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Théorème de représentation de Riesz

Ce théorème fournit une autre démonstration de l’existence de la mesure de Lebesgue. Considérons un espace topologiqueX, muni de la tribu borélienneB(X), et soitµ:B(X)→[0,+∞]une mesurefinie sur les compacts. Une telle mesure est appelée unemesure de Radon.

On noteC0c(X)l’espace des fonctionscontinues à support compactdeXdansRouC. On rappelle que le support d’une fonctionf estsupp(f) ={x∈X |f(x)6= 0}.

On associe à la mesureµune forme linéaire positiveJ surCc0(X)définie par J(f) =

Z

X

fdµ ∈RouC

L’intégrale est bien définie, puisque |f| 6 C1K, avec K = supp(f)compact, C = supxX|f(x)| et µ(K)<∞.Jest positive dans le sens oùf>0⇒J(f)>0.

Le théorème de représentation de Riesz est une réciproque de ce qui précède. Sous certaines hypothèses, toutes les formes linéaires positives s’écrivent comme une intégrale. On adopte ici un point de vue différent sur la théorie de la mesure comme dual d’un espace de fonctions continues.

Théorème 3.16 (de représentation de Riesz). Soit (X, d) un espace métrique, localement compact, sépa-rable, et soitJ une forme linéaire positive surCc0(X). Alors, il existe une unique mesure borélienne µ, finie sur les compacts, telle que

J(f) = Z

X

fdµ ∀f ∈ Cc0(X) (3.3)

En outre,

a) La mesureµest régulière (extérieurement et intérieurement) b) Pour tout ouvertU ⊂X,

µ(U) = sup

J(f)|f ∈ Cc0(X),06f 61, supp(f)⊂U (3.4) c) Pour tout compactK⊂X,

µ(K) = inf

J(f)|f ∈ Cc0(X),06f61, f >1K (3.5)

Remarques. 1) Un espace topologique est localement compact si tout pointxpossède un voisinage ou-vert d’adhérence compacte, et est séparable s’il possède une partie dénombrable dense.

2) SiX est un espace métrique localement compact, alors X est séparable si et seulement siX est σ-compact (i.e.X =S

n∈NKn,Kn ⊂Kn+1,Kncompacts).

L’ingrédient essentiel de la démonstration est le lemme suivant :

Lemme 3.17 (de Urysohn). Soit X un espace métrique localement compact. Si U ⊂ X est un ouvert, et K⊂Uun compact, il existef ∈ Cc0(X)telle quesupp(f)⊂U,f = 1surKet06f 61.

Démonstration. Par hypothèse, toutx∈Kadmet un voisinage ouvertVxtel queVxest compact. Ainsi, K⊂S

xKVx, et par compacité deK, il existex1, . . . , xN ∈Ktels queK⊂SN

i=1Vxi =V. Par construc-tion,V =SN

i=1Vxiest compact. Soitε=d(K, U)>0. On définit l’ouvert W =V ∩n

x∈X |d(x, K)< ε 2 o

ε

U

W K

Alors,K⊂W ⊂W ⊂U, etW est compact. On pose alors f(x) = d(x, W)

d(x, K) +d(x, W)

et on vérifie quef a les propriétés requises. (f est bien définie, car le dénominateur ne s’annule pas :K etWsont disjoints séparés d’une distance strictement positive.)

A propos de la démonstration du théorème de Riesz

Unicité

Montrons que (3.3)⇒(3.4). Il suffit pour cela de montrer que µ(U)6sup

J(f)|f ∈ Cc0(X),06f 61, supp(f)⊂U pour toutU ⊂X ouvert. L’autre inégalité est évidente carf 61U.

a) Supposons queU est compact dansX. Pour toutn∈N, notons Kn =

x∈X|d(x, U)> 1 n

AlorsKnest compact,Kn ⊂Kn+1 etS

n∈NKn =U. Par le lemme d’Urysohn, il existe une appli-cationf ∈ Cc0(X)telle que 0 6 fn 6 1,fn = 1 surKn etsupp(fn) ⊂ U. On a donc|fn(x)| 6 1U

pour toutx∈X et pour toutn∈N, etlimn→∞fn(x) =1U(x)pour toutx∈X. Par le théorème de convergence dominée,

J(fn) = Z

X

fnn−→

→∞

Z

X

1Udµ=µ(U)

b) Cas général. CommeXestσ-compact, il existe des ouvertsVn ⊂Xtels queVn ⊂Vn+1,Vncompact etX=S

nNVn. Par a), on a pour toutn∈N: sup

J(f)|f ∈ Cc0(X),06f 61, supp(f)⊂U > sup

J(f)|f ∈ Cc0(X),06f61, supp(f)⊂U ∩Vn

> µ(U∩Vn)

En passant à la limite quandn−→ ∞dans le membre de droite, on a l’inégalité voulue.

On procède de même pour montrer (3.5) à partir de (3.3). Cela montre l’unicité, puisque la mesure est définie d’une manière unique sur les ouverts, qui engendrent les boréliens.

Existence

On ne donnera qu’une esquisse de la démonstration.

• Etant donné une forme linéaire positiveJ, on définit pour toutU ⊂X ouvert : µ(U) = sup

J(f)|f ∈ Cc0(X),06f 61, supp(f)⊂U

Pour prolongerµen une mesure borélienne, on définit une mesure extérieure. Pour toutA ⊂X, on pose :

µ(A) = inf{µ(U)|U ouvert, U⊃A} On vérifie facilement queµdéfinit bien une mesure extérieure surX.

• SoitM ⊂ P(X)la tribu des ensemblesµ-réguliers. On vérifie queMcontient les ouverts deXdonc les boréliens sur X. On note encoreµ la restriction deµ àM et on vérifie queµest finie sur les compacts.

• On vérifie que (3.3) est vraie pour toutf ∈ Cc0(X), en approchantfpar des fonctions étagées, et on en déduit (3.5).

• On vérifie queµest régulière et complète.

Application

SoitX =Rdet soitJ:C0c(Rd)−→Rla forme linéaire positive définie par : J(f) =

Z

Rd

f(x)dx

| {z }

intégrale de Riemann

∀f ∈ Cc0(Rd)

Par le théorème3.16de représentation de Riesz, il existe une unique mesure borélienneµtelle que J(f) =

Z

Rd

fdµ ∀f ∈ Cc0(Rd)

doncµest la mesure de Lebesgue, d’après (3.4) et les valeurs que prend µsur les pavés. Il y a deux approches dans la littérature pour prouver l’existence de la mesure de Lebesgue. La première (qui est adoptée dans ce cours), consiste en la construction de la mesure de Lebesgue indépendamment du théorème de Riesz ; la seconde se focalise sur le théorème de Riesz et déduit la construction de la mesure de Lebesgue en supposant construite l’intégrale de Riemann pour les fonctions continues à support compact.

C HAPITRE 4

I NTÉGRATION SUR LES ESPACES PRODUITS

Dans les trois premiers chapitres, nous avons défini une intégrale surRdet la mesure de Lebesgue asso-ciée à cette intégrale, qui permet un calcul théorique des intégrales de fonctions mesurables. Il convient maintenant dans les deux prochaines chapitres de donner des outils afin de calculer explicitement la valeur de ces intégrales.

4.1 P RODUIT D ESPACES MESURABLES

Etant donné deux espaces mesurables, on veut définir une tribu sur le produit cartésien de ces espaces.

Soient(X1,M1)et(X2,M2)deux espaces mesurables. On munit le produitX1×X2de latribu produit M1⊗ M2définie par :

M1⊗ M2=σ(A1×A2|A1∈ M1, A2∈ M2)

A1×A2, A1∈ M1, A2∈ M2est appelé unrectangle mesurable, et l’ensemble des rectangles mesurables n’est pas une tribu en général.

Montrons quelques propriétés de la tribu produit :

1) La tribuM1⊗ M2est la plus petite tribu surX1×X2qui rende mesurable les deux projections canoniques π1:X1×X2→X1etπ2:X1×X2→X2.

En effet, siMest une tribu surX1×X2qui rendπ1etπ2mesurables, alors

∀A1∈ M1,∀A2∈ M2, π11(A1) =A1×X2∈ M π21(A2) =X1×A2∈ M DoncA1×A2= (A1×X2)∩(X1×A2)∈ MdoncM1⊗ M2⊂ M.

2) Soit (X,M)un autre espace mesurable, et soit f = (f1, f2)une application de X dans X1×X2. Alors f: (X,M)→(X1×X2,M1⊗ M2)est mesurable si et seulement sifi: (X,M)→(Xi,Mi)est mesurable pouri= 1,2.

En effet, sif est mesurable, alorsf1 = π1 ◦f etf2 = π2◦f le sont aussi comme composition de fonctions mesurables. Inversement, sif1etf2sont mesurables, alors pour toutA1 ∈ M1, A2 ∈ M2, on a

f1(A1×A2) =f11(A1)∩f21(A2)∈ M doncf est mesurable.

On étend facilement la définition de la tribu produit pour un nombre fini d’espaces mesurables (X1,M1), . . . ,(Xn,Mn)en posant

M1⊗ M2⊗ · · · ⊗ Mn=σ(A1×A2× · · · ×An|Ai∈ Mi,∀i∈ {1,2, . . . , n}) et on a la propriété d’"associativité" suivante :

Lemme 4.1. (M1⊗ M2)⊗ M3=M1⊗(M2⊗ M3) =M1⊗ M2⊗ M3

Démonstration. Laissée en exercice

Rappel :Soient(X1,T1),(X2,T2)deux espaces topologiques. On munitX1×X2de la topologie produit T1⊗T2engendrée par les rectangles ouvertsU1×U2, avecU1∈ T1etU2∈ T2. Les éléments deT1⊗T2sont donc les unions de rectangles ouverts1. La topologieT1⊗ T2est la topologie la moins fine surX1×X2

qui rende continues les projections canoniquesπ1etπ2.

On veut maintenant comparer les tribus produit des tribus de Borel sur des espaces topologiques. Pour cela, on a la proposition suivante :

Proposition 4.2. SoientX1etX2deux espaces topologiques, munis de leur tribu borélienne. Alors a) B(X1×X2)⊃ B(X1)⊗ B(X2).

b) SiX1etX2sont des espaces métriques séparables, alors on a :

B(X1×X2) =B(X1)⊗ B(X2)

Démonstration. a) On munitX1×X2de la topologie produit. Alors les projectionsπ1 etπ2sont conti-nues, donc mesurables pour les tribus boréliennes. Par la propriété 1) des tribus produit, on a B(X1×X2)⊃ B(X1)⊗ B(X2).

b) On suppose queX1etX2sont des espaces métriques séparables2. Alors,X1etX2contiennent des bases dénombrables d’ouvertsU ={Un}n∈NetV = {Vm}m∈N(par exemple, si on prend une suite (xk)kN dense dans X1, on peut prendre pour U l’ensemble des boules ouverts de rayon ration-nel centrées sur l’un desxk). Il s’ensuit que la familleW ={Un×Vm|n, m∈N}est une base dé-nombrable deX1×X2 (en effet, siO ⊂ X1×X2 est ouvert, et siz = (x, y) ∈ O, alors il existe (O1, O2)∈X1×X2un couple d’ouverts avecz∈O1×O2tel queO1×O2⊂O). Ainsi, chaque ouvert deX1×X2appartient à la tribuB(X1)⊗ B(X2)et on aB(X1×X2)⊂ B(X1)⊗ B(X2). Le a) permet

de conclure.

Introduisons les notations suivantes. Si(X,M)et(Y,N)sont deux espaces mesurables quelconques et siE⊂X×Y, on note :

Ex={y∈Y |(x, y)∈E} pourx∈X Ey={x∈X|(x, y)∈E} poury∈Y Et sif:X×Y →Z(espace quelconque), on définit :

fx:Y →Z parfx(y) =f(x, y) pourx∈X fy:X →Z parfy(x) =f(x, y) poury∈Y Proposition 4.3. Soient(X,M)et(Y,N)deux espaces mesurables.

i) SiE∈ M ⊗ N, alorsEx∈ N,∀x∈XetEy ∈ M,∀y∈Y.

1. Ici, on peut décrire tous les éléments. Ce n’est pas le cas dans les espaces mesurés : on ne peut pas décrire les éléments de la tribu produit aussi facilement.

2. La notion de séparabilité s’explique par le fait qu’une tribu est stable par union dénombrable, alors que la notion d’ouvert est stable par union quelconque.

ii) Sif:X×Y →Z(espace mesurable quelconque) est mesurable pour la tribu produitM ⊗ N, alors

∀x∈X fx:Y →Z est mesurable

∀y ∈Y fy: X→Z est mesurable

Démonstration. i) Pourx∈X, notonsNx={E∈ M ⊗ N |Ex∈ N }. Alors,Nxcontient les rectangles mesurables : siE =A×B,A∈ M,B∈ N, alors

(A×B)x=

B six∈A

∅ sinon

Par ailleurs, on vérifie aisément queNxest une tribu. Ainsi,Nx=M ⊗ N. On fait de même pour y∈Y.

ii) Soitf:X ×Y → Zmesurable pour la tribu produitM ⊗ N. Alors siE ⊂Z est mesurable, on a pour toutx∈X:

fx−1(E) = {y∈Y |f(x, y)∈E}

=

y∈Y |(x, y)∈f1(E)

=

f−1(E)

| {z }

∈M⊗N



x

∈ N (par i))

Ainsi,fxest mesurable pour toutx∈X. On fait de même avecy ∈Y.

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