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Chapitre 3 : Cadres théoriques

3.1 Théorie de l’accommodation

3.3 L’effet caméléon ou la convergence automatique 3.4 Théorie des exemplaires

3.5 Synthèse

La parole est d’abord et avant tout un acte social, qui se produit lorsque des individus entrent en contact. Bon nombre des phénomènes qui affectent la parole tirent leur origine de ce contact, y compris, comme nous le proposons, le phénomène d’acquisition d’un R2 en situation de mobilité géographique. L’interlocuteur doit donc être considéré comme une potentielle source de variation intra-individuelle. Dans ce chapitre, nous tracerons les grandes lignes de quatre cadres théoriques qui permettent de prendre en compte cet effet de l’interlocuteur sur les usages phonétiques du locuteur, et qui offrent des points de vue différents sur la question, car issus de domaines différents : la théorie de l’accommodation, la théorie H&H, l’effet caméléon et la théorie des exemplaires.

3.1 Théorie de l’accommodation

La théorie de l’accommodation est un courant de pensée influent en psychologie sociale du langage développé à partir des années 1970 par Howard Giles et ses collaborateurs. Dans ses premières moutures, cette théorie se veut une critique de la potentielle circularité contenue dans l’étude fondatrice de Labov (2006 [1966]) dans le Lower East Side new-yorkais. Selon Giles (1973 : 88- 89), il n’est pas impossible qu’une partie de la variation qui y est observée relève moins du style de parole ou de la classe socio-économique du locuteur, comme Labov (2006 [1966]) le propose, que d’une réponse aux changements que l’expérimentateur a lui-même (inconsciemment) apportés à ses usages. Giles (1973) estime probable que l’expérimentateur, guidé par ses hypothèses de recherche, a rendu plus ou moins formelle sa parole lorsqu’il attendait de ses témoins une parole plus ou moins formelle, ceux-ci s’adaptant en conséquence. En somme, le postulat central sur lequel se fonde cette critique est que le locuteur procède à un ajustement de ses productions en fonction de son interlocuteur.

Dans la première étude empirique à alimenter directement la réflexion au centre de ce qui sera nommé rétrospectivement la speech accommodation theory (SAT, Gallois et coll., 2005 : 122), Giles (1973) propose qu’un locuteur dispose d’un répertoire d’usages composant un continuum dont l’une des extrémités est occupée par une forme prestigieuse, dénuée de caractéristiques régionales et l’autre extrémité, par une forme moins prestigieuse, très régionalement marquée. Le locuteur peut alors faire preuve de mobilité sur le continuum à sa disposition en dépouillant sa parole de

caractéristiques régionales ou en les accentuant. Ultimement, le moteur de cette mobilité est la convergence ou la divergence par rapport à l’interlocuteur.

La notion de convergence repose essentiellement sur le principe de similarité-attraction (Byrne, 1961). Dans son expression la plus simple, ce principe renvoie au fait que plus les attitudes, croyances et comportements d’un individu A sont similaires à ceux d’un individu B, plus l’individu B sera attiré par l’individu A. Les individus sont alors susceptibles d’augmenter la similarité entre eux, un comportement qui peut refléter un désir d’approbation sociale, et la convergence linguistique constitue l’une des stratégies possibles pour atteindre une plus grande similarité. La notion de divergence repose quant à elle sur le principe de la distinction intergroupe, issu de la théorie de l’identité sociale (Tajfel, 1974; Tajfel et Turner, 1986). Cette théorie propose que lorsqu’ils entrent en contact, des individus appartenant à des groupes différents s’évaluent mutuellement en fonction de ce qui les distingue. Ces éléments distinctifs qui constituent la spécificité d’un groupe sont favorablement perçus et par conséquent, tendront à être préservés, mis de l’avant, voire accentués. Sur le plan linguistique, un phénomène de divergence peut se produire lorsque des locuteurs d’un lecte minoritaire cherchent à manifester leur spécificité en présence de locuteurs du lecte majoritaire. Giles et Powesland (1975) ajoutent que le maintien des usages, quels que soient ceux de l’interlocuteur, est également possible, une stratégie dont les motivations sont similaires à celles de la divergence. Selon Coles-Harris (2017 : 12), la prise en charge intégrale de la divergence dès les premières versions de la théorie de l’accommodation demeure un avantage du modèle comparativement à certains autres, qui ne rendent compte que de la convergence (voir section 3.3).

L’étude de Giles (1973) porte sur la parole de 13 locuteurs masculins âgés de 17 ans en moyenne, originaires de Bristol (Royaume-Uni), enregistrés à leur insu alors qu’ils sont invités à s’exprimer sur des questions relatives à la loi et à la peine de mort. Ces locuteurs sont interrogés une première fois en présence de l’auteur, c’est-à-dire un homme plus âgé qu’eux utilisant un lecte considéré prestigieux (la received pronunciation ou RP), et une seconde fois en présence d’un homme de 17 ans comme eux, issu de la classe ouvrière et s’exprimant, selon l’auteur, avec un fort accent de Bristol. L’évaluation d’extraits de parole par 18 auditeurs naïfs suggère que les locuteurs ont modifié leur prononciation de manière à la rapprocher de celle de l’interlocuteur en présence, faisant ainsi acte de convergence. Giles (1973 : 90) précise que sur l’échelle sociale, cette convergence est soit ascendante (vers la RP, le lecte le plus prestigieux), soit descendante (vers le lecte le moins prestigieux, celui de Bristol).

Jusqu’ici, l’interlocuteur n’a été présenté que comme un allocutaire passif aux usages fixes. Giles (1973) reconnaît cependant que lors d’une interaction, les deux locuteurs sont susceptibles de modifier leurs usages. L’atteinte d’un juste équilibre pourrait effectivement résulter de la convergence descendante d’un locuteur d’un lecte prestigieux et de la convergence ascendante d’un locuteur d’un lecte moins prestigieux. Giles et Powesland (1975) suggèrent également que l’auditeur évalue activement l’acte d’accommodation. Cette évaluation repose sur le principe d’attribution causale (Kelley, 1973), qui propose que l’on interprète le comportement d’un individu (voire cet individu même) en fonction de ce que l’on pense être les intentions et motivations derrière son comportement. Dans cette perspective, l’acte d’accommodation est moins jugé pour son résultat que pour ce qui l’a provoqué. Par exemple, si l’auditeur présume que le locuteur fait volontairement l’effort de converger, l’acte d’accommodation sera positivement accueilli. S’il a des raisons de penser que le locuteur converge sous la contrainte ou pour se moquer de lui, l’acte d’accommodation sera perçu négativement. De la même manière, si l’auditeur perçoit que le locuteur maintient ses usages par manque d’effort, l’interaction sera mal évaluée. Si le maintien se voit plutôt justifié par une impossibilité du locuteur à converger, par exemple par manque de compétences linguistiques dans un contexte inter-langues, l’interaction ne sera pas évaluée négativement. Elle peut même être positivement perçue si en lieu et place de convergence, de simples excuses de ne pas être en mesure de s’adapter sont exprimées (Giles et Powesland, 1975 : 161).

En regard de cette perception variable de l’acte d’accommodation et de la possibilité que celui-ci résulte d’une convergence bilatérale visant un juste équilibre, Giles et Powesland (1975) formulent l’hypothèse que l’accommodation n’ait pas à atteindre un seuil maximal, mais optimal. Cette idée est en outre appuyée par un principe issu de la théorie des échanges sociaux (Homans, 1961 : 57- 61), selon lequel un locuteur doit tenir compte aussi bien des gains permis par l’acte d’accommodation que des coûts encourus. Contrairement au principe de similarité-attraction, qui ne prévoit que des bénéfices, la théorie des échanges sociaux reconnaît que l’accommodation peut comporter des désavantages que le locuteur est tenu d’évaluer, comme un effort accru pour s’exprimer ou une perte d’intégrité perçue. Giles et Smith (1979) s’attachent à mettre à l’épreuve l’idée d’un seuil optimal dans la première contribution portant sur une situation d’accommodation entre deux régiolectes : l’anglais canadien et l’anglais britannique. Il s’agit de la première étude à explorer non plus l’accommodation verticale (impliquant des sociolectes), mais horizontale, où les lectes en jeu jouissent du même prestige (Foreman, 2003 : 24).

Giles et Smith (1979) amènent un locuteur anglo-canadien à lire oralement un texte de 120 mots à propos du système scolaire ontarien. Huit versions de ce texte sont produites : dans la première, le locuteur fait mine de s’adresser à un auditoire nord-américain (condition sans accommodation); lors des sept lectures suivantes, le locuteur prétend s’adresser à un auditoire britannique, pour lequel il s’accommode de très peu (lecture 1) à beaucoup (lecture 7). Ces sept degrés d’accommodation correspondent à différentes combinaisons d’ajustements par rapport à trois paramètres : le contenu, la prononciation et le débit. Vingt-huit auditeurs britanniques, pensant que le locuteur cherche réellement à expliquer à des Britanniques le fonctionnement du système scolaire ontarien, sont alors amenés à évaluer les différentes lectures en fonction de cinq critères : l’efficacité du message, l’effort d’accommodation, le degré de prise en compte de son auditoire par le locuteur, son amabilité perçue et dans quelle mesure les auditeurs seraient enclins à coopérer avec lui. Les résultats indiquent qu’une diminution du débit est l’acte d’accommodation le plus favorablement perçu. De plus, appuyant l’hypothèse des auteurs, la lecture la plus accommodée (7) n’est pas la plus favorablement perçue. En fait, la lecture la plus positivement évaluée est celle où il y a accommodation sur le débit et le contenu, mais non sur la prononciation. Giles et Smith (1979 : 62) interprètent ce résultat à la lumière du principe de distinction intergroupe : « [a]ccording to Tajfel’s theory outlined earlier, English listeners may have felt that they were losing their cultural distinctiveness as the Canadian adopted perhaps the most distinguishing linguistic attributes of their group identity—a ‘British’ accent ». En plus de confirmer l’hypothèse d’un seuil optimal, cette étude suggère que l’accommodation peut être envisagée comme un continuum multidimensionnel comprenant divers degrés d’ajustement par rapport à différents paramètres linguistiques. Par exemple, le locuteur est libre de converger vers son interlocuteur par rapport à certains éléments pour gagner son approbation, tout en divergeant par rapport à d’autres éléments pour conserver son intégrité ou accentuer sa spécificité.

Thakerar et coll. (1982) rapportent quant à eux une situation expérimentale où des infirmières de statut supérieur interagissent avec des infirmières de statut inférieur, leur statut respectif étant déterminé par l’ampleur de leur expérience professionnelle. Amenées à discuter d’une question éthique relative à leur profession, puis à écouter l’enregistrement de leur interaction, les locutrices rapportent avoir conscience de la différence de statut impliquée et considèrent que la forme de l’échange est appropriée et légitime. Lorsque des auditeurs naïfs évaluent à leur tour les enregistrements, ils reconnaissent qu’un changement linguistique s’opère chez les infirmières des deux statuts : les infirmières de statut supérieur diminuent leur débit et utilisent un lecte perçu moins standard, alors que les infirmières de statut inférieur augmentent leur débit et utilisent un

lecte perçu plus standard. Dans les faits, il résulte de ces échanges un phénomène de divergence. Pourtant, le but poursuivi par les locutrices en modifiant leurs usages est de les rapprocher de ceux de leur partenaire. Thakerar et coll. (1982 : 235) émettent l’hypothèse qu’en réalité, les locuteurs convergent ou divergent moins par rapport aux usages réels de leur interlocuteur qu’à l’image ou au stéréotype qu’ils en ont, accusant ainsi une rupture entre l’accommodation psychologique et l’accommodation linguistique.

En outre, Thakerar et coll. (1982) ajoutent une nouvelle dimension à la théorie en introduisant une distinction entre la fonction affective de l’accommodation et sa fonction cognitive. La fonction affective, celle décrite jusqu’ici, qui propose que la convergence a pour but de gagner l’approbation, et la divergence ou le maintien, d’accentuer la spécificité des groupes, est opposée à une fonction qui viserait plutôt l’efficacité de la communication. La convergence est alors entrevue comme un moyen de faciliter la compréhension, par exemple dans une situation de travail où un travailleur plus expérimenté explique un nouveau concept à un collègue moins expérimenté. La divergence ou le maintien sont plutôt utilisés pour éviter l’incompréhension. Par exemple, un locuteur s’exprimant dans une langue seconde pourrait momentanément exagérer son accent étranger ou faire mine de chercher ses mots pour rappeler à son interlocuteur que celui-ci doit conserver un code linguistique approprié à la situation, avant de revenir à son accent étranger ou à sa rapidité d’accès lexical réels (Gallois et coll., 2005 : 126).

Les études rapportées jusqu’ici s’inscrivent dans ce que Gallois et coll. (2005) identifient comme la première phase de développement de la SAT. À l’origine, la théorie est conceptualisée dans le but de rendre compte des mécanismes psycho-sociaux motivant le processus d’accommodation linguistique. Ses développements subséquents témoignent du fait que la dimension psycho-sociale de la théorie tend à se déployer, au détriment semble-t-il de la dimension linguistique. Par exemple, Giles et Smith (1979) envisagent certes l’accommodation comme un continuum multidimensionnel où se négocient les tensions entre différentes facettes de l’identité individuelle et sociale du locuteur et de l’auditeur, mais sont fort avares de détails concernant les paramètres linguistiques impliqués dans leur étude : on ne sait rien ni de l’ampleur des écarts caractérisant un paramètre donné, ni des mesures utilisées, ni de l’habileté du locuteur à adopter des traits britanniques, quels que soient ces traits, alors que des différences relatives au contenu, à la prononciation et au débit sont traitées sur un pied d’égalité. Thakerar et coll. (1982 : 249) considèrent quant à eux que leur contribution donne à la théorie de l’accommodation une perspective sur les faits de langue plus psycho-sociale que jamais, car en plus de proposer un traitement séparé de l’accommodation psychologique et de l’accommodation linguistique, cette dernière dimension se trouve réduite à une abstraction, à un

stéréotype issu de l’imaginaire du locuteur. Poursuivant la réflexion de Coupland (1984 : 50), qui rappelle qu’une théorie sur l’accommodation linguistique ne saurait être complète sans une analyse fine des éléments linguistiques qui sont manipulés, on peut s’interroger sur le futur que réserve la SAT à la discipline qui lui a pourtant fourni son matériau originel.

Dans ce qui sera considéré comme l’une des applications parmi les plus détaillées et systématiques de la théorie de l’accommodation à un objet d’étude linguistique (Trudgill, 1986 : 4; Foreman, 2003 : 26), Coupland (1984) propose une analyse auditive de l’accommodation d’une locutrice britannique dans le cadre de son travail en fonction de quatre variables linguistiques bien définies : (h), (t intervocalique), (ng) et (cluster consonantique). La présence de ces éléments est considérée comme relevant d’un registre standard et leur absence, d’un registre non standard. Coupland (1984) formule l’hypothèse que lors d’une relation employé-client, le principal acte d’accommodation qui devrait avoir lieu est la convergence de la part de l’employé, afin de faciliter la transmission du message (Thakerar et coll., 1982) et de gagner l’approbation du client23 (Byrne, 1961). Pour son analyse, l’auteur dispose d’enregistrements d’interactions de deux à dix minutes entre une agente de voyage et 51 de ses clients, tous originaires de Cardiff, au Royaume-Uni. La locutrice savait être enregistrée, mais pensait que seules les productions de ses clients seraient analysées. Conformément à l’hypothèse de départ, une forte corrélation positive est observée entre les usages de l’employée et ceux de ses clients, les coefficients de corrélation allant de 0,76 pour la variable (cluster consonantique) à 0,90 pour la variable (ng). L’auteur cherche également à déterminer si l’accommodation repose sur une correspondance directe, variable par variable, des formes linguistiques (direct linguistic matching), ou sur l’idée que se fait la locutrice des usages de son interlocuteur avant même de lui avoir adressé la parole, de son interprétation de l’échange en cours et de l’image sociale qu’elle souhaite projeter (interpretive). Une analyse plus approfondie de certaines interactions révèle la présence de ces deux types d’accommodation. Dans un passage, la convergence de la locutrice constitue effectivement une réponse aux usages de l’interlocuteur et concerne une variable isolée. Dans un autre passage, l’auteur note chez la locutrice une brusque intensification de l’utilisation de variantes non standards lorsque la conversation glisse sur un sujet rendant complices l’employée et ses clients, suivie d’un retour à la normale quand l’échange reprend un aspect plus professionnel, changement de registre auquel les clients n’emboîtent pas le pas.

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Coupland (1984) précise que dans un tel contexte, ces deux finalités doivent être atteintes parce que l’employé est rémunéré pour y arriver, et non parce qu’il cherche une forme de gratification sociale.

Cette contribution de Coupland (1984) montre tout le potentiel offert par la SAT en phonétique et en linguistique de manière plus générale. Elle permet de confirmer ou de nuancer certains postulats, par exemple l’hypothèse de Thakerar et coll. (1982), selon laquelle les locuteurs s’accommodent à l’image qu’ils entretiennent de leurs interlocuteurs. L’auteur observe bel et bien ce qu’il nomme de l’accommodation de type interpretive, mais il ne s’agit pas de la seule stratégie utilisée par la locutrice, qui apparaît par moments sensible à l’utilisation de variantes linguistiques précises. Coupland (1984 : 66) plaide également en faveur d’études spécifiquement consacrées à l’accommodation de la prononciation, car selon lui, en raison de leur forte charge de signification sociale, les variantes phonétiques et phonologiques ne sauraient être traitées au même niveau que d’autres éléments propices à l’accommodation mais socialement moins signifiantes comme la longueur des énoncés ou le débit.

Gallois et coll. (2005 : 130) signalent que l’année 1987 marque un tournant disciplinaire pour la théorie de l’accommodation. Giles et coll. (1987 : 41) étendent alors la portée du cadre interprétatif de la SAT en y intégrant un ensemble de phénomènes se rapportant aux dimensions discursives et non verbales des interactions sociales, et proposent de nommer communication accommodation theory (CAT) cette version du modèle théorique beaucoup plus globalisante que les précédentes. La CAT constitue désormais « an integrated, interdisciplinary statement of relational processes in communicative interaction », une interface entre langue, communication et psychologie sociale (Giles et coll., 1991 : 2). Elle est alors mise à profit pour rendre compte de processus communicationnels interpersonnels, interculturels, interethniques, intergénérationnels, ayant lieu en milieu de travail, en contexte éducatif, dans les médias, au sein de communautés virtuelles, etc. (Giles et coll., 1991; Gallois et coll., 2005; Hordila-Vatamanescu et Pana, 2010; Soliz et Giles, 2014 : 114).

Après le virage transdisciplinaire de la CAT, contrairement à ce que souhaitait Coupland (1984), les études consacrées spécifiquement à la prononciation et mettant à profit ce cadre d’analyse sont virtuellement inexistantes; celui-ci est plutôt exploité pour rendre compte de phénomènes comme « bilingual speech behaviour and paralinguistic phenomena such as intonation patterns, utterance length, speech rate, pause length, back-channelling, turn-taking » (Foreman, 2003 : 26), « posture, gesture, eye contact and amount of joking » (Siegel, 2010 : 70). Par ailleurs, certaines des possibilités d’analyse désormais offertes par la CAT l’exposent à la critique. On lui reproche notamment de permettre d’attribuer tout type de motivation à tout type de comportement. Un exemple rapporté par Foreman (2003 : 26) est celui d’un locuteur faisant une blague qui offense son partenaire. Dans le cadre de la CAT, un chercheur pourrait interpréter cet acte comme la mise en

place d’une stratégie de contrôle interpersonnel, c’est-à-dire une manière pour le locuteur de prendre le contrôle du rôle que sera amené à jouer son partenaire dans l’interaction. Cependant, cette blague offensante pourrait simplement résulter du sens de l’humour inhabituel du locuteur ou d’une mésinterprétation de la situation en raison d’un manque d’habiletés sociales. Siegel (2010 : 73) illustre pour sa part cet état de fait en rappelant que la CAT prédit que lors d’un échange impliquant un rapport de pouvoir comme celui entre un employeur et un employé, l’individu au statut inférieur convergera vers l’individu au statut supérieur… à moins que des facteurs personnels ou situationnels ne viennent renverser la tendance. Dès lors, dans la mesure où « virtually anything a speaker does or says can be labelled as a form of accommodation », Foreman (2003 : 26) s’interroge sur la validité d’une théorie apparemment non réfutable.

Au-delà de telles critiques et de quelques cas où le recours à la CAT est jugé abusif ou erroné par Meyerhoff (1998), la théorie de l’accommodation demeure influente en linguistique, entre autres

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