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CHAPITRE 3. Synthèse de tétrahydropyranes substitués impliquant

4.9. Évaluation de l’intermédiaire radicalaire THP (4.14)

4.9.3. Analyse des états de transition

Par l’étude DFT des états de transition, nous voulions d’abord apporter des précisions aux modèles d’induction asymétrique-1,2 déjà existants et ainsi expliquer les sélectivités obtenues expérimentalement lors des réductions radicalaires. Tel que mentionné précédemment, la distribution de population à l’état fondamental n’est pas forcément représentative de l’énergie d’activation requise pour accéder à un état de transition. Dans cette optique, nous espérions mieux comprendre les interactions possibles de l’intermédiaire radicalaire avec l’hydrure et vérifier s’il y avait transposition au complexe activé des effets stériques et stéréoélectroniques présents à l’état fondamental. Par ailleurs, l’analyse DFT permet également de considérer les modifications structurelles des entités réactives afin de pouvoir justifier l’énergie relative des états de transition.

En se basant sur le modèle de l’effet exocyclique précédemment proposé (Schéma 4.3), nous avons entrepris l’étude des états de transition pour l’intermédiaire THP 4.14-éq à partir de la conformation planaire de ce dernier à l’état fondamental. Dans l’état menant au produit 2,3-anti positionnant le groupement C3–C4 antipériplanaire, différentes conformations de départ présentant des liaisons plus ou moins éclipsées

(60° < φ C1–C2–C3–H3 < 0°), ainsi que divers angles d’attaque de l’hydrure ont été considérés. Toutefois, l’ensemble de ces possibilités s’est soldé par la convergence vers un même état de transition décalé où le radical en C2 apparaît pyramidalisé. Nous avons donc envisagé que l’hydrure pourrait être livré sur l’une ou l’autre des faces diastéréotopiques du radical suite à une rotation du lien C2–C3, telle que représentée à la Figure 4.10 pour l’intermédiaire 4.14 selon une trajectoire décalée menant au produit 2,3-anti (É.T. C, D, E) ou 2,3-syn (É.T. F, G, H).225b

Figure 4.10 : Projection de Fischer des états de transition décalés menant au produit a) 2,3-anti et b) 2,3-syn ainsi que les valeurs d’énergie relative de Gibbs (kcal mol–1) dans le toluène pour l’intermédiaire radicalaire THP 4.14-éq (R, R' = –(CH2)4–)

Les calculs effectués au niveau de théorie TZVP avec correction de solvant ont révélé que la plus petite énergie d’activation ∆ ‡ (relativement à son état fondamental)

était obtenue pour l’É.T. C-éq (16.7 kcal mol–1). Ce résultat suggère donc que l’équilibration entre les différents conformères à l’état fondamental se fait plus rapidement que la réaction de transfert d’hydrogène radicalaire puisque cette valeur se

trouve bien au-delà de la plus haute barrière d’énergie (>11 kcal mol–1), satisfaisant ainsi les conditions de Curtin–Hammett. De ce fait, il était donc important de considérer les différentes formes énols du radical (E, Z) ainsi que les deux orientations de la chaîne C3 (eq, ax) afin d’identifier la paire d’états de transition pro-anti et pro-syn de plus basse énergie.*

À première vue, les états de transition calculés pour l’intermédiaire 4.14-ax possèdent tous une énergie significativement plus élevée que lorsque la chaîne C3 est en position équatoriale (4.14-éq). Pour les états pro-anti de l’intermédiaire 4.14-éq, l’énergie plus élevée pour l’É.T. D-eq (par rapport à C-éq) n’est pas surprenante sur une base strictement stérique, pour lequel les groupements R et OR' se trouve orientés dans la trajectoire de l’hydrure.218b Compte tenu de la délocalisation importante du radical dans l’ester, le positionnement rapproché du proton avec le méthyle (É.T. E-éq) permet une minimisation de la tension allylique-1,2. Dans le cas du THP 4.14-éq où les chaînes R et OR' sont liées, l’encombrement occasionné par l’ester dans É.T. E-éq est toutefois suffisamment important pour justifier une énergie plus élevée. Tel que proposé précédemment par notre groupe,130a l’analyse DFT nous a permis de confirmer que l’état de transition pro-anti de plus basse énergie était effectivement l’É.T. C-éq. En effet, cet état bénéficie d’une orientation optimale des substituants de manière à permettre une minimisation du dipôle entre l’ester et le groupement électroattracteur, ainsi que de la tension allylique-1,3 (A1,3).

Cette même analyse effectuée au niveau des états pro-syn a révélé que l’É.T. pro-syn H, bénéficiant également d’une minimisation de A1,3, était celui de plus basse énergie. Par contre, le positionnement antipériplanaire du groupement OR', par rapport à la livraison de l’hydrure, ne permet pas une minimisation aussi importante du dipôle. Sur la base d’une analyse précédente à l’état fondamental,225b la formation du produit 2,3-syn devait cependant être favorisée. En effet, il était postulé que la conformation rendant le radical plus électrophile par hyperconjugaison dans l’antiliante du lien C–OR' (É.T. H)

* L’analyse n’a pas révélé la présence d’un pré-complexe entre les réactifs (intermédiaire radicalaire et Me3SnH) avant d’accéder à l’état de transition.

devait être favorisée sur la base des effets stéréoélectroniques, et devrait être l’état de transition de plus basse énergie menant préférentiellement à la formation du produit 2,3-syn. Toutefois, notre analyse DFT a révélé que la différence d’énergie ∆∆ entre les

É.T. C-éq et H-éq menait plutôt à une valeur de 2.3 kcal mol–1 dans le toluène en faveur du produit 2,3-anti. Cette différence d’énergie calculée correspond à une sélectivité théorique à –78°C de >380 : 1, en accord avec le ratio expérimental >50 : 1 déterminé par analyse GLC du mélange brut (Figure 4.11).126e

Figure 4.11 : États de transition C et H de l’intermédiaire radicalaire 4.14-éq incluant les longueurs (Å) et ordres de liaison Wiberg en parenthèse. Les énergies de Gibbs (kcal mol–1) dans le toluène correspondent aux valeurs relatives à partir de 4.14-éq-E.

En examinant plus en détail les structures optimisées des états de transition, il a été noté que la formation du lien C2–H menait à une pyramidalisation (θb = 28° et 30°,

respectivement pour les É.T. C-4.14-éq et H-4.14-éq) par rapport à une conformation planaire à l’état fondamental (θb = 2°), et se situant à mi-chemin avec l’hybridation sp3

d’un carbone tétraèdre (θb = 55°). Cette déformation est principalement attribuée à une

radical en C2, tel que révélée par l’analyse NBO. L’analyse des longueurs de liens et d’ordre de liaison Wiberg pour C2–H et Sn–H (0.3 et 0.5, en moyenne) suggère que le transfert d’hydrogène se produit selon un état de transition relativement hâtif selon le postulat d’Hammond.129

Du point de vue des interactions orbitalaires, les intermédiaires radicalaires vicinaux à un ester sont considérés ambiphiliques.236 Cependant, le caractère plus nucléophile de

l’hydrure d’étain237 nous porte généralement à considérer un meilleur recouvrement des orbitales SOMO–HOMO selon la théorie des orbitales moléculaires frontières (FMO). Par ailleurs, les conformations permettant d’augmenter le comportement électrophile du radical (e.g. É.T. H-éq, OR' anti) devrait donc bénéficier d’une stabilisation additionnelle à l’état de transition selon des considérations stéréoélectroniques. Tel que mentionné précédemment,225b il a été postulé que ce modèle d’É.T. puisse rationaliser la formation préférentielle du produit 2,3-syn. Or, les résultats expérimentaux et l’analyse DFT des états de transition pour 4.14-éq révèlent que le produit 2,3-anti est plutôt favorisé. Nous avons donc postulé que l’analyse NBO donneur–accepteur de second ordre permettrait de fournir des éléments pouvant discriminer davantage les états de transition pro-anti et pro-

syn* en examinant les interactions importantes de l’intermédiaire radicalaire avec l’hydrure.†

À l’É.T. C-éq, l’évaluation des orbitales naturelles a révélé que la SOMO est représentée par une orbitale de type πC2–C1 (SOMOanti, Figure 4.12a) compte tenu de la forte délocalisation dans l’ester (i.e. système de type énol radical). Dans la conformation du THP au sein de cet état pro-anti, le positionnement antipériplanaire du lien C3–C4 mène à une certaine stabilisation intramoléculaire de 3.1 kcal mol–1 par hyperconjugaison (SOMOanti→ σ*C3–C4, Figure 4.12b). Ce sont toutefois les interactions avec l’hydrure qui

procurent une stabilisation nettement plus importante à l’état de transition. En effet, une contribution de la SOMO avec la LUMO de l’hydrure (σ*Sn–H, 152.6 kcal mol–1) a été

* La forme E-énol de l’É.T. H-4.14-éq a été considéré pour l’analyse NBO puisque c’est celui qui a été identifié de plus basse énergie lors du calcul dans le vide. En considérant le solvant, l’isomère Z-énol de l’état pro-syn est légèrement plus bas en énergie, tel que représenté à la Figure 4.11.

† Les interactions avec les liaisons C–H du méthyle n’ont pas été considérées puisque ces dernières sont présentes dans É.T. C et H de façon comparable.

identifiée dans les orbitales de spin α, menant à une stabilisation de 27.2 kcal mol–1

(Figure 4.12c). Néanmoins, l’interaction la plus significative demeure celle entre la HOMO de l’hydrure (σSn–H à –250.8 kcal mol–1, Figure 4.13) et la SOMO, évidente dans

les orbitales de spin β, en plus d’une contribution non-négligeable de 4.2 kcal mol–1 au

niveau du spin α (Figure 4.12d). Le fait que l’interaction β-SOMO–HOMO soit plus importante que celle calculée pour α-SOMO–LUMO supporte l’argument d’un caractère plus électrophile du radical lorsqu’antipériplanaire à un groupement électroattracteur.

Figure 4.12 : Analyse NBO des orbitales pour les états de transition C (2,3-anti) et H (2,3-syn) du substrat THP 4.14-éq calculés au niveau BHandHLYP/TZVP238

Au niveau de l’état H-éq, l’analyse NBO a révélé que la SOMO est plutôt représentée par une orbitale p localisée en C2 (SOMOsyn, Figure 4.12e) et possède une énergie nettement plus élevée que pour l’É.T. C-éq (–146.8 vs –203.3 kcal mol–1). Dans

ce cas-ci, le positionnement du lien C3–O antipériplanaire avec l’hydrure qui est livrée permet effectivement de mener à une stabilisation plus importante de 6.3 kcal mol–1 dans l’antiliante vicinale (SOMOanti → σ*C3–O, Figure 4.12f). Cependant, ce sont également

les interactions avec l’hydrure qui demeurent plus importantes, contribuant respectivement pour 34.9 kcal mol–1 (α-SOMO–LUMO, Figure 4.12g) et 58.9 kcal mol–1

(HOMO–β-SOMO, Figure 4.12h).

À première vue, il semble que l’état pro-syn H bénéficie d’une stabilisation plus importante en comparaison avec l’état pro-anti C. Cependant, il est important de se rappeler que ces interactions permettent de diminuer l’énergie de la SOMO, laquelle détient une énergie relative significativement plus basse pour l’É.T. C-4.14 (πC1–C2,

−203.3 kcal mol–1) que pour l’É.T. H-4.14 (n

C2, –146.8 kcal mol–1). Par ailleurs, il est

possible que la contribution additionnelle α-SOMO–HOMO, présente uniquement au sein de l’état pro-anti C (Figure 4.12d), s’ajoute à la stabilisation globale plus importante pour ainsi supporter la formation préférentielle du produit 2,3-anti (Figure 4.13).

Figure 4.13 : Diagramme d’énergie des principales interactions pour 4.14-éq aux É.T. C (2,3-anti) et H (2,3-syn) avec la HOMO (σSn–H) et la LUMO (σ*Sn–H) de Me3SnH*

À la lumière de cette analyse, l’évaluation qualitative des interactions entre les orbitales naturelles pour 4.14-éq permet de fournir une interprétation plus complète des modèles d’états de transition impliqués lors de la réduction d’intermédiaire radicalaire vicinal à un ester et à un centre stéréogène électroattracteur. Cependant, les conclusions apportées par une telle étude doivent être mises en parallèle avec les contributions déstabilisantes pouvant survenir à l’É.T. (e.g. interactions stériques) afin de permettre une évaluation plus complète.