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CHAPITRE 3. Synthèse de tétrahydropyranes substitués impliquant

4.3. Théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT)

Il existe une autre approche qui permet de traiter différemment le problème des interactions entre les électrons ( ), soit la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT,

density functional theory). Ce changement de paradigme est basé sur le premier théorème

de Hohenberg et Kohn rapporté en 1964 (4.4),180 qui stipule que l’énergie est une

fonctionnelle de la densité (fonction d’une densité , elle-même fonction de la position des électrons de coordonnées ), laquelle propriété est physiquement observable (e.g. diffraction des rayons X). Conséquemment, l’énergie d’un système à l’état fondamental, ainsi que toutes ses propriétés, est décrite par la densité électronique ( ) selon l’équation (4.5), telle que

= ( ) (4.4)

= + + (4.5) où , et correspondent respectivement aux fonctionnelles d’énergie cinétique, à la contribution répulsive électron–électron et au potentiel extérieur représentant les interactions électrons–noyaux. Le traitement du théorème de Hohenberg et Kohn implique l’introduction de la fonctionnelle universelle ( HK) indépendante du

potentiel extérieur qui regroupe les deux premiers termes de l’équation (4.5). Ces travaux pionniers ne permettaient pas néanmoins de déterminer la fonctionnelle d’énergie cinétique avec assez de précision à moins de connaître explicitement la fonction d’onde ( ), ainsi que les composantes non-classiques provenant des interactions entre électrons étant contenues dans .

HK = + (4.6)

Une avancée majeure dans le domaine découle des travaux de Kohn et Sham (KS) l’année suivante,181 qui ont redéfini la fonctionnelle HK. Il est reconnu que leur

contribution a permis de rendre la méthode DFT utile en permettant d’obtenir de façon itérative la densité électronique minimisant l’énergie du système selon un principe

variationnel.* Cette nouvelle expression de HK (4.7) contient les termes de l’énergie

cinétique des électrons indépendants ( ) et de la contribution d’énergie coulombienne entre les différents électrons ( ), deux termes pouvant être calculés analytiquement. Toutefois, la composante non-classique de répulsion correspondant aux notions d’échange et de corrélation électronique ( XC) doit être estimée.

HK = + + XC (4.7)

En combinant les expressions (4.6) et (4.7), on retrouve encore une fois le terme problématique provenant de l’interaction entre électrons ( ), ce qui rend impossible une résolution exacte de XC (4.8).

Afin d’approximer par ses contributions d’échange et de corrélation, différentes approches ont alors été développées. Une de ces méthodes considère la densité électronique, en tout point, comme étant uniforme (LDA, local-density

approximation), ou dans une formule plus générale (LSDA, local-spin-density approximation), tenant compte séparément de la densité propre au spin de chaque

électron ( et ). De plus, cette méthode considère indépendamment chacune des contributions de en deux termes indépendants ( X et C), tels que décrits en (4.9).

Ce traitement permet à la composante d’échange ( X) d’être calculée selon la

formule générale proposée par Slater,182 alors que la composante de corrélation C peut être obtenue par des simulations Monte Carlo.183 La fonctionnelle LDA (ou LSDA) permet dans certains cas une description adéquate de la densité électronique, mais tend à surestimer l’énergie de liaison, compte tenu de la supposition d’un nuage électronique uniforme.

* Dérivé du second théorème de Hohenberg et Kohn, ce principe permet d’estimer l’énergie à l’état fondamental d’un système à partir d’une fonction d’onde non-normalisée et de paramètres pouvant être variés jusqu’à la minimisation de l’énergie, c’est-à-dire que l’énergie approximée est toujours plus élevée que l’énergie exacte.

= − + − (4.8)

Conséquemment, une seconde méthode pour calculer XC a été développée dans les

années 1980 à la suite des contributions importantes de Becke, Perdew, Langreth et Parr.175b Cette approche introduit un gradient (GGA, generalized gradient

approximation) et permet ainsi de mieux représenter l’inhomogénéité de la densité

électronique au sein d’une orbitale. Conséquemment, cette amélioration a permis de mener, entre autres, à une meilleure description de l’énergie de dissociation et des liaisons faibles (e.g. ponts hydrogènes).

Finalement, la dernière grande classe des méthodes permettant de calculer la contribution d’échange-corrélation ( XC) correspond aux approches hybrides

développées au début des années 1990, qui incluent un terme d’échange Hartree–Fock ( XHF) à une fraction provenant de la fonctionnelle DFT d’échange–corrélation L(S)DA

ou GGA. Il existe une variété de fonctionnelles hybrides pour lesquelles la contribution relative de chacun des termes est souvent déterminée de façon empirique. La plus répandue d’entre elles est probablement B3LYP développée par Axel D. Becke (Univ. de Dalhousie) qui correspond à la méthode de fonctionnelle d’échange X de Becke à trois

paramètres (B3),184 incluant une corrélation GGA de Lee–Yang–Parr (LYP)185 et une contribution locale de la corrélation C par Vosko–Wilk–Nusair III (VWN3)186 (4.10).*,†

XCB3LYP= XLSDA+ XHF− XLSDA + X∆ XBecke88+ C CLYP+ (1 − C) CVWN3 (4.10)

La popularité de B3LYP provient du fait qu’elle fournit une description généralement adéquate pour une majorité de composés organiques, en plus de favoriser l’analyse comparative entre deux systèmes différents.188 Certains groupes ont néanmoins

émis des réserves quant à l’utilisation de cette fonctionnelle, particulièrement lors du calcul d’énergies des intermédiaires radicalaires.189

* La fonctionnelle d’échange de Becke à 3 paramètres (B3) est constituée de deux termes d’échange (HF et LSDA) et d’une correction à l’échange LSDA par un gradient (∆ XBecke88).187

Les facteurs d’échelle (a0 = 0.20, aX = 0.72, aC = 0.81) ont été déterminés par Becke suivant un ajustement des paramètres thermochimiques (ensemble G1).

4.3.1. Modélisation d’intermédiaires radicalaires par DFT

L’évaluation de systèmes radicalaires par DFT en utilisant des fonctionnelles pures ou hybrides (e.g. B3LYP) mène à une description généralement inadéquate des paramètres thermodynamiques obtenus, compte tenu des déviations importantes provenant du terme d’échange ( C).190 Cependant, plusieurs groupes font état de la performance satisfaisante de la fonctionnelle hybride moitié-moitié BHandHLYP191 lorsqu’appliquée aux systèmes radicalaires pour la prédiction des géométries optimisées, des fréquences de vibration et des barrières énergétiques pour le transfert de proton.192

XCBHandHLYP = 0.5 ∗ XHF+ 0.5 ∗ XBecke88+ CLYP (4.11)

D’un point de vue plus spécifique, Ryu et al. se sont intéressés aux fondements mécanistiques de la méthodologie de carbonylation, développée au sein de son groupe, permettant la synthèse d’une multitude de lactames de façon rapide et efficace (Schéma 4.1).193 L’étude de la réaction a permis de noter que l’intermédiaire acyle radical préférait une cyclisation du côté de l’azote (plus riche en électrons) sur la double liaison C=N. Ce processus demeurait favorisé pour générer le produit 6-endo 4.6a plutôt que 5-exo 4.6b,193c et ce malgré la préférence de ce dernier mécanisme pour les réactions de cyclisation radicalaire. Les études computationnelles, effectuées en collaboration avec le groupe de Schiesser,191a,e, 193c, 194 ont considéré l’addition de l’acyle radical sur chacune des extrémités d’un modèle méthanimine. La calibration théorique a révélé que la fonctionnelle BHandHLYP permettait de mener à des résultats comparables à d’autres techniques ab initio de haut niveau en plus de noter certains problèmes associés à l’utilisation de B3LYP pour l’évaluation d’espèces radicalaires. Suite à l’analyse NBO, il a été suggéré que la régiosélectivité de la cyclisation proviendrait d’une interaction stabilisante simultanée du radical électrophile avec l’imine (4.A, SOMO → π*imine) et du

doublet libre de l’azote sur le carbonyle (nN→ π*C=O). Cette analyse a été, par la suite,

appliquée à d’autres systèmes analogues pour l’étude de radicaux phophonyle,191d iminoyle et thionyle191f additionnant sur des imines et autres oléfines.

Schéma 4.1 : Cyclisation de radicaux acyles par Ryu et al.193a,b

Récemment, le groupe de Matsubara a également employé la fonctionnelle BHandHLYP avec un ensemble de base double-zeta (vide infra) lors de l’addition de différentes chaînes R1 sur 4.7, suivie d’une réduction in situ par Bu3SnH (Schéma 4.2).195

Schéma 4.2 : Addition réductrice de radicaux sur un dérivé oxydé de trifluorométhylcétène dithioacétal 4.7

La modélisation des différents états de transition (É.T. 4.B et 4.C) a révélé que la stéréosélectivité de l’étape d’addition pour la chaîne alkyle (R1 = iPr) s’expliquait par la

présence du groupement CF3. Par la suite, le transfert d’hydrogène radicalaire effectué

sur l’intermédiaire 4.12, généré préférentiellement, a révélé la possibilité d’une interaction acide–base entre le sulfoxyde et Me3SnH* afin de justifier la différence

d’énergie entre É.T. 4.D et É.T. 4.E et par conséquent la formation sélective de 4.8a.

Maintenant que nous avions de fortes indications que BHandHLYP s’avérait une fonctionnelle adéquate pour décrire avec fiabilité les systèmes radicalaires, nous avons ensuite considéré les autres paramètres nécessaires à la méthodologie de calcul employée (cf. Figure 4.1), soit le choix de l’ensemble de bases et du modèle de solvatation.