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adolescents diabétiques de type

2.6. Ancrage disciplinaire et cadre de référence

2.6.3. La théorie sociale cognitive

2.6.3.1. Construits de la théorie sociale cognitive

Le sentiment d’efficacité personnelle (ou parfois appelé « auto-efficacité » en lien avec sa traduction anglophone) correspond aux croyances des personnes en leur propre capacité à réaliser les actions liées à un objectif de comportement (Bandura, 1986). Un fort sentiment d’efficacité personnelle permettrait d’exercer un auto-contrôle sur ses propres comportements.

Il existe plusieurs modèles théoriques qui interpellent le sentiment d’efficacité personnelle, comme la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991, 2002), la théorie de la motivation à se protéger (Rogers, 1983 ; Rippetoe & Rogers, 1987) ou la théorie sociale cognitive (Bandura, 1986, 2004, 2007). La théorie sociale cognitive de Bandura trouve sa force dans les trois construits complémentaires qui prennent en considération l’individu dans un contexte et un environnement global (Bandura, 1986, 2004).

38 Les attentes de résultats correspondent au jugement de la personne sur la conséquence probable d’un comportement donné. Elles se différencient de l’efficacité personnelle qui correspond au jugement de la personne pour organiser et mettre œuvre ce comportement. Les attentes positives servent d’incitateurs alors que les attentes négatives agissent comme des désincitateurs (Bandura, 1986, 2007). Trois formes d’attentes de résultats sont distinguées (Bandura 1986). La première forme correspond aux effets physiques qui accompagnent le comportement. Le versant positif identifie des expériences sensorielles agréables et des plaisirs physiques, tandis que le versant négatif se focalise sur les expériences sensorielles désagréables, telle que la douleur par exemple. La seconde forme s’intéresse aux réactions sociales positives (manifestations d’intérêts, approbation, reconnaissance sociale…) et aux réactions sociales négatives (manque d’intérêt, rejet social…). La troisième catégorie porte sur les auto-évaluations positives ou négatives consécutives au comportement adopté.

Les facteurs socio-structurels, autre construit de la théorie sociale cognitive, représentent les leviers et les freins à l’adoption d’un comportement. Comme l’indiquait Bandura (2004, 2007), certains obstacles pourraient paraître insurmontable à un individu dans l’adoption d’un comportement, ce qui engendrerait une diminution de son sentiment d’efficacité personnelle et de sa motivation à changer ses habitudes de vie. Bandura a identifié trois types de facteurs socio-structurels : les facteurs personnels (ex : être fatigué), les facteurs situationnels (ex : avoir des amis sédentaires) et les facteurs structurels (ex : absence d’installation sportive près de chez soi) (Godin, 2012). Moins il existe d’obstacles à surmonter et plus le comportement parait facile à adopter pour la personne.

Le dernier construit de la théorie sociale cognitive s’intéresse aux buts personnels de l’individu, qui constituent une des principales sources de motivation (Bandura, 1986, 2004, 2007). Les buts à long terme ont pour fonction d’orienter les comportements, alors que les buts à court terme ont pour fonction de réguler l’effort et guider l’action.

2.6.3.2. Sources d’information du sentiment d’efficacité

personnelle.

Selon Bandura (1986, 2007), les croyances d’efficacité personnelle se construisent à partir de quatre sources d’information principales.

Les expériences actives de maîtrise sont des indicateurs de capacité, qui permettent au sujet d’expérimenter un comportement par l’approche des essais et des erreurs. Le succès renforcerait le sentiment d’efficacité personnelle, alors que l’échec le détériorerait.

39 Les expériences vicariantes modifient les croyances d’efficacité par la transmission de compétences et la comparaison avec ce que font les autres sujets. Un modèle, qu’il soit réel (enseignants, proche), symbolique (représentation mentale d’un héros), verbal ou textuel (récit de la performance d’un modèle), permet à une personne d’observer et de prendre exemple sur un individu similaire à elle, afin de mettre en œuvre une action ou un comportement donné.

La persuasion verbale correspond à une suggestion verbale quant aux capacités de la personne à maîtriser des activités (exemple : encouragements). L’impact variera en fonction de l’interlocuteur.

Enfin, la personne peut interpréter différemment ses états physiologiques et émotionnels, à partir desquels elle évalue partiellement sa capacité, sa force et sa vulnérabilité. Par exemple, une situation de stress peut être perçue comme stimulante pour une personne, alors que pour une autre, il s’agira d’un obstacle qui l’encouragera à ne pas prendre de risque pour éviter tout échec.

2.6.3.3. Approche philosophique de la théorie sociale cognitive

Albert Bandura a développé sa théorie sociale cognitive dans le contexte de dualisme paradigmatique positivisme/constructiviste, qui peut compliquer la désignation d’une approche philosophique particulière. Selon Brewer (2008), « il s’agit d’un cadre épistémologique qui est, par essence, une pensée de l’interaction, ouverte à différentes « entrées » scientifiques et accueillante à des collaborations interdisciplinaires avec, par exemple, la sociologie, la psychologie clinique ou les neurosciences. » (p. 6). Des liens sont également présents dans le champ disciplinaire de la santé, comme l’étude de l’efficacité personnelle perçue dans le comportement favorable à la santé (Bandura, 2004).

Tous les individus ne développent pas les mêmes facettes de sentiment d’efficacité personnelle, ni les mêmes niveaux. « Les formes particulières de compétences qu’ils acquièrent sont l’expression de dons naturels, d’expériences socio-culturelles et de circonstances fortuites qui modifient les trajectoires développementales » (Bandura, 1986). Le sentiment d’efficacité personnelle n’est donc pas traité comme une caractéristique globale des individus, mais « comme un ensemble différencié de croyances sur soi liées à des domaines distincts de fonctionnement. » (Bandura, 2007, p. 63).

La croyance d’efficacité personnelle est générée par la personne dans un contexte particulier. Elle est à considérer comme un « phénomène multiforme. » (Bandura, 2007, p. 71), pour lequel trois dimensions agissent particulièrement sur la performance. Le niveau varie en fonction de la difficulté de la tâche à réaliser. La généralité vis-à-vis d’autres

40 comportements pour un même individu n’est pas toujours envisageable, l’efficacité personnelle référant à un comportement donné. La force élevée du sentiment d’efficacité personnelle permet d’affronter des obstacles ou difficultés face à l’obtention d’un comportement, alors que des croyances d’efficacité personnelle faibles peuvent réduire à néant les efforts envisagés (Bandura, 2007).

Le sentiment d’efficacité personnelle, au sein de la théorie sociale cognitive, semble au cœur d’une triade d’interactions entre facteurs comportementaux, facteurs cognitifs, émotionnels et biologiques, et l’environnement (Bandura, 1986). Les individus semblent à la fois producteurs de leurs connaissances et en interaction avec le milieu social pour co- construire ces connaissances. La forme et la nature de la réalité semblent alors relatives, du fait que chaque individu développe ses croyances en efficacité personnelle en fonction de ses structures de connaissances, dans un environnement particulier, à partir de ses propres constructions mentales.

2.6.3.4. Utilisation de la théorie sociale cognitive chez l’enfant

et l’adolescent diabétiques de type 1.

Le concept de sentiment d’efficacité personnelle et la théorie sociale cognitive ont rapidement été utilisés dans le cadre de travaux de recherche sur les comportements de santé. Ainsi, une méta-analyse, recensant 56 publications entre 1977 et 1989, a permis de démontrer très tôt l’influence du sentiment d’efficacité personnelle sur les indicateurs de santé à court et à long termes, pour les personnes atteintes de maladies chroniques (Holden et al., 1990 ; Holden, 1991).

Des recherches plus spécifiques à l’enfant diabétique de type 1 se sont mises en place par la suite. Grossman et collègues (1987), qui ont développé l’une des premières échelles d’évaluation de sentiment d’efficacité personnelle dans le diabète pédiatrique de type 1, indiquaient qu’il existait une certaine influence de l’auto-efficacité sur le contrôle glycémique, plus particulièrement chez une population de jeunes filles. Plusieurs études ont permis de confirmer le rôle prédicteur (Griva et al., 2000) ou médiateur (Ott et al., 2000) du sentiment d’efficacité personnelle sur les comportements d’autogestion et sur le contrôle glycémique chez l’adolescent diabétique. Lors de la validation de leur échelle d’évaluation, Iannotti et collègues (2006a) indiquaient qu’un fort sentiment d’efficacité personnelle était lié à une meilleure adhésion au traitement.

41 La théorie sociale cognitive a été régulièrement utilisée dans les programmes éducatifs structurés à destination des enfants et adolescents diabétiques de type 1 (Faro et al., 2005 ; Nansel et al., 2007, 2009 ; Ambrosino et al., 2008 ; Grey et al., 2009, 2011, 2013 ; Whittemore et al., 2010, 2012 ; Newton & Ashley, 2013 ; Holmes et al., 2014). La théorie appuyait l’organisation et le contenu des programmes, en explicitant plus ou moins les sources d’information du sentiment d’efficacité personnelle. Ces onze publications évaluaient l’auto-efficacité des participants au programme en comparaison à un groupe contrôle, dans une approche exclusivement quantitative. Seulement deux études évaluaient les attentes de résultats en complément du sentiment d’efficacité personnelle (Nansel et al., 2007, Newton & Ashley, 2013) à partir de questionnaires spécialement construits et validés dans le cadre du diabète pédiatrique (Iannotti et al., 2006a). Les deux derniers construits de la théorie ne faisaient pas l’objet d’une évaluation de recherche, pouvant constituer une limite dans l’utilisation de la théorie à des fins de recherche.

Le choix d’utiliser un questionnaire d’auto-efficacité semble cohérent pour que l’enfant situe ses croyances en ses capacités à réaliser les actions en lien avec la gestion de son diabète sur une échelle de Likert. Cependant, une approche qualitative paraitrait plus appropriée pour évaluer les attentes de résultats, les facteurs socio-structurels et les buts personnels, afin de permettre à chaque enfant ou adolescent d’exprimer ses croyances et opinions, pouvant engendrer des effets sur son comportement. Le questionnaire de Iannotti et collègues (2006a), qui étudie les attentes de résultats, propose des items que l’enfant ou l’adolescent doit classer dans la catégorie « effet positif » ou dans la catégorie « effet négatif ». Le fait de répondre à un item par ce type de choix dichotomique peut être difficile pour la population de cette tranche d’âge, surtout sans avoir la possibilité d’expliquer son choix de classement. Considérant que chaque enfant vit sa propre réalité dans la maladie chronique, il parait important de le laisser s’exprimer librement sur ce qu’il croit ou ressent, bien que ses paroles et ses pensées puissent être teintées de l’influence environnementale dans laquelle il évolue (famille, équipe de soins, école…).

A ce jour, dans la littérature, aucun outil francophone n’a été validé pour évaluer le sentiment d’efficacité personnelle. Il s’agit donc d’un travail préalable à réaliser pour la mise en place d’une recherche évaluant les construits de la théorie sociale cognitive de Bandura dans le cadre d’un programme d’ETP pour l’enfant diabétique de type 1, nécessitant soit la création d’un outil, soit la mise en œuvre d’un processus de traduction transculturelle au préalable.

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2.6.4. Cadre philosophique de la recherche : le