queDest une alg`ebre `a
divisions, on d´eduit queV 'D
nen tant queD-espace vectoriel `a gauche. Soit(e
1, . . . , e
n)une
base deV surD. Pour toute matriceM = (m
ij)
1≤i,j≤n∈M
n(D), l’applicationd
M:V →V de
multiplication `a droite parM :
n
X
i=1d
ie
i7→
nX
i=1 nX
j=1d
ie
jm
ijest D-lin´eaire `a gauche. Notonsσ(M) sa matrice dans la base (e
1, . . . , e
n). Il est ´evident que
l’applicationσ :M
n(D) →M
n(D)ainsi d´efinie est un morphisme d’anneaux. Par le th´eor`eme
3.2.11, il existe une matrice inversible G∈M
n(D)telle queσ(M) =GM G
−1pour toutM ∈
M
n(D). Autrement dit, l’applicationd
Ms’identifie `a la multiplication `agaucheparM dans une
certaine base (g
1, . . . , g
n). Ainsi l’applicationD-lin´eaire `a gaucheD
n→ V qui envoie la base
canonique sur la base de(g
i)est un morphisme de bimodules et le corollaire est d´emontr´e.
Venons-en maintenant `a la d´emonstration du th´eor`eme de Noether–Skolem. D’apr`es le
th´eor`eme d’Artin–Wedderburn,Aest isomorphe `aM
n(D)pour un certain entiernet une certaine
alg`ebre `a divisionsD. On peut donc supposer queAest de cette forme.
Montrons tout d’abord que, si le th´eor`eme de Noether–Skolem est vrai pourD, alors il l’est
aussi pourM
n(D)pour tout entiern. Pour ce faire, consid´erons un endomorphisme deK-alg`ebres
σ :M
n(D)→M
n(D). PosonsP =D
net munissons-le de deux structures deM
n(D)-modules :
– d’une part, de sa structure naturelle en faisant agir la matriceM ∈M
n(D)agit surP par
multiplication `a gauche et
– d’autre part, de la structure naturelle twist´ee parσ obtenue en faisant agirM ∈M
n(D)
agit par multiplication parσ(M).
Pour distinguer ces deux modules, notons-les respectivementP
1etP
2. Munissons ´egalementP
1etP
2de leur structure naturelle deD-module `a droite. SoientV
1etV
2lesD-espaces vectoriels `a
gauche associ´es respectivement `aP
1etP
2par l’´equivalence de Morita (cf corollaire3.2.7). Ils
h´eritent en outre d’une structure deD-espace vectoriel `a droite, faisant d’eux des bimodules sur
D. Par ailleurs, ils sont de dimension 1surD. Par le corollaire3.2.12 appliqu´e avecn = 1, il
existe un isomorphisme de bimodulesf :V
1→V
2.Vial’´equivalence de Morita,f correspond `a
un automorphismeD-lin´eaire `a droiteϕ:P →P v´erifiant :
CommeϕestD-lin´eaire `a droite, il est donn´e par la multiplication `a gauche par une matrice
G∈M
n(D); de plus,Gest inversible puisqueϕest un automorphisme. Ainsi la relation (24)
s’´ecrit encoreGM x=σ(M)Gx. Comme ceci est vrai pour toutx, on trouveGM =σ(M)G, soit
encoreσ(M) =GM G
−1.
Il reste `a d´emontrer le th´eor`eme de Noether–Skolem lorsqueAest une alg`ebre `a divisionsD.
Soitσ:D→Dun morphisme deK-alg`ebres. D’apr`es le th´eor`eme3.2.3, il existe une extension
finie L/K telle que D
L= L⊗
KDsoit isomorphe `a une alg`ebre de matricesM
n(L). De plus
σ
L=id⊗σ d´efinit un endomorphisme deL-alg`ebres deD
L. D’apr`es ce que nous avons d´ej`a
d´emontr´e, il existe un ´el´ement G
L∈ D
Ltel que σ
L(X) = G
LXG
−L1pour toutX ∈ D
L. En
particulier, pourX∈D, on a la relationσ(X)G
L=G
LX. Fixons(λ
1, . . . , λ
s)une base deLsur
Ket ´ecrivonsG
Lsous la formeG
L=λ
1G
1+· · ·+λ
sG
savecG
i∈D. La relationσ(X)G
L=G
LX
entraˆıne queσ(X)G
i=G
iX pour touti∈ {1, . . . , s} et toutX ∈D. Or, il existe au moins un
indiceipour lequelG
iest non nul. CommeDest une alg`ebre `a divisions, ceG
iest inversible et
le th´eor`eme de Noether–Skolem est d´emontr´e.
Dans le document
Polynômes de Ore en une variable
(Page 38-44)