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Théorie de la disposition

Dans le document Propriété intellectuelle et indivision (Page 116-119)

DROIT DE PROPRIÉTÉ SUR LA CRÉATION

1. Théorie de la disposition

La différenciation fonctionnelle et classique entre le droit de disposer et l’acte de disposition 3 impose que la notion, pourtant unitaire, de disposition soit définie (a), ce qui permettra ensuite d’en donner le contenu (b). 4

a) Définition du droit de disposer

111. - La notion de disposition est dotée d’un double sens. Disposer

de sa chose, c’est d’abord faire d’elle de ce que l’on veut. Dans cette première acception, la disposition n’est, en fait, qu’un synonyme de la notion de propriété avec laquelle elle se confond. 5 Mais, la disposition a, dans le Code civil, un sens plus technique, qui consiste dans l’accomplissement de la plupart des actes juridiques qu’est susceptible de passer un propriétaire sur sa

1 S. ALMA-DELETTRE, Thèse préc., n°619, p. 425.

2 et non seulement comme l’abusus, défini comme le droit qu’a le propriétaire de disposer de la chose, soit par des actes matériels (consommation, destruction), soit par des actes juridiques, en l’aliénant, J. CARBONNIER, op. cit., n°68, p. 129. L’auteur ajoute qu’au sens strict du terme, le droit de disposer, c’est celui d’aliéner, ibid.

3 La notion d’acte de disposition revêt, en général, la fonction particulière de cerner la capacité juridique d’une personne. On l’oppose alors à l’acte d’administration, notion plus économique que juridique, si l’on en croit l’analyse qu’en a fait un auteur, voir R. VERDOT, La notion d’acte d’administration en droit

privé français, L.G.D.J., Paris, 1963 ; R. VERDOT, « De l’influence du facteur économique sur la

qualification des actes d’administration et des actes de disposition », R.T.D.civ., 1968, pp. 449-478.

4 Les développements qui suivent sont directement issus de l’analyse du professeur Zénati, Essai sur la

nature juridique de la propriété. Contribution à la théorie du droit subjectif, Thèse préc., n°435 et s.,

p. 603 et s. ; « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », R.T.D.civ., 1993, pp. 305-323, sp. p. 318.

5 « Grâce à son monopole, le propriétaire peut faire de la chose ce que bon lui semble sans qu’il y ait le

moindre intérêt à inventorier les avantages qu’il peut en retirer », F. ZÉNATI, « Pour une rénovation de

chose. En ce sens, le droit de disposer est tributaire de la relation d’exclusivité, puisque c’est grâce à cette relation dont jouit le propriétaire qu’il peut agir sur la chose. Néanmoins, la notion mérite d’être précisée plus avant.

S’il permet au propriétaire d’agir sur ses biens, le droit de disposer ne permet, en tant qu’attribut de la propriété, et par opposition à la jouissance 1, de n’effectuer que des actes juridiques. 2 De ce fait, disposer n’est pas une simple utilité résultant de l’appropriation mais un véritable attribut de la propriété. 3 Ainsi, la disposition n’épuise pas toutes les formes de l’activité du propriétaire : seule l’activité juridique qui met en cause la situation juridique du bien intéresse ici. La disposition est ainsi le pouvoir de mettre le bien dans une situation nouvelle. 4 Ce qui signifie que la disposition ne s’entend pas seulement de l’aliénation (abusus), manifestation privilégiée du droit de disposer à laquelle elle est traditionnellement réduite. On peut, en effet, ajouter à l’aliénation du bien (acte translatif), l’abandon (acte abdicatif), ainsi que la constitution de droits ex nihilo, réels ou personnels (acte constitutif). 5

Outre le fait qu’elle facilitera la délimitation de son contenu, cette acception de la notion de disposition permet également de dépasser l’antinomie qui l’oppose à celle d’administration. 6 D’un point de vue juridique, presque chaque acte d’administration constitue un acte de disposition. 7 Les actes de disposition et d’administration se confondent ainsi et l’administration qui cesse, de ce fait, d’être « l’antithèse » de la propriété, n’en devient qu’une expression dans les cas légalement définis, à travers une

1 Article 544 du Code civil : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses... ».

2 La loi ne conçoit pas autrement cet attribut, tant quand elle affirme le principe fondamental de la libre disposition des biens (art. 537 : « les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent, sous les modification établies par la loi ») que lorsque elle traite des dispositions à titre gratuit (art. 893, 895 à 900, 902 et s., 913 et s. C. civ.).

3 La relation étroite qu’entretient la notion de disposition avec celle de propriété est à la base de la théorie élaborée par le professeur Zénati qui conteste ainsi la dissociation traditionnellement opérée entre les deux notions et qui découle directement de ce que l’on a admis que la propriété était elle-même un bien. Ainsi, selon la théorie classique, le droit de disposer, assimilé au droit d’aliéner, n’est pas propre au droit de propriété mais constitue une faculté extérieure qui s’exerce sur tous les droits. Dès lors que l’on considère que la propriété n’est pas un bien, mais la relation qu’établit la personne avec chacun de ses biens (corporels et incorporels, dont les droits), elle a alors pour fonction essentielle d’être le vecteur de l’activité juridique et permet ainsi d’accomplir des actes juridiques sur les biens. Cette analyse permet de rendre compte de la dissociation de la propriété en un pouvoir de jouissance et un pouvoir de disposition qu’opère, par exemple, le trust, « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », art. préc., p. 318. Sur la thèse classique, voir M. PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, t. I, L.G.D.J., Paris, 1925, n°1030. Selon lui, la distinction des actes d’administration et des actes de disposition ne concerne pas la propriété mais la capacité, ibid., n°1041.

4 F. ZÉNATI et T. REVET, op. cit., n°102, p. 126.

5 Sur le fait que la constitution de droits réels n’est pas considérée comme une aliénation de la propriété, mais comme l’établissement d’un rapport d’obligation propter rem, voir supra, n°121.

6 Cette précision a son importance, dans la mesure où les notions d’actes de disposition, d’administration et de conservation sont au centre du régime de l’indivision (art. 815-2 et 815-3 du Code civil).

réglementation ayant pour objectif d’organiser l’exercice du droit de disposer du patrimoine d’autrui, ce que les professeurs Zénati et Revet résument en une formule appropriée : « lorsqu’une personne est autorisée à accomplir des actes juridiques sur le patrimoine d’un tiers, elle dispose du bien d’autrui. » 1

Néanmoins, pouvant consister en un acte matériel, l’acte d’administration ne peut totalement être réduit à l’acte de disposition. 2 Quant à la distinction entre les actes de disposition et les actes de conservation, il semble qu’avec le critère de l’urgence 3, ce soit surtout leur matérialité qui permette de les identifier. 4

b) Contenu du droit de disposer

112. - La forme la plus élémentaire d’agir sur son bien, c’est encore

d’abandonner celui-ci. 5 A priori, ne procurant aucun avantage au propriétaire, l’abandon peut néanmoins lui permettre, le cas échéant, de se libérer des droits réels grevant la chose. 6 Il résulte de l’abandon l’extinction de la propriété, à laquelle il manque le sujet actif. L’aliénation est une seconde manifestation du droit de disposer. Elle entraîne le transfert du droit de propriété 7, sachant que l’aliénation ne porte pas sur le droit de propriété lui-même, mais sur la chose, objet de propriété. 8

Enfin, la constitution de droits réels ou personnels, ayant pour effet de modifier la situation juridique des biens doit être retenue comme modalité du droit de disposer. L’on pourrait objecter à cela que n’ayant pas vocation, à l’inverse des obligations réelles, à engager le bien, objet de l’obligation, les

1 Op. cit., n°104, p. 127.

2 « Administrer consiste à gérer un patrimoine en exerçant notamment une partie de ce pouvoir créateur

du propriétaire », F. ZÉNATI, Thèse préc., n°490, p. 677.

3 Ph. JESTAZ, L’urgence et les principes classiques du droit civil, L.G.D.J., Paris, 1968, p. 19. En ce sens, les actes conservatoires peuvent consister en des actes de disposition, mais accomplis par la nécessité d’éviter un péril imminent.

4 Pour cette raison, il le plus souvent fait référence aux mesures conservatoires. Ainsi en est-il en matière d’indivision (art. 815-2, al. 1er C. civ. : « Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis »).

5 Il est « la manifestation extrême de la souveraineté du propriétaire », F. ZÉNATI et T. REVET, op. cit., n°103, p. 126.

6 Article 656 et 699 du Code civil pour les servitudes, article 917 du Code civil pour l’usufruit, article 2172 du Code civil pour l’hypothèque.

7 Sur la définition du transfert de la propriété, voir VAREILLES-SOMMIÈRES, « La définition et la notion juridique de la propriété », R.T.D.civ., 1905, pp 443-494 : « Le droit n’est qu’un pouvoir d’agir de

la personne ; il n’est pas quelque chose de distinct de la personne. La personne ne peut pas plus transférer son pouvoir d’agir qu’elle ne peut transférer son pouvoir de penser, de voir ou d’entendre. Quand il aliène sa chose, le propriétaire ne transmet pas son pouvoir d’agir sur elle : il y renonce au regard et au profit de l’acquéreur et ménage à celui-ci la possibilité d’acquérir sur la chose, par une sorte d’occupation un droit tout semblable au droit abdiqué par le vendeur ».

8 Les droits autres que la propriété peuvent, en revanche, faire l’objet d’une aliénation. Sur le principe de la distinction entre la propriété et les autres droits (réels et personnels), qui emporte que seuls les seconds peuvent faire l’objet d’une appropriation.

droits personnels ne peuvent être considérés comme des actes de disposition. En réalité, s’il est vrai qu’ils n’engagent pas une chose particulière, les droits personnels engagent néanmoins le patrimoine du propriétaire qui constitue le gage des obligations personnelles qu’il a contractées, sans que l’on puisse y opposer la règle selon laquelle le patrimoine, en tant qu’attaché à la personne, ne peut être considéré comme un bien aliénable puisque celui-ci est quand même transmissible à cause de mort. 1 Ces considérations qui tendent d’ailleurs à uniformiser la notion d’obligation, au moins du point de vue de leur création, contribuent, en tant que modalités du droit de disposer, à sa (large) délimitation.

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