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2 Revue de la littérature

2.3 Théorie du capital social

L’aspect humain est souvent cité dans la littérature comme étant une composante importante du processus de transfert d’entreprises agricoles (Parent et al., 2000). Le processus de fixation du prix de vente d’actifs agricoles est une des étapes dans le processus de transfert de propriété et les aspects financiers qui s’en dégagent semblent jouer un rôle quant à la viabilité et la pérennité des entreprises post-transfert. Cependant, les ressources propres (i.e. capital humain), les projets des ménages agricoles et les conditions locales d’exercice peuvent potentiellement influencer encore plus la pérennité des exploitations. Mundler (2009) mentionne que «(…) l'aptitude des agriculteurs à

mobiliser autour d'eux un réseau d'aide et de «coups de main» plus ou moins informel apparaît comme un élément déterminant de la pérennité des exploitations». La notion de capital social est

ainsi intégrée à la présente analyse en vue d’évaluer son impact quant à la pérennité et la viabilité de la ferme, et son articulation dans la détermination du prix de vente.

Le capital social consiste en un ensemble de normes et de réseaux qui définissent des groupes et influencent les actions des personnes membres de ces groupes (Castle, 2003). La confiance, la réciprocité et le partage d’information sont des aspects caractérisant les relations entre des membres d’un groupe doté de capital social (Castle, 2003; Stone, 2001). Dans le cas de l’agriculture, le capital social représente pour certains un intrant essentiel à la production de biens agricoles, entre autres à travers des échanges informels de ressources (Sutherland & Burton, 2011) et doit être considéré au

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même titre que le capital physique, humain et financier (Robison, Schmid, et al., 2002). Le capital social est nécessaire afin de motiver les employés, de s’assurer de la fidélité des clients et la confiance des fournisseurs et investisseurs (Nilsson et al., 2012). Plusieurs chercheurs notent toutefois que l’évolution du secteur agricole, notamment via la mécanisation des procédés et la consolidation des entreprises, a affecté la nature des rapports entre agriculteurs, érodant dans certains cas le capital social disponible. L’importance du capital social pour les grandes exploitations pourrait s’être amoindrie au fil du temps, tandis qu’elle l’est particulièrement plus pour les plus petites (Gustafson & Nganje, 2006; Sutherland & Burton, 2011).

La présente étude s’inspire de l’approche développée par Robison, Myers, et al. (2002), qui incorporent le capital social à un modèle économique néoclassique analysant les termes de l’échange de terres agricoles. Les auteurs suggèrent que plus le niveau de capital social est élevé, plus le vendeur se soucie du bien-être (ou dans ce cas-ci de la richesse) de l’acheteur, et donc est disposé à réduire son prix. L’inverse est aussi vrai, plus l’acheteur se soucie du bien-être du vendeur, plus il sera disposé à lui offrir un prix élevé. Cependant, les auteurs avancent que dans le cas d’un vendeur ayant un avantage (désavantage) économique dans son usage de la portion de terre à échanger, une augmentation du coefficient de capital social «k» fait augmenter le prix minimum de vente, si la réduction de la valeur présente nette de la richesse du vendeur «i» suite à la vente est supérieure (inférieure) à l’augmentation de la valeur présente nette de l’acheteur «j» suite à l’achat. Si le vendeur a un avantage économique par rapport à l’acheteur, une augmentation du coefficient de capital social fera diminuer le prix minimum de vente. Les figures 6 et 7 illustrent les deux cas d’avantages économiques possibles.

24 Source : Robison, Myers, et al. (2002)

Dans le cas de la figure 6, comme l’avantage au vendeur veut que Δ𝜋j ˂ 𝛥𝜋i, la seule

transaction possible serait à 𝑘ij = 𝑘ji = -1, ce qui implique que le capital social qui unit les deux

parties est négatif, dénotant une relation d’antipathie, ou une totale absence de réciprocité. Comme l’acheteur exhiberait ici une moins bonne capacité à rentabiliser la terre, il se retrouverait en quelque sorte appauvrit suite à la transaction. Le modèle considère alors qu’un vendeur ayant à cœur l’intérêt de l’acheteur ferait en sorte que la transaction n’ait pas lieu, puisqu’elle résulterait en une diminution du bien être des deux parties. À l’inverse, si l’acheteur a un avantage économique par rapport au vendeur (Δ𝜋j ˃ 𝛥𝜋i), la transaction aura probablement lieu, comme l’indique la figure 7.

Figure 6 : Prix de vente minimum et prix d'achat maximum en fonction du capital social dans le cas d'un avantage économique du vendeur.

𝚫𝝅j

𝑝

sij

, 𝑝

bji

𝑘

ij

, 𝑘

ji

𝒑

sij

( 𝒌

ij

)

𝒑

bji

( 𝒌

ji

)

−1

1

𝚫𝝅i

25 Source : Robison, Myers, et al. (2002)

Étant donné l’avantage économique de l’acheteur (Δ𝜋j ˃ 𝛥𝜋i), le prix minimum de vente est

inférieur au prix maximum d’achat sur tout l’intervalle 𝑘∈ [−1; 1]. Dans ce cas, plus le coefficient de capital social se rapproche de 1, plus la probabilité de transaction est grande et le spectre de prix possibles est large. L’acheteur ayant une meilleure capacité à rentabiliser la terre se retrouverait en quelque sorte enrichi de la transaction. Le modèle considère alors qu’un vendeur ayant à cœur l’intérêt de l’acheteur favorisera la transaction puisqu’elle résulterait en une augmentation du bien être des deux parties. Les auteurs stipulent que le capital social assure donc l’allocation des ressources à leur usage le plus efficace et favorise les transactions de cette nature.

Les conclusions du modèle de Robison, Myers, et al. (2002) sont fortes, mais néanmoins intéressantes. La relation entre le prix de vente de l’exploitation agricole et le spectre de prix possibles a donc servi d’indicateur du degré de réciprocité entre cédants et repreneurs. Le cédant demeurant souvent à l’emploi de la ferme suite au transfert, la fixation du prix de vente pourrait avoir des impacts importants sur la performance post-transfert, tant d’un point de vue technico- économique qu’organisationnel et social.

𝑘

ij

, 𝑘

ji

𝑝

sij

, 𝑝

bji

𝒑

sij

( 𝒌

ij

)

𝒑

bji

( 𝒌

ji

)

−1

1

𝚫𝝅i 𝚫𝝅j

Figure 7 : Prix de vente minimum et prix d'achat maximum en fonction du capital social dans le cas d'un avantage économique de l'acheteur.

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