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B) Exposition thématique des entretiens

2. Thème II : Représentations de la douleur

2.1.Représentation de la douleur à travers les modèles étiologiques de F. Laplantine

2.1.1. Modèle endogène/ exogène9

Modèle endogène/ exogène Endogène F4, H2, H4, H6 Génétique F4, H6 Psychologique H2, H4 Exogène F3, H1, H2, H3, H4, H5, H6 Puissance maléfique F3, H3, H5 Sociogenèse F3, H1, H2, H3, H4, H5, H6

Agent naturel nocif F3, H1, H2, H4, H6

Le modèle majoritaire a été exogène. Il s’est décliné en trois sous-groupes : la puissance maléfique (PM), la sociogenèse (S) et les agents nocifs naturels (ANN). Au sein de ce modèle, les répondants ont parfois attribué plusieurs étiologies à un même site douloureux :

- F3 : dos (PM, S) ; tête (PM, S, ANN)

- H1 : dos (S, ANN)

- H2 : dos (S, ANN)

- H3 : partout (PM, S)

- H4 : partout (S, ANN)

- H6 : dos (S, ANN)

La puissance maléfique a tourné autour de trois points : Dieu, les esprits, la sorcellerie.

La sociogenèse s’est articulée autour des médicaments, du travail et des événements physiologiques de la vie.

F3 « Moi j’ai dit c’est truc [douleur] de maladie de grossesse, même le docteur il disait, c’était une doctoresse : « Oh c’est lié à la grossesse, quand on est enceinte on a mal partout, c’est pour ça » » (Tête)

9 Le modèle endogène/ exogène traite du milieu où nait la douleur selon un espace limité par le sujet lui-même.

La douleur est déclenchée par des éléments en dehors ou en dedans de lui. Ce modèle étant étudié pour analyser les maladies, les résultats font part, le plus souvent, de la genèse de la cause de la douleur et d’autre fois de l’étiologie entretenant la douleur.

39 Le groupe, les agents nocifs naturels, a regroupé le climat, les microorganismes et l’environnement.

H2 « C’est tout près de la mer, y a la brise le matin des fois, faut que j’essaie de me réchauffer avant de sortir des trucs comme ça, rien que pour ne pas avoir des douleurs dans la journée et tout ça » (Dos)

H1 « [Les douleurs] au pénis ! J’ai pensé que j’avais choppé la blennorragie, une MST » (Dos)

La cause de la douleur lorsqu’elle a été endogène, a été attribuée à l’hérédité ou à la thymie. C’était majoritairement les hommes qui s’étaient exprimés dans ce modèle endogène/ exogène. Nous avons également noté que pour une même personne l’étiologie pouvait être mixte (H2, H4, H6), c’est-à-dire endogène/exogène.

2.1.2. Modèle additif/ soustractif

Modèle additif F1, F2, F3, F4, H1, H2, H3, H4, H5, H6

Le mal s’est traduit par une addition au corps, pour l’ensemble des participants. La douleur, diffuse ou localisée, a été vécue comme une présence.

F2 « Il me dirige de faire les examens qui sont liés à ce que je dis, j’ai mal à la douleur »

F4 « Si, j’ai déjà eu mal et j’ai mal aux jambes et au dos »

2.1.3. Modèle bénéfique/ maléfique10

Modèle bénéfique/ maléfique11

Bénéfique F3, H2, H3 Douleur : l’exploit F3, H3 Douleur : la gratification H2, H3 Douleur : le salut F3, H3 Maléfique F2, F3, F4, H1, H2, H3 H5, H6 Douleur : la résistance F3, H2, H3 Douleur : la soumission H2 Douleur : la résignation F4, H2, H3, H6 Douleur : l’humiliation F2, H1, H2

10 Le site douloureux n’a pas d’impact sur la signification attribuée.

11 Le terme « maladie » de F. Laplantine prend la signification maladie-douleur, nous substituons à la maladie le

symptôme douleur, car les résultats se rapportent aux réponses issues des entretiens portant sur la douleur et non sur la maladie.

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Douleur : l’abjection H1, H2, H3

Horreur de la douleur H1, H3, H5, H6

Le modèle principal a été le modèle maléfique. Il a porté sur les conséquences négatives qu’engendre la douleur. Il a décrit les comportements généraux ou les perceptions de son influence sur les rapports sociaux lorsque les sujets en ont été victimes.

Face à la douleur, les individus ont privilégié la résistance à la soumission. Certains ont également dû s’y résigner.

H2 « Oui seul endroit ouais [soupir] »

D’autres, ont vécu ce mal comme une humiliation notamment lorsqu’il affectait la sexualité ou modifiait les relations à autrui.

Il est ressorti, de manière importante, des entretiens l’idée d’un rejet anxieux, d’une indignation face à la douleur, traduisant une dégradation de la morale, une ignominie.

H1 « Oui, oui, si je fais des ramifications, ça a gâché beaucoup de choses, ça m'a pourri la vie, je dis "pourri" parce que je suis encore là, donc pas gâché, pourri » ;

H2 « Je ne veux même pas parler de mes douleurs parce que c’est… Peut-être la moitié de ma vie »

H3 « Oui c’est ça ! C’est comparable à la mort ! »

Le modèle bénéfique s’est articulé autour de trois entités : l’exploit, la gratification et le salut, qui permettent de tirer un bénéfice secondaire des douleurs. L’exploit est un dépassement de soi malgré la douleur, les individus ont décrit supporter l’insupportable sans médicaments alors qu’ils les avaient à disposition ou bien ne cherchaient plus la cause de la douleur. La gratification vient de la singularité que chacun attribut à la situation de souffrant. Le salut a été définit, par quelques personnes du groupe, à travers un « Dieu » qui protège et guérit (la transcendance).

2.2.Représentation de la maladie à travers les modèles étiologique de F. Laplantine

Les participants, nous ont parlé de la maladie responsable de leurs douleurs, non de la douleur elle-même, en généralisant le propos. De ce fait, cette partie est moins fournie en résultats.

41 Modèle endogène/ exogène

Endogène Génétique F2 Exogène F1, F3, H1 Tabou F1 Puissance maléfique F3 Sociogenèse H1

Dans le modèle exogène de cette sous-catégorie, les migrants ont défini l’origine de la maladie en mettant en opposition la puissance maléfique et la religion. La croyance en « Dieu » entrainait le rejet total du magique. Le travail également présent dans cette sous-classe, venait la compléter.

Le modèle endogène a mis en exergue les traits génétiques, pour un répondant. 2.2.2. Modèle additif/ soustractif

Modèle additif, soustractif

Modèle additif F2, H1

Modèle soustractif F2, H1

Il apparaît dans ce sous-thème une dimension nouvelle pour ce modèle. En effet, la maladie s’est exprimée, ici, par le manque de fer, la perte des muscles et l’échappement de la vitalité.

H1 « [je] Passais [par] des phases de paralysie »

Malgré tout, le modèle additif a persisté.

2.2.3. Modèle bénéfique/ maléfique

Modèle bénéfique/ maléfique

Modèle Bénéfique Maladie : le salut H3 Modèle Maléfique

F2, H1

Maladie : la résistance F2

Maladie : la résignation F2

Maladie : l’abjection F2, H1

Pour les répondants, le modèle maléfique a été prédominant. Face à la maladie, un répondant s’est résigné, un autre a résisté et d’autres l’ont rejeté avec émoi.

H1 « En fait, c'est la seule maladie que j'ai toujours eue »

Le modèle bénéfique était très pauvre en résultat. Il s’appuyait sur la croyance en Dieu.

2.3.Perception de la durée de la douleur

Durée de la douleur/maladie

Récurrence F2, F4, H1, H6

42 Rupture avec état antérieur H1, H2, H3, H6

Chez les répondants, la douleur a eu pour dénominateur commun l’expression d’un temps long. Elle a été décrite, soit comme récurrente, soit comme un processus perpétuel sans fin. Parfois, elle a créé un changement d’état pour certains répondants.

F3« C’est ça, je ne peux pas dire, (…) au fur et à mesure je monte de l’âge, ça s’intensifie, ça vient tout le temps, tout le temps »

H6 « Puis ça partait, ça revenait, ça partait »

Nous avons pu noter que la moitié des participants qui partageaient l’idée de récurrence, partageaient également celle de l’éternité de la douleur.

H6 « Ça récidive de temps à autre mais ce n’est jamais revenu depuis 10 ans »

Enfin le changement d’état a signifié à l’individu qu’il n’était plus le même qu’avant. Il sentait, qu’il ne pourrait jamais retrouver son état d’origine.

H3 « J’ai des douleurs chaque seconde »

2.4.Représentation de la douleur par le biais de l’association libre : Animaux et couleurs (cf. méthodologie)

2.4.1. Les animaux (Cf. annexe 2 : tableaux 1 et 2)

Animaux évoqués Chien F2 Hyène H1, H6 Lion F3 Lionne H2 Panthère F4 Serpent F1, H3, H4, H5

Les individus, se sont représentés la douleur comme sournoise.

H3 « Des fois, elle te mord pour ne pas te tuer, il te met le venin »

Animaux : analyse sémantique de l’association libre

Sournoise F1, H1, H3, H5, H6

Rupture avec l’état antérieur H3, H5

Hors du temps F1, F2, F3, H1, H3, H5

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H6 « On avait un chiot c’était la pleine nuit africaine, c’était en plein village, et un moment donné on a entendu le cri du chien, c’est la hyène qui l’a emporté déjà en un rien de temps quoi, elle est fourbe les gens sont là, on ne fait pas attention, elle fait son tour, c’est quelque chose qu’elle cherchait »

Pour les sujets, la douleur leur a donné la sensation d’une rupture avec l’état antérieur.

H5 « Mais 2 heures après tu sens que l’endroit où il [le serpent] a piqué ça gonfle »

Les répondants ont caractérisé la douleur par sa capacité à suspendre le temps.

F1 « Qu’il [le serpent] est lent, il est comme si ça finissait jamais, c’est comme un cercle aussi »

H3 « La mort, parce que les gens disent quand le serpent t’a mordu, c’est la mort »

Enfin, ils l’ont décrite comme féroce.

H5 « L’animal le plus violent c’est quel animal même ? je ne sais pas quel animal je dois donner ? À peu près un cobra par exemple, quand il te pique ça fait mal, voilà »

2.4.2. Les couleurs (Cf. annexe 2 : tableaux 3 et 4)

Couleurs évoquées

Aucune H4

Noir F2, F3, H3

Gris clair H1

Rouge F1, F4, H2, H5, H6

La douleur a représenté une mise en péril de la vie des répondants. Ceci à travers le danger, l’obscurcissement et la mort qu’elle symbolisait

H1 « Euh, le purgatoire, les méandres » ; « Obscur, un peu dans le brouillard »

H3 « Oui, c’est la mort aussi, quand on est mort c’est fini et ça devient noir, tu ne vois plus rien, tu n’entends plus rien, donc c’est l’obscurité, c’est la fin hein c’est le noir, voilà ! »

H6 « Chez nous, je sais que c’est une petite superstition, quand tu recevais un courrier écrit en rouge à l’époque, c’est que y a un problème, une couleur de mauvais augure, quoi »

Elle a été également perçue comme intense

F1 « Ça attire, ça frappe, on ne peut pas rater le rouge »

Couleurs : analyse sémantique de l’association libre Péril (de la vie) F2, F4, H1, H2, H3, H5, H6 Intense F1, F3, H3

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F3 « Quelque chose de fort et intense et puissant »

2.5.La zone muette selon J.C. Abric (Cf. méthodologie et annexe 2 : tableau 5)

Zone muette de la représentation de la douleur Les puissances maléfiques F1, F3, H3 La filiation sociale F4, H5, H6 Pas d’origine évoquée F2, H1, H2, H4

Quatre participants n’ont pas su ou n’ont pas évoqué d’origines par substitution autres que celles qu’ils ont décrites pour expliquer la douleur (cf. infra). Cependant, nous avons extrait des entretiens deux éléments importants : la filiation et les puissances maléfiques.

H5 « Comme chez nous c’est au village on cultive avec les mains, avec la petite pioche là, et donc c’est obligatoire quand tu vas avoir un certain âge, tu vas sentir quelques douleurs »

H6 « Si, j’ai mon frère pareil, et apparemment que c’est vrai qu’au niveau de mon paternel il y avait ce genre de phénomène » ; « Puis ma sœur aussi elle l’a eu une fois et je sais que mon frère et moi on l'a souvent »

Il est ressorti des résultats, un contraste très intéressant au sein des puissances maléfique. En effet, il existe une opposition entre croyances religieuse et magique.

F1« Hum je dirais non, origine particulière ? Elle est tout le temps physique » ; « Que physique, c’est ce que je vois, moi »

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