• Aucun résultat trouvé

SECTION I: LA THÈSE

Il se produit de fréquents transferts de patrimoine ou de ressources au sein des groupes de sociétés. Ceux -ci sont effectués aussi bien par les filiales en faveur de leur société mère que vice-versa, ou que par les filiales entre elles. Ceci s'explique par le fait que ses dirigeants (la direction uniq~;~e) gèrent en général le groupe comme une unité économique, en faisant abstraction du cloisonnement juridique qui devrait garantir 1 'intégrité du patrimoine des sociétés qui le composent. Parmi ces transferts certains sont justifiés et licites, d'autres sont injustifiés et parfois illicites.

Notre thèse est que, parmi les transferts injustifiés, nombreux sont ceux qui sont susceptibles d'être annulés, soit par le biais de l'action révocatoire, soit, dans certains cas, par la voie de l'action en restitution des dividendes injustifiés.

L'action révocatoire est en effet typiquement destinée à obtenir 1' annulation <22)

des transferts auxquels 1 'actuel insolvable a procédé, avant de devenir insolvable, au préjudice de ses créanciers en favorisant indûment des tiers, en général des proches.

Elle semble donc particulièrement appropriée pour servir de base légale à l'action en restitution des transferts abusifs de patrimoine dont les créanciers de sociétés de groupe sont souvent les victimes inconscientes ou impuissantes. Il en est ainsi, quelle que soit la position de la société considérée dans la structure du groupe, c'est-à-dire aussi bien si celle-ci est «filiale» que «société mère», «holding», «sub-holding», «société soeur» ou «cousine».

L'action en restitution des dividendes injustifiés vise, quant à elle, à obtenir la restitution d'un autre type de transferts. Elle ne tend pas, comme l'action révoca-toire, à obtenir l'annulation de transferts constituant prétendument la contrepartie

\22! Bien que la question soit encore controversée, il semble que l'on doive admettre que l'action révocatoire n'a pas pour conséquence 1 'annulation de 1' acte attaqué, mais qu'elle rend seulement cet acte inopposable aux créanciers de l'insolvable. Pour de plus amples développements sur la question, voir infra, p. 78s.

d'une prestation effectivement reçue. Elle tend à obtenir la restitution de sommes qui ont été transférées gratuitement, à titre de versement de dividendes (éventuellement

«cachés»), par une société (par hypothèse anonyme) <23

l sans que les conditions formelles ou matérielles pour ce faire ne fussent réalisées.

Malgré leur éloignement apparent, 1' action révocatoire et 1' action en restitution des dividendes s'avèrent très proches dans la perspective des transferts intervenant au sein des groupes de sociétés. Leur logique et leur motivation sont en effet identiques: empêcher qu'une société ne mette en danger ses créanciers ens' appau-vrissant alors que sa situation financière est précaire. Nous pensons même qu'il est des situations où le concours entre ces deux actions est possible. Nous croyons, en d'autres termes, qu'il existe des transferts qui peuvent être annulés à la fois sur la base de 1' action révocatoire et sur la base de 1' action en restitution de dividendes. Au demandeur dès lors de choisir en fonction des particularités, singulièrement procé-durales, de chaque action.

La présente thèse suggère donc de quelle manière, à notre avis, ces deux moyens de droit peuvent être interprétés et utilisés de lege lata pour permettre d'ores et déjà de sanctionner les transferts qui se produisent dans le cadre des groupes de sociétés dans la mesure où ils sont injustifiés.

Nous pensons par ailleurs que l'action révocatoire pourrait être facilement et utilement améliorée de lege ferenda afin de fournir une protection plus efficace et plus adaptée aux caractéristiques des groupes de sociétés et nous proposons des améliorations dans ce sens.

SECTION II: LE PLAN

Vu la complexité etl 'étendue des problèmes soulevés par les groupes de sociétés, nous croyons utile, avant de commencer notre analyse, d'en exposer clairement les limites [Ière PARTIE, CHAPITRE III (p. 35ss)]. Ces limites tiennent tout d'abord à la définition du groupe (Section I). Notre approche nous épargne, à dessein, la tâche

<23> L'action en restitution de dividendes suppose, par définition, la présence d'une société anonyme. La

plupart des groupes sont constitués entièrement, ou presque entièrement, de ce type de société. Voir notamment PETITPIERRE-SAUV AIN Anne, op. cit. note (7),p. 35; DALLEVES Louis, op. cit. note (7), p. 638: «La pratique montre que, dans la très grande majorité des cas, les groupes de sociétés sont formés de sociétés anonymes>>; RUEDIN Roland, Propositions pour un droit suisse des groupes de sociétés, SAG, 1982, no 3, pp. 99ss, lOO et 105 no 6.1.1-1.

très délicate de devoir proposer une définition juridique du groupe. Nous exposerons cependant la conception qui a été la nôtre dans le cadre de ce travail, compte tenu du problème en présence, de notre but et de la portée des actions que nous exami-nons. Les limites de ce travail tiennent ensuite aux multiples réalités que recouvre le concept de groupe (Section Il). Celui-ci peut en effet comprendre des situations extrêmement vatiées.

Les limites de notre analyse tiennent également à la situation financière des sociétés que nous considérons (Section III). Nous nous intéressons en effet avant tout à la protection des créanciers de sociétés insolvables ou surendettées. Cela nous amènera à nous pencher sur la définition de ces concepts et sur les rapports qui existent entre ceux-ci et les transferts de patrimoine envisagés, ou entre ces transferts et les actions révocatoires et en restitution de dividendes.

Notre analyse est enfin limitée par le fait que nous ne traitons pas les questions de droit international privé qui surgissent presque immanquablement dès que 1 'on a affaire à un groupe de sociétés. Nous renvoyons à ce propos à la doctrine qui s'est déjà penchée spécifiquement sur la question <23-n.

NotreDEUXIEMEPARTIE (p. 67 ss) sera consacrée à l'analyse détaillée de la portée de lege lata des différents cas d'action révocatoire dans les groupes de sociétés. Après une description générale de l'instrument (CHAPITRE I), nous examinerons d'abord la situation en droit positif, en Suisse (CHAPITRE Il, A), aux Etats-Unis (CHAPITRE Il, B) ainsi que brièvement en Allemagne fédérale et en Italie (CHAPITRE Il, C).

Notre TROISIEME PARTIE (p. 221 ss) traitera des rapports entre l'action révocatoire et l'action en restitution de dividendes. Ce délicat problème fait l'objet d'une controverse en doctrine américaine (CHAPITRE Il), dont nous nous inspirerons pour examiner le problème en droit suisse (CHAPITRE III) où il n'a pas encore été traité. Nous nous pencherons enfin dans une QUATRIÈME PARTIE (p.249 ss) sur les perspectives d'amélioration de l'action révocatoire dans les groupes de lege ferenda et examinerons à cette occasion les propositions de la doctrine suisse visant à introduire dans la LP une «Konzern-Pauliana».

123·'> Voir en particulier: Colloque international sur le droit international privé des groupes de sociétés,

Etudes suisses de droit européen, vol. 14, Centre d'études juridiques européennes, Georg, Genève, 1973;

ROHR Andreas, Der Konzern im IPR unter besonderer Berücksichtigung des Schutzes der Minderheit-saktionare und der Glaubiger, Etudes suisses de droit international, vol. 32, Schultess, Zürich, 1983;

DOKA Carl, Das internationalrechtliche Problem der Actio Pauliana, ZSR, 1945 pp. 331ss; HANISCH Hans, Aktuelle Probleme des internationalen Insolvenzrechts, Schweizerischen Jahrbuch für internatio-nales Recht, Bd. 36, 1980, pp. l09ss, 131 à 134; IMMENGA Ulrich et KLOCKE Detlef, Konzemkol-lisionsrecht, ZSR 1973, I, pp. 27ss. Voir aussi l'article 166 al. 2 et 3 du Projet de Loi fédérale sur le droit international privé suisse qui traite expressément de 1' action révocatoire en cas de faillite et de la capacité pour agir en Suisse de l'administration de la masse en faillite d'une société étrangère.

CHAPITRE III: