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1. INTRODUCTION

1.8. LE VIELLISSEMENT

1.8.1. Les théories biologiques du vieillissement

1.8.1.1. La théorie des radicaux libres

En 1956, le Dr Harman émet l’hypothèse selon laquelle l’accumulation de radicaux libres menant à des dommages oxydatifs cellulaires serait un élément important dans le processus du vieillissement (Harman, 1956). Aujourd’hui, il s’agit de la théorie du vieillissement la plus connue et acceptée de la communauté scientifique. Le stress oxydant est défini comme le déséquilibre entre les systèmes pro-oxydants, générateurs d’espèces réactives à l’oxygène (ROS) et les systèmes antioxydants de la cellule (Figure 5) (Finkel et Holdbrook, 2000). Il peut être causé par une augmentation de la production des ROS mais aussi par une diminution d’efficacité des systèmes antioxydants (Sohal et Weindruch, 1996). Plusieurs types de ROS peuvent être formés tels que l’anion superoxyde (O2-), le peroxyde

d’hydrogène (H2O2) et les radicaux hydroxyles (OH-) (Fang et al., 2002). Afin de contrer les

effets négatifs de la production de ROS, les cellules possèdent des systèmes de défense antioxydants. Les enzymes antioxydants les plus importants sont les superoxydes dismutases (SOD) à manganèse (Mn) et à cuivre (Cu)/zinc (Zn), qui se retrouvent dans la mitochondrie et le cytosol, respectivement, ainsi que la catalase (CAT) localisée dans les peroxysomes, et la glutathione peroxydase (GPX) qui peut être cytosolique, membranaire ou

mitochondriale (Barja, 2004). La SOD catalyse la réaction de formation d’H2O2 à partir du

radical O2-, alors que la CAT réduit le H2O2 en H2O et O2, grâce à un transfert d'électrons

entre deux molécules d'H2O2 (McCord, 2000). Finalement, la GPX réduit le H2O2 en H2O,

en oxydant le glutathion (GSH à GSSG), lequel est régénéré en GSH grâce à la glutathione réductase (Mari et al., 2009). De nombreuses études ont examiné les niveaux d’expression ainsi que l’activité des systèmes antioxydants dans plusieurs tissus au cours du vieillissement. Toutefois, les résultats obtenus sont souvent divergents (Barja, 2004). Chez les rats âgés de 28 mois, les niveaux d’ARNm ainsi que l’activité des enzymes CAT et SOD Cu/Zn sont diminués dans le foie (Rao et al., 1990). Dans le cerveau de rats âgés, des études ont rapporté des changements d’activité de la GPX, de la SOD et de la glutathione réductase selon l’âge et la région du cerveau étudiée (Benzi et Moretti, 1995).

La production abondante de radicaux libres mène entre autres à la peroxydation des lipides (LPO), réaction en plusieurs étapes, dont l’initiation débute par l’action d’un radical hydroxyle qui soustrait un atome d’hydrogène (H) d’une double liaison d’un acide gras polyinsaturé et se termine par la génération en chaîne de radicaux peroxyles qui se combinent à un H+ pour former des lipides hydroxyperoxydes (Dmitriev et Titiov, 2010). La LPO génère plusieurs sous-produits dont l’isoprostane, le malondialdéhyde (MDA) ainsi que le 4-hydroxynonénal (4-HNE) qui sont très utilisés comme marqueurs biologiques de l’état de stress oxydant cellulaire (Marnett, 1999). Les attaques de la membrane lipidique cellulaire altèrent la fluidité membranaire (Hong et al., 2004) et modifient ainsi le fonctionnement de plusieurs récepteurs membranaires et voies de signalisation (Van der Vliet et Bast, 1992). Une étude récente chez des rats de 15 et 26 mois a rapporté une augmentation de la LPO, mesurée par les substances réactives à l’acide thiobarbiturique (TBARS) dans des homogénats de cerveau (Babusikova et al., 2007).

L’agression des protéines par les ROS se traduit soit par l’oxydation et le clivage des liaisons protéiques ou encore des modifications des chaînes latérales (Levine et Stadtman, 2001). La modification la plus fréquente des protéines est la formation des groupes

FIGURE 4 : Principales théories biologiques du vieillissement

carbonyls visant particulièrement les acides aminés arginine, lysine, thréonine et proline (Hipkiss, 2006). L’oxydation des protéines mène à la perte de leur fonctionnalité et pourrait même entrainer des interactions moléculaires intra- ou inter-protéines ayant des conséquences délétères (Hipkiss, 2006). Des systèmes de protection sont présents dans l’organisme pour contrer l’accumulation des protéines endommagées. En premier lieu, les protéines chaperonnes (HSP ou heat-shock proteins), responsables du repliement des protéines nouvellement formées, reconnaissent les protéines oxydées et tentent de les replier convenablement. Sinon, les systèmes de dégradation des protéines tels que le protéasome et les lysosomes prennent en charge les protéines oxydées (Hipkiss, 2006). Toutefois, des dysfonctions et un déclin de l’activité de ces systèmes de dégradation sont observés avec le vieillissement et pourraient contribuer à l’accumulation des protéines endommagées (Martinez-Vincente et al., 2005). Dans les mitochondries de cerveau et de foie de rats âgés de 15 et 23 mois, les niveaux de protéines carbonylées augmentent en fonction de l’âge (Navaro et Boveris, 2004).

L’ADN est également un type de molécule très vulnérable à l’action des ROS. Le stress oxydant peut endommager l’ADN de façon directe, par l’oxydation des acides nucléiques ou du désoxyribose, ou de façon indirecte, par l’addition de composés formés durant la LPO. Une des réactions les plus étudiées est l’addition d’un groupement OH au carbone 8 de la guanine pour former le 8-oxo-désoxyguanine (8-oxodG) (Stuart et Brown, 2006). Ces perturbations de l’ADN sont souvent prises en charge par les systèmes de réparation de l’ADN (Croteau et Bohr, 1997). Néanmoins, la surcharge ou encore des dérèglements de ces systèmes peuvent entraîner des erreurs de la réplication de l’ADN, dues aux mutations ponctuelles, menant à la synthèse de protéines non-fonctionnelles ou à l’apoptose. L’ADN mitochondrial est particulièrement vulnérable à l’oxydation par les ROS à cause de sa proximité avec les sites de production des superoxydes (Stuart et Brown, 2006).

FIGURE 5 : La réponse cellulaire au stress oxydant

ROS

: O2- , OH -, H2O2 Sources endogènes: Mitochondrie NADPH oxydase Cytochrome P450 Sources exogènes: UV Chimiques Environnementales Systèmes antioxydants Enzymatiques : CAT, SOD, GPX Non-Enzymatiques : Glutathion,

Vitamines, Phytoéléments

Homéostasie Dérèglements de la

balance antioxydante

Dommages cellulaires : • Oxydation des lipides • Oxydation ADN • Oxydation protéines • Oxydation polysaccharides Voies de signalisation : • NFκB • TNF-α • cJUN/ AP1 • MAPK/JNK/P38 • JAK/STAT

Vieillissement, Mort cellulaire, Maladies chroniques

Stress oxydant

Inspiré de: Finkel T et Holbrook NJ. Oxidants, oxidative stress and the biology of ageing. Nature. 2000; 408(6809), 239-47.

Une élévation des niveaux de 8-oxodG a été associée au vieillissement. Des niveaux plus élevés de 8-oxodG ont été retrouvés dans le foie de rats âgés de 23 mois comparativement à ceux de 6 mois (Hudson et al., 1998). Chez la souris de 27 mois, une augmentation des niveaux de 8-oxodG a également été observée dans le muscle squelettique, le cœur et le cerveau (Sohal et al., 1994).

Bien que moins étudié l’oxydation des polysaccharides n’en demeure pas moins importante. Les ROS peuvent attaquer les protéoglycans renfermés dans la matrice du cartilage articulaire favorisant le développement de l’arthrose (Yudoh et al., 2005). Les radicaux hydroxyles agissent en soustrayant un hydrogène aux carbones de la molécule de glucide entravant ainsi la structure moléculaire.

Les ROS ont également la capacité d’activer certaines voies de signalisation en situation physiologique, leur permettant de réguler différentes fonctions cellulaires telles que la prolifération, l’apoptose, la réponse immunitaire et la réponse inflammatoire (Figure 5) (Seifried et al., 2007). Ainsi, les voies ERK, Pi3K/AKT et NF-κB exercent des effets qui

favorisent la survie cellulaire alors que celles impliquant P53, JNK et P38 mènent à l’apoptose (Finkel et Holdbrooks, 2000). En situation de stress oxydant une dérégulation de ces voies de signalisation contribue au vieillissement ou à l’exacerbation des différentes pathologies chroniques qui y sont associées (Finkel et Holdbrook, 2000).