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Introduction

Le constat rapide de la nécessité pour les Communautés européennes de protéger les droits de l’homme a conduit à la coexistence de deux systèmes de protection des droits de l’homme en Europe, outre les systèmes nationaux. Tentant de dégager la nature des relations qui se développent entre ces différentes instances, je propose de partir de l’étude du système communautaire. Sans doute ce choix se justifie -t-il par le fait qu’il est essentiel de pouvoir mesurer le niveau de protection réel atteint par un système qui ne se revendique pas dès ses débuts d’une vocation à protéger les droits de l’homme avant de pouvoir étudier les relations qu’il entretient avec le système originellement spécialisé en la matière et, par conséquent, dont le niveau de protection est le mieux connu. En outre, le fait que les blocages politiques, relatifs aux rapports entre ces deux systèmes prennent leur source essentiellement dans le système communautaire renforce le caractère primordial de cette première analyse détaillée du système de protection des droits de l‘homme de l’Europe des quinze.

Titre premier : De la Communauté économique à la Communauté de droit

Chapitre premier : L’époque de l‘intégration économique On vient de voir dans la partie précédente que les Communautés européennes n’avaient pas originellement reçu de vocation à protéger les droits de l’homme. Les traités fondateurs n’avaient pas prévu de catalogue de droits fondamentaux. Seules quelques libertés fondamentales y étaient garanties, telles que la liberté de circuler et de séjourner pour les travailleurs. S’y ajoutent, le principe d’égalité pour les rémunérations ainsi que son dérivé, le principe de non-discrimination. Il est aisé de constater que ces protections ont avant tout été érigées dans un but essentiellement d’intégration économique.48

48 Notons que l’absence de protection des droits fondamentaux pouvait déjà être mise en évidence étant donné que ceux-ci pouvaient interférer avec n’importe quel domaine d’activité des Communautés européennes.

Cette remarque étant d’autant plus importante qu’en ce qui concerne le traité instituant la Communauté européenne de Défense du 27 mai 1952, une obligation de respect des “libertés publiques et des droits fondamentaux des individus" (art. 3) était prévue. De même le projet de traité du 26 février 1953, sur la création de la Communauté Politique Européenne, intégrait à son statut les dispositions substantielles de la CEDH (art.3) et conférait à la CJCE compétence en la matière (art.43).

Voir sur ce point : F. Sudre, “La Communauté européenne et les droits fondamentaux après le Traité d’Amsterdam, Vers un nouveau système européen de protection des droits de l’homme?“, La Semaine juridique-édition générale, n° 1-2, 7 janv. 1998, p.10 et s.

Ce silence des traités est sans doute lié à l’échec des projets de Communauté européenne de Défense et de Communauté politique européenne. Citant Monsieur Dauses, on peut dire que l’euphorie du début a fait place à une sobriété tout utilitaire, et l’on a perdu de vue l’idée plus générale des droits fondamentaux et des droits de l’homme. (M.A., Dauses,“La protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique communautaire“, RTDE, 1984, p.17).

Notons que la carence des droits fondamentaux se ressent très fortement si l’on met en exergue le fait que, d’une part, même le traité de

Corrélativement à ce premier constat, la Cour de justice des Communautés européennes ne s’est pas estimée compétente pour juger les affaires dans lesquelles la violation de droits fondamentaux était mise en cause. La Cour adopta une attitude défensive en la matière, refusant d’examiner la légalité des actes communautaires au regard de ces droits. Dans un arrêt Stork du 4 février 195949, la Cour souligna qu’elle n’avait “pas à assurer le respect des règles de droit interne, mêmes constitutionnelles, en vigueur dans l’un ou l’autre Etat membre“50. Elle arrêta que “La Haute Autorité n’est appelée à appliquer que le droit de la CE, qu’elle n’est pas compétente pour appliquer le droit interne des Etats membres, (...) qu’elle n’a pas à se prononcer sur les règles du droit interne, y compris le droit constitutionnel (...)“, et que “la Cour ne saurait examiner le grief selon lequel en prenant sa décision, la Haute Autorité aurait violé des principes du droit constitutionnel allemand“.

Les affaires Stork et Ruhrkohlen51 (réitération de la première décision de la Cour) ont été interprétées comme une “phase nationale“ dans la jurisprudence de la Cour dans laquelle cette dernière s’est plutôt considérée comme un tribunal international concerné par la division des compétences entre la Communauté et ses Etats membres. Suivant cette interprétation, les questions concernant la conformité du droit de la Communauté avec les droits de l’homme ont logiquement été laissées à l’appréciation des cours nationales.52

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Bruxelles instituant l’UEO, dont les activités sont essentiellement d’ordre militaire, affirme dans son préambule, la foi des Etats contractants “dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine“, et que d’autre part, la délégation allemande avait souhaité cette protection au sein du système communautaire.

49 CJCE, Friedridh Stork et Cie c. Haute Autorité, 4 février 1959, Affaire 1/58, Rec., p.50.

50 R. Dehousse, La Cour de Justice des Communautés européennes, Paris, Montchrestien, 2e éd., 1997, p.59.

51 La Cour adopta la même position dans l’arrêt Ruhrkohlen (CJCE, Ruhrkohlen, affaires jointes 36-38 et 40-59, Rec., p.885).

52 H. K., Nielsen, “The Protection of Fundamental Rights in the Law of

Chapitre II : Pression du niveau national pour la protection des