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2. Inégalités socioéconomiques

2.2 Inégalités économiques

2.2.1 Théories économistes

Plusieurs auteurs (voir entre autres Sen (2012), Dalton (1920) et Morlaix (2005)) analysent les différentes mesures disponibles pour rendre compte des inégalités économiques. Pour sa

part, Dalton (1920) utilise la théorie utilitariste. Cette conception veut que la sommation des utilités individuelles - ensemble de compétences - forme le bien-être social, mais que, ce dernier, est une fonction directe du revenu. Sen cite Dalton (1920) en disant que :

« [la fonction utilitariste du bien-être] est définie comme la somme des utilités individuelles, et chaque utilité individuelle comme une fonction du revenu de l’individu. Il considère que la même fonction d’utilité s’applique à tous les individus, ce qui, avec l’utilité marginale décroissante du revenu, garantit que, pour tout revenu global réparti entre les individus, une répartition égale maximiserait le bien-être social» (Sen, 2012; p.162).

Sen (2012) reprend la théorie de Dalton en disant que, pour obtenir une redistribution égale - et donc pour un revenu global -, l’individu doit produire un maximum d’utilité. Le degré d’inégalité serait représenté par le «manque» à la somme réelle d’utilité. Toutefois, Sen (2012) critique la position de Dalton, car sa théorie ne permet pas une mesurabilité et une comparabilité interpersonnelle des utilités de chacun. Sen a créé son propre indice afin de mesurer les inégalités économiques et le taux de pauvreté. Cet indice comporte trois dimensions : a) le taux de pauvreté; b) l’intensité de la pauvreté; et c) l’inégalité de distributions de revenus parmi les pauvres (Morlaix, 2005). Cet indice pallie aux lacunes souvent énoncées dans les mesures de la pauvreté, puisqu’il permet d’observer la différence entre les individus se situant sous le seuil de pauvreté (intensité de la pauvreté). L’indice de Sen permet également d’observer les déplacements des ressources parmi la population pauvre (Morlaix, 2005). Bref, cet indice permet de mesurer la distance entre les pauvres, le seuil de pauvreté ainsi que de la distribution des ressources parmi les pauvres.

Piketty (2008) observe les inégalités en analysant les salaires des travailleurs employés dans une entreprise et ceux des travailleurs indépendants tels que les agriculteurs. Il analyse également la distribution des revenus des ménages provenant des salaires, des retraites, des transferts gouvernementaux - les allocations familiales ou les allocations de chômage -, et des revenus du patrimoine - dividendes d’action et intérêts -. Il rend compte des inégalités

en regardant la distribution des revenus perçus par les ménages français en 2000 en fonction des déciles16. Il remarque que les 10 % les mieux payés en France ont un salaire 4,5 fois plus élevé en moyenne que les 10 % les moins payés. Dans le cas des inégalités de revenus, la différence entre les plus pauvres et les plus riches est de 5,2 fois. Bref, les inégalités de revenus des ménages sont supérieures aux inégalités de salaires des salariés. Piketty (2008) souligne que plusieurs facteurs expliquent cette situation, dont l’augmentation des ménages sans emploi.

Urmetzer et Guppy (2009) observent les inégalités de revenus avant taxes des familles canadiennes en fonction des quintiles17. Les auteurs soutiennent que si les revenus étaient distribués également, chaque catégorie produirait un revenu identique, soit 20 %. Toutefois, ce n’est pas le cas. En regardant les données recueillies par Statistique Canada en 2005, les chercheurs constatent que le quintile inférieur (Q1), comprenant les familles les plus pauvres, gagne 4 % des revenus totaux et que le quintile supérieur (Q5), comprenant les familles les plus riches, en gagne environ 47 %. D’où la théorie du 4/40 : les 20 % les plus pauvres récoltent 4 % des revenus totaux tandis que les 20 % les plus riches en récoltent 47 %. Urmetzer et Guppy. (2009) notent l’importance de la redistribution faite par les gouvernements dans le pourcentage des revenus gagnés par les différents quintiles. En effet, le Q1 recueillait avant taxes 2,1 % des revenus totaux avant transferts tandis que le Q5 en recueillait 51,1 %. Après taxes et transferts, le Q1 recueillait 4,7 % des revenus globaux tandis que le Q5 en recueillait 44 %. Donc, l’État prend aux plus riches afin de redistribuer aux plus pauvres. Urmetzer et Guppy (2009) soulignent que l’État agit comme le légendaire Robin des Bois. Mais dans les faits, l’effet de la redistribution ne favorise pas seulement les plus pauvres.

16 Les déciles se calculent de la manière suivante : on prend la population et on la divise en dix groupes

égaux. Chaque groupe est composé de 10 % de la population totale. Le D1 est le premier décile de la distribution et le D10, le dernier.

17 Les quintiles se calculent de la manière suivante : on prend la population et on la divise en cinq groupes

égaux. Chaque groupe est composé de 20 % de la population totale. Le Q1 est le premier quintile de la distribution et le Q5, le dernier.

Les imperfections du marché ont également un impact sur les inégalités économiques. Smith (2002) et Piketty (2008) notent que les prêteurs d’argent, comme les institutions bancaires, sont plus favorables à fournir un apport financier plus considérable aux riches plutôt qu’aux pauvres pour deux raisons : a) les banques sont moins enclines à aider les pauvres puisque ceux-ci ne possèdent que rarement une garantie de prêt satisfaisante en cas de problème de crédit - endossement et solvabilité de l’acheteur -; et b) le profit fait sur l’investissement est moins important pour le pauvre, parce que celui-ci doit diviser son profit avec son prêteur. Bref, il y a une inégalité économique réelle et documentée selon la classe sociale dont l’individu fait partie.