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de l’asthme professionnel

VI. Diagnostic de l’asthme professionnel

VI.6. Tests de provocation bronchique spécifiques (TPBs)

Les TPBs, initialement préconisés par Pepys [143], ont pour objectif de reproduire les symptômes d’asthme lors de l’exposition à une substance incriminée. Ils représentent un élément important à la fois pour confirmer le diagnostic d’asthme professionnel chez un individu donné et pour déterminer l’agent responsable de l’AP [90]. Ces tests sont souvent considérés comme l’étalon d’or (gold standard) permettant de confirmer ou d’infirmer le diagnostic d’AP [114]. Cependant, leur réalisation reste limitée à des centres spécialisés et ne peut donc se faire dans les entreprises ou dans le cadre d’une étude épidémiologique sur le terrain. Ils ne sont pas indispensables lorsque l’histoire clinique est évidente et qu’il s’agit d’un agent étiologique connu de l’AP. La confirmation du diagnostic est alors apportée par la positivité des tests cutanés et/ou des IgE spécifiques associées à des modifications du DEP ou de l’HRBns en fonction de l’activité professionnelle. En revanche, les tests de provocation bronchique spécifiques peuvent être l’unique preuve du diagnostic étiologique d’asthmes professionnels induits par de nouvelles substances. Ils permettent également d’effectuer le diagnostic de l’agent responsable en cas d’exposition à plusieurs substances asthmogènes [90]. Ils sont un recours quand les autres investigations ne sont pas disponibles (tests cutanés, dosages d’IgE spécifiques) ou ininterprétables (mesures itératives des DEP) ou discordantes.

Principe :

Une période dite de contrôle est nécessaire avec monitorage du volume expiratoire maximal en 1 seconde (VEMS) et de la capacité vitale forcée (CVF) pour s’assurer de la

stabilité du calibre bronchique. A la fin de la période de contrôle, un test de réactivité bronchique à la métacholine est pratiqué afin d’établir la dose initiale de l’agent à tester. Le type de test varie selon la nature de l’agent testé (poudre, gaz, aérosol), il n’est pas possible de véritablement standardiser les tests de provocation bronchique spécifiques [115]. Les principaux sont les suivants [115]:

Test réaliste reproduisant le geste professionnel (initialement proposés par Pepys [116]) ; celui-ci peut être complexe et nécessite au préalable une étude approfondie du poste de travail afin d’obtenir une information très précise sur les substances incriminées et leurs conditions d’emploi.

Mise en suspension d’un aérosol (agents de HPM hydrosolubles, agents de BPM non volatils mélangés à un solvant). Pour les tests de provocation bronchique classiques par administration d’aérosols, il faut déterminer la concentration de départ de l’aérosol en se basant sur l’échelle de réactivité des tests cutanés. Cette concentration doit être 10 à 100 fois inférieure à la concentration d’allergène correspondant au seuil de réactivité des tests cutanés.

Mise en suspension de poussières par des opérations de transfert répétées ou par un générateur de poussières. Pour les substances pulvérulentes, il est possible de mélanger la poudre incriminée avec du lactose dans les proportions choisies et de faire effectuer au malade des brassages répétés de ce mélange. Ce procédé risque toutefois d’exposer le malade à des concentrations supérieures à celles observées à son poste de travail. Cloutier et coll. [117] ont mis au point un appareillage permettant de générer un aérosol de particules d’un diamètre connu à des concentrations stables, ceci permettant d’obtenir de véritables courbes dose-réponse.

Génération d’une atmosphère contenant l’agent incriminé (chambres d’exposition étanche, balayage d’air à la surface d’un liquide ou administration d’un gaz par l’intermédiaire d’un masque oro-facial). Pour les gaz et aérosols, des systèmes complexes sont nécessaires pour générer des concentrations contrôlées et stables d’un produit gazeux pendant la durée d’exposition. Dans ces centres spécialisés, on utilise des chambres d’exposition étanches, ventilées par un débit d’air régulé où le contrôle de la concentration des gaz est effectué grâce à des appareils permettant d’enregistrer les concentrations instantanées en fonction du temps [118, 119]. Des systèmes d’inhalation en circuit fermé avec masque facial ont été proposés pour les isocyanates [120]. Ces appareillages permettent d’exposer les patients par paliers successifs à des concentrations d’abord inférieurs aux valeurs moyennes d’exposition (VME) puis à des concentrations progressivement croissantes sans dépasser la valeur

limite d’exposition (VLE). Dans certains cas, en accord avec le médecin du travail, on peut proposer de suivre médicalement une reprise de l’activité professionnelle en effectuant une surveillance clinique et des mesures itératives sur les lieux même du travail (test réaliste-réaliste).

Des précautions doivent toutefois être observées avant d’entreprendre de tels tests :

- exclure les patients à risque : syndrome obstructif sévère, problèmes cardiaques ou pathologies majeures associées, antécédents d’asthme grave, HRBns sévère.

- réaliser ces tests en milieu hospitalier avec du personnel qualifié, entraîné à la surveillance des réactions obstructives immédiates et retardées et disposer de matériel de réanimation.

- le test avec la substance incriminée doit être précédé d’une journée contrôle au cours de laquelle on pourra s’assurer que les paramètres fonctionnels de base sont proches des valeurs normales et évaluer l’HRBns.

- la durée et l’intensité de l’exposition initiale à la substance incriminée doivent être choisies en fonction de l’histoire clinique, du seuil de réactivité à la métacholine et de l’intensité des tests immunologiques (tests cutanés ou dosages d’IgE spécifiques). La progression des doses peut s’effectuer d’une part en augmentant le temps d’exposition et/ou la quantité de produit utilisée lors de l’exposition, ce qui permettra d’obtenir des courbes dose-réponse. Des protocoles précis ont été proposés selon la nature des substances incriminées (HPM et BPM), en augmentant les doses sur un ou plusieurs jours et en faisant varier le temps d’exposition de 1 minute à 2 heures, exceptionnellement 4 heures [114].

La mesure de la positivité des tests de provocation bronchique spécifiques peut être appréciée par différentes techniques (VEMS, courbe débit-volume, résistances des voies aériennes) immédiatement après l’exposition, toutes les 15 minutes pendant la première heure, puis toutes les heures pendant une durée de 8 heures et en cas de survenue de symptômes. En pratique clinique, le test est considéré comme positif lorsque la chute du VEMS est supérieure ou égale à 20 %. Différents types de réactions peuvent être observés : réactions immédiates, retardées, doubles, ou atypiques (par exemple réaction immédiate prolongée).

Les tests de provocation bronchique spécifiques ont cependant certaines limites ; ils peuvent être faussement négatifs : mauvaise identification de l’agent responsable, exposition à des concentrations trop basses et/ou pendant un temps trop court, tests effectués après une éviction prolongée avec perte de la sensibilisation à l’agent responsable. Ainsi, il est parfois nécessaire de proposer un retour dans le milieu professionnel avec mesure du DEP

et de l’HRBns. Ceci met en exergue la difficulté d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic étiologique d’un asthme professionnel avec un seul test.

Les tests peuvent être faussement positifs : bronchospasme induit par les manœuvres d’expiration forcée, pouvant éventuellement être éliminé si d’autres méthodes sont utilisées telle que la mesure des résistances des voies aériennes, obstruction bronchique liée à l’arrêt des traitements, ce qui justifie l’utilisation de tests placebos avant de réaliser le test de provocation bronchique spécifique.

Dans la grande majorité des cas, si les conditions de sécurité sont respectées, et si l’exposition est réalisée de manière progressive avec surveillance étroite des patients, les réactions induites ne sont pas responsables de crises d’asthmes aiguës graves.