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Op´ erateurs lin´ eaires

13. Th´ eorie spectrale

13.2. Th´ eor` eme spectral

Le th´eor`eme spectral indique que les op´erateurs pour lesquels il existe une baseorthonorm´ee de vecteurs propres sont exactement les op´erateurs qui sont leur propre adjoint. Nous commen¸cons par montrer que le polynˆome caract´eristique d’un op´erateur auto-adjoint n’a pas de facteur irr´eductible de degr´e 2.

Pour toute matrice complexeA= (aij)

16i6m 16j6n

Cm×n, on noteAla matrice dont les entr´ees sont les nombres complexes conjugu´es des entr´ees deA:

A= (aij)

16i6m 16j6n

Cm×n.

En particulier, siAest une matrice r´eelle, alorsA=A.

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13.2. Lemme. Soit A∈Cn×n. Si A=At, alors toutes les valeurs propres de A sont r´eelles ; en particulier, toutes les valeurs propres dans C d’une matrice sym´etrique r´eelle sont r´eelles, donc son polynˆome caract´eristique n’a pas de facteur irr´eductible de degr´e 2 dansR[X].

D´emonstration. Soitx∈Cn=Cn×1un vecteur propre deA de valeur propreλ: A·x=x λ.

En multipliant `a gauche parxt, on obtient

xt·A·x=xt·x λ.

En transposant et en conjuguant les deux membres, on obtient par ailleurs xt·At·x=xt·x λ,

donc, commeAt=A,

xt·x λ=xt·x λ.

()

Or, six=

 x1

... xn

, alors

xt·x=x1x1+· · ·+xnxn=|x1|2+· · ·+|xn|2,

en notant|z|le module d’un nombre complexez. Commex6= 0 puisque xest un vecteur propre, on axt·x6= 0, donc l’´egalit´e () entraˆıne

λ=λ.

2 13.3. Th´eor`eme spectral. Pour un op´erateur lin´eaireA sur un espace euclidienE de dimen-sion finie, les conditions suivantes sont ´equivalentes :

(a) Il existe une base orthonorm´eeede E telle que la matricee(A)e soit diagonale.

(b) Il existe une base orthonorm´eeede E constitu´ee de vecteurs propres de A.

(c) Si λ1, . . . , λr sont les diff´erentes valeurs propres de A, l’espace E se d´ecompose en somme directe orthogonale :

E=E(λ1)⊕ · · · E(λr), c’est-`a-dire que

E=E(λ1)⊕ · · · ⊕E(λr)

et que de plus pouri6=j tout vecteur de E(λi)est orthogonal `a tout vecteur deE(λj).

(d) L’op´erateur Aest auto-adjoint :

A=A.

D´emonstration. (a) ⇐⇒ (b) : Les arguments utilis´es dans la d´emonstration de l’´equivalence (a) ⇐⇒ (b) de la Proposition 12.8 s’appliquent ici. Ils montrent qu’une baseedeE est constitu´ee de vecteurs propres deAsi et seulement si la matricee(A)e est diagonale.

(a)(d) : Commeeest une base orthonorm´ee, on ae(A)e=e(A)te. Comme de plus la matricee(A)e

est diagonale, on en d´eduit

e(A)e=e(A)e,

doncA=Apuisqu’un op´erateur lin´eaire est d´etermin´e de mani`ere unique par sa matrice par rapport

`

a la basee.

(d) (b) : On raisonne par induction sur la dimension deE. Si dimE = 1, il n’y a rien `a prouver puisque tous les vecteurs non nuls deE sont propres. Supposons dimE=n >1. Vu le Lemme 13.2, on peut trouver dansE un vecteur propre de A. Quitte `a le diviser par sa norme, on peut supposer que ce vecteur est norm´e. Notons-lee1, et consid´erons son orthogonal dansE :

V = sevhe1i.

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C’est un sous-espace de dimension n−1 (voir le Corollaire 11.3, p. 74). Pour appliquer l’hypoth`ese d’induction, on va prouver que la restriction deA`a V :

A|V: V →E x7→A(x) est en fait un op´erateur lin´eaire sur V, c’est-`a-dire queA(V)⊂V.

SoitA(e1) =e1λ1. CommeAest auto-adjoint, on a pourx∈E e1|A(x)

= A(e1)|x

=λ1(e1|x).

D`es lors, e1|A(x)

= 0 si (e1|x) = 0, c’est-`a-dire si x∈V. On a donc bienA(V)⊂V. Dire que A est auto-adjoint revient `a dire que A(x)|y

= x|A(y)

pour x, y E. Si cette condition est satisfaite pourx, y∈E, elle l’esta fortiori pour x,y ∈V, doncA|V est un op´erateur auto-adjoint sur V. Par hypoth`ese d’induction, il existe une base orthonorm´ee (e2, . . . , en) de V constitu´ee de vecteurs propres de A|V, donc deA. CommeE = sevhe1i ⊕V (voir le Corollaire 11.3, p. 74) et quee1 est orthogonal `a tout vecteur deV, la suite (e1, e2, . . . , en) est une base orthonorm´ee deE constitu´ee de vecteurs propres deA.

(b)(c) : Vu la Proposition 12.8, la condition (b) entraˆıne E=E(λ1)⊕ · · · ⊕E(λr)

o`uλ1, . . . , λrsont les diff´erentes valeurs propres deA. Il ne reste donc plus qu’`a prouver (x|y) = 0 six∈E(λi) et y∈E(λj) aveci6=j.

Calculons pour cela (A(x)|y). Commex∈E(λi), on a A(x) =xλi, donc (A(x)|y) =λi(x|y).

()

Par ailleurs, on a (A(x)|y) = (x|A(y)). Comme on a d´ej`a prouv´e que la condition (b) entraˆıneA=A, et commeA(y) =yλj puisquey∈E(λj), on en d´eduit

(A(x)|y) = (x|y)λj. (§)

Sii6=j, alorsλi6=λj et les ´egalit´es () et (§) entraˆınent (x|y) = 0.

(c)(b) : En juxtaposant des bases orthonorm´ees deE(λ1), . . . , E(λr), on obtient une base

ortho-norm´ee deE constitu´ee de vecteurs propres deA. 2

Traduction matricielle. Pour traduire le th´eor`eme 13.3 en termes de matrices, on passe, comme dans la section 12.3, par l’interm´ediaire de l’op´erateur lin´eaire associ´e `a une matrice carr´ee.

SoitA∈Rn×net soit ˜A: RnRn l’op´erateur lin´eaire associ´e. On munitRn du produit scalaire usuel, pour lequel la base canoniquec est orthonorm´ee. CommeAest la matrice de ˜Apar rapport `a la base canonique, on a, par la Proposition 13.1,

c( ˜A)c=At, ()

donc ˜Aest auto-adjoint si et seulement siA=At.

Pour traduire en termes matriciels les changements de bases orthonorm´ees de Rn, on utilise le r´esultat suivant :

13.4. Lemme. Les colonnes d’une matrice carr´ee Q Rn×n forment une base orthonorm´ee de Rn si et seulement si la matriceQest inversible etQ1=Qt.

Les matrices qui poss`edent les propri´et´es de l’´enonc´e sont appel´eesmatrices orthogonales.1 D´emonstration. On sait que Q est inversible si et seulement si rangQ = n (voir le Corol-laire 6.6). Comme le rang d’une matrice est la dimension de l’espace engendr´e par ses colonnes, cette condition est r´ealis´ee si et seulement si les colonnes de Q forment une base deRn. Pour ´etablir que

1Pour qu’une matrice deRn×nsoit orthogonale, il ne suffit donc pas que ses colonnes forment une baseorthogonale deRn!

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cette base est orthonorm´ee si et seulement si Qt=Q1, on calcule le produitQtQ en d´ecomposant Qpar colonnes. SoitQ= q1 · · · qn

; alors

Qt·Q=

 qt1

... qtn

· q1 · · · qn

=



qt1·q1 · · · qt1·qn

... ...

qtn·q1 · · · qtn·qn

.

On a doncQtQ=In si et seulement siqti·qj=δij, ce qui revient `a dire que la base (q1, . . . , qn) est orthonorm´ee, puisqueqti·qj= (qi|qj). Comme la matriceQest carr´ee, la conditionQtQ=In

est ´equivalente `aQt=Q1 par le Th´eor`eme 2.8. 2

Voici `a pr´esent la version matricielle du th´eor`eme spectral :

13.5. Th´eor`eme spectral. Pour une matrice r´eelle A Rn×n, les conditions suivantes sont

´

equivalentes :

(a) Il existe une matrice orthogonaleQ∈Rn×n telle que Q1·A·Qsoit une matrice diagonale.

(b) Il existe une base orthonorm´ee de Rn pour le produit scalaire usuel constitu´ee de vecteurs propres deA.

(c) La matriceA est sym´etrique :

At=A.

De plus, les matrices orthogonalesQsatisfaisant la condition (a)sont les matrices dont les colonnes forment une base orthonorm´ee deRn constitu´ee de vecteurs propres de Aet les entr´ees diagonales de Q1·A·Qsont les valeurs propres de A.

D´emonstration. (a) ⇐⇒ (b) : Cela r´esulte des Lemmes 12.10 et 13.4.

(a) ⇐⇒ (c) : Cela d´ecoule du Th´eor`eme 13.3, appliqu´e `a l’op´erateur ˜A: Rn Rn associ´e `a A. En effet, cet op´erateur est auto-adjoint si et seulement siAest sym´etrique, vu la relation (). 2 Remarque : On peut aussi donner une d´emonstration directe de l’´equivalence (b) ⇐⇒ (c). Vu le Lemme 13.2, le polynˆome caract´eristique PcA(X)R[X] se d´ecompose en produit de facteurs r´eels de degr´e 1. La Proposition 12.4 livre alors une matrice r´eguli`ereP Rn×n telle queP1·A·P soit triangulaire sup´erieure ; soit

P1·A·P =T.

(k)

D’apr`es la Proposition 11.7 (p. 77), on peut factoriser P =Q·R

o`uQ∈Rn×n est une matrice orthogonale et R∈Rn×n est une matrice triangulaire sup´erieure dont les entr´ees diagonales sont non nulles. De l’´equation (k) on tire alors

Q1·A·Q=R·T·R1.

Or, l’inverse d’une matrice triangulaire sup´erieure est une matrice triangulaire sup´erieure et tout produit de matrices triangulaires sup´erieures est une matrice triangulaire sup´erieure, doncQ1·A·Q est une matrice triangulaire sup´erieure.

Par ailleurs, commeAest sym´etrique, un calcul montre queQ1·A·Qest aussi sym´etrique. D`es lors,Q1·A·Qest diagonale puisqu’elle est `a la fois triangulaire sup´erieure et sym´etrique.

Pour ´etablir la r´eciproque, il suffit de remarquer que les matrices diagonales sont sym´etriques et que siQ1·A·Qest sym´etrique pour une matriceQorthogonale, alorsAest sym´etrique.

Exercices

(13.1)Pour chacune des matricesAsuivantes, trouvez une matrice orthogonalePtelle queP1·A·P soit diagonale :

(a)

 2 0 1

0 2 0

1 0 2

 (b)

 3 2 2 2 2 0 2 0 4

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(13.2) Soit A un op´erateur sur un espace E de dimension finie. D´emontrez : KerA = (ImA) et ImA = (KerA).

(13.3) Soit Q Rn×n. Montrer que Q est orthogonale si et seulement si Qt est orthogonale. En d´eduire qu’une matrice est orthogonale si et seulement si ses lignes forment une base orthonorm´ee de vecteurs propres deRn (pour le produit scalaire usuel).

(13.4)SoitP: E→E un op´erateur lin´eaire sur un espace euclidien de dimension finie. Montrer que P est une projection orthogonale sur un sous-espace de E si et seulement si P est auto-adjoint et P2=P.

(13.5)SoientP,P0 des op´erateurs lin´eaires sur un espace euclidienEde dimension finie. On suppose queP est la projection orthogonale sur un sous-espaceV ⊂E et queP0 est la projection orthogonale sur un sous-espaceV0⊂E. Montrer queV etV0sont orthogonaux si et seulement siP◦P0=P0◦P = 0.

(13.6) (pour aller plus loin) En utilisant les deux exercices pr´ec´edents, montrer que l’on peut exprimer le th´eor`eme spectral sous la forme suivante : pour tout op´erateur auto-adjoint A sur un espace euclidien E de dimension finie, il existe des op´erateurs P1, . . ., Pr et des nombres r´eels λ1, . . ., λr distincts deux `a deux tels que Pi◦Pj = 0 pouri 6=j,Pi2 =Pi=Pi, P1+· · ·+Pr=IE et A=λ1P1+· · ·+λRPr.

CHAPITRE VII