II. Groupes classiques
5. Théorème de Witt
. (22)
On a alors
Sp2ν(K)={U∈GL2ν(K)|tUJ2νU=J2ν}. (23) Décomposant la matrice par blocs,
U= µA B
C D
¶ , il vient U∈Sp2ν(K) si et seulement si
tAC=tCA, tBD=tDB, tAD−tCB=Iν. (24)
En particulier, on a Sp2(K)=SL2(K). On a en fait l’inclusion Sp2ν(K)⊆SL2ν(K)
pour toutνÊ1, mais elle n’est pas facile à démontrer (cor. 7.2 et cor. III.4.8).
5. Théorème de Witt
Le théorème de Witt est un théorème de prolongement des isométries. Il est essentiel dans la théorie.
Théorème 5.1(Witt). — Soient (V,b) et(V0,b0) des espaces isométriques non dégénérés.
SoitWun sous-espace deVet soit u: W→V0une isométrie. Il existe une isométrie v: V→V0 telle que v|W=u.
Commeno¸ns par le cas simple où W est de dimension 1, engendré par un vecteurx.
Le vecteury:=u(x) vérifieb(x,x)=b(y,y) et il s’agit de trouver une isométrievtelle que v(x)=y. Pour résoudre ce problème, nous aurons besoin de la construction suivante.
5. THÉORÈME DE WITT 71
Exemple 5.2(Réflexions). — Sib(x,x)6=0 (en particulier,b est symétrique), on a V= x⊥⊕Kxet laréflexion(ou symétrie hyperplane) par rapport àx⊥est l’endomorphismesx
de V de valeurs propres 1 et−1 sur cette décomposition. Il s’agit manifestement d’une isométrie, donnée explicitement par la formule
sx(y)=y−2b(x,y) b(x,x)x.
Sib(x,x)=b(y,y)6=0 et qu’on note la forme quadratique associée f, le théorème de Witt résulte alors du lemme suivant.
Lemme 5.3. — Si f(x)=f(y)6=0, il existe une isométrie v telle que v(x)=y.
Démonstration. — Def(x+y)+f(x−y)=2(f(x)+f(y))=4f(x), on déduit que l’un au moins des vecteursx+y etx−yest non isotrope, disons par exemplex+y. Alors la ré-flexion par rapport à (x+y)⊥envoiexsur−y, et on la compose par−Id.
Le deuxième cas qu’on va traiter est celui d’un espace W totalement isotrope (c’est-à-dire tel queb|W≡0). On construit pour cela un espace hyperbolique contenant W.
Lemme 5.4. — SoitVun espace vectoriel muni d’une forme bilinéaire symétrique ou alter-née non dégénérée, soitWun sous-espace vectoriel totalement isotrope deVet soit(e1, . . . ,er) une base deW. Il existe(e01, . . . ,e0r)dansVtels que
— chaquePi:= 〈ei,e0i〉est un plan hyperbolique ;
— P1, . . . , Prsont en somme directe orthogonale.
En outre, toute isométrieW→V0se prolonge en une isométrieP1⊕ · · ·⊥ ⊕⊥Pr→V0.
Démonstration. — Le casr=1 est le lemme 4.9. On raisonne ensuite par récurrence surr.
Posons W1= 〈e2, . . . ,er〉.
L’hyperplane⊥1 contiente1 et W1; soit V1un supplémentaire de e1 danse⊥1 conte-nant W1. La restriction debà V1est non dégénérée ; on applique l’hypothèse de récur-rence à son sous-espace totalement isotrope W1et il existe donc des plans hyperboliques P2, . . . , Pr dans V1avec les propriétés du lemme. La somme directe P2⊕· · ·⊥ ⊥⊕Prest alors or-thogonale àe1et la restriction deby est non dégénérée. Son orthogonal contient donce1 et la restriction deby est aussi non dégénérée. On peut y appliquer le lemme 4.9 au vec-teure1: il existee10 orthogonal à P2⊕ · · ·⊥ ⊕⊥Pr et formant avece1un plan hyperbolique.
L’extension d’une isométrie u: W → V0 se montre en étendant im(u) dans V0 de la même manière que W : comme b est non dégénérée, u est injective et u(W) =
〈u(e1), . . . ,u(er)〉 est un sous-espace totalement isotrope de V0; on construit alors des plans hyperboliques〈u(ei),ei00〉et on prolongeuen envoyant chaquee0isure00i.
Démonstration du th. 5.1. — On commence par étendre u à un sous-espace ¯W de V contenant W sur laquelle la formebest non dégénérée.
Soit W0un supplémentaire de W∩W⊥dans W. La restriction debà W0est non dégéné-rée, donc aussi la restriction debà W0⊥. Ce dernier espace contient le sous-espace vecto-riel totalement isotrope W∩W⊥. Par le lemme 5.4, on peut donc étendreu|W0⊥à un sous-espace hyperbolique H de W0⊥(sur laquellebest non dégénérée). On a ainsi étenduuen ¯u
au sous-espace ¯W :=H⊥⊕W0, sur lequelbest non dégénérée. Remarquons que la restriction deb0àu( ¯W) est aussi non dégénérée.
Sibest alternée, les restrictions (non dégénérées) debà ¯W⊥ et deb0à ¯u( ¯W)⊥ sont équivalentes (à isométrie près, il n’y a qu’une seule forme alternée non dégénérée sur un espace vectoriel de dimension paire). On a ainsi étenduuà ¯W⊕⊥W¯⊥=V.
Supposons doncbsymétrique. De plus, comme (V,b) et (V0,b0) sont isométriques, on peut les supposer égaux. Le cas dim( ¯W)=1 est alors fourni par le lemme 5.3.
On raisonne alors par récurrence sur dim( ¯W). Si dim( ¯W)Ê2, on écrit ¯W=W1
⊕⊥W2, avec W1et W2non nuls, où la restriction debà W1et à W2est non dégénérée (cf.§ 4.2).
Par l’hypothèse de récurrence,u|W1se prolonge en une isométriev1de V, qui induit par restriction une isométriev1|W⊥
1 : W1⊥→∼u(W1)⊥. On applique alors à nouveau l’hypothèse de récurrence àu|W2: W2→u(W1)⊥pour le prolonger en une isométriev2: W1⊥→∼u(W1)⊥. On prend alorsv=u|W1⊕v2: W1⊕W1⊥→u(W1)⊕u(W1)⊥.
Corollaire 5.5. — 1° Si W et W0 sont des sous-espaces isométriques de V, les sous-espacesW⊥etW0⊥sont isométriques.
2° Tous les sous-espaces totalement isotropes maximaux ont même dimensionν, appelée l’indice de b.
3° Tous les sous-espaces hyperboliques maximaux ont même dimension2ν.
4° SiHest un sous-espace hyperbolique maximal, on peut écrireV=H⊕⊥W, avecWsans vecteur isotrope non nul (West anisotrope).
On notera qu’au vu de 3°, on aνÉ12dim(V).
D’autre part, dans le cas alterné, le corollaire résulte de la classification des formes al-ternées non dégénéréees ; on aν=12dim(V) et l’espace anisotrope W du 4° est nul.
Démonstration. — Le 1° résulte du théorème de Witt.
On prouve le 2°. Si W et W0sont totalement isotropes et dim(W)Édim(W0), n’importe quelle application linéaire injectiveu: W→W0 est une isométrie, donc s’étend en une isométrievde V. Alors W est contenu dansv−1(W0), qui est aussi totalement isotrope. Il en résulte que tous les sous-espaces totalement isotropes maximaux ont même dimension.
Tout sous-espace hyperbolique contient un sous-espace totalement isotrope de di-mension moitié, et inversement, comme on l’a vu dans le lemme 5.4, tout sous-espace totalement isotrope est contenu dans un sous-espace hyperbolique de dimension double.
Le 3° résulte donc du 2°.
Le 4° a déjà été vu dans le § 4.4.
Exemples 5.6. — 1° SiKest un corps quadratiquement clos, une forme quadratique non dégénérée de dimensionnest d’indicebn/2c(ex. 4.10.1°).
2° Dans le cas d’une forme quadratique non dégénérée surRn, de signature (s,t=n−s), on voit que l’indice est inf(s,t) (ex. 4.10.2°), donc la signature est bien un invariant de la forme quadratique.
3° Dans le cas d’un corps finiFq(de caractéristique différente de 2), rappelons que les formes quadratiques sont de deux types :
〈1, . . . , 1〉 et 〈1, . . . , 1,α〉,