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DE NOUVEAUX ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

I - UN NOUVEAU CONTEXTE SOCIÉTAL ET SES IMPLICATIONS EN TERMES D’INVESTISSEMENTS

2. Les thématiques liées au travail

La question des conditions de travail occupe une place croissante dans les préoccupations des salariés, comme en témoigne la Conférence sur les conditions de travail inaugurée en octobre 2007. Celles-ci sont à l’origine de la mise en place de nombreux programmes, tant au niveau de l’administration que des universités et organismes de recherche. Ainsi, par exemple, la Dress a organisé, en commun avec les médecins du travail, l’enquête SUMER35 dont les résultats pour 2003 commencent à être exploités. Ces questions sont aussi inscrites dans le

35 Surveillance médicale des risques.

programme de travail du Centre d’études de l’emploi36. Pour sa part, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a organisé une campagne informationnelle autour des enjeux de la santé au travail37. Enfin, les préoccupations communes des organisations syndicales et des chercheurs de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) ont abouti à l’intégration de ces thématiques dans le programme de travail de l’institut.

On citera ici, à titre d’exemple, trois cas qui occupent dans la période récente une place croissante dans les débats : les nouvelles formes de pénibilité du travail, les cancers liés au travail et, enfin, les conditions de travail des seniors. Répondre aux attentes, pour chacun de ces cas, requiert des investissements.

2.1. Les nouvelles formes de pénibilité

Le développement des nouvelles technologies informationnelles au cours des années 1980 a conduit à des prévisions quant à leurs incidences sur les conditions de travail. Ainsi, en 1995, le rapport Boissonnat (op. cit.), anticipait la disparition des métiers pénibles et l’effacement des contraintes physiques en relation avec la montée du travail intellectuel. À présent, on a suffisamment de recul pour qualifier ces prévisions de trop optimistes. Le récent rapport de MM. Jouyet et Lévy (op. cit.), mettant à juste titre l’accent sur l’économie de l’immatériel, pourrait renforcer de telles visions.

Diverses enquêtes monographiques permettent de relativiser la vision du rapport Boissonnat. À l’aune de ces enquêtes, réalisées par des épidémiologistes, des médecins, des ergonomes, des économistes ou des sociologues, il semblerait que « le mouvement global d’amélioration progressive des conditions de travail qui avait caractérisé le XXè siècle s’est inversé au tournant des années 1990 »38. En effet, les métiers traditionnellement pénibles n’ont pas tous disparu et le travail à la chaîne ou sous contrainte automatique n’a pas régressé. En revanche, de nouveaux métiers particulièrement pénibles ont vu le jour. Qui plus est, comme le confirme l’enquête SUMER, l’exposition des salariés à la plupart des risques et pénibilités du travail a eu tendance à augmenter dans la dernière décennie. La proportion des salariés du secteur privé exposés à des produits chimiques a augmenté de 34 à 37 % de 1994 à 2003. À cette dernière date, au moins 2,4 millions d’ouvriers, soit deux tiers d’entre eux, étaient en contact avec des produits cancérigènes.

36 Cf., par exemple, Les évolutions de la santé au cours de la vie professionnelle : altération, préservation, construction, Actes du séminaire Vieillissement et travail, Centre d’études de l’emploi, 2005.

37 Voir le site www.inrs.fr.

38 Philippe Askenazy, Santé au travail : l’impact des nouvelles formes de pénibilité, La République des Idées et Le Monde, 20 décembre 2005.

Par ailleurs, si les contraintes physiques déclinent en moyenne, elles augmentent en revanche pour les ouvriers. Dans les hypermarchés, le personnel travaillant à la caisse (essentiellement des femmes) doit déplacer quotidiennement 2 tonnes de marchandises ; il doit aussi trouver l’emplacement de milliers de codes barres, les scanner, répondre aux sollicitations des clients, anticiper le mode de paiement voire éviter le vol.

Il s’avère que les formes de pénibilité traditionnelles et nouvelles ne se substituent pas, elles se cumulent. Il en résulte une progression des pathologies d’hyper-sollicitation, en particulier les Troubles musculo-squelettiques (TMS).

Le nombre de cas de TMS déclarés à la sécurité sociale progresse annuellement de 20 %. Parmi les salariés, 11 % des hommes et 15 % des femmes en souffrent.

Ces difficultés résultent principalement des choix organisationnels et technologiques des entreprises. L’entreprise connaît en effet une profonde remise en cause de l’organisation du travail, liée au fait que la capacité à arriver la première sur un marché et à réagir aussi rapidement que possible aux évolutions de la demande est progressivement devenue la clef de la compétitivité39.

La question de la pénibilité fait désormais l’objet de négociation entre partenaires sociaux. Les retraites anticipées occupent, à juste titre, une place centrale dans ces négociations. Néanmoins, il ne faut pas croire qu’avec les retraites anticipées la question de la pénibilité serait réglée40. Dès lors, le lien avec la problématique de l’investissement paraît évident. Il s’agit, au-delà du nécessaire allégement des souffrances pour les salariés, d’améliorer l’efficacité globale du procès de production, ce qui implique une meilleure organisation du travail et une meilleure utilisation des équipements, sources de gains de productivité pour l’entreprise et des économies de coûts pour la sécurité sociale et l’ensemble de la collectivité.

39 Philippe Askenazy, op. cit.

40 Serge Volkoff, in Les évolutions de la santé au cours de la vie professionnelle, op. cit.

Encadré 6 : Les conditions de travail : l’exemple du travail sur écran et l’investissement nécessaire pour son utilisation optimale

L’efficacité du travail sur ordinateur dépend avant tout de la maîtrise des programmes d’exploitation et des logiciels. D’où l’enjeu de la formation des salariés. Elle dépend aussi des conditions de travail. Plus précisément, des interventions s’avèrent nécessaires dans quatre domaines : l’implantation, l’aménagement, la qualité du matériel, l’organisation du travail. Les sujets à traiter peuvent apparaître anodins, voire caricaturaux ; dans les faits, il en va des maladies professionnelles et notamment des TMS.

Implantation : les questions portent sur la position du local : aveugle ou non, mode d’éclairage, degré d’humidité et de température, revêtement des murs, éclairage du plan de travail et des documents ;

Aménagement : état du siège (assise et dossier ajustables), hauteur du moniteur, partage de l’écran entre plusieurs opérateurs, longueur du plan de travail, type de matériel (clavier et souris...) ;

Qualité du matériel41 : lisibilité des caractères sur l’écran, stabilité de l’image ;

Organisation du travail : durée quotidienne du travail sur l’écran, répétitivité de la fonction, possibilité d’initiative individuelle...

Source : d’après l’INRS, Le travail sur écran en 50 questions, juillet 2005.

2.2. Des cancers professionnels

Le lien entre cette maladie et le travail est réel mais difficile à faire apparaître. La maladie pourrait se manifester plusieurs années après l’exposition pendant le travail. Le plus souvent, la victime atteinte se trouve à la retraite.

Dans l’entreprise même, les expositions et leurs conséquences sont rarement visibles. Si la sensibilité aux agents chimiques cancérogènes (amiante, benzène, chromate, silice...) est plus avérée, d’autres causes sont en revanche moins évidentes. Des agents physiques (rayonnements ionisants, rayonnements UV) ou biologiques (virus des hépatites B et C par exemple) ne sont pas suffisamment pris en compte.

Au total, le nombre de cancers professionnels est estimé à au moins 10 000 cas par an42. Dans de nombreux cas, il est possible de supprimer ou de remplacer les produits ou les procédés dangereux et de réduire les risques pour protéger les salariés. Cela nécessite des investissements à la fois pour améliorer et mettre aux normes les équipements, mais aussi pour renforcer la prévention et informer les salariés.

41 Il convient aussi d’y ajouter la qualité des logiciels car la question de l’ergonomie se pose également à leur sujet.

42 INRS, Agir aujourd’hui pour éviter les cancers professionnels de demain, octobre 2006.

2.3. Le travail des seniors

La Stratégie de Lisbonne fixe l’objectif de porter le taux d’emploi des 55-64 ans à 50 % en 2010. Actuellement, ce taux est de 38 % en France. La faiblesse du taux d’emploi est plus marquée pour les personnes qui occupent, ou qui ont occupé, un emploi d’ouvrier et, dans une moindre mesure, d’employé ou de profession intermédiaire.

Tableau 2 : Taux d’emploi des 55-64 ans en France en 2005, selon la catégorie sociale actuelle ou précédente

55-59 ans 60-64 ans 55-64 ans Agriculteur, artisan, petit commerçant 71,5 % 26,1 % 52,8 %

Cadre 72,6 % 22,7 % 52,6 %

Profession intermédiaire 52,8 % 9,5 % 36,0 %

Employé 52,5 % 13,4 % 37,3 %

Ouvrier 43,5 % 7,0 % 29,1 %

Ensemble 54,0 % 13,5 % 37,8 %

Source : Insee, enquêtes Emploi, calculs Centre d’analyse stratégique.

L’âge moyen en fin de carrière tend à accroître. Il devrait passer, selon les projections du Centre d’analyse stratégique, à environ 59,5 ans à l’horizon 201543, ce qui pose la question des conditions à créer pour faciliter le travail en fin de carrière. Il est incontestable que l’organisme humain se transforme au fil des ans. L’état fonctionnel des individus n’est pas immuable tout au long de leur vie professionnelle. Mais ces évolutions, très variables selon les métiers, peuvent être renforcées, atténuées ou révélées par le travail lui-même. Cela implique d’investir dans les équipements adéquats. Cela nécessite aussi d’intervenir au niveau de l’organisation du travail. Ce dernier point est d’autant plus important que les régulations protectrices qui permettaient une relative mise à l’abri des salariés les plus âgés vis-à-vis de certaines contraintes du travail sont de plus en plus difficiles à mettre en œuvre, entre autres, en raison de l’accroissement du nombre de ces salariés44.

L’allongement de la durée de cotisation pour les retraites est présenté comme une mesure visant, entre autres, à accroître le taux d’emploi des seniors.

Cette mesure qui a provoqué l’opposition et une forte mobilisation des organisations syndicales, sera réexaminée en 2008. Quelle que soit l’issue du rendez-vous de 2008, comme le souligne une étude du CAS : « les mesures visant à inciter les personnes à retarder l’âge de liquidation de leur pension ne sont réellement efficaces pour augmenter les taux d’emploi que pour les métiers qui combinent une demande de travail dynamique de la part des

43 Centre d’analyse stratégique et Dares, Les métiers en 2015, rapport du groupe Perspective des métiers et qualifications, 2007.

44 Centre d’études de l’emploi, Les évolutions de la santé au cours de la vie professionnelle : altération, préservation, construction, op. cit.

entreprises et des conditions d’exercice qui n’interdisent pas le maintien en emploi »45.

II - UN NOUVEAU CONTEXTE TECHNOLOGIQUE ET SES