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5 Résultats et discussion

5.2 Mécanismes de gouvernance : régression multivariée

La relation entre les variables explicatives et la variable dépendante de ce modèle a d’abord été analysée graphiquement afin de déterminer la forme fonctionnelle. La mise au carré de deux variables et le logarithme naturel d’une variable a été jugée comme meilleur prédicteur étant donné la non-linéarité des relations observées. Le manque d’observations pour les variables dénotant la

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rentabilité économique et la marge de sécurité pré-acquisition ont nécessité le retrait de ces variables de l’analyse. De plus, l’hypothèse d’homoscédasticité n’a pas été initialement vérifiée pour cette régression. Suite à une évaluation des causes possibles d’hétéroscédasticité, les variables dénotant la nature du transfert et le taux d’endettement ont été retirées du modèle originalement présenté à la section 3. Un test Goldfeld-Quandt (GQ(2;2)=1,1021<F(2;2)𝛼=0,1=9,000) et un test Park

(F(21;43)=0,466; p=0,798) ont confirmé que le problème d’hétéroscédasticité avait été réglé. À la lumière des résultats obtenus, on ne peut donc pas rejeter l’hypothèse nulle d’homoscédasticité dans le modèle modifié (voir annexe statistique). Les variables retenues pour la régression figurent au tableau 13. On note d’abord que le prix en pourcentage de la valeur marchande des parts acquises est de 73,83 % en moyenne16. Les producteurs laitiers représentent 63 % du sous-groupe de

l’échantillon. La valeur marchande pré-acquisition moyenne est de 1’518’902 $, ce qui est plutôt représentatif de l’échantillon. Le taux d’intérêt payé sur l’emprunt visant à financer l’acquisition est de 4,02 %. Les repreneurs affichent une mise de fonds moyenne de 9’246 $ et les revenus hors-ferme moyens des repreneurs du sous-groupe sont de 31’231 $. Du côté des revenus hors-ferme des cédants, ils sont en moyenne de 6’554 $ dans le sous-groupe, sensiblement moins que dans l’échantillon (10'615 $).

16 La moyenne pour cette variable est considérablement plus élevée que celle de l’échantillon. Ceci s’expliquerait par le fait que les observations où les repreneurs n’ont pas eu recours à l’emprunt pour financer leur acquisition ou n’ont pas spécifié le taux d’intérêt payé ne figurent pas au sous-groupe utilisé pour l’analyse. Imputer un taux d’intérêt de zéro n’aurait pas été réaliste pour ces observations, elles ont donc été retirées de l’analyse. Le prix payé apparait dès lors supérieur à cause de l’utilisation de l’emprunt dans le montage financier.

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Tableau 13: Mécanismes de gouvernance : prix sur valeur marchande des parts acquises et variables indépendantes (N=65)

Moyenne Ecart type N

Prix sur valeur marchande des parts acquises 73,83 44,55 65

Bovins laitiers et production laitière 0,63 0,49 65

Subventions 12’624,86 24’572,70 65

Subventions au carré 753915007,02 2327316867,81 65

Plan d'affaire 0,74 0,44 65

Conseil expert BRN 0,57 0,50 65

Conseil expert CDR 0,86 0,35 65

Taux intérêt payé emprunt 4,02 1,60 65

Épargne (autofinancement) 9’246,15 24’684,28 65

Politique endettement 0,29 0,46 65

Années expérience 11,29 6,74 65

Log naturel du nombre d’années de planification 1,12 0,83 65

Nombre associés non apparentés 0,15 0,36 65

Cédant a signé caution 0,18 0,39 65

Nombre associés apparentés 1,28 0,86 65

Revenus hors ferme ménage repreneur 31’230,77 27’070,95 65

Revenus hors ferme ménage repreneur au carré 234400000,00 729336830,62 65

Revenus hors ferme cédant 6’553,85 13’944,12 65

Conjoint repreneur 0,88 0,33 65

Valeur marchande pré-transfert 1’518’901,95 1’727’997,16 65

Pourcentage des parts acquises 66,42 24,50 65

Dernière acquisition est la seule rapportée 0,65 0,48 65

Une analyse de régression multivariée a donc été réalisée afin d’évaluer l’impact des différents mécanismes de gouvernance sur le ratio prix sur valeur marchande des parts acquises. Les résultats montrent que la combinaison linéaire des régresseurs a une relation significative avec la variable dépendante (F(21;43)=2,734; p=0,003). Le coefficient de détermination (R2) du modèle est de 0,572

ce qui indique que 57,2 % de la variance du ratio prix/valeur marchande des parts acquises est expliqué par les variables indépendantes retenues (R2 ajusté de 36,3 %). Outre pour les variables

mises au carré et leur radical, les indicateurs VIF étant tous inférieurs à 5 et les indices de tolérance tous supérieurs à 0,2 (Lepage et al., 2008), on peut conclure que la colinéarité ne semble pas être problématique dans le modèle.

Le tableau 14 présente des coefficients indiquant la force de la relation entre les régresseurs et le ratio prix sur valeur marchande des parts acquises. En utilisant l’approche de Bonferroni pour le contrôle de l’erreur de type 1, une valeur p de moins de 0,005 (0,1/20=0,005) était nécessaire pour obtenir la significativité statistique17. On constate d’abord qu’aucune des variables à tester n’apparait

comme étant statistiquement significative. Cependant les coefficients des variables associées au

17 Le seuil de significativité choisit est ici divisé par le nombre d’hypothèses à tester dans le modèle afin d’utiliser la correction de Bonferroni. Les hypothèses nulles étant que les coefficients des 16 variables explicatives étudiées sont de zéro et que les quatre groupes correspondant aux parties prenantes montrent des coefficients conjointement égaux à zéro.

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groupe « institutions financières & banques » sont conjointement significatifs (F(4;43)=4,931;

p=0,002) à un seuil de 5 % corrigé avec l’approche de Bonferroni. Il est toutefois à noter que la

probabilité de rejeter à tort l’hypothèse nulle de certains coefficients est relativement faible. Il sera donc entendu que les variables qui auraient été désignées comme étant statistiquement significatives à au moins 10 % sans la correction de Bonferroni seront considérées comme étant marginalement significatives18. Suivant cette logique, le fait d’avoir rédigé un plan d’affaire a une influence

marginalement significative sur la variable dépendante (𝛽=30,441; p=0,026). Plusieurs programmes d’aide à l’établissement exigent de soumettre un plan d’affaire dans le dépôt d’une candidature (CRAAQ, 2016). Cette variable peut faire augmenter le prix payé en proportion de la valeur marchande des parts acquises étant donné que le montant d’aide reçu pourrait servir à financer l’acquisition. De plus, le fait d’avoir recours aux services d’un expert dans le but d’évaluer les besoins de retraite des cédants semble influencer négativement la variable dépendante (𝛽=-26,865; p=0,030) bien que marginalement. On peut toutefois noter que les répondants ayant eu recours à ce service semblent également avoir fait appel à une expertise en matière d’évaluation de la capacité de remboursement de l’entreprise (Pearson(65)=0,371; p=0,001). C’est donc possiblement suite au recours à ces services que le prix est révisé à la baisse, comparé aux agriculteurs ne les ayant pas utilisés. Par ailleurs, le taux d’intérêt payé influence marginalement et négativement le prix (𝛽=- 10,106; p=0,010). Un taux d’intérêt élevé limite effectivement le montant que le repreneur peut emprunter, et limite incidemment le prix qu’il peut payer pour la ferme. L’épargne du repreneur (ou autofinancement) apparait aussi comme étant marginalement significative, bien que son influence soit relativement faible (𝛽=0,001; p=0,007). Une plus grande mise de fonds de la part du repreneur pourrait permettre de diminuer le risque d’un prêteur et ainsi procurer un plus grand financement pour l’acquisition. Finalement, le fait que le repreneur ait un(e) conjoint(e) semble marginalement influencer le prix (𝛽=37,899; p=0,045), possiblement à cause d’un apport additionnel de revenus par le ménage et conséquemment d’une plus grande marge de manœuvre financière.

18 À noter que l’utilisation de l’approche séquentielle de Holm, moins conservatrice que l’approche de Bonferroni, n’aurait pas changé la significativité des résultats obtenus.

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Tableau 14: Résultats de la régression, mécanismes de gouvernance, (N=65)

Modèle Coefficients non standardisés t Sig. Statistiques de colinéarité B Erreur

standard Tolérance VIF

(Constante) 163,727 34,214 4,785 ,000

Bovins laitiers et production laitière -13,047 13,958 -,935 ,355 ,429 2,331

Subventions ,000 ,001 ,449 ,656 ,121 8,274

Subventions au carré -4,303E-09 ,000 -,732 ,468 ,106 9,464

Plan d'affaire † 30,441 13,168 2,312 ,026 ,581 1,720

Conseil expert BRN † -26,865 12,007 -2,237 ,030 ,551 1,816

Conseil expert CDR -19,148 19,716 -,971 ,337 ,420 2,382

Taux intérêt payé emprunt † -10,106 3,760 -2,687 ,010 ,549 1,821

Épargne † ,001 ,000 2,818 ,007 ,512 1,952

Politique endettement 2,407 11,415 ,211 ,834 ,722 1,385

Années expérience -,386 ,921 -,419 ,677 ,514 1,947

Log naturel durée de planification 5,547 7,001 ,792 ,432 ,587 1,704

Nombre associés non apparentés -8,741 15,252 -,573 ,570 ,643 1,556

Cédant a signé caution 6,985 15,016 ,465 ,644 ,573 1,744

Nombre associés apparentés 1,381 6,649 ,208 ,836 ,609 1,643

Revenus hors ferme ménage

repreneur ,000 ,000 -,881 ,383 ,626 1,599

Revenus hors ferme cédant au

carré 1,120E-08 ,000 ,639 ,526 ,121 8,272

Revenus hors ferme cédant 3,906E-05 ,001 ,044 ,965 ,128 7,798

Conjoint repreneur † 37,899 18,358 2,064 ,045 ,535 1,869

Valeur marchande pré-transfert † -8,973E-06 ,000 -2,545 ,015 ,532 1,878

Pourcentage des parts acquises * -,797 ,245 -3,252 ,002 ,548 1,824

Dernière acquisition est la seule

rapportée -9,425 10,962 -,860 ,395 ,709 1,411

*** significatif à 𝛼=1 %, ** significatif à 𝛼=5 %, * significatif à 𝛼=10 %, † marginalement significatif.

D’après les résultats obtenus, on peut croire que les mécanismes de gouvernance analysés individuellement ont une influence marginale sur la fixation du prix de vente dans le sous-groupe de l’échantillon. Cependant, la partie prenante « institutions financières & banques » telle que définie dans l’analyse est la seule montrant une relation significative sur le prix. Ce résultat nous pousse à conclure que le prix semble largement déterminé par les institutions, par le biais des planificateurs financiers, conseillers en gestion et banquiers. La décision revêtant effectivement une certaine complexité et demandant une grande expertise afin de mener à des calculs précis, les agriculteurs pourraient préférer délaisser cet aspect de la fixation du prix aux conseillers en la matière. De plus, les agriculteurs pourraient collaborer avec ces conseillers dans le but d’évacuer le risque de conflits entre cédants et repreneurs (Handfield, 2006). Ainsi, l’aspect humain serait écarté du processus afin d’en éviter les aléas. Bien que la variable n’ait pas été intégrée à l’analyse pour cause d’hétéroscédasticité, la nature du transfert semble avoir une certaine incidence sur le prix. En effet, la

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moyenne du prix en proportion de la valeur marchande de l’entreprise semble plus élevé (F(1;28)=8,195; p=0,008) pour les repreneurs non-apparentés (88,3 %, N=16) que pour les repreneurs apparentés (63,8 %, N=114) dans l’échantillon.