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De la théorie de la rente foncière à une théorie générale de la répartition

Pour Ricardo, la théorie de la répartition ne s’identifie pas à la théorie de la valeur, elle a une véritable autonomie, et le cœur de la théorie de la répartition de Ricardo est sa théorie de la rente foncière.

B. De la théorie de la rente foncière à une théorie générale de la répartition

L’intérêt porté à l’analyse de la rente foncière est lié aux circonstances historiques et aussi pour des raisons qui tiennent à la conduite de l’analyse théorique. Les économistes européens (fin XVIIe et début XIXe) n’étaient qu’au début de la révolution industrielle, c’était donc l’agriculture qui constituait l’activité dominante.

Par conséquent, la rente foncière, en constituant une charge pour le fermier et en constituant le revenu des propriétaires fonciers était au centre de la vie

économique.

Le sujet a fasciné les économistes de l’époque parce qu’ils se rattachaient à l’une des plus anciennes théories de l’analyse économique, à savoir la notion de surplus, et surtout parce que le traitement de cette question a obligé les économistes à accomplir des progrès importants dans leur méthodes d’analyse en les conduisant à pratiquer l’analyse à la marge.

1) La théorie de la rente

Selon la célèbre définition de Ricardo, « la rente est cette portion du produit de la terre que l’on paie au propriétaire pour avoir le droit d’exploiter les

facultés productives et impérissables du sol. »

Il ne faut pas confondre la rente avec le profit du capital investi en terre que procure le propriétaire foncier.

Ricardo constate que les terres sont de fertilité différentes et que la rente (différentielle) naît du différentiel de fertilité et de qualité entre les terres.

Il est important de noter que la dernière terre mise en culture ne perçoit pas de rente.

Celle-ci n’apparaît que pour les terres précédentes (meilleures par hypothèse)

D’autre part, c’est la différence de qualité qui va promettre au propriétaire des terres de percevoir une rente.

Ricardo fournit une explication de la rente différentielle et refuse l’existence d’une rente absolue (celle que percevrait la dernière terre mise en culture)

Supposons que des terrains 1, 2, 3 rendent moyennant l’emploi d’un même capital, un produit net de 100, 90, 80 unités de blé.

Dans un pays neuf où la quantité produite excède le nécessaire à la population, où par conséquent il suffit de cultiver le terrain 1, tout le produit net restera au cultivateur aussi bien que le profit du capital qu’il aura avancé.

Aussitôt que l’augmentation de la population sera devenue telle qu’on soit obligé de cultiver le terrain 2 qui ne rend que 90 unités, les salaires des laboureurs déduits, la rente commencera pour le terrain 1.

Que ce soit la population ou une autre personne qui cultive le 1, dans les 10 unités de blé supplémentaires produites par rapport au terrain 2 constitueront toujours la rente puisque le cultivateur du terrain2 obtiendrait le même résultat avec son capital soit qu’il cultivât le terrain 1 en payant 10 unités de blé de rente, soit qu’il continuât à cultiver le terrain 2 sans payer de rente.

En T=3 la rente du terrain 3 = 0

De même il est clair que lorsqu’on aura commencé à défricher le terrain 3, la rente du terrain 2 devra être de 10 unités de blé ou de leur valeur tandis que la rente du terrain 1 devra atteindre 20 unités.

Le cultivateur du terrain 3 récupère le même profit que celui qui cultive le terrain 2.

3 points essentiels :

 Les conditions de mise en culture sont les mêmes sur les 3 terrains, car sur chacun d’eux est la même surface exploitable et on emploi également le même capital.

 La valeur dont il est question ne comporte que les salaires. 100, 90, 80 sont des valeurs de produit net.

 La raison pour laquelle on est conduit à mettre en culture de nouvelles terres (moins riches) est l’augmentation de la population.

Avec Ricardo et la théorie de la rente différentielle, apparaît le raisonnement à la marge.

Sur la terre marginale (dernière terre mise en culture) le produit est tout juste suffisant pour rémunérer le capital et le travail.

D’où la conclusion de Ricardo, la rente est toujours la différence entre les produits obtenus de 2 quantités égales de capital et de travail.

En appliquant des quantités égales de facteurs de production à des terres de moins en moins fertiles le produit marginal, c'est-à-dire celui de la dernière terre mise en culture décroît.

En raisonnant ainsi à la marge extensible de la culture, la rente naît de la fertilité décroissante et décroît avec cette fertilité.

On peut aussi raisonner à la marge extensible de culture. Supposons que l’on

applique des quantités successives de facteurs de production (capital et travail) à un sol homogène et d’une certaine superficie. Chaque unité de facteurs de production supplémentaires apporte un produit supplémentaire c'est-à-dire un produit marginal (positif) mais ce produit marginal décroît à mesure que l’on ajoute du capital et du travail. Cette décroissance du produit marginal provenant soit de la mise en culture d’une terre supplémentaire soit de l’application d’une unité de facteurs de production sur une terre donnée est connue sous le nom de la loi des

rendements décroissants.

La question est de savoir si la rente est un élément du produit ou si elle est une conséquence du prix de vente.

Smith répondrait que la rente s’ajoute aux salaires et avec le profit pour déterminer le prix naturel du produit.

Pour Ricardo, la rente est déterminée par le prix du produit.

Exemple :

Terre 1 Terre 2

K engagé (€) 20000 20000

Rémunération salariale (€/h)

8 8

Heures de travail (h) 1000 1000

Profits réalisés (%) 10 10

Production de blé (kg) 10000 20000

Prix du blé (€/kg) (8x1000 + 10%x20000) = 1

10000 1

Chiffre d’affaires 10000 20000

Rente (€) 0 10000

La rente n’est pas une cause de la valeur du blé mais une conséquence de celle-ci.

« Le grain n’a pas un prix élevé parce qu’on paye une rente, mais on paye une rente parce que le prix du grain est élevé. »

Le fait que la rente soit une conséquence du prix est lié au facteur très particulier du système de production.

En effet, alors que les autres facteurs de production c'est-à-dire capital et travail sont mobiles, la terre est un facteur immobile et n’a pas d’autre usage que la production

agricole. Ou bien la terre est utilisée, ou bien le coût d’opportunité est le prix que l’on paie en exploitant pas cette ressource qui pourrait l’être.

Si une terre n’est pas assez utilisée, c’est qu’elle n’est pas assez rentable pour rémunérer les autres facteurs de production, elle ne peut pas être utilisée pour autre chose. Ainsi le coût d’opportunité de la terre étant nul, il n’entre pas dans le coût de production.

Définition du coût d’opportunité : c’est l’activité la plus importante pour soi dont on se prive lorsqu’on choisit de faire autre chose.

Exemple : un terrain : il y a 2 possibilités : soit le cultiver, soit le transformer en une aire de jeu payante. Si le propriétaire décide de cultiver son terrain, le coût

d’opportunité sera l’argent qu’il aurait pu gagner en l’exploitant en aire de jeu.

Supposons, par ailleurs, une 3e possibilité : garder le terrain intact pour en faire un lieu de détente personnel. Si le propriétaire eu préféré cette solution à l’aire de jeu, le coût d’opportunité de la culture du terrain aurait été simplement le fait de pouvoir disposer de son terrain.)

En conclusion de la théorie de la rente, on peut dire que c’est le prix du produit agricole, déterminé par la valeur de la production de la terre la moins productible qui fixe le niveau de la rente pour les autres terres plus productives.

2) La théorie de la répartition

Ricardo met l’accent sur l’évolution des prix en longue période, ce qui l’amène à préférer le jeu de l’offre et de la demande en courte période.

Ce qui intéresse Ricardo, ce sont les prix naturels, c'est-à-dire les prix de longues périodes qui correspondent à une théorie des coûts de production et des éléments constitutifs.

Seuls le salaire et le profit sont des composantes du coût de production pour Ricardo.

Cependant, la rente subsiste en tant que revenu de transfert, et c’est la théorie de la répartition qui nous informe de l’évolution de la rente dans le temps.

La théorie des salaires de Ricardo oppose comme pour Smith prix naturels et prix courants.

Ricardo définit le prix naturel de la façon suivante : « le prix naturel du travail est celui qui fournit aux ouvriers le moyen de subsister et de perpétuer leurs espèces sans accroissement ni diminution. »

Il s’agit donc simplement du salaire de subsistance, qui doit être compris comme un ensemble de biens et non comme une somme d’argent. Ainsi en valeur, le salaire naturel croît si le prix des biens qui le composent augmente également et décroît dans le cas inverse.

Le prix courant du salaire est simplement déterminé par l’offre de travailleurs.

Quand la croissance est forte, l’accroissement du capital est soutenu, le fond des salaires augmente et le taux courant du salaire s’élève au dessus du prix naturel.

Cependant dans le long terme, le taux de marché doit converger vers le taux naturel de salaire.

Pour sa démonstration, Ricardo va utiliser le principe de population de Malthus.

« Un salaire courant au dessus du taux naturel permet à l’ouvrier de maintenir une famille robuste et nombreuse. La population augmente donc et le salaire courant baisse à la suite de cette augmentation de l’offre de bras. »

Cependant l’augmentation de la population exige une augmentation de la production agricole et donc nécessite la mise en culture de terres de moins en moins fertiles. On sait que les terres les moins fertiles à un moment donné ne rapportent aucune rente.

Ce sont les terres plus fertiles qui du fait de la loi de la valeur offrent à leur population une rente. Celle-ci est d’autant plus élevée que le salaire est productif.

Prenons la dernière terre, celle qui est la moins fertile ne procure aucune rente alors que la production, en revanche, qu’elle contribuera à réaliser va se vendre sur le marché.

Comment va se répartir le fruit de la vente ?

Une partie va aux travailleurs, et c’est le salaire qui se trouve au minimum vital, et le reste constituera le profit.

Ramenée à la quantité de capital utilisé, le profit indique quelle est sur cette terre le taux de profit pour le capitaliste, c’est le taux de profit de la terre la moins

productive. Mais c’est aussi du fait de l’égalité des taux de profits dans toute l’économie, le taux naturel de l’économie.

Considérons une économie en progrès (terme utilisé par les classiques).

La population augmente, une nouvelle terre moins fertile que toutes les autres est mise en culture, alors pour produire une même quantité de produits agricoles que le sol précédemment le moins riche, il faut encore plus de travail. La valeur et le prix des produits agricoles s’élève donc.

En effet, la valeur se détermine sur le terrain le plus pauvre. Comme le prix des produits agricoles augmente, le salaire nominal des ouvriers va augmenter aussi afin qu’ils puissent conserver leur pouvoir d’achat qui se trouve au minimum vital.

Une autre question importante est l’évolution des taux de profit en longue période.

Ricardo montre que plus on met en culture de terres nouvelles, et donc plus difficiles à travailler, plus le taux de profits tend à baisser.

Mais ce n’est pas comme chez Smith, l’abondance relative des capitaux qui est à l’origine de ce déclin, c’est le jeu normal de la loi de la valeur qui est en cause.

Exemple : On met en culture une nouvelle terre moins fertile que les autres. Un ouvrier produit moins que sur la terre précédemment la plus pauvre. Pourtant, son salaire reste le même. Supposons que l’ouvrier a besoin de 50kg de blé. Il s’agit du salaire minimal vital en dessous duquel on ne peut pas descendre.

Si au temps t=1 sur la terre la moins fertile, il produit 70kg de blé, le profit sera de 70 – 50 = 20

Si maintenant, au temps t=2, il produit sur une terre encore moins fertile 60kg de blé, le profit sera de 60 – 50 = 10.

Le profit tombe à 10kg de blé car le taux de profit est le même dans tous les secteurs comme le capital est mobile entre les secteurs.

Sur la nouvelle terre, la rente est nulle, et sur la terre précédemment la moins fertile, la rente est de 10kg de blé.

A l’équivalence, les taux de profits sont identiques dans tous les secteurs de l’économie. Ainsi au total, sur tous les salaires, les taux de profits diminuent et la rente augmente.

Le taux de profit baisse donc au fur et à mesure que s’accroît la population car l’augmentation de la population conduit à la mise en culture de terres de moins en moins fertiles.

Viendra alors un temps selon Ricardo où le taux de profit sera devenu tellement bas que plus personne ne sera incité à épargner, à accumuler des capitaux pour

produire.

La population cessera de progresser, ce qui conduira à l’économie dans un état stationnaire.

Il est important de noter que toute la constitution théorique de Ricardo repose sur une inégale fertilité des terres et sur le caractère décroissant de la

productivité obtenue à partir d’une quantité donnée de facteurs de production.

C’est une vision pessimiste de la croissance que nous propose Ricardo, vision d’autant plus pessimiste qu’elle est doublé de conflits entre classes sociales puisque les intérêts des propriétaires fonciers sont manifestement contraires à ceux des capitalistes et des ouvriers et à l’intérêt de la société en général.

Ricardo sera ainsi un fervent adversaire des lois sur le blé en Angleterre.

Ces lois limitent l’importation par des mesures de protection douanières.

Ricardo prône au contraire le libre échange.

Pour empêcher la baisse du taux de profit, il faut ouvrir les frontières et importer des produits agricoles en provenance de pays où la loi des rendements décroissants ne joue pas encore. Le libre échange est un moyen essentiel pour rebrousser l’état stationnaire.

« Le capital »

Marx est né en 1818 en Allemagne, et mort à Londres en 1883.

L’œuvre de Marx est immense dans le sens où il a construit un système qui embrasse toutes les constitutions sociales.

C’est une œuvre difficile à décrire en raison de ses nombreuses relectures et réinterprétations appelées marxisme.

Le marxisme est une philosophie, à la fois une méthode scientifique appelée dialectique et une vision économique de l’histoire appelée matérialisme historique.

Le marxisme est aussi une prospective (la révolution, la dictature du prolétariat, le communisme). Dans ce cas, on parle plutôt de marxisme – léninisme pour parler de la relecture de Marx par Lénine et dont l’impact sur l’humanité au XXe a été

extrêmement considérable.

Mais le marxisme est avant tout une économie politique. On peut le juger au titre de son œuvre : « le capital, ou critique de l’économie politique », publié en 1857.

I. Les principes de la méthode de Marx

La place occupée par Marx est unique en ce sens que jamais aucun économiste n’a fait dériver aussi explicitement son analyse économique de ses positions philosophiques de bases. Les conceptions philosophiques elles-mêmes s’expriment par une vision globale de l’histoire. On dit que Marx était au confluent de 3 courants :

 Le socialisme français (Fourier, Proudhon)

 L’économie politique anglaise (Smith et Ricardo)

 La philosophie allemande (Hegel et Kant)

L’œuvre de Marx est unique comme le socialisme français est unique, mais celui de Marx sera scientifique dira Engels.

Smith et Ricardo ont bien aperçu l’essentiel de l’économie politique (c'est-à-dire la valeur travail) mais sans en tirer toutes les conclusions. Enfin, la vision globale de l’histoire de Marx sera très influencée par Hegel.

Hegel (maître de philosophie de Marx) avait une vision conflictuelle des rapports humains considérés dans l’espace comme dans le temps. La base théorique présentée dans l’œuvre intitulée « dialectique du maître et de l’esclave » est une progression qui reconnaît l’inséparabilité des contraintes (thèse – antithèse) qui découvrent ensuite un principe d’union (synthèse) qui les dépassent.

De cette façon, Hegel explique l’affrontement des idées, des individus, des groupes sociaux, des nations. Ces conflits pouvaient être considérés comme le moteur de l’histoire car chaque structure, arrivée au point le plus insupportable de ses tensions internes, était appelée à se dépasser et à se transformer en une nouvelle synthèse.

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