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4.2 Liquides de Lüttinger dans les nanotubes de carbone

4.2.1 Théorie effective à basse énergie

La description en termes de liquides de Lüttinger d’un nanotube de carbone ne nécessite aucune approximation car son spectre est linéaire aux basses énergies, c’est-à-dire en excluant les bandes supérieures (cf. Fig. (4.5)) [155]. La topologie de la surface de Fermi a ceci de particulier qu’elle se résume à quatre points indépendants.

Figure 4.5 – Spectre en énergie d’un nanotube de carbone (issu de [155]).

Figure 4.6 – Modélisation du spectre à basses éner-gies.

La maille élementaire du graphène contient deux atomes, donnant lieu à deux sous-réseaux indéxés par p= ±1, ce qui induit l’existence de deux ondes de Bloch dégénérées

χ à chaque point de Fermi. La géométrie tubulaire du nanotube de carbone implique une dépendance des opérateurs fermioniques en fonction de x et z [156] :

b

Ψσ(x, z) =

p,αχ(x, z)ψpασ(x), (4.3)

où x est la variable longitudinale et z varie sur la circonférence du nanotube de carbone. L’indice σ permet de prendre en compte le degré de liberté de spin des électrons. Afin de retrouver une correspondance simple et intuitive de la description de ce conducteur unidimensionnel par la théorie des liquides de Lüttinger développée au deuxième cha-pitre, les indices de sous-réseaux p sont remplaçés par ceux des électrons se déplacant vers la gauche ou vers la droite du spectre grâce à l’utilisation de la matrice unitaire

˜ U= 1 2 1 1 ii ! , ψpασ(x, t) =

r ˜ Uprψrασ(x, t). (4.4)

Comme le montre la figure (4.6), les quatre branches du spectre permettent la propa-gation de huit différents types d’excitations, chacun étant la combinaison des indices suivants :

– α= ±1 pour chaque mode ;

– r= ±1 pour chaque direction de propagation ; – σ= ±1 pour l’orientation du spin.

Afin de compléter la correspondance avec la théorie des liquides de Lüttinger appliquée à un fil quantique, il est nécessaire d’introduire un vecteur d’onde qF qui permet de lever la dégénérescence sur les points de Fermi. Tous ces indices sont définis sur la figure (4.6).

Hamiltoniens du système

Le hamiltonien total du système schématisé par la figure (4.3) se décompose en diffé-rents termes qui font référence à chacune des sous parties de ce système : le hamiltonien tunnel décrivant le transfert d’électrons entre le STM et le nanotube, le hamiltonien de la pointe du STM, celui du nanotube et enfin ceux des deux électrodes. Ces trois dernières contributions forment le hamiltonien général du nanotube de carbone HNTC[157], qui, une fois bosonisé, permet de prendre en compte les interactions coulombiennes et leur force le long du système. Il a pour expression :

HNTC = 1 2

j,δ Z +∞ −∞  vjδ(x)Kjδ(x) xφjδ(x, t)2 + v(x) K(x) xθjδ(x, t)2 dx, (4.5) où les champs bosoniques non chiraux φet θ sont ceux introduits au deuxième cha-pitre. Ils suivent la relation de commutation

φ(x), θj0δ0(x0)

= (i/2)δj,j0δδ,δ0sgn(xx0)

et obéissent aux équations du mouvement :

tθ(x, t) = −vKxφ(x, t), (4.6)

tφ(x, t) = −Kv

xθ(x, t). (4.7)

Ils dépendent, tout comme le paramètre d’interaction coulombienne K et la vitesse dans chaque secteur v =vF/K, de deux indices j et δ. Ces derniers font référence aux quatre types d’excitations qui se propagent dans le nanotube de carbone : jδ =c+pour la charge totale, jδ = cpour la charge relative, jδ = s+ pour le spin total et jδ = s

pour le spin relatif. La position le long de l’axe du nanotube est repérée par x. On posera comme origine de cet axe, la position d’injection des électrons. Les paramètres d’interaction coulombienne ainsi que les vitesses de secteur possèdent une dépendance

spatiale qui permet de décrire, si on le souhaite, le système réservoirs+nanotube par la

théorie des liquides de Lüttinger [140], [139], [158].

Les électrodes étant des métaux à 2 ou 3 dimensions, les paramètres Ksont égaux à 1 pour rendre compte de leur état de liquide de Fermi. Garder le même modèle pour les différents sous-systèmes permet une description cohérente et simple des phénomènes apparaissant dans le nanotube de carbone et aux contacts avec les réservoirs.

Le hamiltonien tunnel, traduisant le processus d’injection d’électrons de la pointe de STM en y=0, où l’axe y rend compte de la position sur la pointe, dans le nanotube de carbone au point x=0, s’écrit :

HT =

r,α,σ

Γ(t)

ψrασ (0, t)Cσ(0, t)

+h.c, (4.8)

où Γ est l’amplitude tunnel, Cσet ψrασsont les champs fermioniques associés à la pointe de STM et au nanotube de carbone.

En adaptant l’identité de bosonisation, développée au chapitre 2, à un système unidi-mensionnel à quatre secteurs, le champ fermionique du nanotube de carbone s’exprime :

ψrασ(x, t) = Frασ

2πaeiαkFx+irqFx+iϕrασ(x,t).

Frασ est le facteur de Klein qui assure des relations de commutation correctes, a est la longueur de coupure, ici reliée au diamètre du nanotube [157], kFet qFsont définis sur la figure (4.6). Ce champ fermionique s’écrit en fonction des champs bosoniques non chiraux via ϕrασ : ϕrασ(x, t) = √ π 2

j,δ hασjδ φ(x, t) + (x, t) , (4.9)

où les coefficients hασc+ = 1, hασc = α, hασs+ = σ et hασs = ασ font le lien entre

les canaux de conduction définis par les indices {r, α, σ}et les secteurs de propagation indexés par{j, δ}.

Afin d’éviter les problèmes liés aux facteurs de Klein, le hamiltonien et les champs fermioniques de la pointe Cσ sont décrits par la théorie des liquides de Lüttinger dans le cas sans interaction [14]. Cela signifie que dans ce métal normal considéré ici comme semi-infini, les interactions coulombiennes ne renormalisent pas la vitesse de Fermi uF, les constantes de chaque secteur Ksont égales à 1. Ainsi, le champ fermionique de la pointe s’exprime en termes de champs bosoniques chiraux :

Cσ(y, t) = fσ

où fσ est le facteur de Klein associé à la pointe de STM.

L’injection par effet tunnel des électrons dans le nanotube de carbone est provoquée par l’application d’une tension au STM. Cette tension est prise en compte dans le modèle via une transformation de jauge ou substitution de Peierls. Elle consiste à faire apparaître dans le hamiltonien tunnel une phase χ(t) qui provient d’un changement de convention dans l’écriture des opérateurs fermioniques. Le hamiltonien étant un invariant de jauge, la phase est incluse dans le terme d’échange Γ(t) = Γeie

¯hcχ(t)

χ(t) = −cR V(t)dt.

L’analyse spectrale du hamiltonien total du système permet d’établir les propriétés de transport à travers celui-ci. Son état hors équilibre nécessite l’utilisation du forma-lisme Keldysh défini au chapitre précédent.

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