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Partie I Genèse du sujet de la recherche

Chapitre 2 Cadre théorique d'analyse des corpus et méthodologie

2.3 Théories de la communication : les modèles linguistiques et

L'évolution des modèles linguistique aux modèles psychosociologiques est un

changement de vision sur la communication : les chercheurs ne se limitent plus à la

communication, mais dorénavant prêtent attention à l'interaction.

2.3.1 L'interactionnisme d'Erving Goffman

L'interactionnisme est un courant de pensée qui s'est développé aux États-Unis au

cours des années 1960 en opposition avec le fonctionnalisme qui dominait alors la

sociologie américaine.

Contrairement aux fonctionnalistes qui privilégient une sociologie quantitative

basée sur le recueil et l'analyse de données (sous la forme d'enquêtes ou de sondages

par exemple), les interactionnistes, sous l'influence de l'école sociologique de

Chicago, prônent une sociologie qualitative par l'observation directe et personnelle

faite sur le terrain. Les individus sont des sujets conscients et il n'y a pas d'autre

sens à donner aux actions individuelles que celui qui est donné par l'individu

lui-même. L'action d'un individu et le sens qu'il lui donne dépendent de ses relations

avec les autres. Le scientifique interactionniste s'applique donc à reproduire

fidèlement le discours des individus.

À partir de l'interactionnisme, Erving Goffman (1987) développa la méthodologie

de l'analyse conversationnelle. L'analyse conversationnelle contribue au

développement d'une approche empirique basée sur l'observation des pratiques

verbales et non verbales. Ses travaux sont principalement basés sur les propriétés

structurelles de l'interaction de type face-à-face.

L'hypothèse initiale de l'analyse de la conversation est que cette dernière est un

phénomène profondément ordonné, structurellement organisé. Les analyses de

conversations s'intéressent spécifiquement à l'organisation séquentielle de la parole.

En s'appuyant sur des enregistrements de conversations en situations naturelles,

l'objet de l'analyse de la conversation est de rendre compte des procédés par lesquels

les personnes gèrent de manière routinière les échanges verbaux.

D'après la théorie d'Erving Goffman, les interactions sociales impliquent souvent

une « mise en scène » de soi dans laquelle chacun cherche à imposer et défendre

une image valorisée de lui-même qu'il considère comme son identité sociale. Cette

image valorisée de lui-même s'appelle aussi « la face ». Dans une interaction écrite,

surtout dans une interaction écrite faite dans un groupe de tchat, cette particularité

de l'interaction apparaît plus évidente : les interlocuteurs cherchent à « faire bonne

figure » ou à « ne pas perdre la face ». En conséquence, il y aura deux stratégies

dans leurs communications : ceux tentant à maximiser les profits (imposer son

image, briller dans la conversation), et ceux tentant à minimiser les pertes (garder

une réserve prudente pour ne pas commettre des erreurs).

En plus, Goffman distingue le « participant ratifié » et le « participant non ratifié »

34

: le « participant ratifié » est celui qui est intégré dans le cercle des échanges ; le

« participant non ratifié » , est le spectateur non volontaire, par exemple, tous les

autres membres sauf les interlocuteurs dans un groupe de clavardage. Le premier

doit marquer son engagement (attitude d'écoute et d'intérêt), le seconde doit au

contraire participer à la fiction de son absence.

35

Goffman différencie aussi plusieurs catégories de locuteurs en fonction de la

position qu'ils assument dans l'échange : l'animateur (qui anime l'échange), l'auteur

(qui authentifie les sentiments et les idées qu'il exprime) et le responsable (qui parle

au nom d'un groupe) ; ces divers personnages pouvant être physiquement

différenciés ou pouvant également être une unique personne. On voit donc, que

Goffman écrit « les notions ordinaires du locuteur et de l'auditeur se révèlent

sommaires, la première dissimulant des différences complexes quant aux statuts

34 Goffman Erving, Façon de parler, traduit par A. Kihm. Paris : Minuit, 1987.

35 Picard Dominique, « De la communication à l'interaction : l'évolution des modèles », Communication et langages, 1992, n° 93, p. 69-83.

participationnels, et la seconde des questions non moins complexes quant au format

de production »

36

.

Ces catégories d'Erving Goffman nous serviront pour analyser l'interaction écrite,

surtout l'interaction écrite dans un groupe de clavardage.

2.3.2 Théorie des actes de langage de Jogn Langshaw Austin

Un acte de langage est un moyen utilisé par un locuteur pour agir sur son

environnement par son langage : il cherche à informer, inciter, demander,

convaincre, promettre etc. son ou ses interlocuteurs par ce moyen.

La théorie des actes de langage est considérée généralement née avec la publication

« How to do things with words »

37

en 1962 d'un recueil de conférences données en

1955 par Jogn Langshaw Austin (1970). En 1970, nous avons la traduction

française « Quand dire, c'est faire »

38

, dont le titre illustre parfaitement l'objectif de

cette théorie : il s'intéresse aux nombreux énoncés telles les questions ou les ordres.

Par exemple, dire « Est-ce que tu viens ? » ou « Viens ! » conduit à accomplir, à

travers cette énonciation, un certain type d'acte en direction de l'interlocuteur.

Au début, parmi tous les énoncés affirmatifs, Austin différencie les énoncés

« performatifs » et les énoncés « constatifs ». Les premiers accomplissent une

action et les derniers décrivent le monde. Par exemple, « je te promets que je

t'emmènerai en Chine l'an prochain » est un énoncé performatif ; par contre, « nous

sommes à la maison » est un énoncé constatif. Les premiers ne peuvent pas recevoir

une valeur de vérité ; les secondes peuvent recevoir une valeur de vérité : cet énoncé

est vrai si et seulement si nous sommes vraiment à la maison.

36 Goffman Erving, Façons de parler, traduit par A. Kihm. Paris : Minuit, 1987.

37 Austin John Langshaw, How to do things with words. London : Oxford University Press, 1962.

Cette distinction des énoncés performatifs et des énoncés constatifs, prise comme

point de départ, est finalement remplacée par une autre théorie plus générale des

« illocutionary forces », établie par Austin. Il bâtit une nouvelle classification des

actes de langage en trois catégories : les actes locutoires (« locutionary act » en

anglais dit par Austin) ; les actes illocutoires (« illocutionary act » en anglais dit par

Austin) ; les actes perlocutoires (« perlocutionary act » en anglais dit par Austin).

Un acte locutoire est le simple fait qu’avoir énoncé une phrase correspondante,

même en l'absence d'un destinataire, suffit à l'accomplissement d'un acte locutoire.

En revanche, un acte illocutoire a besoin d'un destinataire ou un co-énonciateur et

ce destinataire est susceptible de comprendre la signification. Un acte illocutoire

peut être une déclaration, une promesse ou une interdiction, etc.

Un acte perlocutoire a besoin d'un destinataire et ce destinataire est susceptible de

comprendre la signification, en plus, il y a un effet par la production de l'énoncé sur

le destinateur ou sur ses actes. Par exemple, à l'énonciation de « il fait froid ici », le

destinateur peut se lever et fermer la fenêtre.

Parmi ces trois actes, Austin s'intéresse surtout à l'acte illocutoire et en distingue

cinq grandes classes d'actes illocutoires :

1 les verdictifs ou actes juridiques (acquitter, condamner, décréter…) ;

2 les exercitifs (dégrader, commander, ordonner, pardonner, léguer…) ;

3 les promissifs (promettre, faire vœu de, garantir, parier, jurer de…) ;

4 les comportatifs (s'excuser, remercier, déplorer, critiquer…) ;

5 les expositifs (affirmer, nier, postuler, remarquer…).

39

La mort d'Austin l'a empêché de poursuivre ses travaux et le développement de la

théorie des actes de langage a été poursuivi ultérieurement par John Searle (1982).

39 Austin John Langshaw, How to do things with words. London : Oxford University Press, 1962, p. 98.

Pour Searle, il y a deux notions centrales dans la théorie des actes de langage, qui

sont l'intention et la convention : le locuteur qui s'adresse à son interlocuteur a

l'intention de lui communiquer un certain contenu, et le lui communique grâce à la

signification conventionnellement associée aux expressions linguistiques qu'il

énonce pour ce faire.Searle dégage également cinq classes majeures d'actes de

langage :

1 les représentatifs (assertion, affirmation…) ;

2 les directifs (ordre, demande, conseil…) ;

3 les promissifs (promesse, offre, invitation…) ;

4 les expressifs (félicitation, remerciement…) ;

5 les déclaratifs (déclaration de guerre, nomination, baptême…).

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La théorie de l'acte de langage traite de la relation entre le langage et le « monde »

et associe la méthode linguistique et la méthode psychosociologique, en nous

offrant la référence de la classification pour analyser les tours de parole dans

l'interaction écrite. Les notions de l'intention et la convention jouent un rôle très

important dans l'interaction écrite. Ce que nous allons faire est d'analyser une

interaction catégorisée par l'intention et d’en découvrir la convention d'interaction

sur Internet.

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