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La norme r´ eduite

Dans le document Polynômes de Ore en une variable (Page 44-48)

Les th´eor`emes de rigidit´e que nous avons pr´esent´es pr´ec´edemment permettent d’´etendre

certaines constructions classiques dans le cas des matrices au contexte des alg`ebres simples

centrales. Dans ce num´ero, nous utilisons ce yoga pour ´etendre la notion de d´eterminant.

3.3.1 Construction par descente galoisienne

Fixons une alg`ebre simple centraleA. Par le th´eor`eme de Wedderburn–Koethe, il existe une

extension finie s´eparableLdeKet un isomorphisme deL-alg`ebresf :L⊗

K

A→

M

n

(L)pour

un certain entiern. Quitte `a ´etendreL, on peut supposer que l’extensionL/K est galoisienne, ce

que l’on fait `a partir de maintenant. Int´eressons-nous `a l’application compos´ee :

N

rd

:A ,→L⊗

K

A−→

f

M

n

(L)−→

det

L.

Lemme 3.3.1. L’applicationN

rd

prend ses valeurs dansK.

D´emonstration. Posons A

L

= L⊗

K

A et consid´eronsσ ∈ Gal(L/K). Clairement σ induit des

automorphismes deA

L

et deM

n

(L)que, par abus de notations, nous continuons `a appelerσ.

Une v´erification imm´ediate montre que le commutateurσf σ

1

f

1

: M

n

(L) → M

n

(L) est un

isomorphisme de L-alg`ebres. Par le th´eor`eme de Noether–Skolem, il existe une matriceG ∈

GL

n

(L)telle queσf σ

1

f

1

(M) =GM G

1

pour toutM ∈M

n

(L). En prenant le d´eterminant,

on trouve :

∀M ∈M

n

(L), det(σf σ

1

f

1

(M)) =det(M).

En appliquant ceci avec M = f(x) pour x ∈ A, on obtient σN

rd

(x) = N

rd

(x) (noter que σ

commute avec det). Comme ceci est vrai pour toutσ ∈Gal(L/K), on conclut queN

rd

(x)∈K.

Lemme 3.3.2. L’applicationN

rd

ne d´epend pas de la trivialisationf (ni de l’extensionL).

D´emonstration. Consid´erons deux trivialisationsf :L⊗

K

A→M

n

(L)etf

0

:L

0

K

A→M

n

(L

0

).

Il s’agit de montrer que les deux applications det◦f et det◦f

0

co¨ıncident surA. Choisissons une

troisi`eme extensionF deKcontenant `a la foisLetL

0

et notons encoref, f

0

:M⊗

K

A→M

n

(F)

les applications d´eduites respectivement def etf

0

apr`es extension des scalaires `aF. La compos´ee

f

0

◦f

1

: M

n

(F) → M

n

(F) est alors un morphisme de K-alg`ebres ; d’apr`es le th´eor`eme de

Skolem–Noether, il est donc de la formeX7→GXG

1

pour une certaine matriceG∈GL

n

(F).

En particulier, pour toutx∈A, on af

0

(x) =Gf(x)G

1

, ce qui conduit directement `a detf

0

(x) =

detf(x)en prenant le d´eterminant.

Il r´esulte des lemmes3.3.1et3.3.2queN

rd

d´efinit une application canonique deAdansK;

on l’appelle lanorme r´eduitedeA. Elle v´erifie les propri´et´es suivantes, h´erit´ees directement des

propri´et´es classiques du d´eterminant :

– pourx∈K, on aN

rd

(x) =x

n

(o`unest d´efini par[A:K] =n

2

),

– pourx, y∈A, on aN

rd

(xy) =N

rd

(x)N

rd

(y).

Dans le cas matriciel, une matriceM et son d´eterminant sont li´ees par la relation

M·adj(M) =det(M)

o`u adj(M) d´esigne la matrice adjointe deM d´efinie comme la transpos´ee de la comatrice de

M (cf appendiceA.1pour de nombreux compl´ements sur la notion d’adjoint). Il se trouve que

cette relation s’´etend au cas des alg`ebres simples centrales. Plus pr´ecis´ement, ´etant donn´ees une

alg`ebre simple centraleAet une trivialisationf :L⊗

K

A→M

n

(L)(pour une extensionL/K

que l’on peut supposer galoisienne), on d´efinit l’application adj surAcomme la compos´ee :

adj:A ,→L⊗

K

A−→

f

M

n

(L)−→

adj

M

n

(L)

f

−1

−→L⊗

K

A.

De mˆeme que pour la norme r´eduite, on d´emontre que adj prend ses valeurs dansAet ne d´epend

pas de la trivialisation choisie, d´efinissant ainsi une application canonique adj:A→Aqui v´erifie

la propri´et´ex·adj(x) =adj(x)·x=N

rd

(x)pour toutx∈A. En particulier, on observe quexest

toujours un diviseur `a gauche et `a droite de sa norme r´eduiteN

rd

(x).

Exemple 3.3.3. Dans le cas particulier de l’alg`ebre de quaternionsH, la trivialisation

C⊗

R

H −→ M

2

(C)

a+bi+cj+dk 7→

a+b−1 −c+d−1

c+d−1 a−b−1

montre que la norme r´eduite du quaterniona+bi+cj+dk(a, b, c, d∈R) esta

2

+b

2

+c

2

+d

2

.

Par ailleurs, son adjoint est le quaternion associ´e `a la matrice adjointe qui vaut

a−b−1 c−d−1

−c−d−1 a+b−1

.

On trouve ainsi adj(a+bi+cj+dk) =a−bi−cj−dk.

Remarque 3.3.4. De mani`ere analogue, on peut encore d´efinir la trace r´eduite d’un ´el´ement

deAou, plus g´en´eralement, son polynˆome caract´eristique. Nous n’insistons pas davantage car

cela ne nous sera pas utile pour la suite. Cependant, nous encouragerons la lectrice et le lecteur

interess´es `a faire l’exercice.

3.3.2 Une d´efinition alternative

Il existe une seconde construction de la norme r´eduite qui ne fait pas apparaˆıtre aussi

clairement le lien avec le d´eterminant matriciel mais qui aura l’avantage de se g´en´eraliser plus

simplement par la suite.

On consid`ere toujours uneK-alg`ebre simple centrale. SiCest une sous-alg`ebre deA, on peut

´

evidemment voirAcomme uneC-alg`ebre et donc, en particulier, comme unC-module `a gauche.

On se donne une sous-K-alg`ebrecommutativeCdeApour laquelleAest unC-module libre. Sous

ces hypoth`eses, six∈A, on peut d´efinir sa norme surC comme suit. On consid`ere l’application

m

x

:A→A, a7→axde multiplication `a droite parx. Elle estC-lin´eaire et cela a donc un sens de

consid´erer son d´eterminant. On d´efinitN

A/C

(x) =detm

x

. Nous allons d´emontrer dans la suite

que, sous certaines hypoth`eses, l’applicationN

A/C

co¨ıncide avec la norme r´eduite. Cependant,

avant d’´enoncer un r´esultat pr´ecis, nous nous proposons d’examiner quelques exemples qui, en

plus de faciliter la compr´ehension, nous seront utiles pour la preuve.

Exemple 3.3.5. Commenc¸ons par l’alg`ebre des quaternions qui est plus simple. ClairementH

poss`ede une sous-alg`ebre commutative isomorphe `aC, c’est celle engendr´ee par1eti. De plus

H est de dimension 2 surC. On est donc dans les conditions d’applications des propositions

3.3.9et3.3.10. Une base deHsurCest, par exemple, la famille(1, j)puisque tout quaternion

a+bi+cj+dks’´ecrit encore(a+bi) + (c+di)j(on prendra garde `a bien mettre les

scalaires

a`

gauche et les ´el´ements de la base `a droite). Soit x = a+bi+cj+dk ∈ H. La matrice de la

multiplication `a droite parxdans la base(1, j)s’´ecrit :

M

x

=

a+bi −c+di

c+di a−bi

.

AinsiN

H/C

(M

x

) =a

2

+b

2

+c

2

+d

2

et on retrouve bien, comme ceci, la norme r´eduite de l’´el´ement

x. (La lectrice assidue aura remarqu´e que le calcul que nous venons de faire est exactement le

mˆeme que celui que nous avions d´ej`a fait au§3.1lorsque nous avions introduitH.) D’autre part,

pourx6= 0, la matrice adjointe deM

x

est :

adj(M

x

) =

a−bi c−di

−c−di a+bi

et on reconnaˆıt la multiplication par l’´el´ementa−bi−cj−dkqui est exactement l’adjoint dex.

Il s’av`ere queHposs`ede de nombreuses autre sous-alg`ebres commutatives de dimension2.

Pr´ecis´ement, six

0

H\R, la sous-alg`ebreR[x

0

]⊂Hest de dimension2et isomorphe `a C. Par

exemple, pour x

0

= 1 +i+j, on trouve x

20

= 2x

0

−3, ce qui implique que R[x

0

] ' Cvia le

morphisme envoyantx

0

sur

1+

−2

2

C. Regardons bri`evement ce qui se serait pass´e si nous

avions choisiC =R[x

0

]. La famille(1, i)est une base deHsurCet un quaternion quelconque se

d´ecompose sur cette base comme suit :

a+bi+cj+dk= (a−c−d+cx

0

) + (b−c+d−dx

0

)i.

Dans la base(1, i), la multiplication `a droite parx=a+bi+cj+dka pour matrice :

a−c−d+cx

0

−b+d−c−dx

0

b−c+d−dx

0

a+d+c−cx

0

dont le d´eterminant esta

2

+b

2

+c

2

+d

2

. On retrouve ainsi `a nouveau la norme r´eduite dex.

Exemple 3.3.6. SoitDla sous-alg`ebre deM

n

(K)form´ee des matrices diagonales. ClairementD

est commutative. Pourj∈ {1, . . . , n}, d´efinissons la matriceE

j

∈M

n

(K)dont tous les coefficients

sont nuls, except´es ceux de la j-i`eme colonne qui sont ´egaux `a 1. Pour M = (m

i,j

)

1≤i,j≤n

M

n

(K), on a la d´ecomposition :

M =

n

X

j=1

Diag(m

1,j

, m

2,j

, . . . , m

n,j

)·E

j

o`u Diag(λ

1

, . . . , λ

n

)d´esigne la matrice diagonale dont le coefficient en position(i, i)estλ

i

. On en

d´eduit que la famille desE

j

forme une base deM

n

(K)surD. Soit `a pr´esentM = (m

i,j

)

1≤i,j≤n

M

n

(K). Un calcul simple montre que la matrice de la multiplication `a droite parM surM

n

(K)

dans la base(E

1

, . . . , E

n

)est Diag(m

j,i

, . . . , m

j,i

)

1≤i,j≤n

, c’est-`a-dire la transpos´ee deM. Son

d´eterminant est donc ´egal `a celui deM,i.e.`aN

rd

(M).

Exemple 3.3.7. Toujours dans le cas des alg`ebres de matrices, il est possible de choisir une autre

alg`ebre, qui sera not´eeT, pour lequel la co¨ıncidence remarquableN

A/T

=N

rd

est encore valable.

Il s’agit de l’alg`ebre consititu´ee des matrices triangulaires inf´erieures de la forme :

T

n

(a

1

, a

2

, . . . , a

n

) =

a

1

a

2

a

1

a

3

a

2

a

1

..

. . .. ... ...

a

n

· · · a

3

a

2

a

1

avec a

1

, . . . , a

n

∈K.

Il est facile de v´erifier queT est la sous-alg`ebre deM

n

(K)engendr´ee par la matrice nilpotente

T

n

(0,1,0, . . . ,0). En particulier, il s’agit d’une alg`ebre commutative. Soit ι : K → T, a 7→

T

n

(a,0, . . . ,0)le morphisme d´efinissant la structure deK-alg`ebre sur T. Pouri ∈ {1, . . . , n},

consid´erons la matriceB

i

∈M

n

(K)dont tous les coefficients sont nulles `a l’exception de celui `a

la position(1, i)qui est ´egale `a1. PourM ∈M

n

(K), un calcul imm´ediat conduit `a :

M =T

n

(C

1

)B

1

+T

n

(C

2

)B

2

+· · ·+T

n

(C

n

)B

n

o`uC

i

d´esigne lei-i`eme vecteur colonne deM. De plus, une telle d´ecomposition est unique. Il

en r´esulte que la famille(B

1

, . . . , B

n

)est une base deM

n

(K)surT. Par ailleurs, ´etant donn´ee

une matriceM = (m

i,j

)

1≤i,j≤n

∈M

n

(K), on aB

i

M =ι(m

i,1

)B

1

+ι(m

i,2

)B

2

+· · ·+ι(m

i,n

)B

n

.

Autrement dit, la matrice (dans la base(B

1

, . . . , B

n

)) de l’application de multiplication `a droite

parM n’est autre que la transpos´ee deι(M). En particulier, on en d´eduit queN

Mn(K)/T

(M) =

N

rd

(M).

Revenons-nous `a pr´esent au cas g´en´eral. On rappelle qu’on a fix´e une K-alg`ebre simple

centrale A. D’apr`es le corollaire3.2.4, la dimension sur A surK est un carr´e ; ´ecrivons donc

[A:K] =n

2

. `A partir de maintenant, nous fixons une sous-K-alg`ebre commutativeC deAsur

laquelle nous faisons l’hypoth`ese suivante.

Hypoth`ese 3.3.8.

(1) En tant queC-module,Aest libre de rangn.

(2) En tant queK¯-alg`ebre (o`uK¯ d´esigne une clˆoture alg´ebrique deK),K¯

K

Cest engendr´ee

par un unique ´el´ement.

Proposition 3.3.9. SiCv´erifie l’hypoth`ese3.3.8, alorsN

A/C

(x) =N

rd

(x)pour toutx∈A.

D´emonstration. SoitK¯ une clˆoture alg´ebrique deK et soient A¯ = ¯K⊗

K

A et C¯ = ¯K⊗

K

C.

D’apr`es la proposition3.2.2,A¯est uneK¯-alg`ebre simple centrale. De plus, siCv´erifie l’hypoth`ese

3.3.8alors il en est de mˆeme pour la sous-K¯-alg`ebreC¯deA¯. En outre,N

A/C

etN

A/¯ C¯

co¨ıncident

surAet, de mˆeme, la norme r´eduite deA¯co¨ıncide avec celle deAen restriction surA. Ainsi,

pour d´emontrer la proposition, on peut supposer queK est alg´ebriquement clos.

Sous cette hypoth`ese suppl´ementaire, le th´eor`eme3.2.3entraˆıne queA'M

n

(K). Dans le

reste de la d´emonstration, on identifie sans commentaire suppl´ementaire ces deux anneaux. Soit

cun g´en´erateur deM

n

(K). CommeK est alg´ebriquement clos, le th´eor`eme de d´ecomposition de

Jordan indique quecest semblable `a une matrice diagonale par blocs de la forme :

T

n1

(a

1

,1,0, . . . ,0)

T

n2

(a

2

,1,0, . . . ,0)

. ..

T

nk

(a

k

,1,0, . . . ,0)

.

o`u la notation T

ni

est emprunt´ee `a l’exemple 3.3.6 et o`u les n

i

sont des entiers strictement

positifs dont la somme vaut n. Bien sˆur, dans le cas o`u n

i

= 1, on convient que la matrice

modifier l’isomorphisme entreAetM

n

(K),Cest ainsi incluse dans la sous-alg`ebreT deM

n

(K)

form´ee des matrices de la forme :

T(α

1

, . . . , α

n

) =

Tn1(α1, α2, . . . , αs1) Tn2(αs1+1, αs1+2, . . . , αs2) . .. Tnk(αsk1+1, αsk1+2, . . . , αn)

.

o`u lesα

i

parcourentK et o`us

j

=n

1

+· · ·+n

j

(pour1≤j≤k) par d´efinition. De plus, le (1)

de l’hypoth`ese3.3.8implique queCest de dimensionnsurK. Comme il en est de mˆeme deT,

on obtientC=T.

La fin de la d´emonstration reprend d´esormais l’argumentation d´evelopp´ee dans les exemples

3.3.5 et3.3.6. Pouri ∈ {1, . . . , n}, on noteB

i

∈ M

n

(K) la matrice dont tous les coefficients

sont nuls sauf ceux en position(1 +s

j−1

, i)(pour1≤j≤ket o`u, par convention,s

0

= 1) qui

valent1. Un calcul sans difficult´es aboutit, pour tout matriceM ∈M

n

(K), `a :

M =T(C

1

)B

1

+· · ·+T(C

n

)B

n

o`uC

i

d´esigne lai-i`eme colonne deM. La famille(B

1

, . . . , B

n

)est ainsi une base deM

n

(K)sur

C. De plus, ´etant donn´ee une matriceM ∈M

n

(K), on v´erifie que, dans cette base, la matrice de

la multiplication `a droite parM s’identifie `a la transpos´ee deM. La proposition en d´ecoule.

De la mˆeme mani`ere, voyant toujoursm

x

comme un endomorphismeC-lin´eaire deA, on

peut consid´erer son adjoint : il s’agit d’une applicationC-lin´eaire adj(m

x

) : A → A v´erifiant

l’´egalit´em

x

◦adj(m

x

) =adj(m

x

)◦m

x

=N

rd

(x)id

A

.

Proposition 3.3.10. Avec les notations et les hypoth`eses pr´ec´edentes, l’application adj(m

x

)est la

multiplication `a droite par adj(x). En particulier adj(x) =adj(m

x

)(1).

D´emonstration. Lorsquexest inversible dansA, on peut ´ecrire adj(x) =N

rd

(x)·x

1

et adj(m

x

) =

det(m

x

)·m

1

x

. ´Etant donn´e que det(m

x

) =N

rd

(x)(par la proposition3.3.9), on en d´eduit que

adj(m

x

)et la multiplication `a droite par adj(x)co¨ıncident tous deux avec det(m

x

)·m

x1

et donc

sont ´egaux. Le cas g´en´eral s’en d´eduit par un argument de continuit´e pour la topologie de

Zariski.

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