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La théorie de la peine justifiée

Dans le document COURS DE MADAME LE PROFESSEUR YVONNE FLOUR (Page 174-180)

4 - Une juste distance ou réflexions sur l'impartialité du magistrat Par Dominique Noëlle Commaret

B. La théorie de la peine justifiée

Une expression spécifique à la Chambre criminelle du moyen relevé d'office tient à la faculté qu'elle s'est donnée d'approuver une décision de culpabilité aux motifs que la critique ne serait que partiellement fondée.

Depuis un arrêt des Chambres réunies du 30 mars 1847(66), la Chambre criminelle sauve de l'annulation la décision qui lui est soumise lorsqu'en dépit d'une qualification erronée, elle prononce une peine qui aurait effectivement été encourue si les faits avaient été exactement qualifiés.

Son fondement légal improbable - l'article 598 du code de procédure pénale n'écarte l'annulation d'un arrêt qui prononce une peine "justifiée" que dans l'hypothèse d'une

« erreur dans la citation du texte de loi » - lui a valu d'être qualifiée d'« expédient » par un éminent auteur(67).

Exploitant les ressources de la technique de cassation (1), la théorie de la peine justifiée heurte le principe d'égalité des justiciables, dans un domaine où il devrait s'imposer avec vigueur (2).

1. La technique

Elle consiste à déclarer justifié le dispositif d'un arrêt de condamnation, lorsque la peine prononcée est identique à celle que le juge du fond aurait pu prononcer si l'erreur n'avait pas été commise(68). Le moyen de cassation qui critique la qualification erronée, pour pertinent qu'il soit, est inopérant.

Lorsqu'une seule infraction a été commise, la Chambre criminelle procède par substitution de base légale, pour affirmer que la peine est justifiée. Si plusieurs infractions ont été commises, elle dit n'y avoir lieu à examiner le moyen, la peine prononcée étant justifiée au regard des infractions qui ont été légalement constatées.

Une technique identique est mise en œuvre pour déclarer légalement justifié l'arrêt qui, par erreur, a condamné le prévenu en qualité d'auteur principal d'une infraction alors qu'il n'en était que le complice(69), ou pour avoir commis une infraction alors qu'il était l'auteur d'une simple tentative.

La théorie de la peine justifiée ne se déploie toutefois pas sans limite. Elle doit être écartée lorsqu'elle conduit à méconnaître les règles d'ordre public relatives à l'organisation et à la compétence des juridictions pénales(70).

Elle est également inapplicable lorsque la circonstance aggravante de récidive a été retenue à tort par les juges du fond, la Cour de cassation considérant, dans cette hypothèse, que « la constatation injustifiée de l'état de récidive a pu exercer une influence sur l'application de la peine et préjudicier ainsi au demandeur »(71).

Cette dernière concession démontre encore que la théorie de la peine justifiée n'est pas satisfaisante, puisqu'elle produit des effets défavorables au prévenu ou à l'accusé, qu'il n'aurait pas eu à subir s'il avait été poursuivi sous une qualification exacte.

Il est vrai que le revirement de jurisprudence intervenu en matière de requalification permet de pallier certains effets néfastes de la peine justifiée(72). 2. La rupture d'égalité

Le rejet d'un pourvoi sur le fondement de la théorie de la peine justifiée entraîne une rupture d'égalité.

En premier lieu, si la peine prononcée par l'arrêt attaqué est légalement justifiée, en ce qu'elle entre dans les prévisions du texte d'incrimination, il est probable que l'erreur de qualification a, dans l'esprit du juge, influé sur le quantum ou la nature de la peine.

Ainsi qu'il a été exactement observé, le condamné se voit « refuser en définitive la garantie élémentaire d'une sanction appropriée »(73), en méconnaissance du principe de personnalisation de la peine.

De même, il est permis de penser qu'il n'est pas indifférent au juge qui prononce la peine que le prévenu soit auteur ou complice de l'infraction ou que l'infraction ait été tentée ou consommée.

L'accusé a sans nul doute, à sanction égale, un intérêt moral à être condamné pour une infraction plutôt que pour plusieurs ou sous une qualification plutôt qu'une autre, à la connotation sociale éventuellement plus infamante et dont les conséquences peuvent être distinctes qu'il s'agisse du casier judiciaire ou de suites disciplinaires éventuelles.

Il est vrai que dans certains cas, la Chambre criminelle s'est prononcée sur la valeur d'un moyen contestant une infraction pour désapprouver la solution retenue par les juges du fond tout en s'abstenant de censurer l'arrêt attaqué en application de cette théorie(74).

En deuxième lieu, quoiqu'erronée, la déclaration de culpabilité, revêtue de l'autorité de la chose jugée, n'en va pas moins produire tous ses effets en matière de récidive, comme si l'infraction retenue avait été réellement commise.

S'il est vrai que la Cour de cassation s'est parfois efforcée d'inclure dans le dispositif une mention selon laquelle son arrêt ne pourra servir de base à la récidive(75), il a été

observé qu' « il s'agit là d'un vœu pieux qui ne peut s'opposer au jeu normal de l'autorité de la chose jugée »(76).

Enfin, le recours à la peine justifiée, en ce qu'il implique le maintien de la déclaration de culpabilité, entraîne également des difficultés au regard des intérêts civils.

Lorsque l'arrêt ne retient qu'une infraction, dont la qualification est erronée, il est vrai que les réparations civiles sont en principe justifiées puisque le fait dommageable ne varie pas. En revanche, le maintien des réparations civiles en cas de pluralité d'infractions conduit à condamner l'accusé à supporter les conséquences civiles d'un fait qu'il n'a pas commis.

La Cour de cassation, par un arrêt ancien, avait pourtant décidé que la déclaration de culpabilité, erronée mais définitive, pouvait fonder des condamnations à dommages et intérêts au profit de la victime, bien qu'un seul des deux délits retenus dans la déclaration de culpabilité soit légalement constitué(77).

Puis, convenant qu'il était impossible de maintenir une condamnation à réparer le préjudice causé par plusieurs infractions alors que l'une d'elles n'a pas été commise, elle a choisi de prononcer une cassation limitée aux intérêts civils(78).

Un auteur -haut magistrat du parquet- avait plaidé l'abandon de cette théorie : c'était en 1965(79). Au regard des nouvelles exigences du procès équitable on ne peut que souscrire de plus fort à ce vœu.

Force est de constater que la procédure suivie devant la Chambre criminelle respecte pour l'essentiel le principe d'égalité, même si des incertitudes subsistent.

Si l'égalité est un principe fondateur de la démocratie, elle doit, à son image, poursuivre un développement graduel mais irrévocable, sans que « la grandeur de ce qui est déjà fait empêche de prévoir ce qui peut se faire encore »(80).

NOTES

1. «Tous les citoyens sans distinction plaident dans la même forme, devant les mêmes juges, dans les mêmes cas».

2. Conseil d'Etat, Rapport public 1996, n 48, Sur le principe d'égalité, p. 21, La Documentation française, 1997.

3. Cons. Const., 23 juillet 1975, DC n75-5, AJDA 1976, p. 44, note J. Rivero, JCP éd.. G 1975, II, 18200, note C. Franck, décision qui censure la disposition visant à laisser au président du tribunal de grande instance la faculté de décider de manière discrétionnaire de la composition du tribunal appelé à statuer en matière correctionnelle.

4. G. Vedel, préface de la thèse de P. Delvolvé, Le principe d'égalité devant les charges publiques, LGDJ 1969, p. XIII.

5. article 14 : « tous sont égaux devant les tribunaux et cours de justice ».

6. par exemple : CEDH, 6 mai 1985, Bönisch c/ Autriche, A.92; 27 octobre 1993, Dombo Beheer BV c/ Pays-Bas, A.274, JCP éd. G 1994, I, 3742, obs. F. Sudre ; en outre, le protocole additionnel n 12 du 4 novembre 2000 rappelle le « principe fondamental selon lequel toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi », enjoignant aux Etats membres du Conseil de l'Europe d'assurer la jouissance sans discrimination de tout droit prévu par la loi.

7. art. 1er de la loi n 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : « les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles ».

8. par exemple : CEDH, Dombo Beheer, préc.

9. Cass. Crim., 7 octobre 2003, Droit pénal 2004, comm. n 13, obs. A. Maron ; Cass. Crim., 6 mai 1997, Bull. crim., n170, p. 566.

10. CEDH, 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique, A.11; 26 octobre 1984, De Cubber c/ Belgique, A.86; 26 mai 1988, Ekbatani c/ Suède, A.134.

11. J. Barthélémy, Le droit au pourvoi in Le juge entre deux millénaires, Mélanges offerts à P. Drai, Dalloz 2000, p. 185.

12. CE Ass., 19 octobre 1962, Canal, Robin et Godot, Rec. p. 552, AJDA 1962, p. 612, note de Laubadère.

13. CE Ass., 7 février 1947, D'Aillières, Rec., p. 50, RDP 1947, p. 68, concl. Odent, note Waline.

14. Cass. Crim., 7 octobre 2003, préc.

15. Cass. Civ. 1ère, 6 décembre 1994, Bull. civ. I, n 364, p. 263; Cass. Civ. 2ème, 9 mai 1983, Bull. civ. II, n 107, p. 74.

16. Cass. Crim., 17 mai 1984, Bull. crim., n 183, p. 473, JCP éd. G 1985, II, 20332 note J. Borricand, D. 1984, jur. p. 536, note W. Jeandidier : recevabilité du pourvoi contre l'avis émis par une chambre d'accusation en dépit des termes de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927.

17. Cass. Crim., 18 décembre 2001, Bull. crim., n 271, p. 888 ; 17 décembre 2002, n 228, p. 838.

18. Ord. Prés., 5 mai 1997, Bull. crim., n 160, p. 530 ; Cass. Crim., 18 septembre 2001, Bull. crim., n 180, p. 587 ; 11 décembre 2001, n 257, p. 850.

19. Cass. Crim., 26 février 1997, Bull. crim., n 78, p. 252, D. 1997, jur. p. 297, note J. Pradel.

20. CEDH, 14 décembre 1999, Khalfaoui, JCP éd. G 2000, I, p. 203, obs. F. Sudre, D. 2000, somm. comm. p. 180, obs. J.-F. Renucci, arrêt qui condamne la mise en état ; voir également : CEDH, 23 novembre 1993, Poitrimol, D. 1994, somm. comm. p. 187, obs. J. Pradel ; 29 juillet 1998, Omar et Guérin, D. 1998, somm. comm. p. 364, obs.

J.-F. Renucci, JCP éd. G 1999, I, 105, obs. F. Sudre.

21. Cass. Crim., 30 juin 1999, Bull. crim., n 167, p. 478, Droit pénal 1999, comm. n 156, obs. A. Maron.

22. La loi n 2000-516 du 15 juin 2000 a abrogé l'article 583 du code de procédure pénale ; pour un exemple de la jurisprudence antérieure : Cass. Crim., 30 juin 1999, Bull.

crim., n 167, p. 478.

23. article 66 du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; sur l'incompatibilité de l'article 636 du code de procédure pénale avec l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme : CEDH, 13 février 2001, Krombach c/ France, D. 2001, p. 3302, note J.-P. Marguénaud.

24. Cass. Crim., 12 mars 1959, Bull. crim., n 175, p. 349 qui déclare irrecevable un pourvoi formé par une partie civile bien qu' « en l'état de ces motifs dont les uns sont erronés et les autres inopérants ou contradictoires, la chambre d'accusation, loin d'avoir légalement justifié sa décision, [ait] méconnu les dispositions de l'article 341 du Code pénal dont les circonstances de fait, telles que l'arrêt les avait lui-même énoncées, commandaient l'application ».

25. Cass. Crim., 8 décembre 1906, arrêt Laurent-Athalin, Les grands arrêts du droit criminel, Dalloz 1995, T. 2, p.38 ; J. Brouchot, L'arrêt Laurent-Athalin, sa genèse et ses conséquences in La Chambre criminelle et sa jurisprudence, Recueil d'études en hommage à la mémoire de Maurice Patin, Editions Cujas, p. 412.

26. voir notamment sur les pouvoirs propres du ministère public : Cass. Crim., 5 mars 1970, Bull. crim., n 93, p. 215, JCP éd. G 1970, II, 16556, note M.-L. Rassat.

27. CEDH, 3 décembre 2002, Berger c/ France, req. n 48221/99 ; Cass. Crim., 23 novembre 1999, Bull. crim., n 268, p. 836.

28. Cass. Crim., 2 décembre 1998, Bull. crim., n 327, p. 948 ; voir également : Cass. Crim., 30 avril 1996, Bull. crim., n 178, p. 510.

29. Cass. Crim., 1er décembre 1960, Bull. crim., n 565, p. 1108.

30. Cass. Crim., 22 juin 1994, Bull. crim., n 248, p. 604, JCP éd. G 1994, II, 22310, obs. M.-L. Rassat.

31. Cass. Crim., 6 mars 1990, Bull. crim., n 104, p. 270 et les arrêts cités ; et Cass. Crim., 30 janvier 2002, Bull. crim., n 14, p. 36.

32. CEDH, 20 févr. 1996, arrêt Vermeulen c/ Belgique et Lobo Machado c/ Portugal, JCP éd. G 1997, I, 4000, obs. F. Sudre, RTD civ. 1996, p. 1028, obs. J.-P.

Marguénaud.

33. CEDH, 31 mars 1998, Reinhardt et Slimane Kaïd c/ France, JCP éd. G 1999, II, 10074, note S. Soler.

34. CEDH, 26 juillet 2002, Meftah c/ France, D. 2003, somm. comm. p. 594, note N. Fricero; 27 novembre 2003, Slimane-Kaid c/ France (2), req. n 48943/99.

35. CEDH, Slimane Kaïd (1) et (2), préc.

36. CEDH, 30 octobre 1991, Borgers c/ Belgique, série A, n 214-A; CEDH, Slimane Kaïd (1) et (2), préc.

37. J. Sainte-Rose, Le parquet général de la Cour de cassation "réformé" par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, mythe ou réalité ? D. 2003, p.

1443.

38. Cass. Crim., 23 janvier 2001, Bull. crim., n 17, p. 42.

39. Cass. Crim., 10 décembre 2002, Bull. crim., n 221, p. 820.

40. A. Lyon-Caen, Les avocats dans les procédures écrites in Le juge entre deux millénaires, préc., p. 415.

41. Arrêts rendus par les chambres de l'instruction en matière de détention provisoire et de mise en accusation.

42. Cass. Crim., 30 octobre 2000, Bull. crim., n 320, p. 951.

43. CEDH, 8 juillet 2003, Fontaine et Bertin c/ France, req. nos 38410/97 et 40373/98.

44. CEDH, 8 février 2000, Voisine c/ France, D. 2000, somm. comm. p. 186, obs. N. Fricero; 26 juillet 2002, Meftah c/ France, préc.

45. G. Canivet, L'accès au juge de cassation et le principe d'égalité, PA 2002, p. 15 ; voir aussi l'étude de M. Canivet, en page 45, au présent rapport.

46. Sur le droit d'accès effectif au juge : CEDH, 9 octobre 1979, Airey c/ Irlande, série A, n 32.

47. Cons. Const. 23 juillet 1975, préc.

48. Cons. Const., 19-20 janvier 1981, DC n 80-127 (sécurité et liberté) ; 3 septembre 1986, DC n 86-21.

49. E. Baraduc, Le juge civil de cassation, le moyen relevé d'office et le principe de la contradiction, à paraître.

50. J. Boré, La cassation en matière pénale, LGDJ 1985, §3086.

51. G. Bolard, L'arbitraire du juge in Le juge entre deux millénaires, préc., p. 225.

52. P. Decheix, En finir avec l'hypocrisie de la correctionnalisation judiciaire, GP 1970, 2, doct., p. 180.

53. Pradel et Varinard, Les grands arrêts du droit criminel, Dalloz 1995, T. 2, p. 25.

54. article 55 du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

55. E. Baraduc, préc.

56. CEDH, 25 mars 1999, Pélissier et Sassi c/ France, req. n 25444/94, Procédures 1999, comm. n 186, obs. J. Buisson, JCP éd. G 2000, I, 203, obs. F. Sudre.

57. Cass. Crim., 16 mai 2001, Bull. crim., n 128, p. 394 ; 12 septembre 2001, n 177, p. 577 ; 17 octobre 2001, n 213, p. 681 ; 5 mars 2003, n 60, p. 226 ; 4 novembre 2003, BICC 1er février 2004, n 137 : s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que les prévenus aient été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée, jurisprudence qui revient sur la solution antérieure selon laquelle les juges ont le devoir de restituer à la poursuite sa qualification véritable sous la seule réserve de ne pas ajouter aux faits visés par la prévention ; voir par exemple : Cass. Crim., 29 octobre 1996, Bull. crim., n 378, p. 1103.

58. E. Baraduc, article préc.

59. Cass. Crim., 12 janvier 1923, DP 1924.1.57.

60. P.-E. Trousse, Le moyen d'office dans la jurisprudence de la Chambre criminelle des Cours de cassation de France et de Belgique, Mélanges Patin, préc., p.654.

61. Cass. Crim., 17 janvier 1991 et 21 février 1991, Droit pénal 1991, comm. n 162, obs. A. Maron.

62. Cass. Crim., 29 février 2000, Bull. crim., n 90, p. 264 ; sur la consécration législative de cette jurisprudence, voir l'article 67 du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

63. Cass. Crim., 24 juillet 1956, Bull. crim., n 574, p. 1031.

64. voir par exemple : Cass. Crim., 10 novembre 1998, Bull. crim., n 294, p. 850.

65. J.-M. Robert , La peine justifiée, Mélanges Patin, préc., p. 567.

66. Cass. 30 mars 1847, D. 1847.1.168.

67. Maurice Patin, Essai sur la peine justifiée, Thèse Paris, 1936.

68. J.-M. Robert , La peine justifiée, préc.

69. Cass. Crim., 30 janvier 1979, Bull. crim., n 44, p. 125.

70. Cass. Crim., 1er juillet 1997, Bull. crim., n 261, p. 892.

71. Cass. Crim., 5 janvier 1965, Bull. crim., n 3, p. 4 ; 23 mars 1982, n 84, p. 228.

72. cf. supra, note 57.

73. J. Boré, La cassation en matière pénale, § 3166.

74. Cass. Crim., 10 avril 1997, Bull. crim., n 139, p. 464.

75. Cass. Crim., 10 novembre 1899, D. 1900.1.403.

76. M.-L. Rassat, Traité de procédure pénale, PUF 2001, §500.

77. Cass. Crim., 14 mai 1915, Bull. crim., n 96.

78. voir par exemple : Cass. Crim., 29 novembre 1951, Bull. crim. n 327, p. 548 ; 8 octobre 1963, n 271, p. 567, même si certaines décisions ont pu faire naître une incertitude : Cass. Crim., 21 mai 1997, Bull. crim., n 193, p. 625.

79. J.-M. Robert, La peine justifiée, préc.

80. A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique,12ème éd. Paris, Pagnerre éditeur, 1848, introduction p. 8.

ARRETS

6 – CEDH, 20 février 1996, Vermeulen : D., 1997, somm. p. 208, note N. Fricero ; Journ. dr. intern., 1997, p. 203, note P.

Bodeau

«

I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 6 PAR. 1 (art. 6-1) DE LA CONVENTION

27. M. Vermeulen alle•gue une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, aux termes duquel

"Toute personne a droit a• ce que sa cause soit entendue e•quitablement (...) par un tribunal (...) impartial (...) qui de•cidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caracte•re civil (...)"

Il se plaint d'abord de n'avoir pu, par son conseil, re•pondre aux conclusions de l'avocat ge•ne•ral ni prendre la parole en dernier a• l'audience du 10 mai 1991 devant la Cour de cassation (paragraphe 13 ci-dessus); en second lieu, il de•nonce la participation du repre•sentant du ministe•re public au de•libe•re• qui suivit aussito•t apre•s. Bien que civile, la pre•sente espe•ce ne se distinguerait pas a• ce point de l'affaire Borgers (paragraphe 3 ci-dessus) qu'il faille lui appliquer une autre solution.

En substance, la Commission souscrit a• cette the•se.

28. Pour le Gouvernement, les diffe•rences fondamentales entre les proce•dures pe•nale et civile devant la Cour de cassation commandent de s'e•carter en l'espe•ce de la jurisprudence Borgers.

Si, dans une instance pe•nale, un accuse• non averti peut prendre le membre du parquet pour un "allie•" ou un "adversaire objectif" (arre•t Borgers pre•cite•, p. 32, par. 26), ceci parai•t exclu au civil, ou• le ve•ritable ro•le du ministe•re public ne se pre•te a• aucun malentendu; les apparences y sont plus conformes a• la re•alite•.

Au pe•nal, en effet, le parquet qui a diligente• les poursuites devant les juridictions du fond est absent; aussi le demandeur y comparai•t-il face a• un membre du parquet de cassation. A l'audience civile au contraire, rien de tel; les demandeur et de•fendeur y sont tous deux repre•sente•s par un avocat a• la Cour de cassation, en sorte

qu'aucun d'eux - a• supposer me•me qu'ils soient pre•sents, ce qui est tre•s rare - ne saurait confondre le parquet avec la partie adverse. Il n'en irait pas autrement en l'espe•ce: M. Vermeulen, demandeur en cassation, y e•tait oppose• au curateur a• sa faillite (paragraphe 10 ci-dessus).

Au pe•nal comme au civil, le ministe•re public pre•s la Cour de cassation n'a d'autre ta•che que de conseiller cette juridiction en toute neutralite• et objectivite•, comme amicus curiae, tant et si bien qu'il peut conclure diffe•remment sur chacun des moyens souleve•s par un me•me plaideur. Cela prouverait bien qu'en re•alite• il n'est l'"adversaire" ni l'"allie•" de

personne.

Il en irait d'autant plus ainsi dans une proce•dure civile, car le de•bat y est strictement circonscrit aux moyens pre•sente•s dans le pourvoi du demandeur et le ministe•re public ne peut, d'office, en soulever d'autres, me•me d'ordre public. Celui-ci y voit donc son ro•le encore plus de•marque• de celui des seuls ve•ritables adversaires, les plaideurs.

Bref, le parquet de cassation n'ayant pas la qualite• de partie au proce•s, il n'y aurait pas lieu de lui appliquer le principe de l'e•galite• des armes, a• tout le moins au civil.

29. La Cour rele•ve d'abord que la nature des fonctions du ministe•re public a• la Cour de cassation - le Gouvernement en convient - ne varie pas selon que l'affaire est civile ou pe•nale.

Dans les deux cas, il a pour ta•che principale, a• l'audience comme en de•libe•ration, d'assister la Cour de cassation et de veiller au maintien de l'unite• de la jurisprudence.

Qu'au civil il ne puisse soulever des moyens d'office, n'affecte que l'e•tendue des fonctions, pas leur nature.

30. Il e•chet de noter ensuite que le parquet ge•ne•ral agit en observant la plus stricte objectivite•. Sur ce point, les constatations des arre•ts Delcourt (pp. 17-19, paras. 32-38) et Borgers (p. 31, par. 24) relatives a• l'inde•pendance et l'impartialite• de la Cour de cassation et de son parquet conservent leur entie•re validite•.

31. Comme de•ja• dans son arre•t Borgers (p. 32, par. 26), la Cour estime toutefois devoir attacher une grande importance au ro•le re•ellement assume• dans la proce•dure par le membre du ministe•re public et plus particulie•rement au contenu et aux effets de ses conclusions. Elles renferment un avis qui emprunte son autorite• a• celle du ministe•re public lui-me•me. Objectif et motive• en droit, ledit avis n'en est pas moins destine• a• conseiller et, partant, influencer la Cour de cassation. A cet e•gard, le Gouvernement souligne l'importance de la contribution du parquet ge•ne•ral au maintien de l'unite• de la jurisprudence de la haute juridiction.

32. Dans son arre•t Delcourt, la Cour a releve•, pour conclure a• l'applicabilite• de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), qu'"un arre•t de la Cour de cassation peut rejaillir a• des degre•s divers sur la situation juridique de l'inte•resse•" (pp. 13-14, par. 25).

Elle a repris cette ide•e a• plusieurs occasions (voir, mutatis mutandis, les arre•ts Pakelli c. Allemagne du 25 avril 1983, se•rie A n° 64, p. 17, par. 36, Pham Hoang c.

France du 25 septembre 1992, se•rie A n° 243, p. 23, par. 40, et Ruiz-Mateos c. Espagne du 23 juin 1993, se•rie A n° 262, p. 25, par. 63). Il n'en va pas autrement en l'espe•ce, car le pourvoi portait sur la le•galite• de la faillite de M. Vermeulen.

France du 25 septembre 1992, se•rie A n° 243, p. 23, par. 40, et Ruiz-Mateos c. Espagne du 23 juin 1993, se•rie A n° 262, p. 25, par. 63). Il n'en va pas autrement en l'espe•ce, car le pourvoi portait sur la le•galite• de la faillite de M. Vermeulen.

Dans le document COURS DE MADAME LE PROFESSEUR YVONNE FLOUR (Page 174-180)

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