• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3. Synthèse de tétrahydropyranes substitués impliquant

3.3. Approche Ouest-Est

3.3.1. Synthèse des esters α,β-insaturés 3.21b–3.21d

L’ester de Roche (R)-3.25, protégé par un éther benzylique, a d’abord été transformé en β-cétophosphonate 3.26 par le sel de lithium du diméthylméthylphosphonate (Schéma 3.7). Ce produit a ensuite été soumis à une oléfination HWE en présence de l’aldéhyde 3.27a ou 3.27b, découlant respectivement de l’alcool chiral (R)-3.25 ou (S)-3.25 protégé par un TBS.147 À cette étape, nous avons considéré différents protocoles de couplage spécifiques à des susbtrats sensibles (aux conditions basiques de la réaction), tel que développés par Masamune–Roush (LiCl/DBU)148a et Paterson (Ba(OH)2 activé).148b Il a

été noté que des rendements plus constants étaient obtenus pour la synthèse de 3.28 en présence de LiOH hydraté148c (E : Z, >20 : 1). Ces conditions appliquées au motif 3.29 ont aussi permis de générer exclusivement l’isomère (E) avec un excellent rendement (80%).

Schéma 3.7 : Synthèse stéréodivergente des fragments 3.28 et 3.29

À ce point, nous avons envisagé des méthodes de réduction asymétrique des énones (3.28–3.29) afin de produire les alcools allyliques correspondants (3.30–3.31). Nous avons choisi le réactif chiral oxazaborolidine 3.32 de Corey–Bakshi–Shibata (CBS)149 en fonction d’études précédentes effectuées par notre groupe150 et d’autres147a, 151 sur des substrats cétones similaires (Tableau 3.1). À des fins de comparaison, les motifs cétones correspondants (3.33 et 3.34), obtenus par hydrogénation en présence de pyridine,152 ont également été soumis aux conditions de réduction.

Le substrat énone 3.28 a été réduit pour conduire à l’alcool allylique 2,3-anti 3.30a avec l’isomère (S)-CBS (Tableau 3.1, entrée 1), alors qu’une sélectivité moindre en faveur du produit 3.30b a été notée lorsque le réactif (R)-CBS était employé (entrée 2). Le substrat 3.29, soumis aux mêmes conditions expérimentales, a conduit à une sélectivité comparable (∼8 : 1) en faveur du produit 2,3-anti (3.31a) avec le réactif chiral (S)-CBS, ou 2,3-syn (3.31b) avec l’isomère (R)-CBS (entrées 5–6). Il est important de noter que dans aucun cas, l’hydroboration de la double liaison conjuguée menant au produit cétone n’a pas été observé. Finalement, la réaction appliquée aux motifs cétones 3.33 ou 3.34 nous a conduit à une érosion importante des ratios observés (entrées 3–4 et 7–8).

Tableau 3.1 : Réduction sélective vers l’alcool 2,3-anti et 2,3-syn à partir de l’énone (3.28–3.29) ou de la cétone (3.33–3.34)

Entrée Substrat Conditions (2,3-anti : 2,3-syn) Ratio a : b a Rend. b

1 3.28 (S)-CBS >20 : 1 (3.30) 86%145 2 3.28 (R)-CBS 1 : 6.5 (3.30) 69% 145 3 3.33 (S)-CBS 1 : 1.2 (3.35) 43% (+48% 3.33) 4 3.33 (R)-CBS 1.1 : 1 (3.35) 63% 5 3.29 (S)-CBS 8.4 : 1 (3.31) 86% 6 3.29 (R)-CBS 1 : 7.6 (3.31) 77% 7 3.34 (S)-CBS 1 : 1.3 (3.36) 72% 8 3.34 (R)-CBS 2.6 : 1 (3.36) 81%

a Ratio déterminé par RMN 1H sur le produit brut. b Rendement du produit isolé.

Le mécanisme proposé, pour rationaliser la réduction énantiosélective de cétones par le réactif CBS,149 implique d’abord une coordination de la paire d’électrons basique de l’azote au borane pour générer un bicycle fusionné cis 3.37 (Schéma 3.8). Ceci a pour effet d’activer le borane comme source d’hydrure et d’augmenter le caractère acidique de l’orbitale vide du bore endocyclique. De plus, cette orbitale permet d’intensifier la

complexation du carbonyle (3.38) sur la paire libre la plus disponible (RS).* Ainsi, les

interactions avec la chaîne alkyle de l’oxazaborolidine sont minimisées afin de faciliter la livraison intramoléculaire de l’hydrure. Des études computationnelles suggèrent un état de transition à six chaînons de type chaise (É.T. 3.B), menant à la formation de 3.39.153 Lorsqu’il n’y a pas de différentiation stérique substantielle des substituants du carbonyle (i.e. RS ≈ RL), la réduction procède généralement avec une baisse de ratio, tel

qu’observée dans le cas des cétones 3.33 ou 3.34.

Schéma 3.8 : Mécanisme proposé pour la réduction énantiosélective de cétone par l’oxazaborolidine B-Me-(S)-CBS

Dans le cas des cétones α,β-insaturés (3.28 et 3.29), l’assignation des sigles RL et RS

n’est pas triviale. En effet, la portion oléfine des substrats se comporte généralement comme le plus gros groupement du carbonyle (i.e. RL), tel que rapporté par Corey lors

d’une revue sur différentes cétones.149 Dans le cas étudié, cette affirmation semble contre-intuitive compte tenu de la présence d’un α'-méthyle en position C2. Cependant, il peut être envisagé que des interactions entre l’oxazaborolidine et le groupement protecteur de la fonction γ-alkoxy de l’énone (i.e. OTBS en C7) soient également en cause.154 Bien qu’il n’existe pas à ce jour une confirmation à cette hypothèse,155 certains groupes ont toutefois appliqué l’approche CBS pour la réduction d’énones similaires à 3.28 et 3.29, qui possèdent un centre stéréogène vicinal (Tableau 3.2).

* Selon la nomenclature généralement employée, l’indice correspond à la l’encombrement stérique du substituant soit RS (small) et RL (large).

Tableau 3.2 : Réduction par le CBS sur d’autres motifs (E)-énone similaires possédant un centre stéréogène vicinal

Entrée Substrat Conditions anti : syn Ratio Rend.

1 (3.40) (S)-CBS, BH3THF >20 : 1 89% 151a 2 (R)-CBS, BH3THF 1 : 6 84% 151a 3 (3.41) (S)-CBS, BH3THF 9 : 1 72% 147c 4 (3.42) (S)-CBS, BH3SMe2 19 : 1 66% 92d

On peut constater que la réduction des énones chirales permet également de mener à de très bonnes sélectivités dans le cas de l’isomère (S)-CBS (Tableau 3.2, entrées 1 et 4), quoique légèrement inférieure avec une relation 2,6-syn entre les méthyles (entrée 3). Une diminution de la sélectivité est également observée lors de la réduction par l’isomère (R)-CBS (Tableau 3.2, entrée 2 et Tableau 3.1, entrée 2) et peut être rationalisée par une analyse des états de transition possiblement impliqués lors de la réduction de ces motifs (Schéma 3.9).

Schéma 3.9 : États de transition proposés pour rationaliser la diminution de sélectivité d’un motif (E)-énone chiral en fonction de l’isomère du réactif B-Me-CBS

En considérant la chaîne du côté de l’oléfine comme étant le groupement encombrant (i.e. RL), la formation du produit 2,3-anti est favorisée par l’agencement du

biais imposé par le réactif (S)-CBS, ainsi que par l’induction asymétrique-1,2 selon le modèle de Felkin–Ahn (É.T. 3.C, Schéma 3.9a). En présence de l’isomère (R)-CBS (Schéma 3.9b), le biais imposé par l’agent réducteur chiral s’oppose au contrôle par le substrat (i.e. non-agencement), ce qui résulte ainsi en une diminution du ratio. Or, il peut sembler toutefois surprenant que la configuration du centre en position C6 puisse mener à une variation du ratio (Tableau 3.1, entrée 1 vs 5). Sur la base de l’analyse présentée et des résultats expérimentaux, il est possible que la conformation adoptée avec une relation

syn des méthyles en C2 et C6 (e.g. 3.29, Tableau 3.1) mène à une énergie plus élevée

pour l’état de transition 2,3-anti, et conséquemment à une érosion de la sélectivité; hypothèse qui pourrait éventuellement être étudiée de façon computationnelle.

La conformation de ces systèmes (E)-énone n’est toutefois pas fixée entre les formes

s-cis et s-trans de l’énone.156 La distribution de l’équilibre, à l’état fondamental, dépend principalement des interactions de van der Waals entre les substituants,156b et il a été démontré que l’isomère s-cis était davantage favorisé en présence d’un encombrement stérique (Schéma 3.10).156c Au niveau des substrats 3.28–3.29, les substituants de l’énone

sont plutôt encombrés (R, R' ≈ iPr), ce qui forcerait davantage l’équilibre vers l’isomère

s-cis. Cependant, la forme s-trans ne peut être totalement éliminée, puisque la

conformation préférentiellement adoptée à l’état de transition devrait être celle minimisant l’ensemble des interactions déstabilisantes (i.e. intramoléculaires et avec le réactif).

Schéma 3.10 : Distribution à l’équilibre des formes s-cis et s-trans de cétones α,β- insaturées156c

Les alcools 3.35a,b et 3.36a,b obtenus par hydrogénation des alcools allyliques correspondants 3.30a,b et 3.31a,b, ont ensuite été protégés par un groupement TBS (3.43–3.46), avant d’être soumis à une déprotection sélective de l’éther silylé primaire par HFpy à 0 °C (Schéma 3.11). Les alcools 3.47–3.50 ont ensuite été homologués par une oxydation au périodinane de Dess-Martin157 (3.51–3.54) suivie d’une oléfination de Wittig sur le produit brut avec un ylure stabilisé 3.55. Les produits 3.56–3.59, ainsi obtenus sélectivement en faveur de l’isomère E (>20 : 1), ont ensuite été déprotégés par HFpy pour obtenir les alcools 3.60–3.63, correspondants aux substrats de la réaction-clé de cyclisation. Les différentes relations stéréochimiques entre les centres stéréogènes ont été confirmée par l’analyse des constantes de couplage et des effets nOe sur les produits cyclisés (vide infra).

Schéma 3.11 : Synthèse des fragments 3.60–3.63 à partir des alcools 3.35a,b et 3.36a,b